Frédérique Bredin prend la présidence d’un CNC sur la défensive face à la Commission européenne

C’est le 15 juillet que l’actuel président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), Eric Garandeau, transmettra le relais à Frédérique Bredin. Elle prendra la tête de cet établissement public plus que jamais dans le collimateur
de la Commission européenne.

« Il a fallu (…) remettre cent fois sur le métier l’ouvrage des taxes, refaire la pédagogie
de l’écosystème français, le renégocier avec la Commission européenne. Malgré les attaques de Bruxelles, les ponctions budgétaires et les audits à répétition, rien n’a pu
et rien ne pourra jamais entamer la force ni la richesse réelle du CNC (…) », déclarait Eric Garandeau le 26 juin dernier, jour de la nomination en conseil des ministres de Frédérique Bredin (1).

Aides d’Etat au ciné contre mise en ligne ?
Dans le bilan annuel du CNC publié le 21 mai, le président sortant s’est également montré très remonté contre « certains commissaires européens [qui] seraient prêts
à liquider notre héritage culturel et renoncer à des industries créatrices de sens et d’identité (…) ». Et de les mettre en garde, à propos des négociations qui vont débuter cet été entre l’Union européenne et les Etats-Unis sur un accord de libre-échange :
« Aucun engagement de libéralisation ne saurait être toléré, ni cinématographique,
ni audiovisuel, ni numérique ». Bref, la Commission constituerait aux yeux de cet établissement public – placé sous l’autorité du ministre de la Culture et de la Communication – son pire ennemi et, partant, celui de « l’exception culturelle
française ».
En prenant ses fonctions mi-juillet, Frédérique Bredin devrait recevoir comme cadeau
de bienvenue la communication finale que la Commission européenne prévoit d’adopter
– a priori cet été (2) – sur les aides d’Etat en faveur du cinéma. L’objectif de cette communication adressée aux Vingt-sept est de les inciter à favoriser la production et
la circulation transfrontalières des films, de leur réalisation à leur distribution, y compris jusque sur les plates-formes sur Internet. Pour cela, les critères d’aides d’Etat au cinéma sont modifiés par rapport à ceux de 2001. Car la Commission européenne part du constat suivant : « Peu de films européens sont distribués en dehors du territoire sur lequel ils ont été produits ». En creux, les aides d’Etat au cinéma ne favorisent pas une meilleure circulation des films à travers l’Europe. Un comble à l’heure de la multiplication des services de vidéo à la demande (VOD), dont certaines sont paneuropéennes ou presque (iTunes, Amazon, YouTube, Dailymotion, Videofutur, …).
Le plafond autorisé pour les obligations de territorialisation des dépenses, que les Etat membres ont le droit de fixer en échange de l’octroi de l’aide d’Etat pour le financement de films, est donc modifié pour y remédier. La Commission européenne prévoit en effet un plafond plus élevé pour les aides aux productions transfrontalières. Ainsi, elle propose dans son projet de communication que « l’intensité de l’aide doit, en principe, être limitée à 50 % du budget de la production ». Alors que la précédente communication de 2001 a permis aux Etats membres d’imposer que jusqu’à 80 % du budget total d’un film soit dépensé sur leur territoire. En revanche, « l’intensité de l’aide en faveur des productions transfrontalières financées par plus d’un État membre et faisant intervenir des producteurs de plus d’un État membre peut atteindre 60 % du budget de la production ».
Et surtout, ces aides d’Etat autorisées ne devront plus s’appliquer uniquement à la production d’un film mais aller aussi soutenir d’autres activités associées : l’écriture
de scénarios, le développement, la distribution et la promotion d’« œuvres audiovisuelles ». Les films ne seront plus les seuls bénéficiaires de ces subventions,
la Commission y incluant aussi les narrations trans-médias ou cross-médias et les jeux vidéo.
Dans un version antérieure du projet de communication sur les aides d’Etat au cinéma, elle était plus explicite : « Les Etats membres pourraient, par exemple, comme condition de l’aide, encourager les titulaires de droits à céder à des tiers les droits en ligne pour les modes d’exploitation (y compris les territoires) qu’ils sont eux-mêmes incapables d’assurer » (3). Ce que pourrait préciser ultérieurement la Commission à l’issue de la consultation publique – jusqu’à fin août – sur son livre vert sur « un monde audiovisuel totalement convergeant » (4).

Fusionner TST-D et taxe « Lescure » ?
Autre pierre d’achoppement avec l’exécutif européen : la fameuse taxe sur les services
de télévision payée par les distributeurs – la fameuse TST-D – dont l’« assiette élargie »
à l’ensemble des abonnements à Internet et à la téléphonie mobile par la loi de Finance 2012, n’a toujours pas été validée par la Commission européenne (5). Cette dernière attendait la décision de la CJUE (6) sur la « taxe télécoms » prélevée sur les opérateurs pour financer l’audiovisuel public. Maintenant que cette dernière a été validée le 27 juin,
le gouvernement pourrait être tenté de fusionner la TST-D avec la taxe « Lescure » sur les terminaux connectés. @

Charles de Laubier

L’Hadopi n’a pas dissuadé le piratage de films en ligne

En fait. Le 26 juin, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a publié un baromètre des usages d’après un sondage déclaratif d’Opinion Way (4.740 internautes interrogés). L’étude révèle
que la réponse graduée n’a pas dissuadé le piratage de films.

Pourquoi Rupert Murdoch a cassé en deux son groupe News Corp, sur fond d’échecs numériques

Depuis le 1er juillet, est cotée en Bourse chacune des deux nouvelles sociétés issues de la scission intervenue le 28 juin de l’empire News Corp de Rupert Murdoch : d’un côté les activités de presse et d’édition (nouveau News Corp),
de l’autre celles de télévision et de cinéma (21st Century Fox).

Par Charles de Laubier

RMLe magnat américano-australien des médias Rupert Murdoch (photo), 82 ans, divise pour… mieux régner encore un peu. Alors que son conglomérat News Corp, constitué au cours
des 60 dernières années, vient de terminer pour la dernière
fois une année fiscale « intégrée » au 30 juin 2013, le divorce
est désormais consommé entre les deux branches.
Fini le géant des médias aux actifs valorisés 68 milliards de dollars et au méga chiffre d’affaires annuel de 35 milliards de dollars. Désormais, il faudra compter avec deux entités présidées par le patriarche milliardaire : le nouveau News Corp réunissant les activités presse et édition (Dow Jones/The Wall Street Journal, The New York Post, The Times, The Sunday Times, The Sun, The Australian, The Daily Telegraph, HarperCollins Publishers, Amplify, …), et 21st Century Fox regroupant les activités télévision et cinéma (Fox, FX cable networks. Fox broadcasting, 20th Century Fox, BSkyB, Sky Italia, Sky Deutschland, …).

Deux nouveaux exercices commencés depuis le 1er juillet
Signe que Rupert Murdoch est contraint de tourner plus vite la page de la presse qui l’a le plus passionné : il devient président et directeur général de 21st Century Fox, mais il est seulement président du nouveau News Corp, Robert Thomson en étant le directeur général.
Le magnat de la presse a dû céder et opérer ce méga spin off sous la pression des investisseurs.  Pour chacune des deux nouvelles sociétés cotées séparément, le nouvel exercice fiscal a débuté le 1er juillet. La nouvelle société de presse et d’édition pourrait voir son chiffre d’affaires reculer de 4 % à 7,7 milliards de dollars.
Tandis que la nouvelle société de télévision et de cinéma verrait le sien gagner près de
10 % à 30,2 milliards (1). Le cours de Bourse de chacune des deux entités – symbolisées respectivement par NWSA et FOXA – pourrait être volatil durant juillet (2), le temps que les investisseurs et les actionnaires arbitrent sur les deux titres : vont-ils se débarrasser du nouveau News Corp pour ne garder que 21st Century Fox ? Garderont-ils les deux ? Abandonneront-ils tout ce qui se réfère à Murdoch ? Avant la séparation, les sociétés 21st Century Fox et nouveau News Corp étaient valorisées respectivement à environ 65 milliards et 9 milliards de dollars.

Télé-ciné plus rentable que presse-édition
Le nouveau News Corp, qui gagnerait à être rebaptisé, va tenter de redorer une image quelque peu écornée. La chute des recettes publicitaires « papier » au profit du digital, les difficultés à s’adapter au numérique, les pertes enregistrées par cette activité déclinante (3) et le scandale en 2011 des écoutes illégales au News of the World (fermé il y a deux ans) ont eu raison du « papivore » et devraient se solder par une réduction drastique des coûts. Si aujourd’hui encore ce groupe de presse – qui détient en outre depuis octobre 2012 la moitié du capital de l’opérateur de télévision payante australien Foxtel, l’opérateur télécoms Telstra détenant l’autre moitié) – est crédité de la première capitalisation boursière aux Etats-Unis (4), qu’en sera-t-il vraiment demain ?
Le groupe a déjà annoncé que l’activité presse-édition sera dépréciée de 1,4 milliard
de dollars en raison d’un flux de trésorerie en baisse dans ses journaux américains
et australiens. Mais une partie des 2,6 milliards de dollars de trésorerie mis à la disposition du nouveau News Corp – dépourvu de dette – laissent présager des acquisitions : le Los Angeles Times du groupe américain Tribune serait une cible tout comme le développement dans la presse sur Internet, l’éducation numérique ou encore l’immobilier en ligne. En Europe, News Corp pourrait entrer dans le capital du groupe de presse italien RCS Mediagroup (Corriera della Sera) à côté de Fiat, dont le président, John Elkann, est depuis mai membre du conseil d’administration de News Corp.
Quant à la nouvelle société 21st Century Fox, elle hérite des actifs audiovisuels plus rentables. La télévision à péage Sky Deutschland contrôlé à 54,5 % depuis le début
de l’année, l’est désormais par 21st Century Fox et consolidé dans les comptes. Selon
le journal allemand Manager Magazin du 21 juin, le fils, James Murdoch, deviendrait président du conseil de surveillance de Sky Deutschland d’ici la fin de l’année. A noter, par ailleurs, que Delphine Arnault, fille aînée du PDG de LVMH, entre au conseil d’administration de 21st Century Fox.
La saga médiatique de Rupert Murdoch n’a pas été non plus couronnée de succès sur
le front numérique : il n’a pas eu de chance avec Internet qu’il a eu du mal à adopter. Il a fallu que son plus jeune fils, James Murdoch, entré dans le groupe en 1997, insiste pour l’intéresser enfin au Web… juste avant l’éclatement de la bulle Internet. Mais plus de dix ans après, l’octogénaire a essuyé les plâtres : MySpace, le réseau social qu’il a acquis près de 600 millions de dollars en 2005 (c’était alors très cher pour deux ans d’existence), a été laminé par Facebook. Face à la baisse de la publicité sur le pionnier des réseaux sociaux, dont la fréquentation a diminué faute d’avoir su convaincre les fans de musique, il a fallu déprécier, supprimer la moitié des effectifs et restructurer. Même la femme du PDG, Wendi Murdoch, fut appelée à la rescousse en mai 2010
pour développer MySpace en Chine. Cela n’a pas suffit. Malgré ses 100 millions d’utilisateurs à l’époque, MySpace a finalement été vendu en juin 2011 pour environ… 30 millions de dollars, soit vingt fois moins que le prix d’achat ! Rupert Murdoch reconnaîtra plus tard que MySpace avait été « très mal géré ».
Entre temps en février 2011, il s’engage dans une autre aventure numérique avec le lancement de « The Daily », un quotidien payant créé dans un premier temps pour l’iPad. Investissement de départ : 30 millions de dollars et une centaine de personnes recrutées. Mais, devenu un militant de la presse on line payante après avoir racheté en 2007 le Wall Street Journal, Murdoch mise ainsi sur le payant en ligne. Mais le monde fermé d’Apple ne lui portera pas chance (5). Il y a sept mois, le 15 décembre dernier, News Corp, arrête la publication de The Daily qui n’a pas dépassé les 100.000 abonnés. Résultat, le directeur en charge des activités numériques, Jonathan Miller, est remplacé par Paul Cheesbrough. Il faut dire que la publication des résultats annuels de l’ancien groupe News Corp, arrêtés au 30 juin 2012 et publiés durant l’été, font l’effet d’une douche froide : chute de 57 % du bénéfice net à 1,18 milliard de dollars pour un chiffre d’affaires de 33,71 milliards en presque stagnation (+ 1 %).
A ces déboires numériques, s’ajoutent les démêlés de la filiale édition du groupe, HarperCollins, la Commission européenne la soupçonnant d’entente illicite avec Apple et d’autres éditeurs (dont Hachette Livre/Lagardère) sur le prix des e-books. Cette affaire a été soldée à l’amiable par les cinq éditeurs incriminés, qui ont dû verser 170 millions de dollars d’amendes et de dédommagements, alors que la procédure judiciaire contre Apple se poursuit.

De l’échec MySpace à la vente de Hulu
Par ailleurs, News Corp cherche à se désengager de Hulu, la plate-forme pionnière du streaming VOD cocréée en 2007 avec Walt Disney, NBC Universal et General Electric. Malgré ses 4 millions d’utilisateurs et un chiffre d’affaires de 700 millions de dollars réalisé en 2012, Hulu s’est fait largement distancé par son redoutable concurrent Netflix (lequel pèse 3,6 milliards de dollars de revenus en 2012 et 36 millions d’abonnés). Les actionnaires de Hulu cherchent à vendre (6) – soit à l’un d’entre eux, soit à un tiers (7). Yahoo est sur les rangs, après avoir échoué à s’emparer de Dailymotion, tout comme… l’ancien président de News Corp, Peter Chernin (8), à l’origine de la création de Hulu.
A suivre. @

Charles de Laubier

TVR,VOD,TVC : recommandation contre programmation

En fait. Le 14 juin, la commission TV connectée du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) s’est réunie sous la présidence d’Eric Scherer, directeur de la prospective, de la stratégie et des relations internationales de France Télévisions. Vers la fin de la programmation ?