La faim de la télévision

Vite ! Il faut que je file à mon rendez-vous. Des amis m’attendent pour assister à la finale du 100 mètres féminin des Jeux olympiques, qui doit se courir en fin d’après-midi. Une athlète exceptionnelle capte l’attention mondiale en détrônant les champions masculins, qui ne se sont pas encore remis d’avoir ainsi dû céder leur place sur leur podium millénaire. C’est donc encore une fois la télévision qui nous rassemble, preuve s’il en est qu’elle est loin d’être morte, comme certains ont pu nous l’annoncer au début des années 2000. Bien sûr, ce n’est plus la télé de notre enfance qui se résumait en une formule très simple : un téléviseur, un réseau et trois chaînes. Symbole de notre vingtième siècle, souvent accusée de tous les maux – de « nouvel opium du peuple » à « la télé rend bête » de Roland Barthes – catalyseur de toutes les passions, la télévision a bien changé jusqu’à se noyer « dans un océan d’écrans », selon la jolie métaphore deJean-Louis Missika, l’auteur d’un livre intitulé « La fin de la télévision ». Car, en effet, c’est le téléviseur d’antan associé au modèle économique des chaînes qui a progressivement disparu au profit d’une équation autrement plus complexe associant
de très nombreux écrans, plusieurs réseaux et une myriade de services audiovisuels.

« Mon téléviseur est aussi et surtout un ordinateur, me permettant de surfer sur la Toile et d’accéder à mes sites d’information et à mes réseaux sociaux préférés ».

Accord Canal+ : le Blic ne fait pas bloc avec le Bloc

En fait. Le 21 décembre 2009, le Bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic) a fait part de sa colère après la signature, sans lui,
d’un accord entre les producteurs ou réalisateurs indépendants de films (Bloc, UPF, ARP) et Canal+, le premier pourvoyeur de fonds du Septième Art français.

En clair. L’accord du 18 décembre 2009 entre la chaîne cryptée et une partie du cinéma français va laisser des traces entre les « gros » du Blic (Bureau de liaison
des industries cinématographiques) et les « petits » du Bloc (Bureau de liaison des organisations du cinéma). La filiale TV du groupe Vivendi, premier pourvoyeur de fonds du Septième art français avec plus de 150 millions d’euros investis chaque année, a semé la zizanie entre les différentes organisations de cette industrie culturelle. Si les producteurs de films français (notamment indépendants) réunis au sein du Bloc, de l’UPF et de l’ARP s’en tirent à bon compte – relèvement de la contribution de Canal+
de 9 % à 10% en y intégrant les droits de « catch up TV » sur sept jours et la prime au succès (1) –, il n’en va pas de même du côté du Blic. En effet, ses membres, que sont les salles de cinéma (FNCF), les distributeurs de films (FNDF), des producteurs de cinéma (API), parmi lesquels Pathé, Gaumont, UGC ou encore MK2, ainsi que les industries techniques (FICAM) et les éditeurs de vidéo (SEVN), n’ont pas signé l’accord. Car Canal+ ne financera plus la distribution des films (6,5 millions d’euros) et les exploitants de salles (13,5 millions d’euros). En revanche, la chaîne cryptée crée une fondation d’entreprise « dont l’objet sera notamment d’apporter une aide à l’exploitation et à la distribution indépendantes ».
Le PDG de Canal+, Bertrand Méheut, explique que les exploitants et les distributeurs ont « moins besoin » de son financement (2) et qu’il investira 7 millions d’euros la première année en ciblant sur « les plus fragiles » (notamment en zone rurale). Selon Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la chaîne du cinéma « met [ainsi] fin à une politique qui avait,
au bénéfice des plus forts, vidé de son sens et de sa pertinence la généreuse idée d’André Rousselet [fondateur de Canal+] de soutien aux maillons les plus faibles du cinéma français, la petite et la moyenne exploitation et la distribution indépendante ». Ce recadrage n’est pas du goût du Blic qui a fait part de sa « stupéfaction » et de son
« immense déception », dénonçant « la démarche de Canal+ visant à mettre fin au partenariat historique qui liait la chaîne cryptée à l’ensemble des métiers de la filière cinématographique ». Et d’ « appeler les responsables de Canal+ à reprendre au plus vite les discussions en vue du renouvellement de l’accord global ». @

Vidéo : Hulu s’apprête à débarquer en Europe

En fait. Le 22 décembre 2009, Warner Music Group (WMG) – deuxième maison de disques américaine – a signé un accord avec le site américain Hulu de vidéo sur Internet, lequel avait noué un mois plus tôt un partenariat avec EMI Music.
Au programme : clips, concerts et interviews.

En clair. Il ne reste plus à Hulu qu’à se déployer au-delà des Etats-Unis pour en faire profiter tous les internautes de la planète ! Ce que ce site de vidéo en ligne s’apprête
à faire cette année, moins de deux ans après sa création – en mars 2007 – par Fox (News corp), ABC (Walt Disney), NBC Universal (General Electric/Comcast) et Providence Equity Partners. « Nous avons l’intention de rendre, à l’avenir, Hulu accessible partout dans le monde. Pour cela, nous travaillons à acquérir des droits et licences dans chaque zone géographique. Ce qui prend du temps. Mais de plus en plus de fournisseurs sont décidés à donner à leurs programmes une plus large audience », indique à EM@ Brandon Boone, porte-parole de la société basée à Los Angeles. La Grande-Bretagne serait le premier pays de conquête : le groupe audiovisuel britannique ITV pourrait en effet rejoindre la plateforme de catch up TV américaine. En France, TF1, M6 et Canal+ (1) réfléchissent depuis l’an dernier aux « dangers » de l’arrivée
de Hulu et à lancer une plateforme commune de télévision de rattrapage. Pour l’heure, seuls les internautes connectés des Etats-Unis peuvent y avoir accès (2). Au-delà des films et séries issus des grandes chaînes américaines, proposés gratuitement en
« catch up TV », Hulu élargit ainsi aux vidéoclips, aux concerts enregistrés et aux interviews d’artistes sa plateforme. En l’espace d’un mois, les majors du disques EMI Music et Warner Music Group (WMG) ont signé un accord aux Etats- Unis avec ce concurrent de Youtube, la filiale de partage vidéo de Google. « Nous développons notre stratégie de vidéos financées par la publicité pour fournir aux artistes une approche plus souple afin de promouvoir et vendre leur musique », a indiqué le vice-président de WMG, Michael Nash. Contrairement à Youtude ou Dailymotion, Hulu est uniquement alimenté par les détenteurs des droits sur les œuvres qu’ils diffusent. Hulu revendique 1.700 œuvres audiovisuelles à son catalogue et prévoyait d’atteindre les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2009. Des revenus équivalents à son concurrent Youtube, lequel affiche néanmoins une part de marché de vidéo vues de 37,7 % (aux Etats-Unis à octobre 2009, selon Comscore) contre seulement 3,1% pour Hulu. Le partage de la valeur se fait sur la base des recettes publicitaires générées par la télévision en ligne. Le marché du « premium video » est en forte croissance. Les vidéos de Hulu sont aussi sur AOL, MSN, MSN ou encore Yahoo. @

Xavier Couture, Orange : « Remettre en cause nos exclusivités serait une très mauvaise nouvelle »

Nommé il y a un peu plus d’un an et demi à la tête de la direction des Contenus du groupe France Télécom, Xavier Couture dresse un premier bilan de son action et explique à Edition Multimédi@ la stratégie d’Orange dans ce domaine.

PROPOS RECUEILLIS PAR CHARLES DE LAUBIER

Edition Multimédi@ : Qu’avez-vous mis en place depuis 20 mois ? Quelle place représente maintenant la direction Contenus d’Orange chez France Télécom ?
Xavier Couture :
Depuis mai 2008, mon action a été de donner corps à la stratégie de contenus voulue par le président Didier Lombard, et initiée par mes prédécesseurs. Orange a gagné une véritable légitimité dans les contenus. L’année 2008 a été très riche pour notre activité, avec le lancement de la chaîne « Orange foot », devenue depuis « Orange sport », et du bouquet « Orange cinéma séries ». Cela nous a permis d’enrichir l’offre de la « TV d’Orange » et de poursuivre notre politique de différenciation par rapport aux autres opérateurs et fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En 2009, nous avons consolidé la stratégie contenus : les chaînes sont montées en puissance et se sont enrichies en terme de fonctionnalités (par exemple, fonction redémarrage sur « Orange cinéma séries ») ; nous avons mené une politique active
de partenariats innovants avec les professionnels du monde des médias. Ainsi, nous proposons à nos abonnés les services de télévision de rattrapage de France Télévisions [accord sur trois ans devrant être renégocié mi-2010, ndlr] et M6, ou encore, nous avons signé un accord avec France Télévisions pour les intégrer à
2424 actu, notre service d’actualité multi supports.
La « TV mobile d’Orange » a également connu une belle progression – le phénomène iPhone y ayant sans doute contribué – avec aujourd’hui une moyenne de 1 million d’utilisateurs actifs par mois. Enfin, citons la signature – le 10 novembre 2009 – d’un accord historique avec la majorité des organisations professionnelles du cinéma français pour notre bouquet « Orange cinéma séries ». Désormais, nous sommes
un acteur avec lequel il faut compter ! En 2010 nous poursuivrons notre politique
de partenariats.

Cinéma, télévision, ordinateur et mobile : la création se plie en quatre

Les créateurs et producteurs d’œuvres audiovisuelles et de films adaptés aux différents écrans n’ont pas attendu la réforme du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip), pour aller chercher des financements privés et publics.

La création audiovisuelle et cinématographique est en pleine effervescence. Les auteurs et les réalisateurs ne raisonnent plus « mono diffusion » mais désormais
« plurimédia », « transmédia » ou encore « multi supports ». En attendant que la réforme du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) aboutisse au
début de l’année prochaine, les producteurs d’œuvres multimédias voient les aides financières se multiplier. Signe que leurs productions répond à la demande d’un public de plus en plus connecté. Entre juillet et septembre, France Télécom a reçu quelque
72 créations mêlant la télévision, le Web, le mobile, le cinéma ou encore les jeux vidéo dans le cadre son premier appel à projets transmédias.