Après le différé, la catch up va booster l’audience TV

En fait. Le 1er mars, M6 fête ses 25 ans. « La petite chaîne qui monte » est devenue
la troisième avec 10,8 % de parts d’audience en 2011, derrière TF1 (23,7 %) et France 2 (14,9 %). Elle est la seule chaîne historique à afficher, en 2011, une croissance de l’audience sur un an. Grâce au « différé ».

En clair. Si M6 a gagné l’an dernier 0,4 point de part d’audience, là où les autres chaînes historiques gratuites (TF1, France 2, France 3, Arte) en perdaient, c’est grâce au « différé » que Médiamétrie ajoute à l’audience classique (au moment de la diffusion à l’antenne) depuis le 3 janvier 2011. Cela a représenté l’an dernier en moyenne – sur l’ensemble des chaînes – 3 minutes 39 secondes de durée d’audience par jour et par personne supplémentaires. En effet, depuis plus d’un an maintenant, l’institut de mesure d’audience prend en compte le visionnage de programmes en différé jusqu’à sept jours après la diffusion initiale à l’antenne. Or, pour l’instant, cela ne concerne que l’enregistrement personnel sur magnétoscope numérique (1), DVD ou équipement à disque dur, voire le système de pause des box (time shifting). Quant à la télévision de rattrapage (catch up TV), elle n’est pas encore comptabilisée dans l’audience des chaînes. Mais, selon nos informations, c’est cette année que Médiamétrie va intégrer la catch up TV à sept jours sur téléviseur dans les mesures d’audience des chaînes (2). De quoi compenser un peu plus l’érosion de l’audience live à l’antenne, en raison de la délinéarisation et de l’affranchissement de la grille des programmes. Selon Médiamétrie, 14,5 millions de personnes ont utilisé la télévision de rattrapage en 2011, soit 3,4 millions de plus qu’en 2010. En février, après la fermeture de Megaupload, le patron de M6, Nicolas de Tavernost, avait constaté une forte augmentation du trafic sur ces services de rattrapage M6 Replay et W9 Replay. Si la catch-up TV se pratique d’abord sur ordinateur, elle est de plus en plus utilisée sur le téléviseur grâce aux portails proposés sur les box IPTV des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Les smartphones et les tablettes deviennent des écrans de la TV délinéarisable. « L’année 2012 sera celle de la mesure de la catch up qui est une des dimensions clés de la TV connectée », a estimé Julien Rosanvallon, directeur du département Télévision de Médiamétrie. Mais à force de rajouter à l’audience initiale des chaînes du « différé », lequel peut permettre de contourner les publicités ou de les supprimer, les annonceurs ne risquent-ils pas de s’interroger sur l’audience qu’on leur « vend » ? Au-delà de l’antenne live, est-ce que l’on peut encore parler de télévision ? La VOD gagne du terrain. @

Pub : de la vente d’espaces à la vente de contacts

En fait. Le 8 décembre, se sont tenues à l’Assemblée nationale les 5e Assises
de la convergence des médias – organisées par l’agence Aromates, à l’initiative du député Patrice Martin-Lalande. Thème cette année : « Quelle place pour la publicité dans l’économie des nouveaux services audiovisuels ? ».

En clair. « La télévision peut-elle perdre la bataille de la publicité ? ». Telle était la première préoccupation de ce colloque introduit par Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, et Michel Boyon, président du CSA. « On passe d’une logique de vente d’espaces à une logique de vente de contacts qualifiés », a expliqué Gilles Fontaine, directeur général adjoint de l’Idate (1). Or, si les chaînes de télévision ont mieux résisté à la baisse des prix du marché de la publicité télévisée, elles doivent faire face, selon lui, à une « réorganisation de la chaîne de valeur » dans un monde où délinéarisation (catch up TV, VOD, …) est synonyme de destruction de valeur. Mais passer à la vente de contacts nécessite un système d’information adapté.
« Les chaînes sauront-elles maîtriser cette technicité ? », se demande Gilles Fontaine. Bruno Patino, directeur général délégué à la stratégie et au numérique de France Télévisions (2), préfère parler de vente de « contexte d’utilisation, c’est-à-dire un mélange des deux » à l’heure de la Social TV (télévision et réseaux sociaux), tout
en prenant acte que  « [les chaînes] ne seront plus les maîtres et ne contrôleront plus
le système ». Mais pour l’heure, rassure Zysla Belliat, présidente de l’Irep (3), « la télévision reste encore cette puissance dans le foyer, cette lumière au fond de la caverne » (sic). La télé pèse en effet en 2010 plus de 3,4 milliards d’euros des recettes publicitaires en France (+ 11,2 % sur un an), soit 32,1 % de parts de marché.
Ce qui la place en seconde position derrière la presse et ses 3,7 milliards de recettes publicitaires (en recul de 1,6 %), pour 34,4 % de parts de marché. Internet, lui, génère seulement 540 millions d’euros (+ 12 %) en display (hors liens sponsorisés et e-commerce) : de quoi relativiser… pour l’instant.
Car le marché global français de la publicité – dont les recettes des médias dépassent, selon l’Irep, les 10,7 milliards d’euros en 2010 pour 30,7 milliards d’euros de dépenses de communication des annonceurs – n’est pas extensible. Entre TNT (19 chaînes gratuites, 10 payantes, 5 HD, 45 locales, bientôt 6 nouvelles), catch up TV, VOD, plates-formes vidéo (YouTube, Dailymotion et bientôt Netflix et Hulu) et TV connectée, la fragmentation de l’offre audiovisuelle entraîne une fragmentation de l’audience et, donc, de la publicité. @

Le PAF dénonce de plus en plus un « Internet non régulé »

Le 8 novembre, le cabinet d’études NPA Conseil a organisé la 14e édition de son colloque annuel, avec Le Figaro (EM@ était partenaire presse), sur le thème de « Univers tout numérique : année 0 ». Le PAF régulé s’inquiète face à la concurrence d’un Internet « non régulé » venu d’ailleurs.

Par Charles de Laubier

Le paysage audiovisuel français (PAF) se rebiffe de plus en plus : les chaînes de télévision et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dénoncent la « concurrence déloyale » que représentent le Web « non régulé » et ses acteurs du Net « venus de l’étranger ». Ils en appellent aux pouvoirs publics pour imposer aux nouveaux venus de la TV connectée et de la VOD, implantés hors de France, les mêmes obligations et taxes qui pèsent sur eux. Le temps presse : Jean-Marc Tassetto, DG de Google France, a précisé que Google TV sera lancé sur l’Hexagone « en 2012-2013 ». Fin octobre, aux Etats-Unis, a été présentée une nouvelle version qui ressemble plus à ce que Edition Multimédi@ appelle « GooTube ».

VOD et exclusivités : Canal+ reste sous surveillance

En fait. Le 21 septembre, l’Autorité de la concurrence s’est surtout focalisée sur
la non mise à disposition immédiate de ses chaînes aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui le souhaitaient et sur la dégradation de TPS Star (cinéma et sports). Quand est-il de la VOD et des exclusivités ?

En clair. Le troisième des cinquante-neuf engagements que Canal+ a pris en 2006 devait donner un coup d’arrêt aux exclusivités des droits en matière de paiement à
la séance ou de vidéo à la demande (VOD). Il s’agissait de permettre à d’autres – fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou plateforme de VOD – de pouvoir diffuser les films américains récents notamment.
Or l’Autorité de la concurrence constate que là aussi Canal+ « a manqué à son engagement : en tardant à ouvrir les négociations avec plusieurs studios américains détenteurs de droits ; en les ouvrant sans les centrer explicitement sur la levée des exclusivités ; en reconduisant un contrat sans lever les exclusivités ». L’opération de concentration n’a donc pas favorisé l’accès des concurrents de Canal+ aux droits audiovisuels. Pourtant, les engagements étaient assortis d’un « encadrement de la
durée des contrats cadre » (1) conclus avec les grands studios américains et d’une
« interdiction de la conclusion de tels contrats avec les producteurs de films français ». Canal+, premier pourvoyeur de fonds du français, reste dans le collimateur de l’Autorité
de la concurrence. Dans sa décision du 16 novembre 2010, celle-ci a estimé qu’elle ne pouvait pas remettre en cause les exclusivités conclues par Canal+ avec TF1, M6 et Lagardère sur le satellite, la TNT et l’ADSL, malgré la plainte de France Télécom en 2008 notamment. Les sages de la rue de l’Echelle ont néanmoins gardé Canal+ sous surveillance pour toutes les exclusivités conclues postérieurement à 2006 : extension
des exclusivités à la fibre optique, à la télévision de rattrapage (catch up TV) et à « tout nouveau support de diffusion » (2).
L’instruction complémentaire continue, d’autant que la position dominante de Canal+ sur le marché français de la TV payante est de plus de 60 %. La filiale de Vivendi, qui va contester la décision du 21 septembre devant le Conseil d’Etat, estime que l’Autorité de la concurrence « ne prend absolument pas en compte l’univers nouveau qui résulte notamment de l’intervention massive sur le marché de la télévision des géants de l’Internet et des opérateurs télécoms » @

Décret SMAd : le CSA pourrait proposer des modifications à partir de juin 2012

Le CSA a environ un an pour élaborer son rapport sur l’application du décret
SMAd (VOD, TV de rattrapage, SVOD, …), entré en vigueur il y a maintenant huit mois, et le transmettre au gouvernement. Avec, à la clé, d’éventuelles modifications.

Par Christophe Clarenc (photo), associé, et Elsa Pinon, collaboratrice, August & Debouzy

Depuis l’entrée en vigueur, au 1er janvier dernier, du décret daté du 12 novembre relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), il revient au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de contrôler l’application
de cette réglementation et de veiller au développement économique de ces nouveaux services.