Producteurs et ayants droits reprennent le pouvoir

Le 10 mai, l’Idate a présenté son 12e rapport annuel « DigiWorld Yearbook » :
le marché mondial du numérique a progressé « modérément » de 4,3 % en 2011,
à 3.069 milliards d’euros. Hors e-commerce, les services Internet (1) en Europe pèsent moins de 5 %. A qui va profiter la bataille des contenus ?

Président du Geste : Who’s Next ? Scherer ou Patino ?

En fait. Le 29 mars, le Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) organisait une matinée prospective : « Médias en ligne : What’s Next ? ». L’événement s’est tenu chez France Télévisions… Son patron de la stratégie, Eric Scherer, pourrait être le prochain président du Geste.

Satellite : les nouveaux FAI

Vous êtes déjà en 2020, Par Jean-Dominique Séval*

Pour les amateurs de Science fiction, l’espace est bien plus que le ciel au-dessus de nos têtes ou qu’un objet d’étude repoussant les limites de l’univers aux confins de la métaphysique. C’est aussi un lieu familier où des vaisseaux spatiaux imaginaires relient entre elles de lointaines planètes. Un rêve encore, même si la conquête de l’espace a encore progressé.
Le voyage spatial séduit de plus en plus de passagers, qui embarquent dans des astroports flambant neufs. L’antique station spatiale internationale, l’IIS vient de terminer sa vie au fond d’un océan, tandis qu’une nouvelle station chinoise est en cours d’assemblage. De nombreuses sondes ont continué à être envoyées dans tout le système solaire et, au-delà, pendant que les programmes d’expéditions lunaires et martiennes continuent de mobiliser les grandes agences nord-américaine, européenne, russe et asiatique.

« Les opérateurs de satellites se sont bien transformés en FAI. Mais ils s’inscrivent – pour l’instant ? – dans une logique d’offre complémentaire pour les zones mal desservies. »

Mais, parmi les très nombreuses promesses offertes par la conquête spatiale, la plus concrète reste encore celle proposée par l’utilisation intensive d’un espace restreint au modeste périmètre de l’attraction terrestre : entre 200 et 36.000 kilomètres autour de la terre. Un espace saturé aujourd’hui par plus de 3.000 satellites, opérationnels ou non.
L’odyssée du satellite artificiel a commencé dans l’imaginaire fertile d’auteurs comme Edward Everett Hale, dans sa nouvelle The Brick Moon (1869), ou Jules Verne, dans Les 500 millions de la Bégum (1879). Moins d’un siècle plus tard, la course était lancée avec le précurseur soviétique Spoutnik I (1957), aussitôt suivi par l’américain Explorer 1 (toujours en orbite depuis 1958).

Les satellites, dans leur ronde silencieuse, ont dès lors progressivement rempli des missions de plus en plus variées : observation, localisation, télédiffusion ou communication. Mais, alors qu’ils commençaient à saturer l’espace orbital disponible, tout en atteignant une certaine maturité commerciale marquée par une diversification croissante de leur gamme de services à forte valeur ajoutée, la compétition avec des services terrestres faisait rage.
La promesse théorique du satellite est pourtant sans égale : pouvoir délivrer partout sur la planète, et quel que soit le relief, des services de télévision et de communication incluant désormais l’accès haut débit à Internet. Si la plupart des pays développés ont adopté des plans nationaux très haut débit à horizon 2020, les solutions technologiques retenues furent d’abord en faveur de réseaux terrestres fixes (FTTx) associés au réseau mobile 4G (LTE), la Corée du Sud et le Japon étant pionniers en la matière.
Seuls quelques pays, dont la France et l’Australie, envisagèrent de mettre le satellite à contribution comme solution crédible pour délivrer des services très haut débit à 50 Mbits/s à partir de 2015, privilégiant l’utilisation de la bande Q/V en substitution à la bande Ka.

Dans cette bataille qui l’opposa aux technologies mobiles terrestres, le satellite ne manquait pas d’atouts technologiques et économiques.

En retard par rapport à la concurrence terrestre en 2011, les opérateurs de satellites ont rapidement renforcé leurs offres « bundlées » en intégrant des offres TV, qui étaient un de leurs points forts historiques. Eutelsat, via sa filiale Skylogic et son satellite européen multifaisceaux Ka- Sat, développa une offre multiplay disponible (Tooway) et du haut débit à des tarifs comparables à ceux des accès ADSL ou fibre optique. Au final, les opérateurs satellite se sont bien transformés en FAI. Mais leur part de marché est encore limitée et ils s’inscrivent – pour l’instant ? – dans une logique d’offre complémentaire pour des habitants de zones mal desservies.
Le nombre d’abonnés haut débit par satellite sur l’Europe et l’Afrique du Nord est quand même, en 2020, de plus de 1 million (contre moins de 150.000 dix ans plus tôt). En regardant la place limitée qu’occupe aujourd’hui le satellite et en s’interrogeant sur la pertinence des choix techniques et économiques retenus, me prend l’envie de convoquer les mânes de William S. Burroughs qui déclarait : « Après un regard sur cette planète, n’importe quel visiteur de l’espace demanderait : ‘’je veux parler au directeur’’». @

* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut publie chaque année son étude « Très haut débit par satellite », par Maxime Baudry.
Prochaine chronique « 2020 » : Câble : la révolte des cord-cutters

Les nouveaux nababs

Dans les coulisses de la 73e édition du Festival de Cannes, s’agitent dans l’ombre de nouveaux venus dans le monde, pourtant réputé très fermé, de la production culturelle : Orange, Telefonica, Verizon ou Vodafone. Bien sûr, les films en compétition et le ballet des stars sur le tapis rouge des marches mythiques attirent toujours autant les flashs et les projecteurs. Mais pour tenir leurs rangs et continuer à nous présenter leurs créations, les réalisateurs ont dû composer avec un monde de la production en pleine mutation. Aujourd’hui comme hier, faire un film, réaliser un programme de télévision, créer un jeu vidéo ou enregistrer une création musicale reste un parcours du combattant. La révolution numérique, en bouleversant les circuits de distribution des contenus, a également bousculé les sources habituelles de financement de la production : un effet domino qui
a touché, tour à tour, la musique, la presse, la vidéo, les jeux, l’édition et le cinéma. Les créateurs impuissants, au cœur d’un cyclone qui les malmène, ont dû retrouver les bons partenaires capables de financer leur travail. Dans cette vaste réorganisation, les opérateurs télécoms ont joué un rôle particulier, plus ou moins directement, plus ou moins contre leur gré. Si les plus puissants se sont directement impliqués dans le contrôle des plates-formes de distribution de contenus, en mettant en place leur propre système de diffusion de VOD, d’autres sont allés plus loin : Orange en prenant tour à tour le contrôle de Deezer pour la musique ou de Dailymotion pour la vidéo, ou AT&T en prenant le contrôle de Netflix aux Etats-Unis…

« Audiovisuel : les opérateurs télécoms ont joué un rôle particulier, plus ou moins directement, plus ou moins contre leur gré. »

En revanche, l’implication directe et offensive dans la production est beaucoup plus rare. Certains, comme Belgacom et Deutsche Telekom, se sont dans un premier temps limités à l’acquisition de droits de retransmission pour le football national au profit de leur propre chaîne de télévision sportive. Les plus offensifs, comme Telefonica et Telecom Italia, ont créé leurs propres filiales médias et interviennent aussi bien dans l’acquisition de droits,
la production de contenus que dans l’édition de chaînes.
Or, au tournant des années 2010, les opérateurs en étaient encore aux premiers tâtonnements, les stratégies oscillant entre implication et désengagement. Orange a, début 2011, opéré un véritable revirement stratégique en rapprochant ses chaînes cinéma avec la chaîne TPS Star et en stoppant l’acquisition de droits en 2012. Et ce, après s’être hissé à la place de numéro deux de la télévision à péage en France, derrière Canal+,
mais très nettement devant le câblo-opérateur Numericable et les autres FAI. De même, Telefonica – qui était sorti du secteur audiovisuel après avoir revendu ses participations dans le bouquet satellite Digital+, la chaîne commerciale Antena 3 et la société de production Endemol – a fait un retour remarqué en 2011 dans la production avec la création de Telefónica Producciones. Mais le retour de l’opérateur historique espagnol dans la production audiovisuelle s’explique surtout par l’obligation légale faite aux acteurs de la distribution TV d’investir 5 % de leurs revenus totaux dans le financement du cinéma et des programmes audiovisuels. D’autres pays ont estimé aussi qu’il était du ressort
des opérateurs télécoms de trouver de nouvelles sources de financement à la filière audiovisuelle. En France, la solution mise en place a d’abord été celle d’une taxe
« Cosip », suivie d’une hausse de la TVA sur la partie télévisuelles des offres triple play. Ces mesures sont controversées, soit par la Commission européenne, soit par les opérateurs eux-mêmes (ou les deux). Free, par exemple, sépara l’option TV du reste de son offre afin de ne s’acquitter de sa part que sur les 1,99 euro par mois de cette option.De nos jours, au-delà des taxes et règlements, rares sont encore les opérateurs télécoms à tenter l’aventure de l’investissement « créatif » en direct. Mais l’enjeu n’a jamais été aussi fort : les programmes premium représentent la véritable ressource rare de cette nouvelle économie dématérialisée du divertissement. Jouer les nababs sur la Croisette pour faire la conquête des stars reste encore aujourd’hui une aventure très risquée, mais très tentante… @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » :
Applications mobiles
* Directeur général adjoint du DigiWorld Institute by
IDATE, lequel a publié l’étude « Les stratégies TV
des opérateurs télécoms », par Florence Le Borgne.

Vers un marché européen du contenu multimédia

En fait. Le 7 décembre, se sont réunies les vingt personnalités qui composent
un « forum de l’UE sur l’avenir des médias » que Neelie Kroes – vice-présidente de la Commission européenne, en charge du numérique – a mis en place pour examiner la « révolution numérique » des médias et lancer un débat en 2012.