Orange-cinéma : les films à petit budget exclus

En fait. Le 12 novembre, la Société des réalisateurs de films (SRF) annonce ne pas avoir signé l’accord conclu deux jours plus tôt entre Orange Cinéma Séries et la quasi-totalité des organisations du septième art français. SRF est pourtant membre du bloc signataire.

En clair. Le revirement de dernière minute de la SRF, qui a pourtant participé depuis plus d’un an aux négociations avec France Télécom s’étant conclues par un engagement minimum de 80 millions d’euros d’investissement sur trois ans dans le cinéma français et européen (EM@ n°1 p. 3), découle d’un constat « brutal » de « misère » du cinéma français. Selon cette association, cofondée notamment par Claude Berri et organisatrice depuis 40 ans de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes (1), presque la moitié (44,7 %) des 170 films d’initiative française produits en 2008 ont des budgets inférieurs à2,5 millions d’euros. Or l’effort d’Orange Cinéma Séries pour la « diversité du cinéma »se traduit dans l’accord du 10 novembre par un engagement à consacrer 25 % de son obligation d’acquisition de films d’expression originale française à des œuvres dont le budget est égal ou inférieur à 5,35 millions d’euros. Ce qui représente plutôt des films à« moyen budget » que des films à « petit budget ». La SRF dénonce une « inflation sur les gros budgets, les deux acteurs de télévision payante [Canal + et Orange, ndlr] se disputant les potentiels blockbusters à coup de millions d’euros, laissant des miettes toujours plus éparses aux autres films ». Et de constater que le film d’auteur, ou « cinéma de point de vue », est « mal aimé par les décideurs des groupes les plus puissants ». C’est sur cette répartition des 25 % de « diversité culturelle » que les négociations ont achoppé jusqu’à la dernière minute.
« Nous avions demandé, in extremis, à Orange de s’engager à consacrer sa clause
de diversité à 10 films à petit budget par an. Nous ne l’avons pas obtenu et donc nous n’avons pas signé », a expliqué Laure Tarnaud, déléguée générale de la SRF, qui restera néanmoins vigilante sur les investissements d’Orange Cinéma Séries. France Télécom, qui est le premier opérateur à signer un tel accord en France avec le cinéma français, préachète déjà des films français via cette filiale et en coproduit via l’autre filiale Studio 37. Le bloc, et donc SRF, demande en outre à la mission Zelnik (EM@1 p. 6) que les opérateurs télécoms préfinancent les films européens ou français via une contribution prélevée sur leur chiffre d’affaires pour alimenter le Cosip, Compte de soutien à l’industrie des programmes. @

Extinction totale de la TV analogique : J-2 ans

En fait. Le 30 novembre 2011, c’est-à-dire dans deux ans jour pour jour, marquera le jour de l’extinction définitive de toute diffusion télévisuelle en mode analogique sur l’ensemble de la France. La télévision numérique terrestre (TNT) sera accessible à 95 % de la population, les 5 % restants auront le satellite.

En clair. Le compte à rebours a commencé. Il ne reste plus que deux ans pour faire passer toutes les 36.000 communes de l’Hexagone au signal numérique. Ces basculements se feront région par région, à commencer par l’Alsace le 2 février 2010, suivie de la Basse-Normandie le 9 mars prochain, et ainsi de suite au rythme de une région par mois (Pays de Loire, Bretagne, Lorraine, Champagne-Ardenne, etc.). Quant à la région parisienne, elle basculera totalement le 8 mars 2011. Les Dom-Tom fermeront la marche. Alors que le taux de couverture de la population métropolitaine par la TNT atteint actuellement environ 90 % (88 % précisément l’été dernier), la loi Télévision du futur du 5 mars 2007 (1) a fixé un seuil de couverture de la TNT au 30 novembre 2011 : 95 % de la population capable de réceptionner par voie hertzienne les chaînes numériques avec l’antenne râteau habituelle sur le toit… Pour les autres, l’écran noir ? Lors d’une audition à l’Assemblée nationale fin octobre, l’un des membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Alain Méar, avait indiqué qu’il était  « plausible » que 500.000 foyers français situés dans les zones d’ombre (montagnes, plaines isolées…) se retrouveraient sans télévision dans deux ans. Les députés avaient pris connaissance du fait que 1,3 million de foyers pourront – selon Télédiffusion de France – se retrouver à partir de 2010 (dans les premières régions ayant basculé) et surtout fin 2010 (extinction totale partout) face à un écran noir. Cela dépendra aussi de la puissance des émetteurs qui, s’ils étaient renforcés, permettraient de ramener les “hors champs” à 150.000 foyers. Face à cette inquiétude, le président du CSA, Michel Boyon, est monté au créneau pour dénoncer les informations de TDF. « Personne ne restera à l’écart », a-t-il promis dans une interview accordée le 22 octobre au « Dauphiné Libéré ». Et de mettre les points sur les « i » : « Il ne faut pas se laisser intoxiquer par des entreprises qui ont intérêt à répandre la peur de l’écran noir pour inciter à la signature d’un contrat d’installation d’un émetteur numérique. » Plus de 300 millions d’euros seront consacrés à l’information et à l’aide aux téléspectateurs (2), les chaînes historiques étant appelées par le Premier ministre, François Fillon, à contribuer au fonds d’aide à la TNT. En attendant la TNT en haute définition en 2015… @

… et un autre 2 milliards pour les « e-contenus »

En fait. Le 20 novembre, le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, a demandé que 753 millions d’euros du grand emprunt soient consacrés à la numérisation des biens culturels (films, créations audiovisuelles…). Les contenus numériques « innovants » se partageraient le reste des 2 milliards.

En clair. Répartir ce deuxième fonds « numérique » de 2 milliards entre « l’ancien » et
« le nouveau », en termes de contenus et services à soutenir, ne sera pas une mince affaire. La commission Rocard-Juppé propose de « financer des projets partenariaux publics-privés de recherche et de démonstration visant la conception de logiciels, d’usages et de contenus numériques innovants dans tous les domaines, en premier lieu dans les réseaux intelligents (électriques et de transport), mais aussi dans le télétravail, la télémédecine, l’e-santé, l’e-administration, l’e-éducation, l’e-justice, la numérisation des contenus culturels… en s’appuyant au besoin sur le développement d’infrastructures partagées (cloud computing (1), super-calculateurs…) ». Pour les deux anciens Premiers ministres, les infrastructures numériques de très haut débit sont nécessaires pour permettre le développement de services à forte valeur ajoutée pour les ménages et pour les entreprises (télétravail, télémédecine, …). « La demande en débit est multipliée par deux tous les 18 mois, elle devrait atteindre 100 Mbit/s vers 2013. (…) La France a accumulé du retard sur les systèmes d’exploitation et le hardware (ordinateurs, serveurs, stockage). Elle ne doit pas passer à côté des prochains », prévient leur rapport. D’autant que les contenus et services numériques, qui représentent 60 % des investissements du secteur, enregistrent une croissance annuelle de 20 %. Cette deuxième enveloppe de 2 milliards fera l’objet de la création du Fonds de numérisation de la société, géré là aussi par l’Agence pour le numérique. Les projets éligibles devront répondre à plusieurs conditions : « être innovants, avoir une taille critique suffisante, impliquer systématiquement des cofinancements privés, prévoir un retour économique direct. Ce à quoi s’ajoute une exigence de cofinancements privés et recherche de cofinancements européens ». La secrétaire d’Etat Nathalie Kosciusko-Morizet, n’a pas attendu le grand emprunt pour débloquer dès le mois de mai 2009 une enveloppe de 50 millions d’euros (financements et commandes publiques) – dont 30 millions pour les « jeux sérieux » (serious games) développés pour des usages professionnels et 20 millions pour des projet dans le « Web 2.0 ». @

Contenus numériques : risque de cannibalisation des offres traditionnelles

 l’occasion de la 31e édition des journées internationales de l’Idate, « Digiworld Summit » des 18 et 19 novembre à Montpellier, son directeur général adjoint,
Gilles Fontaine, 
explique à Edition Multimédi@ les effets de la migration des contenus vers Internet.

La bataille des contenus numériques est engagée. Mais comment évolue réellement aujourd’hui le marché mondial des contenus numériques et des médias par rapport aux tuyaux qui régentaient quasiment seuls Internet ces dernières années ? C’est ce que nous avons demandé à Gille Fontaine, le directeur général adjoint de l’Idate (1). « Il n’est pas certain que le poids relatif des contenus dans le marché global de la communication électronique doive progresser », répond-t-il. Pour l’heure, le marché des contenus – de l’ordre de 200 milliards d’euros au niveau mondial – représente 70 % de celui des services télécoms. « Moins de 6 % de ce marché provient de la distribution sur Internet, avec des écarts très significatifs selon les segments : 15 % pour la musique ou moins de 1% pour le livre », précise-t-il.

TF1 mise sur la diversification numérique

En fait. Le 23 octobre, la direction de la première chaîne de télévision française annonce par un communiqué laconique que « TF1 et [son DG] Axel Duroux ont décidé de se séparer d’un commun accord pour divergence de vues stratégiques sur la conduite de l’entreprise ».

En clair. Axel Duroux sera resté finalement moins de deux mois à TF1 en tant que directeur général. Reste seul maître à bord Nonce Paolini, à la tête de la chaîne depuis maintenant plus de deux ans. Le « différend » qui les a opposés est étroitement lié à la stratégie numérique à adopter. Pour Nonce Paolini, TF1 doit se diversifier pour compenser la tendance baissière de son audience (passée de plus de 30 % de part de marché il y a deux ans à 26,4 % aujourd’hui) et affronter une concurrence accrue des chaînes de la TNT et du Web. Pour Axel Duroux, TF1 devait au contraire de concentrer sur son métier historique pour retrouver les niveaux d’audience d’antan et ne pas se contenter des résultats actuels. Les deux dirigeants n’étaient pas d’accord notamment sur la diversification dans la radio numérique. En 2008, le groupe TF1 a déposé trois dossiers de candidature qui ont été retenus : LCI Radio, Wat Radio et Plurielles Radio. Au-delà du problème de partage de responsabilités entre les deux numéros un – le management à Nonce Paolini et les programmes à Axel Duroux (1) –, c’est tout l’avenir de TF1 qui est en question. Le système d’oligopole de l’ancien PAF (2) vole en éclats sous l’impulsion de la diffusion numérique et d’une concurrence des nouveaux écrans « délinéalisés ». L’audience télé se fragmente, y compris vers les ordinateurs et les mobiles. Après l’ancien tandem Le Lay-Mougeotte de TF1 qui n’avait pas cru à la TNT, Nonce Paolini veut rattraper le retard en rachetant pour 200 millions d’euros au groupe AB les chaînes gratuites TMC (3) et NT1. La veille de l’officialisation de l’éviction d’Axel Duroux, Nonce Paolini a décrit – lors d’un colloque NPA Conseil-Le Figaro – une « stratégie multi-supports » avec la télévision via le réseau ADSL (ou IPTV), les téléphones mobiles multimédias à l’aide du Player TF1 ou encore MyTF1 – déjà proposé sur la Bbox de Bouygues Telecom – pour des services de vidéo à la demande (VOD) ou de télévision de rattrapage (catch-up TV). Sans oublier les sites web à commencer par TF1.fr, mais aussi le site d’échange Wat ou encore Overblog. TF1, qui a lancé le 9 novembre un nouveau portail d’information – Excessif.com – sur le cinéma, les séries, les DVD et les jeux vidéo, est en passe de devenir un « groupe audiovisuel global » et de « dépasser la seule chaîne de télévision pour gagner la bataille des contenus sur tous les écrans ». @