France Médias, la holding de l’audiovisuel public voulue par Macron, est finalement écartée par… Macron

C’est à n’y rien comprendre dans la (grande) réforme audiovisuelle voulue par Emmanuel Macron, adepte du « en même temps ». Dès 2017, il promettait de regrouper les médias publics sous une même holding. Le Parlement propose depuis 2015 de l’appeler France Médias. L’Elysée ne veut plus en entendre parler.

La holding France Médias verra-t-elle le jour ? Le « en même temps » a encore frappé, cette fois dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel public tant promise depuis plus de six ans par Emmanuel Macron. La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak (photo), a fait savoir sur le 6 septembre dernier sur Franceinfo, qu’elle était – avec l’Elysée et sans doute Matignon – contre « un grand Big Bang organisationnel et une usine à gaz qui créerait une superstructure qui s’appellerait une holding, et qui complexifierait la hiérarchie et les prises de décisions ». Le chef de l’Etat – lequel Etat est actionnaire unique de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde et de l’INA – a changé d’avis entre le premier quinquennat et le second. Emmanuel Macron n’avait-il pas promis dès le début de 2017, lors de la campagne présidentielle, de « rapproch[er] les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public » ? Elu 8e président de la Ve République le 7 mai de la même année (1), le nouveau locataire de l’Elysée reprend même à son compte l’idée de créer la holding « France Médias » proposée il y a maintenant huit ans jour pour jour, le 29 septembre 2015, par les sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin dans leur rapport parlementaire qui fera date (2).

Lorsque Macron avait repris l’idée « France Médias » du Sénat
Lorsque l’idée de France Médias est lancée par le Sénat, dans le but de regrouper l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public au sein de cette nouvelle entité et de favoriser les mutualisations et l’innovation, « en particulier dans le champ du numérique », Emmanuel Macron n’est encore que ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (il le sera d’août 2014 à août 2016). Une fois à l’Elysée, il s’attèlera alors à la « grande réforme » de son quinquennat, celle de l’audiovisuel, avec en ligne de mire la création d’une « BBC à la française ». Deux ministres de la Culture – Françoise Nyssen et surtout Franck Riester – s’épuiseront sur le projet de loi « Communication audiovisuelle et souveraineté culturelle », dans lequel le gouvernement prévoyait bien noir sur blanc – dès décembre 2019 – la création de la holding France Médias dont le nom est alors repris par l’Elysée (3).

Les GAFAM appelés à financer l’audiovisuel public

En fait. Le 6 juin, à l’Assemblée nationale, la « mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public » a présenté son rapport, qui préconise notamment de « compenser à l’euro près la suppression de la publicité après 20 heures » par « une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques ». En clair. C’est à huis-clos le 6 juin que les députés JeanJacques Gaultier (LR) et Quentin Bataillon (Renaissance) ont présenté – et soumis au vote de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale – le rapport de la « mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public ». Le sujet est sensible et fait l’objet d’une passe d’armes entre le public (France Télévisions) et le privé (TF1, M6, Canal+, …). Si la majorité relative présidentielle d’Emmanuel Macron semble avoir déjà acté la fin de la publicité après 20 heures – et jusqu’à 6 heures du matin – sur les chaînes publiques (y compris le parrainage), il lui reste à « compenser à l’euro près » ce manque à gagner pour France Télévisions par « une fraction des recettes de la taxe sur les services numériques » (TSN). C’est une l’une des trente propositions présentées dans le rapport « Gaultier-Bataillon », non publié à ce stade, en vue d’être reprises dans une proposition de loi organique (c’est-à-dire portant sur le fonctionnement des pouvoirs publics) portée par les deux députés. Surnommée « taxe GAFA », la TSN a été instaurée par la France – premier pays européens (suivis d’autres comme l’Espagne ou le Royaume-Uni) à l’avoir fait – par la loi du 24 juillet 2019. Depuis cinq ans maintenant, l’Etat français prélève 3 % sur le chiffre d’affaires – et non sur les bénéfices comme le prévoit au niveau mondial l’OCDE (1) – généré par les géants du numérique dont les revenus mondiaux dépassent les 750 millions d’euros, dont plus de 25 millions d’euros « au titre des services fournis en France » (2). Qui l’eût cru : Google/YouTube, Meta/Facebook, Amazon/Prive Video, Apple/AppleTV+ ou encore Microsoft/MSN pourraient contribuer au financement de l’audiovisuel public français ! A l’origine, faire payer aux GAFAM la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public n’est pas une idée d’Emmanuel Macron – bien qu’envisagée dans ce que devait être la grande réforme de son premier quinquennat (la réforme de l’audiovisuel) – mais de Nicolas Sarkozy (3). En 2016, les plateformes vidéo telles que YouTube s’étaient déjà insurgées, avec les opérateurs télécoms, contre la taxe « Copé » appelée aussi TOCE (4), en vigueur depuis mars 2009 et au profit de France Télévisions jusqu’en 2018. Depuis 2019, elle alimente le budget général de l’Etat. @