De quelle ampleur sera la catastrophe publicitaire ?

En fait. C’est mi-mai que l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep), Kantar et France Pub publient leur Baromètre unifié du marché publicitaire et de la communication (Bump) pour le 1er trimestre. Les résultats ne seront pas bons et laisseront présager une annus horribilis, tous médias confondus.

En clair. « Il est encore un peu tôt pour modifier nos prévisions annuelles… Nous pensons que nous serons probablement autour de – 30 % sur le 1er semestre 2020, une hypothèse un peu plus optimiste que celle diffusée mi-avril … Pour l’annuelle, cela dépendra de la dynamique de la reprise », a indiqué à Edition Multimédi@ Hélène Chartier, directrice générale du Syndicat des régies Internet (SRI).
Le 14 avril dernier, ses 38 adhérents – parmi lesquels Google, Facebook, TF1 Pub, FranceTV Publicité, Le Monde Publicité (M Publicité-RégieObs) ou encore Verizon Media (ex-Oath) – avaient constaté « une baisse drastique des revenus publicitaires digitaux : de l’ordre de – 40 % pour le seul mois de mars, avec des prévisions allant jusqu’à – 80 % pour avril et une estimation d’impact sur le marché du display de – 20 à – 30 % pour l’ensemble de l’année 2020 ». Cette chute annoncée de la seule publicité digitale – pourtant habituel amortisseur avec ses croissances annuelles à un ou deux chiffres par rapport à la publicité sur les médias classiques souvent, eux, en déclin (dont la presse) – ne laisse rien augurer de bon pour le marché global de la publicité en France. S’il n’y avait pas eu la crise sanitaire, les recettes publicitaires dans leur ensemble – télévision, presse, radio, cinéma, imprimés et Internet – auraient progressé cette année d’environ 1 %, contre 1,5 % en 2019. Bref, 2020 devait être en « léger ralentissement » avec notamment « une progression un peu plus limitée des médias numériques ». C’était du moins ce que prévoyait (1) l’Irep (2) avant la fermeture des lieux publics le 14 mars et la promulgation de la loi du 23 mars 2020 instaurant l’état d’urgence sanitaire.
Près de deux mois de confinement après, sur fond de récession économique, la question n’est plus de savoir s’il y aura une catastrophe publicitaire mais de quelle ampleur sera-t-elle. Surtout que la date du 11 mai, à partir de laquelle le déconfinement des Français et des entreprises sera progressif, ne marquera pas le retour à la normal du marché publicitaire – loin de là. Mi-mai, l’Irep, Kantar et France Pub publient les résultats publicitaires du premier trimestre 2020 dans le cadre de leur baromètre « Bump » (3). Ils donneront un aperçu de la catastrophe annoncée : – 20 %, – 30 %, – 50 % voire plus ? Puisque l’on vous dit que 2020 est une annus horribilis.@

Après avoir changé de « Bob » en février, la Walt Disney Company entre de plain-pied dans l’ère du streaming

Avec un nouveau PDG à sa tête depuis le 25 février – Bob Chapek, successeur de Bob Iger –, la major historique d’Hollywood lance le 24 mars son service de streaming – Disney+ – dans sept autres pays en Europe (mais pas en France, seul Etat à avoir exigé un report au 7 avril). Le mythique conglomérat du divertissement s’achemine vers son centenaire, en espérant échapper d’ici-là au Covid-19.

(Au moment où nous avons publié le n°230 de Edition Multimédi@, le gouvernement français a obtenu de Disney le report au 7 avril de sa nouvelle plateforme de SVOD)

La plateforme de streaming Disney+, lancée le 12 novembre 2019 aux Etats-Unis, au Canada et dans un premier pays européen, les Pays-Bas, puis quelques jours après en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Porto Rico (une île des Caraïbes), a rencontré très rapidement un large succès : elle totalise aujourd’hui près de 30 millions d’abonnés dans ces six premiers pays-là en quatre mois d’existence (1). Le 24 mars 2020 devrait être aussi un jour marqué d’une pierre blanche. Disney+ sera alors disponible dans sept pays supplémentaires, uniquement sur le Vieux Continent cette fois : Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Espagne, Italie, Autriche et Suisse. En France, le gouvernement a obtenu de Disney le report au 7 avril… Fin mars, ce sera au tour de l’Inde. Disney+ pourrait rencontrer un succès comparable sur ces nouveaux territoires, susceptibles de lui permettre de doubler voire de tripler d’ici la fin de l’été prochain le parc total de ses abonnés, constitué d’un public très familial. En fin d’année, l’Europe de l’Est et quelques premiers pays d’Asie-Pacifique suivront. En 2021, Disney+ desservira l’Amérique Latine et d’autres pays. Lors du tout premier lancement de Disney+, le groupe avait indiqué qu’il comptait engranger dans le monde jusqu’à 90 millions d’abonnés d’ici 2024.

La France, le pays le moins facile pour Disney+
La France ne sera pas le marché le plus facile à séduire, en raison de la sacro-sainte chronologie des médias qui impose à la major d’Hollywood d’attendre dix-sept mois après la sortie de ses nouveaux films dans les salles de cinéma de l’Hexagone avant de les proposer aux Français sur Disney+. Et encore faut-il que ses nouveautés ne relèvent pas d’accords d’exclusivité passés antérieurement avec des chaînes de télévision de l’Hexagone (TF1, M6, Canal+, …). Ces restrictions, notamment sur des blockbusters, risquent de générer en plus de la frustration, mais la plateforme Disney+ compte sur le fait qu’elle peut puiser dans la richesse des catalogues de Disney, Pixar, Marvel, Star Wars ou encore de National Geographic, ce qui correspond à plus de 1.000 films, séries et des « Originals ». De quoi espérer obtenir un plébiscite des foyers français, au nombre de quelque 28 millions aujourd’hui. Un joli potentiel. C’est dans ce contexte d’expansion mondiale de Disney+ que Robert Chapek (photo) – « Bob » pour les intimes – doit incarner la mutation digitale de la firme presque centenaire, en tant que tout nouveau PDG de la Walt Disney Company, en fonction depuis un mois.

Une transition sur fond de Covid-19
Disney+ est devenu le nouveau fer de lance de la major d’Hollywood sur le marché mondial de la SVOD déjà bien occupé par Netflix (168 millions d’abonnés) et par Amazon Prime Video (plus de 100 millions d’abonnés), eux-mêmes suivis – de loin – par le service de moindre envergure Apple+ lancé le 1er novembre dernier, en attendant les autres challengers. Certes, son prédécesseur Robert Iger – lui aussi surnommé « Bob » et désormais président exécutif et président du conseil d’administration – lui a largement préparé le terrain. Au cours de ses quinze ans à la tête du groupe, la capitalisation boursière de Disney a quintuplé, pour atteindre un pic de 273 milliards de dollars le 26 novembre 2019. Mais pour un conglomérat historique du divertissement et des médias, pas de quoi s’endormir sur ses lauriers face à un Netflix « monoproduit » valorisé, lui, plus de 145 milliards de dollars – boosté par le confinement ! Amazon Prime Video monte aussi en puissance, tandis qu’Apple TV+, Peacock (NBCUniversal/Comcast) et HBO Max (WarnerMedia/ AT&T) font augmenter la pression. Bob Iger (69 ans) a amorcé le changement ; Bob Chapek (60 ans) va tenter de le poursuivre.
Mais le conglomérat de Burbank – du nom de cette petite ville proche de Los Angeles (Californie), surnommée « capitale mondiale des médias » (2), où la Walt Disney Company a son siège social et des studios de cinéma – est comme un paquebot. Difficilement manœuvrable. Et la nouvelle plateforme Disney+ fait figure de petit remorqueur tout neuf. Mission de ce dernier : tirer et guider la maison mère dans le monde digital. Certes, Bob Iger sera toujours là – du moins jusqu’à la fin de son contrat le 31 décembre 2021 – pour superviser la « transition » pour qu’elle soit « harmonieuse et réussie », selon le communiqué surprise du 25 février (3). Bob Chapek, lui, a trois ans d’antériorité au sein de Disney (où il est entré en 1993) par rapport à son prédécesseur (arrivé en 1996). Le nouveau PDG de la Walt Disney Company était auparavant le patron des parcs d’attraction – aujourd’hui tous fermés pour cause de coronavirus – et des produits dérivés du groupe légendaire. Ce changement de tête sur fond de nouveau cap digital n’a toutefois pas plu aux investisseurs : entre l’annonce de la passation de pouvoir et le 12 mars, l’action Disney a plongé de 80 % et sa capitalisation boursière a diminué à 172 milliards de dollars, avant de reprendre légèrement du poil de la bête. Bob Chapek saura-t-il convaincre qu’il est l’homme de la situation pour que le centenaire de ce groupe de légende se passe sans encombre dans trois ans ? Le Covid-19 joue les trouble-fête, contraignant la major du cinéma à reporter « Black Widow » et deux autres films dont les sorties en salles étaient prévues en mai. C’est en 1923 que le jeune Walt Disney (20 ans) crée à Hollywood, avec son neveux Roy, Disney Brothers Cartoon Studio juste après la faillite de Laugh-O-Gram Studio (à Kansas City dans le Missouri), son tout premier studio de cinéma. La société prendra le nom de Walt Disney Studio en 1926. Ce sera en 1939 que le producteur implantera ses studios à Burbank, où il décèdera le 15 décembre 1966 à l’âge de 65 ans. C’est là que la Walt Disney Company, renommée ainsi en 1984, a construit sa légende. Aujourd’hui, dans le monde, le groupe Disney emploie 223 .000 personnes et a généré près de 70 milliards de dollars de chiffre d’affaires (69,570 milliards précisément en hausse de 17 %) au titre de son dernier exercice annuel décalé qui s’est achevé le 28 septembre 2019, pour un bénéfice net bien supérieur à 10 milliards de dollars (11,584 milliards exactement).
Bob Chapek devra détourner son regard de ses habituels parcs d’attraction pour se polariser sur le poste « directto- consumer » (DTC) qui comprend non seulement Disney+ mais aussi les autres services de streaming de la compagnie : ESPN+ (plateforme sportive (4)), Hotstar (un service de SVOD indien lancé février 2015 par Fox avant son rachat par Disney), et Hulu (la plateforme vidéo dont Disney a pris le contrôle en mars 2019 en rachetant la participation de Fox). ESPN+ compte 7,6 millions d’abonnés (étant cantonné aux Etats-Unis et confronté actuellement aux annulations sportives à cause du Covid- 19), Hotstar 150 millions grâce à l’Inde mais aussi les Etats-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne, tandis que Hulu revendique 30,4 millions d’abonnés en attendant son expansion internationale prévue à partir de 2021.

Rentabiliser l’OTT, le grand défi de Bob
Mais la ligne comptable « Direct-to-Consumer & International » de Disney fait apparaître dans les derniers résultats annuels (5) une perte opérationnelle de près de 2 milliards de dollars (1,814 milliard précisément). En raison des lancements de plateformes sur Internet, dont Disney+ en cours, c’est le seul segment qui perd de l’argent, les autres activités (« Media Networks », « Parks, Experiences and Products » et « Studio Entertainment ») étant chacune très rentables. C’est là que réside le plus gros défi que doit relever le nouveau Bob de Disney : rendre rentable le virage Over-the-Top (OTT) de la compagnie pour qu’elle ne vacille pas à terme. @

Charles de Laubier

Télévision : vous aimez les services interactifs HbbTV ; adorerez-vous la publicité ciblée HbbTV-TA ?

Dix ans après le lancement de la norme HbbTV par des éditeurs de télévision soucieux de garder le contrôle de leur signal audiovisuel et du petit écran, convoité par les fabricants de Smart TV et les acteurs de l’Internet, l’association HbbTV lance cette fois la norme de publicité ciblée HbbTV-TA.

Son président, Vincent Grivet (photo), a annoncé le 24 février la publication des spécifications techniques de cette nouvelle norme destinée à devenir un standard de l’audiovisuel. «HbbTV-TA marque un nouveau chapitre dans la transformation numérique des radiodiffuseurs. Tout en conservant leur atout unique de s’adresser à un grand marché de masse, ils peuvent maintenant également s’adresser à des publics très différenciés, ouvrant de nouvelles perspectives de croissance pour les entreprises », s’est félicité Vincent Grivet, ancien dirigeant de TDF où il fut notamment chargé du développement audiovisuel.

Normes DVB-TA et HbbTV-TA, complémentaires
Il présente HbbTV-TA (1) comme la première norme ouverte dédiée à la publicité ciblée en direct à la télévision. L’objectif est d’en faire un standard en Europe, où le marché est actuellement fragmenté avec plusieurs solutions propriétaires. « Les spécifications HbbTV-TA permettent aux radiodiffuseurs d’offrir à des groupes d’auditeurs spécifiques de la publicité personnalisée pendant les pauses publicitaires, lorsque la publicité “normale” sur le signal audiovisuel conventionnel de la chaîne de télévision est remplacé, sur la base d’un écran-par écran, par une publicité ciblée spécifique », explique encore Vincent Grivet.
Cette nouvelle norme de publicité adressée va aussi permettre de personnaliser et de localiser les fonctions, ce qui permettra d’améliorer les options d’accessibilité pour les personnes ayant une déficience visuelle ou auditive. Les spécifications de HbbTV-TA pour la publicité ciblée télévisuelle ont été définies en collaboration avec le consortium européen DVB (Digital Video Broadcasting), qui fixe les normes de la télévision numérique, du multiplex, des chaînes au décodeur des téléspectateurs. Parallèlement à la norme HbbTV-TA, une norme DVB-TA a aussi été divulguée pour se compléter entre elles (2). Contacté par Edition Multimédi@, Vincent Grivet nous éclaircie : « HbbTV-TA spécifie des capacités techniques du récepteur, ce qui est le plus critique et important pour une chaîne de télévision. DVB-TA spécifie le dialogue entre l’Ad-Server et l’application de la télévision qui fait la substitution » (3). C’est une avancée historique pour les chaînes et les publicitaires qui vont pouvoir générer de nouvelles sources de revenus « en utilisant des occasions de publicité ciblées, lesquelles, jusqu’à présent, ont été largement limitées au marché de la publicité sur Internet ou des services OTT en streaming », ajoute le président de l’association hébergée comme le consortium DVB à Genève par l’Union européenne de radiotélévision (UER). Les éditeurs de télévision membres de HbbTV Association – BBC, ITV, ProSiebenSat.1, la RAI, RTI (Mediaset), RTL Group, Sky ou encore TDF qui diffuse entre autres les chaînes de France Télévisions – sont demandeurs d’un tel standard, notamment en France où la réforme audiovisuelle va ouvrir la télévision à la « publicité adressée », appelée aussi « publicité segmentée ». Le ministre de la Culture, Franck Riester, porteur du projet de loi, prévoit d’assouplir par décret – transmis au CSA pour avis (4) – la réglementation sur la publicité télévisée, en permettant notamment la publicité ciblée. Mais, pour ne pas déstabiliser les marchés publicitaires de la presse et radios locales, des garde-fous que regrettent déjà les chaînes sont prévus : les annonceurs ne pourront pas indiquer à l’écran l’adresse de leurs distributeurs, commerçants ou magasins ayant pignon sur rue localement, malgré le ciblage géographique ; la publicité adressée et géolocalisée sera limitée à 2 minutes toutes les heures en moyenne. « En outre, la Cnil propose – dans son projet de recommandation sur les cookies et les traceurs – de considérer la télécommande d’un téléviseur comme un clavier d’ordinateur, rendant particulièrement compliqué le consentement légitime du téléspectateur », s’inquiète le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV). Ce dernier craint pour le développement de la publicité segmentée à la télévision, dont le potentiel est estimé en France à 200 millions d’euros de recettes (5). Les chaînes rongent leurs freins.

Coup d’envoi à l’automne à Paris ?
En attendant un lancement de la publicité segmentée, espéré d’ici l’été prochain, certains éditeurs de télévision testent depuis l’an dernier et négocient avec les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) un partage de la valeur équitable. « Il y a eu de nombreux tests de pub adressée HbbTV, mais pas encore HbbTV-TA qui est trop récent, comme ceux de TDF avec France Télévisions », nous précise Vincent Grivet. Le vrai coup d’envoi du HbbTV-TA pourrait être donné à l’automne lors du 9e HbbTV Symposium and Awards 2020, organisé cette année à Paris par la HbbTV Association qui fête ses dix ans, avec Salto (6) comme coorganisateur. @

Charles de Laubier

Viacom et CBS se marient enfin début décembre pour tenir tête à Netflix, Disney ou encore Amazon

Trois ans après l’échec de la dernière tentative de fusion, Viacom et CBS fusionnent pour de bon début décembre. Shari Redstone sera la chairwoman de ViacomCBS. Son état-major est déjà en place, notamment dans le digital (CBS Interactive, VDS, …) et le streaming (CBS All Access, Pluto TV, …).

Il y a près de trois ans, en décembre 2016, la tentative de fusionner les deux groupes de médias américains Viacom et CBS n’avait finalement pas aboutie, à cause du PDG de CBS de l’époque, Leslie Moonves, qui, tout en s’opposant à l’opération, exigeait d’avoir le contrôle du futur nouvel ensemble. Depuis que ce dernier a démissionné en septembre 2018 à la suite d’accusations d’abus sexuels lancées contre lui (1), avant d’être officiellement licencié « pour faute grave » par CBS en décembre de la même année.

La famille Redstone à la tête d’un empire
La voie était depuis libre pour de nouvelles négociations entre Viacom et CBS. Cette fusion, annoncée en août (2) et devant aboutir le 4 décembre, était souhaitée de longue date par Shari Redstone (photo), la fille du magnat des médias américain Sumner Redstone. Ce milliardaire est à 96 ans le président du conseil d’administration de National Amusements, la holding familiale détentrice de plus de 70% des droits de vote de Viacom et de CBS. Mais Leslie Moonves, lui, était hostile à ce projet de fusion. Le groupe de chaîne de télévision CBS s’était retrouvé devant la justice, assigné par la famille Redstone qui l’accusait de vouloir diluer ses droits de vote. Une fois le PDG évincé l’an dernier, CBS a décidé d’enterrer la hache de guerre avec les Redstone. Selon les termes de la fusion, les actionnaires de CBS détiendront 61 % du nouvel ensemble et ceux de Viacom 39 %. Cette méga-opération de 11,7 milliards de dollars sera définitive une fois obtenus – fin 2019 voire début 2020 – les feux verts des autorités anti-trust.
Sans attendre, dès le 5 décembre, le nouvel ensemble ViacomCBS sera coté au Nasdaq – où Viacom seul est valorisé 9,8 milliards de dollars (au 28-11-19). Le groupe CBS, lui, sera retiré du Nyse où il est valorisé 15,2 milliards de dollars. Shari Redstone devient la chairwoman du nouveau conglomérat des médias et Robert (Bob) Bakish, l’actuel PDG de Viacom, voit ses fonctions englober ViacomCBS. Le nouvel état-major a été précisé le 18 novembre (3) : Alex Berkett devient vice-président exécutif, en charge du développement et de la stratégie via des « opportunités de croissance, y compris des acquisitions et des partenariats » ; Jose Tolosa est nommé directeur de la transformation du groupe afin de mieux intégrer ses différentes filiales et trouver des synergies. Le 11 novembre (4), de premières nominations avaient été annoncées dans les contenus et le numérique : au-delà des dirigeants des médias traditionnels, ViacomCBS aura un Chief Digital Officer (CDO) en la personne de Marc DeBevoise, actuel PDG de CBS Interactive, la filiale des sites web et des services en streaming (CBS All Access, Showtime, CBSN, CBS Sports HQ et ET Live). Son périmètre élargi à tout le conglomérat comprend également Viacom Digital Studios (VDS), dont la France avait été choisie comme tout premier pays de lancement en octobre 2018. VDS, dont la présidente Kelly Day est francophone (5), est un studio de production de formats mobiles et contenus digitaux dédiés aux marques et à la génération Millennials (6). Quant à Tom Ryan, également francophone, il continue chez ViacomCBS comme directeur général de Pluto TV qu’il a cofondé en 2013. Cette plateforme de streaming agrège plus de 200 chaînes thématiques et des programmes à la demande des chaînes traditionnels, le tout proposé gratuitement (7). Après avoir été racheté en janvier dernier par Viacom pour 340 millions de dollars, le nouveau Pluto TV a été lancé en octobre 2018 en Grande-Bretagne, puis il y a un an en Allemagne et en Autriche, et depuis septembre dernier en Suisse – en attendant la France pour se mesurer à Molotov (8). « Tom Ryan, travaillera en étroite collaboration avec l’équipe de ViacomCBS Networks International sur l’expansion mondiale de Pluton TV, y compris sa croissance continue en Europe ainsi que son lancement à travers l’Amérique latine », précise le groupe.
Avec tous ses services en streaming et en OTT (9), « Bob » Bakish entend ainsi faire face à Netflix, Prime Video d’Amazon ou encore aux nouveaux venus que sont Disney+ et AppleTV+ (depuis novembre) et HBO Max (WarnerMedia) et Peacock (NBCUniversal), attendus au printemps 2020. « Les dirigeants annoncés apportent une expérience complémentaire et approfondie, à la fois pour les activités par abonnement et pour les services financés par la publicité », a-t-il déclaré.

ViacomCBS : un CA de plus de 28 Mds $
ViacomCBS pèsera plus de 28 milliards de dollars de chiffre d’affaires, dont 12,8 milliards de dollars (- 0,8 % sur un an) pour le seul groupe Viacom (Paramount, MTV, Nickelodeon, Comedy Central, …) qui a publié ses résultats annuels le 14 novembre dernier car clos le 30 septembre 2019, avec un bénéfice net 1,5 milliard de dollars (- 10 % sur un an). Le groupe CBS, lui, n’a pas d’exercice décalé et ses résultats 2019 seront connus l’an prochain. @

Charles de Laubier

Replay : France TV veut 7 jours, Arte… 90 jours !

En fait. Le 7 novembre, lors des 29es Rencontres cinématographiques de Dijon, le nombre de jours de diffusion des films en télévision de rattrapage a fait débat, voire polémique. Les organisations de producteurs (L’ARP, SPI, UPC, …) sont prêtes à accorder 7 jours à France TV, mais coincent sur les 90 jours d’Arte.

En clair. Après huit ans de tergiversations avec les organisations du cinéma français, France Télévisions va enfin obtenir le droit de proposer en replay durant 7 jours les films de cinéma que ses chaînes diffusent et cofinancent. Edition Multimédi@ a demandé à la présidente du groupe de télévision public, Delphine Ernotte Cunci, présente aux Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD), pourquoi les négociations avaient pris autant de temps. « Cela fait huit ans que l’on négocie pour les 7 jours gratuits des films de cinéma, délai déjà en vigueur pour les productions audiovisuelles. Mais c’est Canal+ qui bloque en menaçant de dénoncer son accord avec les organisations du cinéma français si elles signaient pour 7 jours avec nous. C’est du chantage », nous a-t-elle répondu. Canal+, encore premier pourvoyeur de fonds du cinéma français, estime que plus le replay gratuit des films est long plus il détourne les téléspectateurs de sa télévision payante. Selon nos informations, un accord de principe a été trouvé à la fin de l’été pour les droits sur 7 jours gratuits pour les seuls films cofinancés par France Télévisions – mais ni TF1 ni M6 ne sont concernés. Il ne reste plus qu’à signer. L’ARP (1), organisatrice des RCD, le SPI (2) ou encore l’UPC (3) sont disposés à signer. A défaut d’avoir pu le faire à Dijon, c’est maintenant imminent. « Beaucoup de ces films ne sont pas au prime time mais nous avons envie qu’ils soient vus et qu’ils aient la possibilité d’être vus en replay », a justifié Marie Masmonteil, vice-présidente longs-métrages du SPI.
Delphine Ernotte Cunci, elle, s’est demandé si France.tv n’aurait pas dû – sans attendre – expérimenter les 7 jours sur puisque Arte.tv a de son côté pris la liberté de le faire sur 90 jours et sans accord professionnel. « Nous sommes actuellement à 0 jour de replay sur le service public qui touche pourtant les trois quarts de la population française. Le cinéma pour tous est quand même notre sujet », a fait remarquer la présidente de France Télévisions. Régine Hatchondo, directrice générale d’Arte France (4), a tenté de s’expliquer : « Sur les 90 jours de replay sur Arte.tv, il s’agit d’une option qui est mise en oeuvre qu’avec l’accord du producteur. Nous avons négocié sur 10 films pour lesquels nous avons effectivement demandé à avoir les droits sur 90 jours pour expérimenter. Car les usages évoluent très rapidement ». @