Lagardère cède pour 1 milliard d’euros d’actifs, mais préserve son pôle News – dont Europe 1

Il y a 20 ans, jour pour jour, Lagardère lançait son OPA sur les actions de la société monégasque Europe 1 Communication qu’il ne détenait pas encore
(il en possédait alors 45,1 %). Après des années fastes, la situation de la radio empire. Tandis que le groupe d’Arnaud Lagardère continue de vendre à tout-va.

Les salariés d’Europe 1 ont adopté le 18 avril une motion de défiance contre leur PDG, Arnaud Lagardère (photo) pour « absence criante de stratégie ». Ce désaveu intervient après la grève du 9 avril des salariés du site web d’Europe 1, « afin d’obtenir une clarification de la stratégie numérique d’Europe 1, et la reconnaissance de leur statut de journalistes en CDI [la moitié de la trentaine de journalistes du sib web de la radio sont employés à la pige, d’après les syndicats, ndlr] ». Le malaise est profond chez Europe 1 Télécompagnie (1).

SVOD : la fin de l’hégémonie de Netflix et d’Amazon

En fait. Le 17 avril, Netflix, le numéro un mondial de la SVOD, a fait état de 148,86 millions d’abonnés payants dans le monde – soit une hausse de 25 % sur un an. Amazon Prime Video, son premier concurrent, aurait plus de 100 millions d’abonnés. Mais les nouveaux entrants veulent mettre fin à ce duopole.

En clair. Le marché de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) est à
un tournant. Le duopole d’acteurs globaux constitué par Netflix et Amazon est probablement arrivé au faîte de sa gloire. Leur hégémonie est plus que jamais contestée par la montée en puissance de plateformes de SVOD existantes telles que Hulu, mais surtout par le lancement cette année, voire l’an prochain, de nombreux nouveaux entrants : Apple TV+ sera « disponible cet automne », annonce la marque
à la pomme (1) ; Disney+ sera lancé en novembre prochain ; WarnerMedia (nouvelle filiale d’AT&T) prévoit un lancement de sa plateforme « dans le courant de l’année » ; NBCUniversal (groupe Comcast) fourbit ses armes pour se lancer à son tour en 2020 ; Mediaset (filiale de l’italien Fininvest) cherche à nouer des alliances en Europe pour donner la réplique ; BBC et ITV sont en train de s’allier pour lancer d’ici à la fin de l’année leur plateforme BritBox ; France Télévisions, TF1 et M6 espèrent avoir le feu
de l’Autorité de la concurrence pour lancer Salto. Les géants d’Hollywood – Disney, WarnerMedia et NBCUniversal – ne veulent pas dépendre dans la distribution d’un Netflix ni d’un Amazon qui sont, de plus, devenus leurs concurrents directs dans la production de films et séries à coup de milliards de dollars. La marque à la pomme,
elle, ne veut pas passer à côté du marché dynamique du streaming vidéo qui pourrait être le relais de croissance qu’elle cherche désespérément. Les groupes européens, eux, cherchent à constituer des offres de SVOD censées résister aux plateformes américaines décidément envahissantes.
Face à cet éclatement de l’offre, il y a pour les consommateurs une bonne nouvelle et une mauvaise. La bonne est que la pression sur les prix des abonnements mensuels
va s’accentuer sur les offres SVOD, alors que Netflix a osé en janvier augmenter aux Etats-Unis son abonnement de base de 7,99 à 8,99 dollars (2) – mais sans changement (pour l’instant) dans le reste du monde. Disney+ est déjà annoncé « moins cher que Netflix », à 6,99 dollars. Hulu, qui vient d’annoncer le 15 avril dernier le rachat à AT&T des 9,5 % que l’opérateur télécoms (maison mère de WarnerMedia) détenait dans son capital (3), est déjà à 5,99 dollars. La mauvaise nouvelle pour les consommateurs est qu’ils devront multiplier les abonnements s’ils veulent accéder à plusieurs catalogues de plus en plus « propriétaires ». @

Comment l’Autorité de la concurrence dénonce une régulation audiovisuelle « profondément inadaptée »

La Cour des comptes, le CSA et le rapport « Bergé » ont déjà mis en évidence
les faiblesses du système français de régulation de l’audiovisuel. L’Autorité de
la concurrence va plus loin en en dénonçant la « complexité rare » et le caractère « très atypique », voire « non-équitable et inefficace ».

François Brunet*, avocat associé, et Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan Lovells

L’Autorité de la concurrence plaide pour une réforme qui permettrait aux acteurs français de la télévision de se débarrasser de contraintes, lesquelles, aujourd’hui, n’ont plus aucun sens économique – voire, risquent de condamner à la stagnation et au déclin l’ensemble des filières audiovisuelle et cinématographique françaises. Son analyse (1) commence par un panorama détaillé du nouveau paysage concurrentiel
de l’audiovisuel.

Cadre réglementaire actuel inadapté
L’Autorité de la concurrence met en avant l’existence d’une « révolution numérique », qui a « profondément modifié les usages de l’audiovisuel » (2) et qui a permis le développement de nouveaux opérateurs issus du monde de l’Internet, en particulier celui des GAFAN. Elle constate ainsi que ces nouveaux acteurs ne connaissent pas
les mêmes contraintes réglementaires que les acteurs traditionnels français de l’audiovisuel et sont, en conséquence, capables de proposer des offres plus flexibles
et moins coûteuses pour les consommateurs. Ainsi, Netflix augmente aujourd’hui le nombre de ses abonnés de 25 % à 30 % par an et dispose d’une base mondiale de
140 millions d’abonnés – dont près de 5 millions en France. De même, après seulement deux années d’existence, Amazon Prime Video totalise déjà 100 millions d’abonnés dans le monde. A l’inverse, Canal+, qui, depuis 20 ans, s’est désinvesti de nombreux marchés étrangers, notamment de l’Italie et des pays scandinaves, voit sa base française d’abonnés décliner chaque année (3). L’Autorité de la concurrence note également, dans la lignée de son avis de mars 2018 relatif à la publicité en ligne (4), que cette révolution numérique s’accompagne « d’une rapide évolution du secteur de
la publicité télévisuelle, confrontée à la très forte croissance de la publicité en ligne » (5). Dans ce nouvel environnement, Google et Facebook captent l’essentiel de la croissance du segment de la publicité en ligne, qui connait un taux de croissance en France de l’ordre de 10 % à 15 % par an (6), alors que le marché français de la publicité est globalement atone et que les revenus publicitaires des grandes chaînes
en clair (TF1, France Télévision, M6) stagnent dangereusement, voire déclinent franchement (7). Au regard du développement rapide de nouvelles plateformes numériques et de nouveaux usages par les consommateurs, l’Autorité constate que
« le modèle de la télévision linéaire classique [qui] est celui d’un marché géographique national mature, fortement régulé, et non intégré entre la production de contenus et l’édition de services » (8) est fortement déstabilisé. Ces bouleversements « voient leurs effets accrus par l’existence d’une réglementation sectorielle française beaucoup plus stricte et détaillée qu’ailleurs en Europe, à laquelle les nouveaux acteurs ne sont pas soumis, et dont l’efficacité semble, par ailleurs, faible pour les secteurs censés en bénéficier » (9). Historiquement, le cadre réglementaire français en matière audiovisuelle, résultant de la loi du 30 septembre 1986, repose sur un compromis entre d’une part les lourdes obligations pesant sur les éditeurs de services de télévision et d’autre part le droit octroyé à ces mêmes éditeurs d’utiliser à titre gratuit les fréquences de radiodiffusion concédées par l’Etat (10). Autrefois seul moyen d’atteindre le public, ces fréquences de radiodiffusion n’ont plus aujourd’hui la même valeur en raison de la concurrence d’autres vecteurs de diffusion (réseaux câblés, fibre), ce qui rend de facto le cadre réglementaire actuel suranné. En matière publicitaire, ce cadre réglementaire
a pour effet de limiter l’accès des éditeurs de chaînes de télévision aux ressources publicitaires. Et ce, en leur interdisant de diffuser des écrans publicitaires pour certains secteurs, dont le cinéma et l’édition littéraire. La logique derrière cette interdiction est de défendre la diversité culturelle française, en protégeant les producteurs indépendants et les petites maisons d’édition face aux capacités financières des distributeurs de films à succès et des grands groupes d’édition.

Olivier Nusse, président d’Universal Music France : « Il faut démocratiser le streaming par abonnement »

Président d’Universal Music France, filiale du premier producteur mondial
de musique, et depuis neuf mois président du syndicat français représentant notamment les majors (Snep), Olivier Nusse déplore que Spotify, Apple Music ou Deezer ne fassent pas mieux connaître le streaming par abonnement en France.

Le streaming musical a beau représenter en 2018 – et pour la première – plus de la moitié (50,1 %) du chiffre d’affaires de la musique enregistrée en France, soit 300,9 millions d’euros sur
un marché total de 581,3 millions d’euros, et compter 5,5 millions d’abonnés à ce type d’écoute audio, cela ne satisfait pas Olivier Nusse (photo). Président d’Universal Music France depuis plus
de trois ans et, depuis neuf mois, président du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), il estime que les plateformes de streaming – au premier rang desquelles Spotify, Apple Music et Deezer – ne font pas assez en France la pédagogie du streaming par abonnement. « Atteindre 5,5 millions d’abonnés en France en 2018, c’est encourageant : il y en a 1 million de plus en un an. Mais c’est un vrai challenge car c’est à peine 10 % de taux de pénétration [par rapport à la population française et ses 67 millions d’habitants, ndlr]. Certains autres territoires atteignent 20 % à 25 %. Je pose la question : est-ce que l’on a réussi à suffisamment démocratiser cet usage (du streaming musical par abonnement), le faire comprendre, pour qu’il ait une vraie croissance du nombre d’abonnés en France ? », s’est-il demandé lors de la conférence annuelle du Snep, le 14 mars dernier.

Vers une campagne publicitaire pour s’abonner
Le successeur de Pascal Nègre doute que Spotify et Deezer – sociétés dont le capital est détenu de façon minoritaire par Universal Music et d’autres majors (1) – en fassent assez pour promouvoir le streaming payant par abonnement. « Est-ce que les partenaires qui sont les nôtres sur ce nouveau mode de consommation en streaming poussent suffisamment les clients potentiels vers l’abonnement ? », a lancé Olivier Nusse, en tournant son regard vers le directeur général de Deezer France, Louis-Alexis de Gemini, présent dans la salle de conférence. « Mais surtout, a insisté le président
du Snep, avez-vous vu des compagnes publicitaires qui auraient été faites par les plateformes pour expliquer la différence entre l’idée de s’abonner par rapport à la consommation gratuite ? Je ne suis pas sûr que le grand public ait vraiment compris l’intérêt de s’abonner sur le streaming audio, lorsque l’on voit que Netflix dans l’audiovisuel atteint déjà en France quasiment le même nombre d’abonnés – à plus
de 5 millions ».

Le gratuit progresse plus vite que le payant
Car les producteurs de musique et les plateformes musicales ont chacun tout intérêt
à faire croître les abonnements plutôt que de laisser prospérer le streaming gratuit financé par la publicité, bien moins rémunérateur pour eux – et donc pour les artistes. Ce qu’ils appellent le « value gap » est illustré par YouTube qui, selon eux, accapare en France près de la moitié (48 %) des heures consacrées au streaming musical mais ne génère que 11 % des revenus du streaming musical (2). Or, bien que le streaming gratuit ait rapporté l’an dernier encore quatre fois moins (57,8 millions d’euros) que le streaming payant (243 millions d’euros), il progresse cependant plus vite (38,8 % sur
un an) que le second (23,2 %). Et cela frustre quelque peu Olivier Nusse : « Cela va être le challenge de 2019 et des années à venir pour que ce marché puisse continuer
à avoir de la croissance et à bien rémunérer les artistes », a-t-il prévenu.
Interpellé, le patron de Deezer France a reconnu un certain déficit de communication pour mieux inciter les consommateurs à s’abonner à la musique en streaming plutôt que de rester sur le gratuit. « On a du boulot tous ensemble à faire – avec les majors et les indés [producteurs de musique indépendants, ndlr]. C’est vrai que l’on pourrait se donner ensemble une ambition, peutêtre faire une campagne nationale en social média, en télévision, en cinéma, … pour promouvoir cet usage qui est génial. Mais on a énormément de pédagogie à faire sur l’intérêt que représente le streaming par abonnement : 5,5 millions d’abonnés, c’est bien, mais c’est deux fois à trois fois moins que dans nos pays voisins », a répondu Louis-Alexis de Gemini à Olivier Nusse, lequel se demande même pourquoi les plateformes Spotify ou Deezer ne poussent pas suffisamment les clients potentiels vers l’abonnement.
Contrairement à Apple Music qui interrompt son service après trois mois de gratuité, Spotify et Deezer laissent, eux, le client dans le gratuit autant qu’il le souhaite mais avec tout de même une expérience très dégradée puisqu’il ne peut pas streamer à
la demande plus de cinq titres par heure maximum – ce que beaucoup d’utilisateurs
de musique gratuite ne comprennent d’ailleurs pas. Pour Louis-Alexis de Gemini,
« le gratuit est un moyen de faire de la pédagogie » mais les différences de droits de diffusion en streaming gratuit accordés par les producteurs ne simplifient pas l’approche du consommateur. « Spotify a élargi les droits du gratuit ; Deezer a moins de droit, explique son patron. Il n’y a pas les mêmes droits sur l’ordinateur que sur le mobile. D’où la complexité du gratuit pour le client en fonction du magasin où il est… Avec nos amis de la musique, il faut aussi travailler sur le gratuit car on n’a pas trouvé encore la fluidité de conversion idéale pour nous tous ». Surtout, les plateformes musicales – comme Deezer où le gratuit financé par la publicité représente à peine 10 % de ses revenus – estiment perdre beaucoup d’argent sur ce service gratuit qu’elles paient aux producteurs pour chaque stream. Autre préoccupation du président d’Universal Music France et du Snep : les abonnements via les opérateurs télécoms, à l’image de ceux issus de l’accord exclusif qu’Orange poursuit depuis 2010 avec Deezer, dont il est aussi actionnaire minoritaire (3). « Depuis près de deux ans maintenant, la part du nombre d’abonnés qui se fait en direct sur les plateformes (stand-alone) est supérieure à celle faite via les abonnements téléphoniques. Les accords avec certains opérateurs télécoms arrivent à terme. On observe petit à petit un basculement vers le stand-alone ; cela prend un peu de temps pour la transformation. Malgré tout, je pense qu’il y a besoin de démocratiser l’usage et d’expliquer un peu mieux pour cela devienne encore plus populaire », insiste encore Olivier Nusse.
Le streaming étant devenu le moteur de la croissance du marché de la musique enregistré, avec en 2018 un total en France de 57,6 milliards d’écoutes en ligne sur
les services de streaming audio (cinq fois plus qu’en 2014, selon GfK), la notion même de rentabilité d’un album est en outre remise en question. Jusqu’alors, « la production d’albums de nouveautés en France s’opère dans des conditions structurellement déficitaires et seul un album produit sur 10 atteint le seuil de la rentabilité », selon le Snep (4). Mais le streaming et sa « longue traîne » changent tout, comme l’a confirmé Olivier Nusse : « Les catalogues peuvent être disponibles plus longtemps que ne peut l’être une grande majorité de la production en distribution physique, dont les disques ne peuvent plus être achetés si on ne les trouve plus. Alors qu’avec le streaming, il y a des catalogues qui peuvent être consommés longtemps – peu mais longtemps – et qui à terme peuvent quand même devenir rentables ».

Nouvelle rentabilité des catalogues en ligne
Le Snep envisage donc, pour tenir compte de l’évolution des usages et de la plus grande disponibilité des catalogues dans le temps, de faire des études d’audiences
des titres et des albums un peu plus longues que celles qui sont faites actuellement
sur des périodes assez courtes. Pour l’heure, le grand gagnant des genres musicaux sur le streaming est la musique urbaine – pour le plus grand bien de la diversité. @

Charles de Laubier

Canal+ ne veut pas voir les chaînes gratuites (TF1, M6, France 2, …) faire du payant, Salto compris

Avant que l’Autorité de la concurrence ne rende dans quelques mois sa décision sur le projet Salto (plateforme de SVOD initiée par France Télévisions, TF1 et M6), le groupe Canal+ – par la voix de son directeur des antennes Gérald-Brice Viret – s’oppose à ce que les chaînes gratuites fassent du payant.

« Il ne faudrait pas que les éditeurs de télévision gratuite, privée comme publique, en profitent pour devenir de facto payants sur ces nouveaux modes. Finalement, le linéaire gratuit ne serait plus qu’une fenêtre en clair, partielle et résiduelle. Il s’agit de faire très attention et de ne pas déstabiliser les éditeurs (de chaînes) payants », a mis en garde Gérald-Brice Viret (photo), directeur général des antennes de Canal+, qui était l’invité d’honneur d’un dîner-débat organisé le 20 février dernier au Sénat par le Club audiovisuel de Paris (CAVP).

« On fut assez estomaqué » (Gérald-Brice Viret)
Le groupe Canal+, dont la chaîne cryptée née il y a 35 ans perd des abonnés en France (lire EM@ 206, p. 3 et voir p. 11), est vent debout contre le projet de plateforme de SVOD de France Télévisions, TF1 et M6 (1). Pour le directeur des antennes de la filiale audiovisuelle de Vivendi, il n’est pas concevable que les chaînes gratuites du public et du privé se mettent à faire aussi du payant au nez et à la barbe des chaînes payantes. « On a été assez estomaqué d’entendre qu’il y avait un projet de plateforme et on l’a été encore plus lorsque l’on nous a expliqué que France Télévisions allait faire payer les contenus à nos concitoyens… Donc là, les bras nous en sont tombés ! », a raconté le directeur des antennes Canal+, C8 (ex Direct 8), CStar (ex-Direct Star/D17) et CNews (ex iTélé). Ce projet de plateforme de SVOD est non seulement en contradiction avec le fait que les Français paient déjà la redevance (reconduite par
la loi de finance 2019 à 139 euros en métropole et 89 euros outremer), mais il arrive
en concurrence frontale avec les chaînes payantes. « Mais nous pensons que les chaînes payantes doivent être payantes et que les chaînes gratuites doivent être gratuites. Cette idée de plateforme payante, qui mélange de gratuit et de payant, je
n’y crois pas ! », a martelé Gérald-Brice Viret devant un parterre de producteurs et d’éditeurs audiovisuels. Et de prévenir : « Je demeure un militant de la diversité des modèles économiques – privé, public, payant – avec un point de vigilance : la digitalisation et la délinéarisation ne doivent pas conduire à un changement subreptice du contrat des chaînes gratuites avec le public ». Déjà menacées par la plateforme mondiale de SVOD de l’américain Netflix, Canal+ et toutes les chaînes payantes ne veulent pas être en plus mises en danger par un Salto lancé par les grandes chaînes gratuites françaises tentées à leur tour par le payant. D’après Gérald-Brice Viret, qui
fut jusqu’en décembre 2015 président de l’Association des chaînes conventionnées éditrices de services (AcceS), les chaînes thématiques [payantes] cumulent près de
12 % d’audience. Sur l’offre Canal+, elles sont à 24 % d’audience : c’est un poids économique de près de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires (par an), de 8.000 emplois (sans compter les induits). « C’est un succès qui tient en un mot : la différence, à l’heure où le risque de l’uniformisation progresse », s’estil félicité devant le CAVP. Autre problème soulevé par Canal+, celui des droits de diffusion en replay accordés aux chaînes gratuites sur les œuvres cinématographiques et audiovisuelles. « La gratuité de leur offre peut s’étendre sur sept jours [en replay après la diffusion à l’antenne, ndlr], voire à trente sur ces nouveaux modes de consommation, mais cette offre doit rester gratuite », a prévenu Gérald-Brice Viret.
Surtout que l’audience de la télévision de rattrapage est en train de devenir massive (2). Même s’il estime qu’il est légitime aujourd’hui que les éditeurs de chaînes demandent, en plus, des droits qui englobent davantage de diffusion linéaire et non linéaire, il est aussi tout à fait légitime que les téléspectateurs puissent bénéficier sur les nouveaux modes de visionnage des mêmes régulations protectrices que sur la diffusion linéaire. France Télévisions, par exemple, souhaite acquérir des droits de diffusion des œuvres au-delà de sept ou trente jours (sur six mois ou un an ?) pour les rendre gratuites ou payantes en ligne, y compris sur Salto (3). Mais pour le groupe Canal+, l’extension des droits délinéarisés reste cohérente pour les chaînes payantes mais pas pour les chaînes gratuites qui doivent, selon lui, rester à sept voire trente jours maxi. C’est ce que Gérald- Brice Viret avait déjà exprimé le 27 octobre 2014 lors son précédent dîner-débat devant le CAVP (4).

Réunir Salto, MyCanal et Molotov ?
A la place de Salto, Canal+ verrait plutôt MyCanal consacré comme « plateforme française ». Et de Gérald-Brice Viret d’être songeur : « Après, je ne suis pas dans le secret des dieux pour savoir si l’on peut négocier ou proposer que notre plateforme
soit la plateforme française. (…) On parlait de Salto, de MyCanal, de Molotov, etc… Pourquoi pas ne pas se mettre autour d’une table et réfléchir ? ». A suivre. @

Charles de Laubier