Kazuo Hirai va quitter Sony, dont il est président, au moment où la pression des GAFAN se fait plus intense

Et si Sony vendait son studio de cinéma à Apple ? C’est l’un des scénarios possibles, maintenant que la plateforme de SVOD Apple TV+ est annoncée pour l’automne. Encore faut-il que Kenichiro Yoshida, nouveau PDG depuis un an du géant japonais de l’électronique, soit vendeur… Pour l’heure, tous ses efforts se concentrent sur la future PS5.

Le président de Sony, le visionnaire Kazuo Hirai (photo), a passé il y a un an la direction exécutive du groupe à son directeur financier, Kenichiro Yoshida. « Kaz », comme on le surnomme, quittera définitivement en juin prochain la firme de Tokyo où il a passé 35 ans de sa vie. Ce départ, qui finalise la passation de pouvoirs à la tête du géant mondial japonais de l’électronique grand public, intervient au moment où son avenir devient un peu plus incertain malgré le redressement opéré ces dernières années. Kazuo Hirai laisse derrière lui un groupe en meilleur santé qu’il ne l’avait trouvé comme PDG. Les résultats de l’exercice 2018/2019, clos fin mars, ont été publiés le 26 avril dernier : le chiffre d’affaires global atteint 8.665,7 milliards de yens (69,3 milliards d’euros), en hausse sur un an de 1,4 %, et le résultat net en forte hausse affiche un nouveau record, à 916,2 milliards de yens (7,3 milliards d’euros). Kaz avait pris la tête de Sony il y a sept ans en succédant, le 1er avril 2012, à l’Américain Howard Stringer. Fort de son succès passé à la division Sony Computer Entertainment avec la console PlayStation et son écosystème de jeux en ligne, devenue la locomotive du groupe, le Japonais avait entrepris de généraliser aux autres activités la convergence entre terminaux et contenus via des services en ligne.

Audiovisuel : courroux après l’avis des « sages »

En fait. Le 4 mars, Pascal Rogard (SACD) a critiqué l’avis que l’Autorité
de la concurrence a rendu le 21 février sur « une nouvelle régulation de
la communication audiovisuelle à l’ère numérique ». Selon lui, et d’autres organisations, les sages ont fait l’impasse sur la « politique de soutien à
la création ».

En clair. L’Autorité de la concurrence a jeté un pavé dans la marre de l’audiovisuel
et du cinéma en préconisant de « desserrer les contraintes (1) pesant sur les [chaînes de télévision] pour leur permettre de rivaliser, à armes égales, avec les plateformes de vidéo en ligne (Amazon, Netflix) » (2). Les réactions d’organisations d’auteurs et de producteurs ne se sont pas faites attendre. « Si le dialogue avec les chaînes, les FAI (3), les plateformes numériques et quelques[-unes] des plus importantes maisons de production (…) semble avoir été très fourni et approfondi, les représentants des auteurs et aussi des producteurs indépendants n’ont, eux, pas eu la chance de pouvoir être auditionnés », déplore Pascal Rogard, directeur de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Selon lui, cela aboutit à « d’un côté, un nivellement par le bas qui tend à ratiociner la régulation, de l’autre, une volonté de faire du numérique un espace de régulation et de concurrence loyale entre les acteurs du numériques et les groupes audiovisuels ». Et ce, au détriment d’une « politique de soutien à la création et à la diversité culturelle ». Le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) a de son côté exprimé le 27 février « son profond désaccord avec l’avis » qui, selon lui, « recommande d’affaiblir la création française et européenne ».
Et de regretter : « A l’heure où la France et ses partenaires européens agissent pour faire contribuer les opérateurs internationaux [Netflix, Amazon Video et autres GAFAN, ndlr] au financement de la création française et européenne (4), cet avis propose de résorber les différences par un “moins-disant” culturel ». Membre du Bloc, l’Union
des producteurs de cinéma (UPC) s’est aussi « alarm[é]» de cet avis le 22 février :
« L’injonction à la dérégulation formulée par l’Autorité de la concurrence est dévastatrice » et « [s]es préconisations signent un abandon total du tissu d’entreprises et de créateurs », dénonce son délégué général, Frédéric Goldsmith. Le Syndicat
des producteurs indépendants (SPI), membre aussi du Bloc, fait part de sa
« consternation » et parle même d’« attaque sans précédent contre la diversité culturelle », voire de « réquisitoire à charge ». Quant à l’ARP (Auteurs-Réalisateurs-Producteurs), elle a exprimé le 25 février sa « stupéfaction » et estime que « l’Autorité de la concurrence se trompe gravement ». @

L’empire familial Bolloré-Vivendi est de plus en plus intégré, en attendant l’assaut final sur le capital de Vivendi

Un an après que son deuxième fils, Yannick, soit devenu président du conseil d’administration de Vivendi, Vincent Bolloré va céder le 15 avril son siège d’administrateur à son fils cadet, Cyrille. Devenu filiale « médias » du conglomérat Bolloré, le groupe Vivendi s’apprête à passer sous contrôle capitalistique du magnat breton.

Rien qu’en 2018, le groupe Bolloré est encore monté au capital
de Vivendi en achetant un total de 2,5 milliards d’euros d’actions. Au 31 décembre dernier, le conglomérat de Vincent Bolloré (photo) détenait 26 % du capital de la maison mère de Canal+, d’Universal Music, d’Havas, de Gameloft ou encore de Dailymotion, et environ 29 % des droits de vote – notamment
via les holdings personnelles de l’industriel milliardaire breton,
la Financière de Larmor et la Compagnie de Cornouaille. Le seuil des 30 % du capital ou des droits de vote devrait être franchi en 2019. C’est ce sur quoi tablent les analystes financiers comme ceux d’Oddo BHF (1). Or, conformément aux règles boursières, dès que le groupe Bolloré franchira ces 30 % dans Vivendi, il sera tenu de lancer une OPA sur le reste du capital du groupe de médias et de divertissement. Pour financer cette offre publique d’achat obligatoire, le conglomérat Bolloré devra à la fois mettre la main au portefeuille, vendre des participations (celle
de Mediobanca est évoquée) et exercer d’ici le 25 juin 2019 des options d’achat lui donnant droit à autant d’actions Vivendi. Pendant que Bolloré se prépare à l’assaut final sur le groupe Vivendi, celui-ci s’apprête à ouvrir le capital de sa pépite Universal Music Group dont une partie – « pouvant aller jusqu’à 50 % » – sera cédée « à un ou plusieurs partenaires stratégiques ». Indépendamment de son obligation de lancer une OPA sur Vivendi dès le seuil des 30 % atteint, le groupe Bolloré intègre déjà depuis près de
deux ans – depuis le 26 avril 2017 – les comptes de Vivendi dans les siens. Ainsi,
le 14 février dernier, le conglomérat de Vincent Bolloré a publié un chiffre d’affaires de 23 milliards d’euros sur l’année 2018, faisant un bond de 33 % grâce à l’ »intégration globale » de Vivendi qui lui apporte ses 13,9 milliards de revenus. Le groupe de médias, de musique et de publicité pèse ainsi plus de 60 % du groupe Bolloré, jusqu’alors principalement ancré dans ses activités historiques de transport (aériens, maritimes, fret, …), de logistique pétrolière, de stockage d’électricité, ou encore de films plastiques, de terminaux spécialisés et d’actifs agricoles.

Cinéma et VOD : la nouvelle chronologie des médias fait l’impasse sur le day-and-date et le e-cinéma

Déjà, en juillet 2009, la chronologie des médias faisait comme si Internet et le piratage en ligne n’existaient pas. Il en va encore aujourd’hui, dix ans après, depuis le nouvel accord très conservateur signé en décembre 2018 au détriment de la VOD et de la SVOD. Pire : le cinéma français ignore la simultanéité salles-VOD (day-and-date) mais aussi sur la sortie directement en VOD (e-cinéma).

La nouvelle chronologie des médias du cinéma français fait l’impasse sur deux modes de diffusion encore tabous en France, malgré leur intérêt potentiel pour les producteurs de films qui le souhaiteraient. Pour le day-and-date (ou D&D), à savoir la sortie simultanée des nouveaux films en salles et en VOD, il n’en est plus question en France depuis les tentatives du producteur et distributeur Wild Bunch avec l’ARP en 2014 à travers les projets Tide et Spide, avec l’aide du programme Media (Creative Europe) de la Commission européenne. Car la puissante Fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui réunit la plupart des exploitants de salles obscures sous la présidence inflexible de Richard Patry (photo), fait partie de ceux qui bloquent toute idée de simultanéité salles-VOD en France.
Or pour qu’il y ait des expérimentations D&D, cela supposerait un accord interprofessionnel plus qu’improbable – déjà que la filière du 7e Art français a déjà eu du mal à accoucher d’une nouvelle chronologie des médias. Pour autant, la Commission européenne continue de soutenir les initiatives de D&D malgré « des difficultés juridiques et des résistances » – comme l’avait confirmé à Edition Multimédi@ le cabinet de la commissaire européenne à l’Economie et à la Société numériques, Mariya Gabriel.

Cinéma et VOD : la nouvelle chronologie des médias ne fait pas l’unanimité et s’avère déjà obsolète

La nouvelle chronologie des médias, entrée en vigueur le 21 décembre 2018,
n’a pas été signée par le Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVAD)
ni par le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN). De plus, elle ignore les nouveaux usages numériques de la génération « Millennials ».

L’accord sur la chronologie des médias, entré en vigueur le 21 décembre 2018, n’a pas été signé
par les deux principaux syndicats de la VOD et de l’édition de DVD/ Blu-ray. Présidés respectivement par Marc Tessier (photo de gauche), administrateur de Videofutur, et par Dominique Masseran (photo de droite), directeur général de Fox Pathé Europa, le Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVAD) et le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) n’ont pas voulu cautionner une chronologie des médias déjà obsolète et favorisant le piratage.