La « séparation structurelle » entre le CSA, l’Arcep, l’Hadopi et l’ANFR est remise en question

La question du rapprochement entre le CSA et l’Arcep se pose depuis… 1999.
Mais les offres triple/quadruple play, VOD, catch up TV ou encore TV connectée font voler en éclats la frontière entre Internet et audiovisuel. « Fusionner »
la régulation des contenants avec celle des contenus semble souhaitable.

France TV sur tous les écrans : la redevance aussi ?

En fait. Le 30 mai, le conseil d’administration de France Télévisions a arrêté
les comptes 2011. Résultat net : 5,9 millions d’euros. Recettes publicitaires :
423,7 millions d’euros, malgré la suppression de la publicité en 2009 après
20 heures. Ressources publiques : 2,4 milliards d’euros. Et la redevance ?

Numericable a un réseau « limité » comparé au FTTH et à l’ADSL, en qualité de service et en débit montant

Eric Denoyer, président de Numericable, a fait le 12 avril dernier l’éloge de son réseau très haut débit qui mise encore sur le câble coaxial jusqu’à l’abonné
après la fibre. Mais une étude et un rapport pointent pourtant les faiblesses
de sa technologie FTTB par rapport au FTTH et même à l’ADSL.

Numericable, l’unique câblo-opérateur national issu de l’héritage historique du plan câble des années 80, n’a-t-il vraiment rien à envier à la fibre jusqu’à domicile (FTTH)
et encore moins à la paire de cuivre (ADSL), comme
l’affirme son président Eric Denoyer ? Interrogé par Edition Multimédi@ sur les performances de son réseau très haut débit, qu’un récent rapport commandité entre autres par l’Arcep (1) considère comme « limitées », il s’est inscrit en faux : « Nous avons certes des standards différents par rapport à nos concurrents, mais nous avons les mêmes capacités. Ce que nous offrons, c’est l’équivalent du FTTH avec la TV en plus. Grâce à la technologie ‘’channel bonding’’, nous obtenons les même caractéristiques que le FTTH d’Orange et de SFR utilisant la technologie GPON ». Le réseau de Numericable a en effet la particularité d’amener la fibre optique uniquement jusqu’aux bâtiments ou immeubles (FTTB), puis de raccorder chaque abonné en câble coaxial. Alors que le FTTH, lui, utilise de la fibre de bout en bout.
Si Numericable est capable de proposer du 100 Mbits/s vers l’abonné comme ses concurrents déployant de la fibre jusqu’à domicile, voire du 200 Mbits/s si la zone
du réseau câblé est éligible, une étude et un rapport affirment que le réseau du câbloopérateur présente des « limites » et des « inconvénients ».

Limite en « usage intensif et simultané »
Selon une étude sur le très haut débit (2) publiée en mars dernier et commanditée par l’Arcep, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le Centre national du cinéma et
de l’image animée (CNC) et le gouvernement (DGMIC, DGCIS), le câble présente bien des handicaps. L’étude réalisée par le cabinet Analysys Mason fait en effet le constat suivant : « Sur câble, le débit reste partagé entre un nombre restreint d’abonnés au niveau d’un équipement appelé nœud optique ou amplificateur. Cela implique qu’il n’est pas possible de contrôler aussi bien que sur une ligne dédiée (par exemple DSL ou FTTH) la qualité de service offert à chaque abonné (…). (…) Un usage intensif et simultané de la part de plusieurs utilisateurs peut fortement affecter le service fourni aux autres utilisateurs raccordés à un même nœud optique ».

Faible débit montant et asymétrie
En clair, Numericable peut rivaliser avec Orange, SFR ou Free dans le très haut débit
tant que son réseau câblé n’est pas « surchargé ». Pour l’instant, au 31 décembre 2011, Numericable compte 505.000 abonnés au très haut débit sur un nombre de 1.577.000 abonnés (les autres étant en TV seule ou en marque blanche via les box
de Bouygues Telecom, Auchan et Darty). Or plus Numericable comptera d’abonnés
très haut débit, plus son réseau fibro-câblé risquera d’être victime de goulets d’étranglement. D’autant que Numericable dispose actuellement d’un potentiel total actuel de 4,3 millions de foyers raccordables. Ce qui fait un taux d’abonnement global (TV seule, triple play+bouquets TV et marque blanche) de seulement 11,6 %. Eric Denoyer vise même les « 6 millions de foyers raccordables au très haut débit par la fibre optique à horizon 2014 » sur un potentiel total de 9 millions sur l’ensemble du réseau fibro-câblé national. Numericable a-t-il les yeux plus gros que le ventre ? Certes, le câbloopérateur peut néanmoins jouer du channel bonding pour optimiser son réseau. Cette technologie permet ainsi d’agréger plusieurs canaux au standard d’accès au câble Docsis 3.0, afin d’atteindre plusieurs dizaines, voire centaines, de mégabits par seconde par accès. C’est nécessaire pour le câblo-opérateur s’il veut distribuer à la fois de la télévision haute définition, de la vidéo à la demande (VOD), de la catch up TV ou encore de l’Internet à très haut débit. Mais est-ce suffisant ? Pour l’heure, Numericable propose en débit descendant (téléchargement, streaming, réception, …) du 100 Mbits/s, voire du 200 Mbits/s en zone éligible. Mais, dans certains cas, l’abonné doit se contenter de 25 à 30 Mbits/s. Qu’en sera-t-il lorsqu’un nombre plus important d’abonnés se bousculeront au portillon ? Autre point faible pointé par la même étude publiée par l’Arcep et les autres commanditaires : la voie de retour, c’est-à-dire les débits montants.« Sur câble, l’augmentation possible du débit montant est limitée. En effet,
si le FTTH est capable de proposer des débits montants élevés, la norme Docsis 3.0
ne permet pas en pratique d’atteindre actuellement des débits montants supérieurs à
10 Mbits/s. Ceci peut ainsi limiter la fourniture d’offres avec débits symétriques, utiles
pour les applications conversationnelles », dit l’étude d’Analysys Mason. Cette limite
des 10 Mbits/s en uploading fait pâle figure comparé au 100 Mbits/s sysmétriques, voire plus qu’offre le FTTH. Si Numericable peut se contenter d’investir moins de 200 millions d’euros par an dans son réseau très haut débit (afin de pouvoir rembourser d’ici à 2019 ses 2,35 milliards d’euros de dettes après avoir fait l’objet en 2006 du plus gros LBO de France), le câblo-opérateur français prend le risque financier d’être rapidement dépassé technologiquement. D’autant qu’un rapport de l’Idate (3), commandé par le Centre d’analyse stratégique (CAS) du Premier ministre et publié fin mars, fait aussi état des
« inconvénients » de la technologie FTTB – appelée aussi FTTLA (4). « La pérennité
des investissements FTTLA peut être remise en question face à l’évolution des usages (plus de besoins en bande passante, symétrie, etc.) », prévient le rapport (5). Les usages multimédias sont en effet de plus en plus lourds à acheminer jusqu’à l’abonné (vidéos HD sur Internet, télévision HD, TV 3D, VOD, catch up TV, …) et pourraient provoquer des engorgements sur le câble. Pire : des applications vont avoir besoin
de plus en plus de capacités symétriques telles que les jeux vidéo HD en ligne, la vidéoconférence résidentielle en HD, les services de cloud computing où l’on est amené à stocker dans le nuage des gigabits de données personnelles, le télétravail, la télé-formation ou encore la télémédecine qui auront besoin d’allers-retours « illimités » sur le réseau d’accès. Numericable mise en outre sur le multiscreen qui permet à plusieurs membres d’un même foyer de regarder des chaînes et d’accéder à Internet, quel que soit l’écran du foyer connecté en WiFi ou en 3G (téléviseurs, tablettes, smartphones). Ce « multi-usage » devrait aussi accélérer le besoin en sysmétrie très haut débit.
Mais pour Eric Denoyer, le réseau câblé dispose encore d’un fort portentiel. « Comme nous l’avons annoncé à Las Vegas en janvier dernier [lors de la présentation de la box de Numericable au Consumer Electronic Show, ndlr], nous sommes capables d’aller jusqu’à 4.000 Mbits/s par accès sur notre réseau ». Mais rien n’est dit sur le débit montant… Pour l’heure, faute d’investissements massifs de ses concurrents dans le FTTH, Numericable profite de ce retard en étant l’opérateur télécom qui compte le plus d’abonnés très haut débit en France : 70 % de parts de marché au 31 décembre, selon l’Arcep, alors que la barre des 200.000 abonnés FTTH a péniblement été franchie (voir tableau p. 11).

Numericable enterre déjà l’ADSL
Mais c’est surtout dans le vivier de l’ADSL – 95 % des accès haut débit en France (6) – que le câblo-opérateur espère convaincre de migrer vers le très haut débit. « Numericable veut capitaliser sur la fin de l’ADSL pour croître. (…) Le fait d’avoir un bon ADSL nous fait prendre du retard dans le très haut débit, comme le Minitel a retardé Internet en France », a estimé Eric Denoyer. En 2011, Numericable a réalisé 865 millions d’euros de chiffre d’affaires (+ 2,1 % sur un an) pour une marge brute d’exploitation de 436 millions d’euros (également + 2,1 %). La bataille du très haut débit – FTTH versus FTTB – ne fait que commencer. @

Charles de Laubier

Mobile et Catch up TV : le cinéma va prolonger jusqu’à fin 2013 ses accords avec Orange

Les organisations du cinéma français vont prolonger jusqu’à décembre 2013 les accords qu’elles ont avec Orange Cinéma Séries pour, d’une part, les abonnés mobiles et, d’autre part, la catch up TV. Les conclusions des négociations devraient intervenir avant le Festival de Cannes.

TNT, le second souffle

Rien ne sert de courir il faut partir à point. La fable du Lièvre et la Tortue de La Fontaine s’applique particulièrement bien
à la course que se livrent depuis plus de 20 ans les réseaux de télévision numérique terrestre (TNT) et les réseaux de fibre optique (FTTH). Face aux performances d’athlète de
la fibre, la TNT paraissait bien moins impressionnante.
Mais elle est partie à temps, pour une course de fond parsemée d’obstacles qu’elle franchit l’un après l’autre, consciencieusement. Autant la fibre est depuis longtemps donnée gagnante dans l’acheminement à très haut débit des programmes TV et de
la VOD, autant la TNT n’était que très peu attendue : les téléspectateurs d’alors n’exprimaient aucune attente claire et les chaînes de télévision en place traînaient plutôt des pieds face à cette concurrence annoncée. Ce fut surtout une question de volonté politique : moderniser un réseau très ancien, libérer du spectre et proposer au plus grand nombre une offre plus large de programmes assortie de catch up TV, de « push VOD » (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs. Mais avant d’en arriver là, le top départ fut donné en France dès mars 2005 dans quelques villes, après avoir été plusieurs fois retardé en raison de difficultés tant politiques que techniques. Ce fut dès
lors une lente montée en puissance, que les ricanements des premiers temps peinèrent
à perturber.

« La TNT 2.0 multiplie les chaînes assorties de catch up TV, de ‘’push VOD’’ (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs »

Il est vrai que les grilles de programmes des premières années n’étaient souvent que
des alibis permettant d’occuper la lucarne en attendant des jours meilleurs. Tout cela est bien loin : aujourd’hui près du tiers des ménages français reçoit encore la télévision via ce réseau. La TNT gratuite et universelle a ainsi enrayé le déclin de la télévision terrestre qui, avant 2005, connaissait une migration chronique de ses abonnés payants vers d’autres canaux de réception. Ainsi trois des principales offres payantes proposées au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne avaient disparu entre 2002 et 2005. Dans le même temps,
les abonnés de Canal+ France, première chaîne analogique payante en Europe, avaient migré vers d’autres modes de réception. Depuis lors, avec la numérisation des réseaux et l’amélioration de l’offre, la télévision terrestre a reconquis des téléspectateurs (+ 1,2 million de foyers abonnés entre 2008 et 2011). Cette diversité nouvelle est d’autant plus frappante que les offres de télévision à péage se multiplient sur la TNT : Boxer dans les pays scandinaves, Top Up TV au Royaume-Uni, ou encore les offres à la demande ou prépayées en Italie pour des matches de football accessibles sur la TNT. La France, elle, devint dès 2011 le premier pays européen en nombre d’abonnés à une offre de télévision terrestre (1,8 million de foyers en France en 2011). Et ce, principalement grâce à l’offre
de Canal+ qui propose un abonnement à sa chaîne premium sous forme d’un bouquet
de cinq chaînes et distribue par ailleurs une offre de TNT payante.
L’extinction du signal analogique, qui eut lieu fin 2011 pour la France, a maintenu une croissance du nombre de foyers regardant la télévision via la TNT (plus de 9 millions de foyers). Un attrait régulièrement renouvelé par une offre sans cesse enrichie : en 2012, six nouvelles chaînes vinrent s’additionner aux 19 gratuites existantes, sans compter
une grosse vingtaine de chaînes locales. En 2015, ce fut le basculement de l’ensemble des chaînes de la TNT au format MPEG4, puis aujourd’hui à la norme DVB-T2. Ces chaînes se regardent en HD et, pour certaines, en 3D grâce aux nouveaux téléviseurs, mais ce sont surtout les services multi-écrans qui ont chamboulé le rapport des téléspectateurs aux chaînes. Des startup étonnantes ont su réinventer la TV connectée : la Boxee Box, par exemple, a eu un grand succès à New York en permettant de porter
les vidéos et programmes TV du Web sur le téléviseur aux côtés des chaînes gratuites
de la TNT.
La TNT, en se retournant sur le chemin parcouru depuis son lancement, pourrait bien s’écrier à l’adresse de ses rapides concurrents : « Eh bien ! N’avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ? ». @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Satellite, les nouveaux FAI
* Directeur général adjoint du DigiWorld Institute by IDATE.
Sur le même thème, l’institut a publié son étude
« Le marché mondial de la télévision :
marchés et prévisions 2016 », par Florence Le Borgne