Sortie des films en France : la chronologie des médias actuelle vit ses dernières semaines

Le 1er juillet, les organisations du cinéma français – le Blic, le Bloc et l’ARP (BBA) – ont proposé une nouvelle évolution de la chronologie des médias (organisant la sortie des films en salles, en VOD/SVOD et à la télévision). Elle fait suite à celle soumise par le CNC le 14 juin. L’été sera chaud…

Depuis le début de l’année, ce n’est pas moins de quatre propositions d’accord sur la chronologie des médias qui se sont succédées sans encore parvenir à faire consensus entre – au-delà des salles de cinéma arc-boutées sur leur monopole des quatre premiers mois de la sortie d’un film – les chaînes de télévision payantes (Canal+, OCS, …), les télévisions gratuites (France 2, TF1, M6, …) et les plateformes de vidéo à la demande par abonnement (Netflix, Amazon Prime Video, …).

Verizon et AT&T se délestent chacun de leurs médias

En fait. Le 16 mai, l’agence Bloomberg a révélé qu’AT&T discute de la fusion de sa filiale WarnerMedia avec Discovery pour créer un nouveau géant des médias. Ce qui a été confirmé le lendemain. Le 3 mai, c’était Verizon qui annonçait la vente de ses médias Yahoo et AOL à une société d’investissement.

En clair. Deux géants américains des télécoms – Verizon le 3 mai et AT&T le 17 mai – ont annoncé se délester de leurs activités médias respectives, le premier pour les céder à un fonds d’investissement, Apollo Global Management, contre 5 milliards de dollars, le second pour fusionner sa filiale WarnerMedia avec le groupe de télévision payante Discovery. Verizon cède ainsi notamment Yahoo et AOL, qui formeront un nouveau groupe baptisé Yahoo. AT&T procède à une scission (spin off) de ses activités de contenus Warner Bros, CNN ou encore HBO pour former un nouvel ensemble – dont le nom n’est pas encore précisé – avec les entités TLC, HGTV ou encore Eurosport de Discovery. Alors que Verizon cède le contrôle de l’ex-Verizon Media pour ne garder que 10 % du futur nouveau Yahoo, AT&T s’empare au contraire de 71 % du capital du futur «WarnerMedia-Discovery ».
Ces grandes manœuvres semblent sonner le glas de la convergence des télécoms, laquelle avait motivé le rachat de Time Warner en 2018 par AT&T moyennant 85 milliards de dollars. Cette méga-fusion fut validée en février 2019 par la justice américaine (1). De son côté, Verizon avait fait les acquisitions d’AOL et de Yahoo respectivement en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars et en juillet 2016 pour 4,8 milliards de dollars. Est-ce la fin de la convergence télécoms-médias, chère encore au pionnier du genre et principal actionnaire de la galaxie « Liberty », John Malone (2), lequel détient à ce jour 21 % du capital de Discovery, et à son « disciple » Patrick Drahi, le patron fondateur d’Altice (Europe et USA) ? Un troisième géant des télécoms aux Etats-Unis, le câblo-opérateur Comcast, suivra-t-il le mouvement de la « désintégration verticale » avec sa filiale NBC Universal ? Ce groupe avait été acquis entre juillet 2010 (51 % du capital) et février 2013 (100 %) pour un total de 12,3 milliards de dollars. Une chose est sûre : la convergence « cable TV », initiée par John Malone avec TCI dans les années 1980-1990, a perduré à coup de mégafusions dans les années 2000.
Mais c’était sans compter le cord-cutting : les Américains sont de plus en plus nombreux à dissocier leurs abonnements pour profiter de l’audiovisuel sur Internet – Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, HBO Max, Hulu, Peacock, Pluto TV, Discovery+, … Le 18 mai, The Information a révélé qu’Amazon négocie le rachat des studios MGM (3) pour 9 milliards de dollars. @

La date butoir du 31 mars a été franchie sans accord sur la chronologie des médias, et après ?

Comme prévu par un décret de janvier, les acteurs du cinéma, de l’audiovisuel et des plateformes vidéo avaient jusqu’au 31 mars pour se mettre d’accord sur une nouvelle chronologie des médias. En avril, il n’en est rien. Sauf rebondissement, le gouvernement a désormais la main.

La date du 31 mars 2021 fixée par le décret du 26 janvier dernier (1) restera symbolique dans les annales des négociations interminables entre les professionnels du cinéma, de l’audiovisuel et des plateformes vidéo autour d’une future chronologie des médias devenue arlésienne. A cette échéance, qui leur laissait deux mois de préavis, aucun compromis n’a finalement été trouvé. Sauf rebondissement de la filière cinématographique et audiovisuelle, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement et de son actuelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin.

Le discret marché des Smart TV étoffe ses bouquets de services à l’ombre des chaînes de télévision

Les téléviseurs connectés continuent de faire recette sur l’Hexagone. L’an dernier, selon l’institut GfK, il s’en est vendu plus de 3,2 millions d’unités. Samsung continue de se tailler la part du lion, suivi de loin par LG et TCL. Leurs bouquets de services s’étoffent discrètement à l’ombre des chaînes.

Le fabricant sud-coréen Samsung a conservé et même renforcé en 2020 sa position de numéro un des Smart TV en France, avec une part de marché de 30,4 % en volume et 37,3 % en valeur, selon l’institut GfK. La firme de Séoul garde à distance son compatriote LG, lequel réussit à tirer son épingle du jeu sur l’Hexagone avec 14,7 % de part de marché en volume et 18,3 % en valeur. Le chinois TCL arrive en troisième position avec 8,6 % en volume (devançant Philips et Sony) mais 6,2 % en valeur (devancé par Sony et Philips).

De « Red Rupert » à « Blue Rupert » : l’héritier de gauche devenu magnat de droite

Lorsque son père meurt d’un cancer, il a 21 ans et doit quitter Oxford en Angleterre, où il étudie au Worcester College (université d’Oxford) et où il a développé une sensibilité de gauche (membre au Parti travailliste), avec comme surnom « Red Rupert ». De retour au pays, le jeune Rupert va reprendre en main les affaires de son père Keith Murdoch, qui, proche des conservateurs (1), fut journaliste et patron de presse influent dans les années 1920 (Melbourne Herald, The Register, Adelaide News, The Daily Mail, …).

En 1972, Murdoch tourne casaque
Rupert hérite de la société de presse News Limited dans laquelle son père avait pris une participation au capital trois ans avant sa mort. Y est édité The News qui sera le point de départ fondateur du futur magnat des médias. S’ensuivront des rachats de quotidiens et autres périodiques dans la plupart des grandes métropoles australiennes, dont The Daily Mirror à Sydney. Puis News Limited lance en 1964 The Australian, le premier quotidien national en Australie. En 1972, The Daily Telegraph tombe dans l’escarcelle de Rupert Murdoch. Son empire médiatique est lancé avec succès. C’est durant cette année-là, notamment lors des élections, que le magnat de presse australienne tourne le dos définitivement à ses idées de gauche. Après avoir soutenu le candidat du Parti travailliste du pays, il tourne casaque et devient un supporter du Parti libéral conservateur.
En 1987, The Herald and Weekly Times entre dans la galaxie Murdoch. Parallèlement, à partir de 1969, Rupert Murdoch fera ses emplettes de journaux à Londres (News of the World , The Sun, The Times, The Sunday Times, …), à San Antonio aux Etats-Unis (The San Antonio News) et à New-York (The New York Post). En 1974, l’Australien s’installe à New York et se fait onze ans plus tard naturaliser citoyen américain, abandonnant sa citoyenneté australienne. Et ce, afin de pouvoir posséder un réseau de télévision aux Etats-Unis.
Entre temps, en 1979, le magnat a créé News Corporation qui est la nouvelle maison mère de News Limited puis du studio de cinéma 21st Century Fox lors de son rachat en 1985. Le devenu Américain s’empare alors en 1985 du network de télévisions de Metromedia pour établir les bases de la Fox Broadcasting Company. L’empire Murdoch s’élargit à l’éditeur HarperCollins, au quotidien économique et financier The Wall Street Journal. En Grande-Bretagne, après avoir créé en 1981 la filiale News International basée à Londres et éditrice de ses journaux et tabloïds britanniques, l’ex-« Red Rupert » prend le contrôle l’année suivante de Satellite Television qui devient Sky Channel puis sept ans plus tard un bouquet de chaînes par satellite baptisé Sky Television, formant BSkyB avec son concurrent en 1990. A Hong Kong, Star TV entre dans le giron de News Corp. En 1995, le groupe fonde aux Etats- Unis The Weekly Standard, un magazine néoconservateur (revendu en 2009). En 1996, Fox Entertainment Group lance la chaîne d’information en continu Fox News pour concurrencer CNN (Time Warner). En 2003, une participation est prise dans DirecTV (ex-Hughes Electronics), opérateur de télévision par satellite (revendu par la suite à Liberty Media). En 2005, News Corp rachète Myspace, pionnier des réseaux sociaux, pour 580 millions de dollars, revendu à perte six ans plus tard pour 35 millions seulement. En 2011, Rupert Murdoch investit 30 millions de dollars dans un nouveau quotidien en ligne créé pour l’iPad, The Daily (qu’il arrête moins de deux ans après sur un échec). La même année, éclate le scandale du piratage téléphonique de personnalités – jusqu’au Premier ministre britannique et la famille royale – à des fins de « scoops ». News Corp décide alors de fermer News of the World. Cette même année, à l’été 2011, l’empire News Corp est scindé en deux sociétés : d’un côté les activités de presse et d’édition (nouveau News Corp), de l’autre celles de télévision et de cinéma (21st Century Fox), chacune cotée en Bourse (2). Dans le même temps, l’entité historique News Limited – presque centenaire, toujours basée à Adelaide (Sud de l’Australie) et éditrice aujourd’hui de 140 journaux australiens – est rebaptisée News Corp Australia.