La VOD française survivra-t-elle à Netflix et Amazon ?

En fait. Le 11 décembre, Le Film Français (édité par Mondadori) a organisé son premier colloque sur « les nouveaux enjeux du cinéma français », en partenariat avec le cabinet de consultants Accuracy. La vidéo à la demande (VOD) à l’acte
ou à l’abonnement était au coeur des débats, parfois polémiques.

L’Europe prévoit une recommandation en janvier 2013 pour “assouplir” la chronologie des médias

La Commission européenne émettra début 2013 une recommandation pour inciter les Etats membres à « plus de flexibilité dans la chronologie des médias » et encourager des expérimentations de sorties (quasi) simultanées de films en
salles et en VOD/DVD – sans que ce day and date soit obligatoire.

La pression monte dans le monde du cinéma en Europe. C’est en effet en janvier 2013 que les commissaires Androulla Vassiliou (Education et Culture) et Neelie Kroes (Agenda numérique) prévoient, selon nos informations, de présenter au Conseil de l’Union européenne une recommandation sur « le film européen à l’ère du numérique ». « Nous allons encourager les Etats membres à expérimenter des modèles plus flexibles de chronologie des médias », nous expliquent les cabinets des deux commissaires.

Expérimenter la (quasi) simultanéité
Cette recommandation à l’assouplissement et à l’harmonisation générale de la chronologie des médias en Europe va inciter fortement les Vingt-sept à mener des expérimentations de sortie des films simultanément ou quasi-simultanément en salles et en vidéo à la demande – « sans que cela soit imposé pour autant », nous précise-t-on. Objectif de la Commission européenne : faciliter l’accès aux digital films et la concurrence entre supports.
L’exécutif européen prépare ainsi les esprits à une « sortie unique le même jour » des films dans les cinémas, sur les plateformes de VOD, voire les chaînes de télévision. C’est en ces termes que la commissaire Androulla Vassiliou a déclaré le 23 octobre sa volonté d’« évaluer la diffusion simultanée » des films. « Quelques producteurs de films indépendants croient qu’il génèreront des revenus plus élevés s’ils rendent disponibles leurs films à travers tous les circuits de distribution possibles en même temps », a-t-elle souligné.
Pour commencer, 2 premiers millions d’euros – sur les 6 millions prévus pour trois ans afin de favoriser la « circulation des films européens à l’ère digitale » (1) – concernera environ 20 films de cinéma d’art et d’essai dans neuf pays européens dont la France (2). Trois projets de sorties simultanées ont été retenus : Speed Bunch (500.000 euros d’aide) du distributeur-coproducteur français Wild Bunch, Tide (800.000 euros) de l’ARP, société civile française des auteurs réalisateurs et producteurs ; et Edad (695.000 euros) du distributeur britannique Artificial Eye avec notamment le producteur français Rezo Films.
Ces trois initiatives, sélectionnées à la suite d’un appel à projets lancé en mars dernier dans le cadre du programme MEDIA (3), portent sur des films qui seront diffusés (quasi) simultanément à travers les différentes « fenêtres de diffusion » disponibles, de la salle de cinéma aux plates-formes de VOD. Contacté, le coproducteur Wild Bunch nous indique ses premiers films dès 2013 par exemple.
Androulla Vassiliou ne veut pas que l’Europe soit en retard : « L’industrie du film aux Etats-Unis est en train de s’adapter progressivement à de nouveaux modèles de distribution. Il est essentiel que l’Europe teste aussi toutes les possibilités (…) ». Après une table ronde sur le sujet au Mipcom (4), Androulla Vassiliou et Neelie Kroes ont déclaré ensemble le 9 octobre que « les participants au débat soutiennent les expériences qui ont eu lieu dans certains pays et consisté à sortir un film simultanément, ou quasi simultanément, au cinéma et en VOD ».
De quoi susciter la méfiance des inconditionnels de la sacro-sainte chronologie des médias et de ses fenêtres exclusives de diffusion des films (salles en tête), sans laquelle le cinéma pourrait, selon eux, difficilement se (pré-)financer. En France, la VOD à l’acte doit attendre quatre mois, à l’instar des DVD, avant de pouvoir proposer des nouveaux films. Et la VOD par abonnement trente-six mois ! La réunion interprofessionnelle de l’été dernier sur la chronologie des médias, qui s’est tenue au CNC (5), n’a pas fait évoluer les choses depuis l’accord de juillet 2009. Et ce, en raison de l’opposition du Bloc (Bureau de liaison des organisations du cinéma) qui réunit une quinzaine d’organisations du cinéma, majoritairement des producteurs : APC, SPI, SRF, …

Le CNC s’en remet à la mission Lescure
Ironie du sort : l’Association des producteurs de cinéma (APC) compte parmi ses membres Wild Bunch (projet Speed Bunch) et Rezo Films (projet Edad) partisans du simultané ou du quasi-simultané… « Nous sommes pour des expérimentations sur la chronologie des médias. Mais cela suppose de renégocier l’accord de juillet 2009 dans ce sens », nous assure Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. Pour l’heure,
le CNC a renvoyé toute discussion à la mission Lescure (6), dont les propositions sont attendues en mars 2013. Au grand damne de l’ARP, de la SACD (7) et du SEVN (8).
Le fait qu’un film, Les paradis Artificiels, ait été déprogrammé le 31 octobre par douze salles de cinéma – en réaction à sa diffusion en avant première sur Dailymotion – en dit long sur la caractère sensible de cette nécessaire réforme. @

Charles de Laubier

Exaspération culturelle

Cette semaine, les médias bruissent de rumeurs concernant la restitution publique des conclusions d’un rapport consacré aux nouvelles orientations de la politique culturelle du pays. Le gouvernement en a fait la commande avec l’espoir, plus ou moins avoué et peut-être illusoire, d’enfin réconcilier promotion de la création nationale et mutation technologique. Cet énième rapport sera-t-il à son tour refermé à peine ouvert après avoir suscité d’âpres débats et fait monter au créneau les représentants des différentes parties prenantes ? Rejoindrat- il ces prédécesseurs, comme le célèbre rapport Lescure de 2013 qui devait déboucher sur une série d’ajustements limités de nombreux dispositifs en place ? Des réformes ambitieuses étaient pourtant attendues, les moins bien intentionnés parlèrent de « rustines » pour le dispositif Hadopi. Un rapport qui signa, quoi qu’il en soit, le passage à un « acte 2 de l’exception culturelle » à la française.

« Les Européens sont ainsi en train d’enrayer
la malédiction selon laquelle les cultures nationales fécondes et originales ne s’exporteraient pas. »

Le premier acte a bien une date de naissance : 1993, lorsque le gouvernement français obtint que le secteur de l’audiovisuel soit exclu des accords du GATT – ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – entre les Nord-américains et les Européens. Un bras de fer remporté à la suite de cette première avancée que fut la directive européenne « Télévision sans Frontières », laquelle, en 1989, imposa aux télévisions des pays membres de l’Union européenne des règles de diffusion et de production d’œuvres européennes du cinéma et de l’audiovisuel. Si en réalité, cette exception est le résultat d’une volonté bien française de tenter de préserver un modèle séculaire, où l’Etat orientait et régissait la vie de la culture, elle s’est construite de
l’après-Seconde guerre mondiale aux années 1980. De nombreux dispositifs ont été progressivement mis en place afin de préserver les filières du livre, de la presse, du théâtre, de la musique, du cinéma ou encore de la télévision. Bref, des « industries culturelles ».
Mais cette ligne originale, qui visait à soutenir des professions au service de la création, tentait également de prolonger une époque où l’exception culturelle française était un fait, grâce aux voix universelles des grands siècles de la littérature, de la peinture, de la musique jusqu’aux petits derniers de la nouvelle vague au cinéma. Cette politique fut sans doute tenable avant qu’Internet n’entre en jeu. Les bouleversements entraînés par la numérisation et la mise en réseau des contenus ont peu à peu révélé les faiblesses et finalement les décalages de politiques qui ancraient des métiers dans le passé en les empêchant de les projeter vers l’avenir.
De nouvelles pistes sont aujourd’hui encouragées, structurées au sein de ce que le gouvernement revendique comme une « stratégie culturelle ». La ligne générale est moins, désormais, de créer des systèmes complexes de financement que de créer des écosystèmes favorisant l’effervescence des jeunes talents, mobilisant le financement des œuvres par le mécénat privé, s’appuyant sur les nouveaux business models naissant, voire en œuvrant à la création de grands groupes médias. Ces « champion européens » sont-ils compatibles avec l’« exception culturelle nationale » ?
Au sein de ce qu’il convient d’appeler la bataille des contenus, les Européens sont ainsi en train d’enrayer la malédiction selon laquelle les cultures nationales fécondes et originales ne s’exporteraient pas. A l’heure où les séries télévisées et/ou « webisées » se sont érigées en art majeur, où les dramas coréens, les telenovelas brésiliennes, les mousalsalets des pays arabes ou les scripted realities occidentaux s’ouvrent des audiences continentales au côté du flux américain, l’Europe arrive enfin à créer des séries attendues avec impatience aux quatre coins du monde. Finalement, l’« acte
3 de l’exception culturelle » à la française n’aura sans doute jamais lieu. Les systèmes d’aides complexes jouent, à l’heure d’Internet, la carte de la « désintermédiation ».
Et la création, effervescente, multiforme, de nouveau stimulante et subversive, se donne comme terrain de jeu l’Europe a minima. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : L’auto-édition
* Directeur général adjoint de l’IDATE.

Les opérateurs télécoms financent-ils trop la culture ?

En fait. Le 31 octobre, la FTTélécoms a présenté sa deuxième étude annuelle réalisée par Arthur D. Little. Ses président et vice-président, Pierre Louette (Orange) et Geoffroy Roux de Bézieux (Virgin Mobile), ont à nouveau fustigé
la « sur-fiscalité » des opérateurs, dont celles en faveur du cinéma et la VOD.