René Bonnell : « Canal+ va devoir fractionner son offre »

En fait. Le 26 mars, le producteur René Bonnell (Octave Films) – ancien cofondateur de Canal+ et de Studio Canal – était l’invité du Club audiovisuel de Paris sur le thème : « Quels financements pour le cinéma à l’ère du numérique ? »
– en référence à son rapport remis en janvier et sur lequel travaille le CNC.

René BonnellEn clair. L’homme qui chuchotait en 1983 à l’oreille d’André Rousselet, alors président d’Havas, en vue du lancement de Canal+ l’année suivante, n’est autre que René Bonnell (photo). Cofondateur de Canal+, il le fut également de Studio Canal (1)
à la fin des années 1990 avec… Pierre Lescure.
C’est dire qu’il connaît bien Canal+, aujourd’hui en position dominante dans la télévision payante et premier pourvoyeur
de fonds du cinéma français (2).

Adapter le cinéma à Internet : le CNC se met en quatre

En fait. Le 6 mars, le CNC se met véritablement en quatre pour ouvrir les négociations professionnelles suite aux Assises du cinéma et au rapport Bonnell : trois groupes de travail pilotés (financement des films, transparence/partage, distribution/diffusion) et une négociation sur la chronologie des médias.

Frédérique BredinEn clair. Frédérique Bredin (photo), qui préside le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis un peu plus de huit mois maintenant, entame sans doute la période la plus difficile de son mandat avec des discussions inter-professionnelles, qui devraient aboutir à des accords entre le prochain Festival de Cannes de mai et l’été prochain.
Il s’agit ni plus ni moins que d’adapter rapidement le cinéma
à Internet, à la lumière des 50 propositions du rapport Bonnell sur « le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique » (1) et à l’aune des Deuxièmes Assises du cinéma organisées par le CNC en janvier. Sans oublier de s’inspirer du rapport « Acte II
de l’exception culturelle » de Pierre Lescure, lequel sera président du Festival de Cannes…

Michel Barnier, commissaire européen : « Le droit d’auteur doit s’adapter à Internet »

L’année 2014 sera décisive pour la Commission européenne en matière d’adaptation du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle à l’ère du numérique. Michel Barnier, commissaire en charge du Marché intérieur et des Services, fait le point sur les réformes législatives en cours.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Michel BarnierEdition Multimédi@ : Le Parlement européen a adopté, en séance plénière le 4 février 2014, la nouvelle directive Gestion collective. En quoi va-telle améliorer l’offre de la musique en ligne en Europe ?
Michel Barnier :
Les ventes de musique en ligne en Europe sont passées de 200 millions d’euros en 2004 à 1,2 milliard en 2012.
Ce secteur évolue donc très vite. Notre cadre juridique doit aussi s’adapter pour vivre avec son temps, celui du marché intérieur et d’Internet. Un domaine où il était nécessaire d’agir est la gestion collective que nous avons voulue simplifier et rendre plus transparente.
Il existe plus de 100 sociétés de gestion collective en Europe qui jouent un rôle primordial. Certaines d’entre elles ont eu du mal à s’adapter aux contraintes de la gestion de droits pour l’exploitation en ligne ou transfrontières. La directive européenne prévoit des règles qui faciliteront la concession de licences multi-territoriales et l’agrégation des répertoires de plusieurs sociétés de gestion.
Cela veut dire concrètement que les prestataires de services sur Internet pourront obtenir plus facilement les licences nécessaires à la diffusion de musique en ligne provenant de toute l’Union européenne, et même d’au-delà. Les consommateurs, eux, auront accès à un répertoire plus grand. Ils connaissent aujourd’hui souvent Deezer ou Spotify, mais d’autres entreprises, des PME par exemple, bénéficieront aussi de ces règles pour développer leur offre ou de nouveaux services numériques.

Pierre Lescure : « 40 ou 50 films par an à 2 mois et demi après la salle »

En fait. Le 14 janvier, Pierre Lescure (68 ans), ancien PDG de Canal+, a été élu futur président du Festival de Cannes par le conseil d’administration de l’Association Française du Festival International du Film, où siège deux représentants de l’Etat, pour succéder à Gilles Jacob le 1er juillet prochain.

Pierre LescureEn clair. Pierre Lescure (photo) savait, depuis près de deux mois, qu’il pouvait être nommé président du Festival de Cannes. « C’est vrai qu’on m’en a parlé. (…) Cela serait à la fois intéressé et gratifié si cela devait être moi », avait-il confié à propos de sa candidature à la succession de Gilles Jacob.
C’était le 28 novembre dernier, lors d’un dîner-débat du Club audiovisuel de Paris, où il était l’invité d’honneur. Si le monde du Septième Art français se réjouit de sa nomination, il doit aussi se préparer à une réforme de la chronologie des médias. Mais l’ancien PDG de Canal+ connaît les susceptibilités de la filière cinématographique.

Jean-Noël Tronc (Sacem) veut que la Cisac devienne une force de combat face aux acteurs du Net

Le directeur général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) va engager dès 2014 au niveau mondial un « combat » face à Google, Amazon ou encore Apple pour défendre – avec toutes les industries
de la création – l’exception culturelle et la taxe pour copie privée.

Par Charles de Laubier

Jean-Noël Tronc-EM@A la tête de la Sacem depuis juin 2012, Jean-Noël Tronc (photo) part en croisade pour défendre au niveau mondial l’exception culturelle et la rémunération pour copie privée.
Pour cela, il va s’appuyer sur la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac), laquelle représente 227 sociétés de gestion collective – dont la Sacem – réparties dans 120 pays et gère les droits de 3 millions d’artistes dans le monde pour un montant total annuel de perceptions de plus de 7,5 milliards d’euros (dont 4,5 milliards rien qu’en Europe).

Musique, cinéma, média, livre, jeu, …
« J’essaie de contribuer à ce que cette Cisac nous serve dans les trois à cinq années
qui viennent d’étendard mondial, en mobilisant les créateurs de tous les pays, pour des opérations comme la pétition ‘’Tous pour la musique’’. On peut organiser un combat front contre front », a lancé Jean-Noël Tronc, invité d’honneur le 19 décembre dernier
du Club audiovisuel de Paris.
Il s’agit pour toutes les industries culturelles – musique, cinéma, presse, livre, jeux vidéo, arts graphiques et plastiques, spectacle vivant, télévision et radio – d’instaurer un rapport de force avec les Google, Amazon, Apple et autres géants de l’Internet. « Il y a une prise de conscience mondiale sur ce que j’ai dénoncé publiquement comme étant ‘l’exception numérique’ « , s’est félicité le patron de la Sacem.
Il prévoit de faire des propositions avec la Cisac dès l’automne 2014, « prochain rendez-vous important pour les cinq prochaines années », après les élections en mai du nouveau Parlement européen et en septembre ou octobre du président de la Commission européen. Ce sera aussi l’occasion pour Jean-Noël Tronc, instigateur du 1er Panorama des industries culturelles et créatives en France commandité à EY (Ernst & Young) et publié en novembre dernier par le lobby culturel France Créative (1), d’en publier un autre portant cette fois sur l’Europe entière – en attendant de faire ensuite
« un panorama mondial ». Fort du succès de la pétition en faveur de « l’exception culturelle » signée au début de l’été dernier par 4.878 artistes et créateurs, essentiellement français (2), il a convaincu le conseil d’administration de la Cisac, réuni à Madrid les 11 et 12 décembre dernier, de lancer une nouvelle offensive de ce type en juin 2015 avec toutes les industries culturelles, « en engageant les artistes et les créatifs dans un combat au niveau mondial ». L’année 2015 correspondra en outre aux dix ans de la signature à Paris de la Convention sur la diversité culturelle que l’Unesco a entrepris d’adapter au numérique (3). La Cisac, créée en 1926 et basée en France
– à Neuilly-sur-Seine comme la Sacem – sera le fer de lance planétaire de ce combat.
Mais pour Jean-Noël Tron, il y a urgence car « au rythme où vont les choses, une bonne partie de ce qui fait les industries culturelles aura sauté dans trois à cinq ans au niveau européen » et « si on veut arrêter d’être dans une position défensive, il faut que l’on fasse des propositions ». Parmi les trois à cinq propositions – « pas plus » – qu’il compte porter au niveau européen et mondial figure en tête la copie privée. « La copie privée, c’est l’avenir du sujet du numérique pour tous les Européens. Cela rapporte
500 à 600 millions d’euros par an au niveau européen et cela devrait en rapporter 2 milliards ». A la Sacem, et au Groupement européen des sociétés d’auteurs et compositeurs (Gesac), dont il est vice-président, il a fait de la taxe pour copie privée à l’ère du numérique son cheval de bataille. « Lorsque je suis arrivé à la Sacem, il était à peu près claire que la [rémunération pour] copie privée était morte, alors que c’est le premier vrai système de financement de la culture à partir du numérique, le seul qui vaut la peine que l’on se batte : pas la peine d’inventer de nouveaux impôts, des taxes sur les terminaux connectés », a-t-il plaidé (4). Les industries culturelles, excepté la presse préférant la taxe sur les terminaux connectés préconisée en France par le rapport Lescure, souhaiteraient étendre la taxe copie privée
à Internet, cloud inclus.

Réforme de la directive « DADVSI »
« Le mal, c’est la directive ‘’Commerce électronique’’ ! Résultat, les acteurs d’Internet
sont pour une part intouchables. (…) Il faut que l’on bouge, en imaginant un dispositif
dans l’esprit peut-être de la copie privée. Car la copie, c’est le stockage qui traite de la question des intermédiaires techniques d’Internet », a avancé Jean-Noël Tronc. Mais dans l’immédiat, il faudra que la Sacem, la Gesac et la Cisac répondent d’ici le 5 février aux 80 questions sur la révision de la directive «DADVSI » (5), la Commission européenne envisageant plus d’exceptions aux droits d’auteur dans le monde
numérique et une réforme… de la copie privée. @

Charles de Laubier