Chronologie des médias : la proposition finale met les professionnels du cinéma au pied du mur

« Caramba, encore raté ! »… Le ministère de la Culture et le CNC n’ont pas réussi – ni le 6 ni le 11 septembre – à faire signer un accord de « compromis » sur l’évolution de la chronologie des médias. Point de blocage :  le financement du cinéma français par Canal+ et Orange (OCS).

C’est dans un e-mail envoyé le 30 août dernier par François Hurard (photo), inspecteur général des Affaires culturelles (à l’IGAC (1), dépendant du ministère de la Culture), et cosigné avec Christophe Tardieu, directeur général délégué du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), que les organisations professionnelles du 7e Art ont reçu la dernière mouture du projet d’accord sur la chronologie des médias (2). « Merci de nous confirmer le plus rapidement possible, dans l’idéal avant lundi matin
[3 septembre, ndlr], que vous êtes disposés à signer ce texte. Une séance de signature pourra ainsi être organisée dans les plus brefs délais », leur était-il demandé.

L’IGAC et le CNC ont mis la pression
Une première réunion avait été fixée jeudi 6 septembre mais l’accord n’avait pas été signé faute de compromis. Une seconde séance de signature a suivi, cette fois le mardi 11 septembre, mais là encore sans paraphes des parties prenantes. Point de blocage : la prolongation en l’état, jusqu’en 2021, des accords que Canal+ et Orange (OCS) avaient signés avec les organisations du cinéma français pour son financement.
Or les producteurs de films considèrent ces accords obsolètes et veulent maintenant un montant d’investissement fixé à l’avance et non plus une somme aléatoire indexée sur le chiffre d’affaires réalisé. Si un point final n’est pas mis ces prochains jours à l’accord sur la chronologie des médias, le gouvernement a déjà prévenu : il faudra légiférer. Les négociations interprofessionnelles menées depuis plusieurs années sont un échec, y compris pour la mission « Hinnin » qui n’avait pas trouvé de consensus à la précédente date butoir du 12 avril (3). Le ministère de la Culture (IGAC) et le CNC avaient alors repris les discussions en main en lançant un ultimatum. Si le désaccord persiste, la loi se chargera de faire évoluer la chronologie des médias – dont la version actuelle a près de dix ans (4), avec son arrêté paru au J.O. le 12 juillet 2009. Le projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel, dont le texte est en cours d’écriture à la Direction générale
des médias et des industries culturelles (DGMIC) pour être présenté au Parlement d’ici la fin de l’année (5), apparaîtrait comme le possible véhicule législatif. La mouture finale envoyée le 30 août et datée « septembre 2018 », bien que finalement peu différente de la version de juin, est censée mettre fin à des années de tergiversations et de statu quo (6). Les délais des fenêtres de diffusion – salle obscure, VOD/DVD, télévision payante, SVOD, télévision gratuite, VOD gratuite – sont en général réduits par rapport à la date de sortie des nouveaux films en salle. Mais force est de constater que les intérêts commerciaux, d’une part, des salles de cinéma défendues par leur Fédération nationale des cinémas français (FNCF), et, d’autre part, ceux de la chaîne cryptée Canal+ (Vivendi) sont avantagés au détriment de respectivement de la VOD et de la SVOD.
• La vidéo à la demande vendue à l’acte (en vente ou en location) reste reléguée à quatre mois après la sortie des films dans les salles de cinéma, lesquelles gardent leur monopole sur ces quatre mois. Seule la dérogation à trois mois est étendue aux films totalisant 100.000 entrées au plus « à l’issue » de leur quatrième semaine d’exploitation en salle de cinéma. Cette timide avancée concernera tout de même plus de films, comparé à la dérogation à trois mois de l’accord de juillet 2009 qui n’était pas utilisée car touchant seulement les films affichant moins de 200 entrées « au cours » de leur quatrième semaine d’exploitation en salles de cinéma. « La dérogation pourra être obtenue à tout moment sur simple déclaration auprès du CNC des ayants-droit de l’oeuvre cinématographique en salles, (…) ; (…) le CNC publiera les références de l’oeuvre au sein d’une liste des œuvres cinématographiques ayant fait l’objet de la demande de dérogation sur un site [web] dédié », indique le projet d’accord.
Autre avancée : ce que les professionnels appellent « le dégel des fenêtres de la télévision », c’est-à-dire, l’interdiction pour les éditeurs de chaînes dont c’est le tour d’empêcher contractuellement les exploitations des films en VOD et/ou DVD. Quant à
la période de promotion des films en VOD/DVD auprès du public, elle reste limitée pour préserver la salle (ne pas débuter plus d’une semaine avant la fin de la salle) et la télévision payante (s’achever quatre semaines avant la chaîne cryptée).

Taxe « CNC », convention « CSA », MG, …
• La télévision payante de cinéma
telle que Canal+ et OCS avance à huit mois après la sortie du film en salle, contre dix ou douze mois dans l’accord de juillet 2009. Cependant, ce délai de huit mois est ramené à six mois pour les films ayant bénéficié de la dérogation « VOD/DVD » à trois mois (c’est-à-dire ceux ayant réalisé 100.000 entrées au plus à l’issue de leur quatrième semaine d’exploitation en salle). « Le bénéfice de ce délai est ouvert à tout service de télévision respectant les conditions [taxes « Cosip » (7) versées au CNC, convention avec le CSA, minimum garanti (MG) par abonné, engagement de préfinancement d’œuvres, clause de diversité, etc., ndlr]
et ayant conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma assorti
de conditions comparables aux accords déjà conclus par des services de première diffusion », estil précisé. La durée d’exclusivité des droits de la première fenêtre d’exploitation par une télévision payante de cinéma est limitée à neuf mois, cette durée étant ramenée à cinq mois en cas de seconde fenêtre pour le même film préfinancé ou acquis par une télévision gratuite ou, sans accord « cinéma », payante, ou par un service de SVOD sans accord « cinéma ».

Amener Netflix et Amazon à être « vertueux »
• Le service de vidéo à la demande par abonnement « aux engagements importants »
(comme potentiel-lement Netflix ou Amazon Prime), dès lors qu’il a conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma et qu’il respect la réglementation française (taxes versées au CNC, convention avec le CSA, minimum garanti par abonné, engagement de préfinancement d’oeuvres, clause de diversité des investissements, etc.), avance enfin dans la chronologie des médias à dix-sept mois après la sortie du film en salle, au lieu des trente-six mois de l’accord de juillet 2009.
Ce délai est ramené à quinze mois pour les films bénéficiant de la dérogation
« VOD/DVD » à trois mois (toujours ceux ayant réalisé 100.000 entrées au plus à l’issue de leur quatrième semaine d’exploitation en salle). Mais cette fenêtre à dix-sept/quinze mois de la SVOD reste largement moins avantageuse que la fenêtre de la télévision payante à huit/six mois, alors que ces deux services sont plus que jamais en concurrence frontale lorsqu’ils investissent tous les deux dans le cinéma – comme respectivement Netflix et Canal+. Cette dichotomie égratigne la neutralité technologique (8). « Il semblait logique que dès la première fenêtre payante, il n’y ait plus de distinction entre un service linéaire et non linéaire, à même niveau de vertu [dans le financement des films, ndlr] », n’avaient pas manqué de relever certaines organisations du cinéma (la SACD et l’ARP notamment).
• La télévision en clair (gratuite) ou payante (mais sans accord
« cinéma »)
reste à vingt-deux mois après la sortie du film en salle à la condition
déjà prévue par l’accord de juillet 2009, à savoir « lorsque ce service applique des engagements de coproduction d’un montant minimum de 3,2 % de son chiffre d’affaires (y compris la part antenne) [dans des œuvres cinématographiques françaises et européennes, ndlr] ». Ce délai peut être ramené à vingt mois pour les films ayant bénéficié de la dérogation « VOD/DVD » à trois mois (c’est-à-dire ceux ayant réalisé 100.000 entrées au plus à l’issue de leur quatrième semaine d’exploitation en salle), voire à dix-neuf mois pour ceux non acquis par une télévision payante en seconde fenêtre ni par un service de SVOD. Pour les autres télévisions en clair ou payant non
« cinéma », le délai est de trente mois après la salle, sinon vingt-huit mois pour les films ayant bénéficié de la dérogation « VOD/DVD » à trois mois.
Le service de vidéo à la demande par abonnement « aux engagements allégés » (comme potentiellement là aussi Netflix ou Amazon Prime), à savoir s’il a conclu avec les organisations professionnelles du cinéma un accord avec trois engagements seulement (sans minimum garanti par abonné ni préachat ni clause de diversité des investissements), arrivent cette fois à trente mois après la sortie du film en salle,
voire vingt-huit pour les films ayant bénéficié de la dérogation « VOD/DVD » à trois mois. Ces trois engagements sont : consacrer au moins 21 % et 17% de son chiffre d’affaires respectivement aux films européens et français, conformément au premier décret « Services de médias audiovisuels à la demande » (SMAd) du 12 novembre 2010 (9) ; un quart de ce montant étant dévolu « à l’achat de droits d’exploitation ou
à l’investissement en parts de producteurs », lorsque le service de SVOD réalise plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel net. Pour les autres services de SVOD sans aucun engagement, le délai reste à trente-six mois, sinon trente-quatre mois pour les films ayant bénéficié de la dérogation « VOD/DVD » à trois mois.
• La vidéo à la demande gratuite, comme sur YouTube ou Dailymotion, que l’accord de juillet 2009 voyait déjà comme « susceptible d’entraver la structuration du marché de la vidéo à la demande » (sic), elle avance à quarante-quatre mois à compter de la date de sortie en salles au lieu de quarante-huit mois jusqu’à maintenant. Ce délai est même ramené à quarante-deux mois pour les films ayant bénéficié de la dérogation
« VOD/DVD » à trois mois.

Documentaires, fictions et courts métrages
En outre, l’ultime projet d’accord prévoir des dérogations pour les films documentaires et les films de fiction d’expression originale française « dont le coût certifié n’excède pas 1,5 millions d’euros ». Dans ce cas, pour peu qu’elles n’aient fait « l’objet d’aucun préachat ou achat jusqu’à la fin de la fenêtre d’exclusivité de la salle », ces « œuvres cinématographiques » peuvent être diffusées respectivement douze et dix-sept mois après leur sortie en salle. Quant aux courts et moyens métrages, « [ils] n’entrent pas dans le champ de la chronologie des médias » – ce que l’accord de juillet 2009 passait sous silence. @

Charles de Laubier

Outre la production audiovisuelle, Mediawan accélère dans l’édition de chaînes, le digital et l’e-sport

Si la société Mediawan – fondée par Pierre-Antoine Capton, Matthieu Pigasse et Xavier Niel – met en avant ses ambitions de devenir le premier producteur audiovisuel indépendant en Europe, force est de constater que ses chaînes et services digitaux associés génèrent encore le gros de son chiffre d’affaires.

Mediawan, la société d’investissement fondée en 2016 par Pierre-Antoine Capton, Matthieu Pigasse et Xavier Niel,
a tenu son assemblée générale le 5 juin dernier sous la présidence de Pierre Lescure , lequel en est le président du conseil de surveillance depuis le décès de Pierre Bergé en septembre dernier. Les comptes annuels de l’exercice 2017 ont été approuvés à l’unanimité, et la nomination d’un neuvième membre au conseil de surveillance – la haute fonctionnaire retraitée de la finance Anne Le Loirier – a été ratifiée (1). « Si 2017 a été une année de construction pour le groupe, 2018 sera une année de consolidation de nos positions et d’accélération de notre stratégie à l’échelle européenne », déclare Pierre-Antoine Capton (photo), président du directoire de Mediawan, dans le rapport financier 2017 établi en mars. Le groupe de médias a réalisé en un an sept acquisitions pour devenir « un nouvel acteur indépendant des contenus audiovisuels en Europe ». Parmi ces achats : l’éditeur, producteur et distributeur audiovisuel Groupe AB, dont le rachat a été finalisé en mars 2017 pour 280 millions d’euros (2), est devenu « le premier pilier de la constitution de Mediawan ». La société de production documentaire CC&C (Clarke Costelle & Co) a ensuite été acquise en juillet 2017. Engagée à la fin de l’an dernier, la prise de participation majoritaire dans la société de production d’animations ON Entertainment
a été, elle, finalisée le 7 juin.

Groupe AB, CC&C, ON Entertainment, EuropaCorp TV, …
Le début de l’année 2018 a aussi été intense en acquisitions puisque Mediawan a jeté son dévolu sur trois sociétés de productions en France : le rachat de l’activité télévision d’EuropaCorp (hormis les séries américaines), la prise de participation majoritaire dans le capital du producteur Makever, et la finalisation de la prise de contrôle de Mon Voisin Productions. D’ores et déjà, Mediawan revendique être « le 1er groupe de producteurs de fiction et de documentaires en France » (3). Poursuivant sa stratégie « 3C » (convergence, consolidation et complémentarité (4) et de groupe de média intégré, Mediawan s’est en fait structuré autour de quatre métiers que sont les fictions et documentaires, l’animation, la distribution de programmes audiovisuels, et l’édition de chaînes et services digitaux associés.

Chaînes et digital : 70 % du CA en 2017
Or, à la suite de la consolidation du Groupe AB (5), c’est ce dernier segment – chaînes et digital – qui a généré 70 % des 115,6 millions d’euros de chiffre d’affaires de l’année 2017. La production et la distribution de films, séries, animations et documentaires (6) ne représentent que les 30 % restants. Mediawan est donc aujourd’hui plus éditeur de contenus que producteur audiovisuel, sans préjuger ce que sera la nouvelle répartition de ses activités en 2018 où le chiffre d’affaires est attendu à près de 270 millions d’euros. En effet, au-delà de la production de programmes de fiction prime-time, d’animation et des documentaires (environ 80 heures par an), et de 12.000 heures de programmes en catalogue, Groupe AB édite dix-neuf chaînes de télévision et des services digitaux associés tels que RTL9, AB3
(3e chaîne belge francophone), Science & Vie TV, Action, AB Moteurs, Trek, Mangas, etc.
Les chaînes sont diffusées par satellite et reprises sur les services des principaux opérateurs satellite, câble et ADSL français, ainsi qu’en Europe francophone (Belgique, Suisse, Luxembourg, …) et en Afrique. Une grande partie des revenus de l’activité « chaîne et digital » est générée par les redevances provenant des contrats passés entre Mediawan et les principaux opérateurs de télévision payante français pour la distribution des chaînes que le nouveau groupe de médias édite. Les contrats avec deux de ses principaux opérateurs – selon nos informations, Canal+ et Orange – ont d’ailleurs été renouvelés jusqu’en 2020, Mediawan reconnaissant au passage dans son rapport annuel des « risques liés à la dépendance vis-à-vis des opérateurs de télévision payante ». Ses revenus proviennent des redevances et de la publicité.
« De nombreux projets sont également à l’étude pour renforcer le portefeuille de chaînes avec une stratégie de rebranding ou avec le lancement de nouvelles thématiques », indique le groupe. A l’automne dernier, la nouvelle chaîne ABXplore dédiée aux documentaires de divertissement a été lancée en Belgique. AB3 est lancée cette année en Suisse. Sur la chaîne AB1 un magazine eSportZone a été créé avec un partenariat exclusif avec le leader mondial du jeu vidéo Activision Blizzard. Le 19 juin, Groupe AB a annoncé l’acquisition des droits de diffusion et de distribution de la série finlandaise d’e-sport « Dragonslayer666 », et la production du film d’e-sport « Inside Vitality ». Les revenus publicitaires suivent à la hausse l’augmentation de l’audience des chaînes thématiques. Selon Médiamétrie, le classement des programmes TV regardés en live, en différé et en replay sur le téléviseur (7) – par les téléspectateurs recevant une offre de chaînes via le satellite, l’ADSL, le câble ou la fibre optique en France – place la chaîne RTL9 (10,1 millions de personnes) en seconde position, juste derrière Paris Première du groupe M6. Quant à AB1, Science & Vie TV, Mangas et AB Moteurs, elles rassemblent respectivement 4,8 millions, 2,4 millions, 2,1 millions et 2,1 millions de téléspectateurs. L’an dernier, Mediawan avait acquis 35 % de la chaîne généraliste RTL9 à RTL Group. Groupe AB était actionnaire majoritaire de RTL9 depuis 1998 ; il en détient désormais 100 %.
Mediawan étend aussi son offre digitale avec, d’une part, « le lancement de l’application “Mon Science & Vie Junior” sur iOS et Android qui propose des vidéos dédiées aux sciences, du CP au baccalauréat », et, d’autre part, « le développement de chaînes YouTube comme “Instant Saga”, nouvelle chaîne YouTube des plus belles sagas françaises, ou la création de programmes originaux comme le magazine mensuel d’actualité pour les passionnés de nature sur la chaîne YouTube officielle de “Chasse & Pêche” ». En accès libre sur la plateforme vidéo de Google, la chaîne « Chasse & Pêche » compte à ce jour plus de 8.700 abonnés, et « Instant Saga » plus de 3.100 abonnés.
Mediawan ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin dans sa croissance externe, tant dans d’autres productions audiovisuelles en Europe que dans les contenus digitaux. « En 2018-2019, on va frapper encore plus fort », a déjà prévenu Matthieu Pigasse dans une interview aux Echos le 21 mars, précisant que Mediawan avait « la capacité de faire des acquisitions très significatives, de plusieurs centaines de millions ». A plusieurs reprises, des cibles d’acquisition potentielle ont été mentionnées telles que la mini-major EuropaCorp de Luc Besson ou la plateforme de télévision Molotov de Pierre Lescure – le président du conseil de surveillance de Mediawan, par ailleurs président du Festival de Cannes, étant aussi président du conseil d’administration de Molotov… Mais pour ces deux dossiers, Mathieu Pigasse a indiqué que « [les] conditions ne sont pas réunies ».

Un « breakout haussier » en Bourse
Pour l’instant, la capitalisation boursière de la holding de Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse dépasse à peine les 420 millions d’euros. Mais depuis le début de l’année, le titre a bondi d’environ 50 % à la Bourse de Paris. Le 13 juin dernier, et après un « breakout haussier » mi-mai, les analystes de TradingSat.com (édité par NextInteractive, filiale du NextRadioTV détenu par Altice) ont tablé sur « une tendance haussière à moyen terme ». A suivre. @

Charles de Laubier

Réforme de l’audiovisuel : l’acte I élude les vraies questions sur l’avenir des «missions de service public»

En publiant le 4 juin sa « présentation du scénario de l’anticipation » pour l’audiovisuel public, le gouvernement ne va pas au bout de sa réflexion. Il se polarise sur la quatrième révolution du secteur sans s’interroger pour l’avenir sur la légitimité des « missions de service public ».

Par Rémy Fekete, associé Jones Day

Dailymotion améliore son player vidéo pour accroître son audience face à la domination de YouTube

Depuis six mois, Dailymotion n’apparaît plus dans les audiences vidéo via ordinateur mesurées par Médiamétrie. Car le concurrent de YouTube vient tout juste de lancer la nouvelle version de son lecteur vidéo pour plus de performance. Reprise en main par Vivendi il y a un an, la plateforme vidéo se cherche encore.

« En raison d’une modification technique du player Dailymotion, les résultats de (…) Dailymotion ne sont pas disponibles dans ce classement », indique depuis environ six mois Médiamétrie concernant l’audience vidéo en France à partir d’un ordinateur, y compris le 15 mai dernier pour les résultats sur le mois de février. Cette absence de la plateforme vidéo française est aussi bien signalée pour le player propre au site web Dailymotion (brand player) que pour le player utilisé par des d’autres éditeurs (brand support) – tels que 20minutes, Europe 1, Jean-Marc Morandini, L’Equipe, Le Tribunal du Net, MSN, Orange, Planet.fr et RTL – pour diffuser des vidéos Dailymotion.

Attirer éditeurs web, médias et vidéastes
Le dernier relevé disponible où apparaît Dailymotion est celui de l’audience de septembre 2017 : la plateforme vidéo française y figure en quatrième position avec 7,9 millions de vidéonautes uniques dans le mois avec le lecteur vidéo qui lui est propre (brand player), devancée par Digiteka (1) et ses 8,7 millions de vidéonautes uniques. YouTube et Facebook sont en tête, et de loin, avec respectivement 24,3 millions et 13 millions de vidéonautes uniques dans le mois. En adoptant une nouvelle version de son player, Dailymotion espère redresser la barre en convainquant encore plus d’éditeurs, de médias, voire de « motion makers » (2) de l’utiliser sur leurs sites web et de profiter ainsi de son réseau global pour une audience internationale. « Les éditeurs qui utilisent le player Dailymotion bénéficient des opportunités de construire une audience en croissance et de la monétiser via des outils de syndication qui font remonter les vidéos premium auprès de 300 millions de personnes dans le monde à travers les ordinateurs (Dailymotion.com), les mobiles (iOS et Android) et les OTT (Apple TV, Android TV, Xbox One et Amazon Fire TV », a expliqué Guillaume Clément (photo), le directeur produit et technologie de Dailymotion, en annonçant de New York le 25 avril la nouvelle version du lecteur. Aux Etats-Unis, où la filiale de Vivendi a entrepris depuis un an de renforcer sa présence face à son rival YouTube, compte parmi ses partenaires médias Vice, BBC, Genius, Fox Sports, Refinery29 ou encore Bonnier. « Cette mise à jour du player est conçue pour augmenter l’engagement des visionneurs et pour aider des éditeurs à étendre leur audience via notre réseau d’éditeur haut de gamme », a-t-il ajouté. Parmi les nouvelles fonctionnalités, le nouveau lecteur vidéo permet de retenir plus longtemps le vidéonaute en lançant automatiquement une autre vidéo en rapport avec celle qu’il regardait, une fois celle-ci terminée. Il permet aussi à l’éditeur de mieux personnaliser son apparence en y changeant la présentation et des paramètres, afin de l’adapter à sa marque et à l’action souhaitée de la part du vidéonaute (3). Dans l’objectif de voir l’utilisateur passer plus de temps sur les vidéos qui s’enchaînent, Dailymotion a amélioré la navigation au toucher sur smartphones et tablettes comme le glissement arrière ou avant, tout en autorisant les éditeurs à mettre des sous-titres ou bien encore à rendre la vitesse de lecture des vidéos personnalisable. L’équipe new-yorkaise de Dailymotion a mis en ligne (4) une démonstration vidéo de ces nouvelles possibilités éditoriales. « Au cours des bêta tests du nouveau player, les partenaires ont vu une hausse de 17 % des vues par session et une augmentation de 10 % des annonces publicitaires visibles au niveau de l’inventaire », a expliqué Dailymotion, qui compte plus de 200 techniciens. La plateforme vidéo française a confié la vice-présidence produit et développement des partenariats B2B avec les éditeurs (médias, créateurs, personnalités publiques, …) à Claudia Page, engagée à New-York depuis plus d’un an maintenant. « Au moment où le paysage médiatique n’a jamais été aussi fragmenté, les éditeurs cherchent des outils – et de vrais partenaires – qui leur permettent de posséder et de monétiser leurs audiences dans des conditions plus flexibles et personnalisables », a-t-elle assuré.

Dans l’ombre de Vivendi et de Canal+
Devenu filiale à 90 % de Vivendi en juin 2015, à la suite de son rachat pour 271,2 millions d’euros à Orange qui est toujours actionnaire à 10 %, Dailymotion est en train de se réinventer depuis sa reprise en main par Maxime Saada (5). Le patron du groupe Canal+, en outre président de StudioCanal, est depuis lors PDG de Dailymotion. Pour ses 13 ans, Dailymotion continue sa mue vers les vidéos premium et sa conquête des Etats-Unis à partir de New York où l’entreprise vient de sous-louer à la plateforme en ligne de distribution audio SoundCloud un plateau de 2.000 mètres carrés dans le quartier Flatiron District de Manhattan. @

Charles de Laubier

L’Apple TV va-t-elle détrôner les « box » des FAI ?

En fait. Depuis le 17 mai, Canal+ propose – à ses abonnés en France, au nombre de 8 millions à fin mars, et à ses futurs clients – le boîtier Apple TV comme nouveau décodeur (dans sa dernière version 4K, en location à 6 euros par mois en plus). La marque à la pomme vise aussi les « box » des FAI.

En clair. La bataille des « box » et des « boîtiers » ne fait que commencer en France, où les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) que sont Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free constituent toujours un oligopole avec leur offre triple play (télé comprise). Mais leur chasse-gardée l’est de moins en moins, tant les boîtiers multimédias tels que Nvidia ou Apple TV, voire les clés audiovisuelles telles que Google Chromecast ou Amazon Fire TV Stick, gagnent du terrain. « Près de 8 téléviseurs connectés sur 10 sont reliés à Internet par le biais du décodeur TV des FAI. Ce chiffre a connu une baisse de 3 points en six mois, au profit d’une connexion du téléviseur par console connectée ou boitier tiers », souligne le CSA dans son observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers 2017 publié le 22 mai. Ces boîtiers tiers représentent même à eux seuls le moyen de connecter à Internet le téléviseur connectable pour environ 10 % des foyers de l’Hexagone (voir graphiques p. 11). Les « box » des FAI, elles, restent encore largement dominantes avec plus de 63 % des foyers équipés, suivies par les consoles de jeux (près de 30 %), lorsque ce ne sont pas les téléviseurs Smart TV qui sont directement connectés à Internet (plus de 25 %). L’accord de la chaîne cryptée avec Apple pourrait booster les ventes des boîtiers tiers, alternative de plus en plus crédible aux « box » des FAI. Xavier Niel, invité le 17 mai du Club Les Echos, a dit que Free ne proposera pas l’Apple TV 4K (1) mais précise que l’opérateur suisse Salt dont il est propriétaire la propose. Le fondateur d’Iliad estime que Canal+ a fait « un très bon choix ». L’accord Apple-Canal+ n’est cependant pas une « une première mondiale » – contrairement à ce que Maxime Saada, président de Canal+, a prétendu le 14 mai – car DirecTV (AT&T) loue aussi le boîtier de la marque à la pomme aux Etats-Unis (2).
Le fait que DirecTV et Canal+ se mettent à subventionner l’Apple TV, uniquement vendue jusque-là (3), est révélateur de l’offensive lancée par la firme de Cupertino pour élargir l’utilisation de son boîtier TV qui peine à décoller depuis son lancement il y a onze ans. Pour Canal+, dont le parc d’abonnés baisse, c’est un moyen de répondre à la forte demande de services OTT puisque Apple TV ouvre l’abonné à Internet et à des « apps » telles que non seulement myCanal, mais aussi Molotov, OCS, Amazon Prime Video ou encore Netflix. @