Les 13 chaînes YouTube ont signé une « exclu » pour 3 ans, avec un revenu garanti la première année

Les contrats de YouTube France avec les 13 chaînes, presque toutes lancées depuis octobre 2012, sont confidentiels. Mais, selon nos informations, ils portent sur trois ans avec une exclusivité mondiale pour la filiale de Google et un minimum garanti de revenu aux ayants droits la première année.

Ils sont en fait onze éditeurs à avoir signé fin 2012 avec YouTube France pour lancer treize chaînes « originales », AuFeminin du groupe Axel Springer et le producteur indépendant Troisième Oeil ayant chacun lancé deux chaînes (voir notre tableau ci-dessous).
Ces onze ayants droits ont signé un contrat sur trois ans avec l’exclusivité mondiale
– sur tous supports – accordée à YouTube et avec l’assurance pour les éditeurs de percevoir un minimum garanti la première année, sur un budget total de quelques centaines de milliers d’euros consenti comme avance sur recettes.

Opérateurs télécoms et chaînes de télé : trop de concurrence pour les « historiques » ?

Retour sur le DigiWorld Summit des 14-15 novembre : France Télécom et SFR ont regretté qu’il y ait, selon eux, trop d’opérateurs sur l’Hexagone, des prix trop bas et des OTT du Net envahissants. Les chaînes TV historiques, bien que quasi absentes à Montpellier, sont sur la même longueur d’ondes.

Paradoxe : alors que les consommateurs y trouvent leur compte depuis la libéralisation
de ces deux grands marchés (offres concurrentielles, prix attractifs, contenus abondants, …), les opérateurs télécoms et les chaînes de télévision historiques, eux, se plaignent au contraire de cette concurrence accusée d’être à l’origine du recul de leurs revenus traditionnels – rentes de situation, diront certains – et de l’érosion de leurs marges.

Affaires « TF1 contre YouTube et Dailymotion » : le droit des hébergeurs est encore sauve

Les deux décisions sur TF1 des 29 mai et 13 septembre derniers n’ont pas révolutionné le droit des hébergeurs, lesquels continuent de bénéficier d’une responsabilité limitée par rapport à celle des éditeurs de contenus, et maintiennent à distance le spectre d’une surveillance généralisée du Net.

Par Rémy Fekete, avocat associé, Gide Loyrette Nouel

Le régime de la responsabilité des plates-formes communautaires de vidéos en ligne semble fixé :
ces dernières sont de simples intermédiaires techniques
et relèvent, à ce titre, du régime de la responsabilité des hébergeurs institué par l’article 6-I-2 de loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004.

TF1 va faire appel contre YouTube et Dailymotion

En fait. Le 13 septembre, le TGI de Paris a condamné Dailymotion à verser 270.000 euros à TF1 pour ne pas avoir retiré « promptement » des séries, films, spectacles et JT piratés. TF1 avait perdu contre YouTube le 29 mai. Selon nos informations, la filiale de Bouygues va faire appel de ces deux jugements.

En clair. « Sur TF1, les sections (et donc les magistrats) de la 3e chambre du TGI
de Paris étaient différentes, ce qui a abouti à des résultats différents », nous a expliqué
un juriste proche du dossier. Le 29 mai, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris déboutait le groupe TF1 de sa plainte contre YouTube à qui il demandait 150 millions d’euros de dommages et intérêts. Le 13 septembre, le même tribunal condamnait Dailymotion à seulement 270.000 euros au lieu des 80 millions d’euros demandés par TF1. Contacté par EM@ à propos de YouTube, le groupe TF1 précise qu’il « envisage de faire appel de cette décision, dont le jugement n’a pas encore été signifié ». Concernant Dailymotion, il en irait de même. De plus, ces deux jugements confirment le statut d’hébergeur des deux plates-formes de partage vidéo. Ce qui leur assure une responsabilité moindre que pour un éditeur (1). Le jugement du 13 septembre reconnaît
en effet que Dailymotion « exerce un pouvoir de modération a posteriori et de façon ponctuelle, pour assurer le respect de la loi et des droits des tiers lorsque ceux-ci ou d’autres utilisateurs effectuent un signalement ». Cela fait écho au jugement du 29 mai selon lequel YouTube « n’est (…) pas responsable a priori du contenu des vidéos proposées sur son site ; seuls les internautes le sont ; elle n’a aucune obligation de contrôle préalable du contenu des vidéos mises en ligne (…) ».
A ce stade, TF1 est condamné à coopérer avec YouTube et Dailymotion. La force de frappe des deux plates-formes vidéo, l’une appartenant à Google et l’autre à France Télécom (2), est une opportunité pour compenser l’érosion de l’audience à l’antenne. Pendant que TF1 ferraille en justice contre les plates-formes de partage vidéo, la chaîne a en effet vu son audience mensuelle chuter cet été à son plus bas historique,
à savoir 21,3 % de part de marché au mois d’août. Juin avait déjà battu un record avec 22,2 % (voir page 10), l’année 2012 ayant mal commencé avec 22,3 %.
YouTube a déjà tendu la main à TF1 dès avril 2008 en lui proposant de recourir à sa technologie de reconnaissance de contenus Content ID, afin d’empêcher la mise en ligne de copies non autorisées. Mais c’est seulement trois ans et demi après que la chaîne y a souscrit. De son côté, Dailymotion propose le filtrage de l’INA ou d’Audible Magic. @

Le statut d’hébergeur protège YouTube et Dailymotion

En fait. Le 29 mai, le TGI de Paris a rendu un jugement favorable à l’ »hébergeur » YouTube, que TF1 accusait depuis 2008 de contrefaçon (réclamant 150 millions d’euros). La chaîne de Bouygues devrait aussi perdre contre Dailymotion, lequel n’est pas non plus « éditeur » et « responsable a priori ».

En clair. « La société défenderesse [YouTube, filiale de Google] qui a le statut d’hébergeur n’est (…) pas responsable a priori du contenu des vidéos proposées sur son site ; seuls les internautes le sont ; elle n’a aucune obligation de contrôle préalable du contenu des vidéos mises en ligne et elle remplit sa mission d’information auprès des internautes (…) », justifie le TGI de Paris pour disculper le premier site mondial de partage vidéo. La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (dite LCEN) prévoit en effet une responsabilité limitée des hébergeurs techniques, lesquels ne sont tenus responsables de piratage en ligne que si les contenus contrefaits leurs sont signalés par notification. Dans ce cas, ils sont tenus les retirer promptement.
Or, le juge constate que YouTube a « systématiquement et avec diligence traité les notifications » qui lui ont été adressées par TF1. En outre, dès le 25 avril 2008, le géant du Web a proposé à la chaîne de recourir à sa technologie de reconnaissance de contenus Content ID pour empêcher la mise en ligne de copies non autorisées. Mais c’est seulement le 16 décembre 2011, soit plus de trois ans et demi après, que TF1 a souscrit à Content ID de YouTube. Le filtrage exigé par la chaîne a été écarté, d’autant que le jugement rappelle que « aucun filtrage préalable n’est imposé aux hébergeurs et les contraindre à surveiller les contenus (…) revient à instituer ce filtrage a priori refusé par la CJUE ». La Cour de justice de l’Union européenne a en effet publié, le 24 novembre dernier (dans l’affaire Sabam contre Scarlet), un arrêt dans laquelle elle répond que « le droit de l’Union s’oppose à une injonction faite à un [FAI] de mettre en place un système de filtrage de toutes les communications électroniques transitant par ses services » (1). L’Association de services Internet communautaires (Asic), dont le
siège social est situé chez Dailymotion, s’est félicité de ce jugement (2). Or, justement,
le concurrent français de YouTube est lui aussi pris à partie par TF1 qui lui réclame pour contrefaçon 80 millions d’euros. Cette indemnité est calculée par la chaîne sur la base 0,40 euro par visualisation. Contacté par Edition Multimédi@, Dailymotion a répondu « ne pas communiquer sur ce sujet », ni sur le courrier du 13 mars reçu du CSA (3) qui considère YouTube et Dailymotion comme des éditeurs… @