FAI taxés : après le ciné et l’audiovisuel, la musique

En fait. Le 4 octobre, la filière musicale représentée par dix organisations – dont le Snep, la Sacem, la SCPP, la SPPF ou encore l’UPFI – s’est félicitée que le président de la République se soit prononcé, la vieille à l’Elysée, en faveur de la création d’un Centre national de la musique (CNM).

En clair. Le bonheur des uns (la filière musicale) fait le malheur des autres (les opérateurs Internet). Le rapport Création musicale et diversité à l’heure du numérique (1), qui a été remis le 3 octobre à Frédéric Mitterrand et à Nicolas Sarkozy, prévoit le financement d’un Centre national de la musique (CNM) par « le prélèvement d’une partie du produit de la taxe sur les services de télévision (TST) », laquelle est versée par les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au CNC (2).
Avec le développement des offres quadruple play et de la télévision sur mobiles, les auteurs du rapport ont calculé que « le produit de la TST distributeurs pourrait atteindre,
en 2012, un montant approximatif de 334 millions d’euros, dont 236 millions au titre de la part FAI ». La mission propose que plus d’un quart de ces recettes – 28,4 % – aillent en soutien de la filière musicale, soit 95 millions d’euros pour l’année 2012. Cette somme ira alimenter le budget total de 145 millions d’euros d’un Centre national de
la musique (CNM), qui sera à la musique ce qu’est le CNC au cinéma. A savoir : un établissement public industriel et commercial (Epic), rattaché au ministère de la Culture et de la Communication, chargé de percevoir les contributions de différents acteurs pour financer la création. L’UPFI (3) avait été l’un des premières organisations de la filière à l’appeler de ses vœux (4). Le président de la République a annoncé aux représentants de la filière conviés à un déjeuner à l’Elysée le 3 octobre que « une mission de préfiguration devrait voir le jour avant la fin du mois d’octobre » pour en préciser la gouvernance et le financement. Les dix organisations de la filière musicale
« demandent au gouvernement d’inscrire la création du CNM et la dévolution des ressources publiques nouvelles nécessaires (sans pression fiscale supplémentaire) dans les projets de loi de finances 2012 [PLF 2012], afin que cet établissement public puisse démarrer son activité dans le courant de l’année prochaine ». Au printemps 2012 ? Quant à la Fédération française des télécoms (FFT), elle « déplore qu’il soit
à nouveau question de taxer les FAI pour financer l’industrie culturelle ». Mais sur le financement, elle compte encore infléchir la décision des pouvoirs publics lors des débats au Parlement sur le PLF 2012. @

Europe : comment harmoniser l’audiovisuel en ligne

En fait. Le 13 juillet, la Commission européenne a publié un livre vert intitulé
« La distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles dans l’Union européenne.
Vers un marché unique du numérique : possibilités et obstacles ». Elle lance
une consultation publique jusqu’au 18 novembre.

En clair. Droits d’auteurs nationaux, chronologies des médias différentes, droits applicables aux services en ligne ou encore préférences nationales des politiques culturelles : tels sont les principaux « obstacles » à la mise en place d’un marché
unique de l’audiovisuel en ligne en Europe. « Si l’Internet ne connaît pas de frontières,
les marchés en ligne de l’UE restent fragmentés du fait d’une multitude d’obstacles
et le marché unique n’a pas encore été réalisé », déplore la Commission européenne qui veut mettre un terme à cette « fragmentation du marché en ligne ». La propriété intellectuelle est particulièrement visée. Car à trop être gérés à l’échelon national,
les droits d’auteur ne facilitent pas l’accès aux catalogues des œuvres audiovisuelles (programmes de télévision, films de cinéma), ni leur distribution en ligne par les fournisseurs de contenus sur le Web. « A l’ère de l’Internet, la gestion collective des droits d’auteur devrait pouvoir évoluer vers des modèles européens facilitant l’octroi
de licences qui couvrent plusieurs territoires », explique-t-on dans le livre vert. En fait, l’audiovisuel en ligne rencontre des problèmes comparables à ceux de la musique
en ligne. La Commission européenne indique que, « comme le prévoit la stratégie numérique pour l’Europe (1), elle] rendra compte, d’ici à 2012, de la nécessité de mesures supplémentaires, au-delà de la facilitation de la gestion collective des droits, permettant aux Européens, aux fournisseurs de services de contenu en ligne et aux détenteurs de droits d’exploiter pleinement le potentiel du marché unique du numérique, y compris de mesures de promotion des licences transnationales et paneuropéennes ». Le Commissaire Michel Barnier, dans une interview à Edition Multimédi@ (lire EM@ 37), avait indiqué qu’une proposition législative de révision de la directive sur le respect des droits de propriété intellectuelle sera présenté « dans le courant du premier semestre 2012 ». Bruxelles envisage aussi de réexaminer la directive « Câble et satellite », qui ne s’avère pas neutre technologiquement et qui ne prend pas les diffusions broadcast ou webcast sur le Net. Il est notamment suggéré d’« étendre le principe du “pays d’origine” applicable aux actes de radiodiffusion par satellite (comme prévu par la directive « Câble et satellite ») à la fourniture de programmes en ligne,
en particulier pour les services à la demande ». Quant à savoir si un film pourra sortir simultanément en salle et en VOD, la question reste à poser (2)… @

Convergence télécoms-audiovisuel et financement des oeuvres : vers une nouvelle régulation

Ancien député UMP du Maine-et-Loire, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Cnil, Dominique Richard – auteur du rapport « Audiovisuel 2015 » remis en avril – a été nommé par le CSA Médiateur pour la circulation des œuvres. Et une mission « TV connectée » vient d’être lancée.

Eric Garandeau, président du CNC : « Les plateformes de VàD doivent s’enrichir et les FAI les référencer »

A la tête du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis le 1er janvier, Eric Garandeau considère qu’« Internet est devenu un média audiovisuel ». Il explique à Edition Multimédi@ ce que cela implique pour les diffuseurs et les créateurs en termes de contributions et de soutiens financiers.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Une mission interministérielle
sur la contribution des opérateurs télécoms au Cosip (150 millions d’euros en 2010) devrait rendre ses conclusions fin avril : pourquoi cette mission ?
Eric Garandeau :
Suite à la modification du taux de TVA sur les offres composites, en loi de Finances 2011, il est apparu nécessaire de revoir la contribution des FAI au fonds de soutien du CNC. En particulier, un opérateur [Free, ndlr] a tenté de réduire sa contribution au fonds de soutien cinéma audiovisuel et multimédia en isolant et en réduisant la valeur de l’audiovisuel, alors même qu’il occupe une part croissante des offres triple et quadruple play. Internet est devenu un média audiovisuel. Il est donc légitime que tous ceux qui font directement ou indirectement commerce de la diffusion d’images contribuent à leur financement. La mission conjointe de l’Inspection générale des Finances et de l’Inspection générale des Affaires culturelles va formuler des propositions en ce sens qui permettront d’éclairer les futures décisions des pouvoirs publics. Il est certain que les opérateurs télécoms, comme toutes les entreprises qui distribuent des services de télévision, contribueront à juste proportion de leur chiffre d’affaires : si leur chiffre d’affaires est en croissance, nul ne s’en plaindra, a fortiori si cela permet de mieux financer des œuvres de qualité (1).

Audiovisuel 2015 : ce que dit Dominique Richard

En fait. Le 9 décembre, E.T., le quotidien d’Ecran Total, révèle le contenu du rapport d’étape « Audiovisuel 2015 » que Dominique Richard a remis le 29 novembre (selon Satellifax) au ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand. Les auditions continuent jusqu’en janvier 2011.

En clair. Le poste de télévision connecté va bousculer le PAF (paysage audiovisuel français) et entraîner avec lui la montée en charge de la délinéarisation des chaînes
avec la catch up TV et la vidéo à la demande – sans parler du cinéma à la demande.
« La connexion de l’écran sera la principale évolution du téléviseur au cours des prochaines années, (…) près de la moitié des ménages devraient y avoir accès d’ici
2012 », explique Dominique Richard. Il s’agit de préparer la réplique – industrielle et réglementaire – à l’arrivée des Google TV, Apple TV et autres Hulu. « L’enjeu général
pour Google et l’ensemble des acteurs concernés est donc de capter une part des 3 h 33 quotidiennes de “temps de cerveau disponible” (1), ainsi que les recettes publicitaires associées ». A propos de la charte « TV connectée » rendue publique le
23 novembre par les chaînes françaises décidées à garder le contrôle du téléviseur
(2) (*) (**), il relève la « position de force » des fabricants (la charte « [ne les] engage
pas »). TF1 et M6 pourraient refuser de donner accès à leur programme à Google TV par exemple.
« Cette situation de blocage rappelle celle qu’ont connu les acteurs de la presse qui
ne sont parvenus à obtenir de Google aucune forme de rémunération », souligne le rapport. L’avenir incertain du cinéma à la demande est aussi en toile de fond de ce rapport. Bien que les plateformes de vidéo sur Internet, YouTube et Dailymotion,
aient signé des accords avec des sociétés d’auteurs (3), le rapport Richard affirme :
« il n’existe (…) pas de véritable économie pour les producteurs [de programmes télé
ou de films, ndlr] sur le seul marché des plateformes d’hébergement », les revenus engrangés par les ayants droit étant « très souvent marginaux ». Reste que, selon rapport, la production audiovisuelle en France doit s’industrialiser. Quant aux plateformes de VOD, qui devraient réaliser 150 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année en France, elles déçoivent. « Près de la moitié des Français restent insatisfaits de l’offre existante », déplore Dominique Richard. Il faut donc l’améliorer (visibilité, accessibilité, compatibilité, paiement en 1 clic, …). Sont montrés du doigt les services de VOD implantés à l’étranger, comme Apple au Luxembourg, non soumis aux obligations du décret SMAd. Et les acteurs en France jugent en outre le décret « anti-contournement » « insuffisant ». En outre, faudra-t-il rapprocher l’Arcep et le CSA ? @