Les Sofica, qui ont 35 ans en 2020, ne financent pas les productions des plateformes de SVOD

C’est en juillet que les fonds privés Sofica – sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel – fêteront leurs 35 ans. Mais ces instruments d’investissement privés dans la production de films et séries français ne profitent pas de Netflix ni d’Amazon Prime Video.

Pour 2020, elles sont une douzaine à être agréées par le ministre du Budget pour un total de 63 millions d’euros d’investissement (1). Les Sofica se nomment : Cineaxe 2, Cinecap 4, Cinemage 15, Cineventure 6, Cofimage 32, Cofinova 17, Indefilms 9, La Banque postal 14, Nanon 11, Palatine Etoile 18, SG Image 2019, et Sofitvcine 8. Ces produits de placement financier orientent depuis près de 35 ans l’épargne privée vers l’investissement dans la production cinématographique et audiovisuelle.

Replay : France TV veut 7 jours, Arte… 90 jours !

En fait. Le 7 novembre, lors des 29es Rencontres cinématographiques de Dijon, le nombre de jours de diffusion des films en télévision de rattrapage a fait débat, voire polémique. Les organisations de producteurs (L’ARP, SPI, UPC, …) sont prêtes à accorder 7 jours à France TV, mais coincent sur les 90 jours d’Arte.

En clair. Après huit ans de tergiversations avec les organisations du cinéma français, France Télévisions va enfin obtenir le droit de proposer en replay durant 7 jours les films de cinéma que ses chaînes diffusent et cofinancent. Edition Multimédi@ a demandé à la présidente du groupe de télévision public, Delphine Ernotte Cunci, présente aux Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD), pourquoi les négociations avaient pris autant de temps. « Cela fait huit ans que l’on négocie pour les 7 jours gratuits des films de cinéma, délai déjà en vigueur pour les productions audiovisuelles. Mais c’est Canal+ qui bloque en menaçant de dénoncer son accord avec les organisations du cinéma français si elles signaient pour 7 jours avec nous. C’est du chantage », nous a-t-elle répondu. Canal+, encore premier pourvoyeur de fonds du cinéma français, estime que plus le replay gratuit des films est long plus il détourne les téléspectateurs de sa télévision payante. Selon nos informations, un accord de principe a été trouvé à la fin de l’été pour les droits sur 7 jours gratuits pour les seuls films cofinancés par France Télévisions – mais ni TF1 ni M6 ne sont concernés. Il ne reste plus qu’à signer. L’ARP (1), organisatrice des RCD, le SPI (2) ou encore l’UPC (3) sont disposés à signer. A défaut d’avoir pu le faire à Dijon, c’est maintenant imminent. « Beaucoup de ces films ne sont pas au prime time mais nous avons envie qu’ils soient vus et qu’ils aient la possibilité d’être vus en replay », a justifié Marie Masmonteil, vice-présidente longs-métrages du SPI.
Delphine Ernotte Cunci, elle, s’est demandé si France.tv n’aurait pas dû – sans attendre – expérimenter les 7 jours sur puisque Arte.tv a de son côté pris la liberté de le faire sur 90 jours et sans accord professionnel. « Nous sommes actuellement à 0 jour de replay sur le service public qui touche pourtant les trois quarts de la population française. Le cinéma pour tous est quand même notre sujet », a fait remarquer la présidente de France Télévisions. Régine Hatchondo, directrice générale d’Arte France (4), a tenté de s’expliquer : « Sur les 90 jours de replay sur Arte.tv, il s’agit d’une option qui est mise en oeuvre qu’avec l’accord du producteur. Nous avons négocié sur 10 films pour lesquels nous avons effectivement demandé à avoir les droits sur 90 jours pour expérimenter. Car les usages évoluent très rapidement ». @

Netflix déclare sa flamme au cinéma français, tout en espérant beaucoup de la future loi sur l’audiovisuel

« On aime profondément le cinéma ; on veut travailler avec vous ! », a lancé Marie-Laure Daridan, directrice des relations institutionnelles de Netflix France, lors des 29es Rencontres cinématographiques de Dijon. La première plateforme mondiale de SVOD, aux 6 millions d’abonnés en France, fait « une lecture très positive » de la future loi audiovisuelle.

Il y a cinq ans, tout juste après le lancement de Netflix en France, intervenait Janneke Slöetjes aux 28es Rencontres cinéma-tographiques de Dijon (RCD). Mais la directrice des affaires publiques de Netflix Europe avait à l’époque botté en touche sur les intentions du géant mondial de la SVOD envers le cinéma français. Cette fois, lors des 29es RCD qui se sont déroulées du 6 au 8 novembre, c’est Marie-Laure Daridan (photo), directrice des relations institutionnelles de Netflix France depuis dix mois, qui a fait le déplacement à Dijon à l’invitation de L’ARP, société civile d’auteurs, de réalisateurs et de producteurs (1), organisatrice de cet événement annuel. Pour la première fois, la firme de Reed Hastings – disposant à nouveau de bureau en France depuis un an (2) – s’est déclarée prête à coopérer avec le cinéma français dans la perspective de la future loi sur l’audiovisuel. « Nous faisons une lecture très positive de la loi (audiovisuelle) française, car elle va parfaitement dans le sens de nos objectifs et de la réalité de Netflix en France. La France occupe une place particulière pour Netflix, de par la diversité et la richesse de ses talents, de par sa créativité et son exception culturelle », a assuré Marie-Laure Daridan devant les professionnels du 7e Art français.

Faute d’avoir anticipé la concurrence, l’ancien monopole Canal+ fait entrer Netflix dans sa bergerie

Face à la montée de la concurrence mondiale et puissante des plateformes de streaming, l’ancien monopole de chaîne cryptée Canal+ n’a pas anticipé et a perdu deux ans avant de réagir. Résultat : pour endiguer sa perte d’abonnés en France, la filiale de télévision de Vivendi pactise avec Netflix.

La fin des monopoles a toujours exigé des entreprises qui vivaient de cette rente de situation des remises en causes profondes. Encore faut-il s’y prendre assez tôt et anticiper. Canal+ savait depuis 2011 que Netflix allait tôt ou tard débarquer en France. Et ce qui devait arriver arriva : la plateforme de SVOD tant redoutée est lancée avec tambours et trompettes sur le marché français le 14 septembre 2014, à partir de… 7,99 euros par mois. De quoi tailler des croupières au « monopole » Canal+ et ses 39,90 euros mensuels.

Bienvenue Monsieur Dominique Boutonnat au CNC !

En fait. Le 25 juillet, est paru au Journal Officiel le décret de nomination de Dominique Boutonnat à la présidence du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). L’accueil qui lui a été réservé a été plutôt glacial de la part du 7e Art français qui va pourtant devoir se moderniser sans tarder.

En clair. C’est la fin de « l’exception culturelle française » qui était souvent prétexte à ne rien changer dans le petit monde du cinéma français, trop souvent arc-bouté sur des règles de financement des films devenues obsolètes et de chronologie des médias trop figée. La nomination d’un professionnel – producteur et spécialiste du financement de la création cinématographique et audiovisuelle – et non d’un haut fonctionnaire de l’Etat comme ses prédécesseurs est sans doute une chance pour le CNC et le 7e Art français. Et ce, n’en déplaise aux nombreux cinéastes et techniciens du cinéma qui ont été à l’origine de pas moins de trois tribunes assassines publiées courant juillet (notamment dans Le Monde et dans Le Film Français), dont une lettre ouverte au président de la République. Emmanuel Macron avait finalement arbitré en faveur Dominique Boutonnat au lieu de reconduire une Frédérique Bredin pourtant désireuse de faire un troisième mandat (1). Le nouveau président du CNC est sans doute la bonne personne au bon moment – à une période charnière pour toute la filière. Diversifier les sources de financement des films apparaît indispensable face aux « interrogations sur la capacité d’investissement des diffuseurs [les chaînes de télévision en général et le grand pourvoyeur de fonds Canal+ en particulier, ndlr] au moment même de la montée en puissance fulgurante des plateformes numériques [Netflix, Amazon Prime Video et autres services vidéo en OTT, ndlr], qui annonce un tournant majeur pour la production et la distribution de contenus ». C’est ce que soulignait d’emblée Dominique Boutonnat dans son « rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles » (2), daté de décembre 2018 mais rendu public en mai dernier – juste avant le Festival de Cannes. Un pavé dans la marre. Les plateformes de SVOD bousculent le monde des films de cinéma à grand renfort de séries exclusives, deux types de contenus que le CNC devra concilier. « Cette exclusivité est absolue, c’est-à-dire qu’elle déroge aux principes habituels de la chronologie des médias qui veut qu’un film de cinéma connaisse sa première exploitation en salles », souligne Dominique Boutonnat. La transposition de la directive SMA (3) impliquant les plateformes vidéo dans le financement des oeuvres et la future loi audiovisuelle promettent d’être disruptives. @