YouTube s’impose de plus en plus face à la télévision traditionnelle et courtise les salles de cinéma

La plateforme vidéo de Google (groupe Alphabet) s’impose comme une alternative à la télévision traditionnelle aux Etats-Unis, en se hissant en tête des audiences audiovisuelles (diffusion linéaire ou à la demande) aux côtés de Disney et de NBCUniversal. YouTube dépasse les 10 % de part d’audience depuis trois mois.

C’est historique dans le paysage audiovisuel américain : YouTube dépasse depuis trois mois consécutifs les 10 % de l’audience total de la télévision aux Etats-Unis, tous moyens de diffusion audiovisuelle confondus, gratuits ou payants : selon les données publiées mi-octobre par l’institut de mesure d’audience Nielsen, YouTube se maintient à un record de 10,6 % de part de marché sur le mois de septembre 2024, score historique déjà atteint en août, effaçant les précédents records de 10,4 % en juillet où le seuil des 10 % a été franchi pour la première fois, contre 9,9 % au mois de juin et en-deçà les mois précédents. A ce niveau d’audience, mesurée sur tous supports par Nielsen qui publie chaque mois les résultats dans son très suivi baromètre « The Gauge », la plateforme YouTube dispute même la première place de la « télévision » dans son pays d’origine, en ayant réussi en juillet 2024 à coiffer au poteau, excusez du peu, The Walt Disney Compagny et ses 9,9 % de part de marché. Une première historique aux Etats-Unis. La première talonnait la seconde depuis le mois de mars.

Etats-Unis : YouTube en tête de la « TV »
En août et en septembre, YouTube est repassé en seconde position (10,6 %), juste dernière respectivement (sur ces deux mois) NBCUniversal (13,4 %) et à nouveau Disney (11,3 %), en reléguant (en septembre donc) NBCUniversal en troisième place (9,3 %), suivi de Paramount (8,2 %), Netflix (7,9 %), Fox (7,3 %), Warner Bros. Discovery (6,7 %), et, loin dernière, d’Amazon Prime Video (3,7 %). Tout en rivalisant avec les groupes américains de télévision traditionnelle qu’elle entend bien à nouveau devancer tous comme en juillet 2024, la filiale YouTube – dont le directeur général est Neal Mohan (photo) depuis février 2023 – conforte en plus sa première place des audiences enregistrées aux Etats-Unis par les seules plateformes de streaming vidéo. Ainsi, toujours selon « The Gauge » de Nielsen, YouTube devance les autres plateformes vidéo (gratuites ou payantes) depuis qu’elles ont intégré cet agrégat audiovisuel en juin 2023. Les données de Nielsen sur le streaming proviennent Continuer la lecture

Squeezie, devenu numéro un des influenceurs sur les réseaux sociaux, a atteint la consécration en 2022

C’est la tête de gondole des influenceurs sur Internet en France. Selon nos calculs, il a même dépassé en 2022 les 51 millions d’abonnés, tous réseaux sociaux confondus (YouTube, Instagram, TikTok, Twitch, …) : Squeezie, alias Lucas Hauchard, vient en plus d’avoir les honneurs du Musée Grévin, avec son chien !

Il va avoir seulement 27 ans le 27 janvier 2023 et pourtant Lucas Hauchard est déjà un vieux de la vieille des influenceurs sur les réseaux sociaux où il est devenu célèbre sous le pseudonyme Squeezie (photo). Au point d’être devenu le numéro français des youtubeurs et même de tous les influenceurs (1). Son audience dépasse celles des télévisions nationales et il est le mieux payé dans ce nouveau métier. Squeezie est un « homme-orchestre » millionnaire entré dans l’histoire. Le Musée Grévin lui a même présenté le 1er décembre dernier son double de cire avec son chien Natsu immortalisé à ses côtés – une première pour ce musée (2).
« C’est une belle consécration et très flatteur pour moi mais aussi pour Internet de manière générale. Le Grévin est rempli de personnalités qui ont marqué la culture française. Et aujourd’hui, on peut dire que nous – les gars d’Internet, les filles d’Internet – on a marqué la culture française », a lancé Lucas Hauchard le jour de l’inauguration de sa statue. Que de vidéos diffusées sur YouTube depuis ses début en mai 2008 sous son premier pseudo, Kakashlu, et surtout depuis janvier 2011 lorsqu’il se renomme Squeezie et lance sa chaîne éponyme, en référence à la chanson « Squeeze It » des DJ Tiësto et Frank qu’il écoutait il y a plus de dix ans.

Premier youtubeur en 2022 (audience et contenu)
Sa chaîne « Squeezie » dépasse aujourd’hui les 17,7 millions d’abonnés. Avec ses deux autres chaînes YouTube – Squeezie Gaming (4,5 millions d’abonnés) et Squeezie Rediffusions (349.000 abonnés) – qu’il a créées respectivement en septembre 2018 et en mars 2022, le premier influenceur de France totalise sur YouTube plus de 22,5 millions d’abonnés (avant déduplication, un internaute pouvant être abonné à plusieurs de ses chaînes). Depuis leur lancement, ses trois chaînes ont généré avec leurs multiples vidéos jusqu’à maintenant un total astronomique de plus de 11,2 milliards de vues. Et selon le classement que YouTube a révélé en fin d’année dernière, Squeezie a pris en 2022 la tête des vidéos les plus populaires vues sur la plateforme de Google, avec « Qui est l’imposteur ? ». Depuis sa mise en ligne en juin dernier, elle totalise plus de 16,3 millions de vues, ce qui la place devant celles des youtubeurs Inoxtag, Mcfly & Carlito, et MichouOff pour ne citer que les trois suivants du classement (3). Il n’était que sur la troisième marche du podium en 2021, toujours selon YouTube (4), avec la vidéo « Une seconde avant la catastrophe », derrière Mcfly & Carlito et Cyprien. Dans ce format de jeu « Qui est l’imposteur ? » qu’il a conçu, Squeezie et ses deux invités doivent débusquer un imposteur parmi trois personnes exerçant toutes un même métier ou une discipline identique. La série a aussitôt trouvé son public, dont l’audience n’a rien à envier à celles des chaînes de télévision.

Le n°1 des youtubeurs gagnerait 50.000 euros/mois
Au total, le numéro un français des youtubeurs empocherait en moyenne 50.000 euros par mois si l’on en croit les sites Youtubers.me (5) et Socialblade.com (6). Car ses plusieurs dizaines de vidéos postées par an, précédées d’annonces commerciales, génèrent des recettes publicitaires élevées. Ce qui lui rapporterait, rien que sur la plateforme vidéo de Google, un revenu annuel supérieur à 600.000 euros. Le placement de produits et l’affichage de marques sont aussi pratiqués par Squeezie, comme avec Gucci, Dior ou encore Vivo. Mais Squeezie n’est pas seulement sur YouTube. Il a aussi de très nombreux fans sur les autres réseaux sociaux : 9,1 millions d’abonnés sur Twitter, 8,1 millions de followers sur Instagram, 4,7 millions d’abonnés sur TikTok, 4 millions de followers sur Twitch, 2,3 millions d’amis sur Facebook, et 0,3 million sur Snapchat. Selon les calculs de Edition Multimédi@, la galaxie Squeezie totalise plus de 51 millions d’abonnés (toujours avant déduplication des multi-suiveurs qu’il est impossible de dénombrer). Il devance ainsi ses confrères d’influence, Cyprien et Norman, ainsi que l’influenceuse Léa Elui.
Lucas Hauchard a su se diversifier, tant sur les réseaux sociaux que dans les contenus créatifs proposés, après avoir commencé avec des tests de jeux vidéo et des histoires effrayantes (threads horreur). Il multiplie les collaborations avec d’autres influenceurs (Cyprien, Mcfly & Carlito, Mister V, Jonathan Cohen, …), ce qui lui permet de démultiplier son audience et ses revenus. Aux quelque 600.000 euros qu’il a empochés en 2022 grâce à YouTube, Squeezie engrange aussi de l’argent ailleurs, comme sur Twitch. Sur cette plateforme de live gaming et de live streaming d’Amazon, il performe financièrement : outre l’inévitable publicité en ligne, sur ses 4 millions de followers, 5.174 d’entre eux sont abonnés payants – d’après le décompte de TwitchTracker (7) – soit via Prime d’Amazon sans surcoût, soit moyennant 3,99 euros par mois (rang 1), 7,99 euros (rang 2) ou 19,99 (rang 3). Amazon prélevant au passage jusqu’à 50 %, rien que les abonnements payants sur Twitch rapporteraient à Squeezie au moins 10.000 euros par mois. Mieux, Lucas Hauchard a réussi à organiser le Grand Prix de Formule 4 le 8 octobre dernier au Mans. Avec sur la ligne de départ vingt-deux vidéastes et streamers, ce « Grand Prix GP Explorer » a enregistré une audience live record sur Twitch : 1 million d’internautes en direct, auxquels sont venus s’ajouter des millions de replay.
Véritable « homme-média », Squeezie est aussi devenu, malgré lui, un homme d’affaires grâce à ses investissements avisés. En 2015, il a créé deux sociétés : Squeezie et Balai Steak, dont la seconde subsiste aujourd’hui pour l’édition de ses chaînes et dont il est président. Parallèlement, Lucas Hauchard a créé en avril 2020 l’agence d’influence et régie publicitaire Bump, dont il détient encore, selon L’Informé (8), 20 % du capital. Et ce, après avoir quitté la régie Talent Web, laquelle avait été revendue en 2016 avec sa maison mère Mixicom (réseau multichaîne) au groupe Webedia du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière pour 25 millions d’euros (sur 75 millions au total pour Mixicom). A l’époque, d’après le site web de BFMTV (9), cette cession d’il y a plus de cinq ans avait rapporté au moins 4 millions d’euros à Squeezie qui était coactionnaire de Talent Web à hauteur de 15,9 % aux côtés de Cyprien et Norman. En plus de cette sacrée plus-value (par rapport aux 3.000 euros initiaux investis par Squeezie), d’autres millions ont été reversés les années suivantes, notamment à Squeezie, en fonction des performances publicitaires de cette régie. Sa fortune de millionnaire vient d’abord de cette lucrative opération financière. « Cette revente, c’est ma retraite », avait-il confié sur Canal+. Aujourd’hui, son agence d’influence Bump assure non seulement la publicité de ses propres chaînes sur les réseaux sociaux mais aussi celles d’autres influenceurs tels que McFly & Carlito, Gotaga ou encore Locklear. En 2021, cette régie a réalisé 14 millions d’euros de chiffre d’affaires pour un bénéfice net de plus de 0,8 million d’euros. Squeezie est en outre coactionnaire à 25 % de la société Cotalent créée en mars 2018 avec Cyprien (46,4 % du capital) et Norman, encore eux, pour proposer à d’autres créateurs de contenus un studio de production audiovisuelle dans Paris baptisé Taiko (« tambou » en japonais).

Albums : Oxyz (musique hip-hop) et Bleak (BD)
Et lorsque l’« homme-média » se mue en « homme-orchestre », il diversifie ses instruments d’influence. Squeezie a ainsi créé en février 2019 sa propre marque de vêtements de style streetwear inspiré de la culture japonaise – Yoko, commercialisée par la société Yoko Gang, propriété de sa société Balai Steak. Puis en septembre 2020 est sorti son premier album musical intitulé Oxyz (14 titres de hip-hop, entièrement produits au Japon avec le producteur Kezah). Dans la foulée, il a créé sa propre maison de production, Unfold. Le décidément touche-à-tout s’est aussi essayé à la bande dessinée sur le thème de l’horreur qu’il affectionne depuis ses débuts : coécrit, et édité par Link Digital Spirit, le premier album « Bleak » est sorti début 2022 et le second est prévu le 4 mai prochain. Influenceur rime décidément avec prolifique. @

Charles de Laubier

Influenceurs, influenceuses : rançon de la gloire

En fait. Le 27 septembre, le Conseil d’Etat a publié son étude annuelle 2022 : elle porte sur les réseaux sociaux et recommande notamment d’« armer la puissance publique dans son rôle de régulateur ». La haute juridiction administrative s’intéresse aussi aux influenceurs, un « métier » sous surveillance.

En clair. Le rapport intitulé « Les réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique » que le Conseil d’Etat a publié le 27 septembre, soit deux mois et demi après l’avoir approuvé (1), vient alimenter les interrogations sur les réseaux sociaux en général et les influenceurs en particulier. Depuis la diffusion le 11 septembre sur France 2 de « Complément d’enquête » consacré au business des influenceurs, ce « nouveau métier » – aux airs de téléréalité sur Internet – est sous le feu des critiques. Les adolescents et jeunes adultes constituent la majeure partie de l’audience de ces « leaders d’opinion ».
D’où le crédit que leur accordent de plus en plus de marques en quête de nouveaux « espaces » de publicité, de sponsoring et de placement de produit sur les réseaux sociaux (Instagram, Snapchat, YouTube, TikTok, …). Selon l’agence Kolsquare, les influenceurs dépassant les 3 millions d’abonnés peuvent gagner jusqu’à « plusieurs centaines de milliers d’euros » pour un post, une vidéo ou encore un live. D’après l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) qui a publié le 29 septembre son observatoire (2), l’« influence responsable » gagne du terrain. Le Conseil d’Etat, lui, relève que la régulation (Arcom, DGCCRF/Autorité de la concurrence) et la règlementation (loi de 2020 sur l’exploitation commerciale de l’image des moins de 16 ans, directive SMAd) se mettent en place (3). Mais la question du statut juridique des influenceurs se pose encore : « La relation contractuelle (…) prend souvent la forme d’un contrat d’artiste ou de mannequinat », constate le conseiller du gouvernement.
Si le métier d’influenceur peut susciter autant de mépris que d’admiration (4), c’est que le marché mondial du « marketing d’influence » prend de l’ampleur : 16,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires cette année, selon les prévisions de Statista. Le titre racoleur de France 2 (France Télévisions) – « Arnaques, fric et politique : le vrai business des influenceurs » – a quelque peu jeté l’opprobre sur cette activité médiatique en pleine expansion. Le reportage à charge fut produit dans le sillage d’« une violente guerre médiatique oppos[ant] Booba, le rappeur millionnaire, à l’influente agent Magali Berdah [patronne de Shauna Events, ndlr] et ses influenceuses », le premier accusant même d’« escroquerie » et d’« #influvoleurs » (5) plusieurs vedettes de ces réseaux sociaux. @