Audiovisuel : le numérique rend obsolète la loi de 1986

En fait. Le 10 avril, le nouveau président du CSA, Olivier Schrameck, a indiqué – lors du colloque « Quel avenir pour les indépendants de l’audiovisuel en France ? » organisé par le Sirti – que le rapport d’activité du CSA « achevé d’ici la fin du mois » proposera des évolutions législatives dans l’audiovisuel.

En faisant de son groupe un « pure player » des médias, Arnaud Lagardère va au bout de ses passions

Dix ans après le décès de son père, Arnaud Lagardère va procéder « d’ici le 31 juillet » au retrait de son groupe du capital d’EADS en cédant sa participation de
7,5 %. Et ce, pour « se recentrer sur les médias » : un pari audacieux mais risqué,
au moment où le numérique chamboule tous les modèles économiques.

(Depuis la publication de notre analyse dans EM@77 du 8 avril dernier, le groupe Lagardère a annoncé le lendemain la cession de 7,4 % dans EADS)

Par Charles de Laubier

ALC’est un tournant historique : d’un conglomérat aéronautique-défense-médias, le groupe Lagardère va devenir d’ici cet été un « pure player » des médias. C’est un peu comme si le fils Arnaud (photo) s’émancipait enfin de son père Jean- Luc Lagardère, lequel est décédé il y a dix ans maintenant.
En prenant son envol pour faire de l’entreprise Lagardère
un « groupe 100 % média », comme il le martèle désormais,
le fils unique prend le risque de l’exposer aux aléas du monde médiatique en pleine « destruction créatrice » numérique et confronté au recul des recettes publicitaires, sur fond d’érosion de la diffusion des magazines.
Autant Jean-Luc Lagardère – ancien président de Matra et d’Hachette – avait l’assurance de tirer une partie de ses revenus de l’Etat français, autant Arnaud Lagardère se lance le défi de ne plus dépendre que de deux passions partagées avec son père : les médias et le sport.

De nouvelles acquisitions en vue
La partie est loin d’être gagnée, tant ces deux secteurs sont de plus en plus soumis à une concurrence exacerbée – comme l’illustre la perte de l’appel d’offres UEFA par la filiale Sportfive. Alors que les médias traditionnels sont à la peine, il faudra aussi à ce jeune patron de 52 ans – fêtés le 18 mars – de l’audace pour surfer sur la vague Internet qui tarde à être un relais de croissance.
Quoi qu’il en soit, l’acte fondateur du « nouveau » groupe Lagardère est la vente d’ici le 31 juillet 2013 de la totalité des 7,5 % dans le géant aéronautique EADS, dont il espère tirer une plus-value exceptionnelle de 2 milliards d’euros. Que va-t-il faire de tout cet argent ?

Comme Vivendi, la décote de la holding en cause
Les actionnaires du groupe, dont Qatar Holding détenant depuis un an maintenant
12,83 % du capital et 10,05 % des droits de vote, seront fixés lors de la prochaine assemblée générale prévue le 3 mai prochain. Mais lors de la présentation des résultats annuels début mars (1), Arnaud Lagardère a précisé qu’au-delà d’un dividende exceptionnel et de la réduction de l’endettement, une partie cet argent frais servira à développer les activités médias et sportives. Car l’un des objectifs prioritaires du gérant et associé commandité de Lagardère SCA (2) est – à l’instar de Jean-René Fourtou pour le groupe Vivendi, décidé lui aussi à se recentrer sur les médias – est de redresser le cours de Bourse de la holding. Autant chez Vivendi, dont l’AG du 30 avril pourrait éclairer la stratégie, ce sont les télécoms qui sont accusés de provoquer la décote de la holding (3), autant chez Lagardère, c’est EADS qui est montré du doigt comme étant à l’origine de cette décote boursière.

Acheter de la croissance et la contrôler
Comme pour Vivendi, l’action de Lagardère plafonne à moins de 30 euros (4), soit au même niveau qu’il a dix ans ! Depuis l’annonce du désengagement d’EADS, l’action a certes grimpé mais elle continue de faire pâle figure. Arnaud Lagardère va donc devoir aller chercher de la croissance dans les quatre activités médias : Lagardère Publishing (livre/maisons d’édition, e-publishing), Lagardère Active (presse, audiovisuel, numérique, régie publicitaire), Lagardère Services (distribution presse, boutiques d’aéroport) et Lagardère Unlimited (événements/ droits sportifs et entertainment).
« Nous envisagerons de réaliser quelques acquisitions de moins de 100 millions d’euros », a indiqué fin mars Arnaud Lagardère (5). La croissance externe va donc se poursuivre. Comme l’an passé, l’année 2013 et les suivantes devraient être consacrées à des investissements dans les activités médias à forte croissance – tout en réduisant l’exposition du groupe aux secteurs moins porteurs. La stratégie digitale, qui était ces derniers temps une déception pour Arnaud Lagardère après avoir dû déprécier des actifs Internet (Doctissimo et NextIdea), va poursuivre dans la voie des fusions et acquisitions. Ainsi, l’an dernier, le site de e-commerce LeGuide.com (acquis mi-2012 après une OPA hostile) et BilletReduc.com (racheté fin 2012) sont tombés dans l’escarcelle d’une des quatre branches médias, Lagardère Active, qui revendique la place de leader en France sur le numérique avec Doctissimo (racheté en 2008), Newsweb (racheté en 2006) et les déclinaisons digitales de ses médias Europe 1,
Elle, Première, JDD,Télé 7 Jours, Public, etc(voir tableau ci-dessous). Début 2012, Lagardère Active s’offrait aussi la société DBDS, éditrice du site Tv-replay.fr. Mais ces acquisitions ont contribué à alourdir de 34 % sur un an l’endettement du groupe qui a atteint 1,7 milliard d’euros à fin décembre 2012.
Les 2 milliards d’euros espérés de la vente d’EADS arrivent donc à point nommé pour désendetter le groupe et poursuivre les acquisitions. Lagardère est en outre décidé à se désengager d’activités peu rentables ou dans lesquelles il ne détient pas le contrôle. C’est pourquoi il a annoncé le 2 avril la cession de sa participation de 25 % dans Les Editions P. Amaury, la holding du groupe qui édite notamment L’Equipe et Le Parisien reprenant ses parts pour 91,4 millions d’euros.
Mais la plus grosse cession à ce jour reste celle des magazines hors de France (102 titres dans 15 pays) vendus en 2011 à l’américain Hearst pour 651 millions d’euros, Lagardère a gardé la propriété de la marque Elle et perçoit de Hearst une redevance calculée sur le chiffre d’affaires de ce dernier. La vente des magazines à l’international,
à l’instar de la vente en 2011 des activités de radio en Russie, montre aussi la volonté
de Lagardère de se recentrer sur la France.
Le délestage de minoritaires ne date pas d’hier : Lagardère a cédé en 2010 ses
17,27 % dans Le Monde SA, puis en 2011 ses 34 % dans Le Monde Interactif ; la
filiale Hachette a cédé à Presstalis (ex-NMPP), en 2010 également, ses 49 % dans Mediakiosk. Des cessions à venir devraient rapporter gros, comme les 20 % dans Canal+ France pour lesquels Lagardère demande à Vivendi – sans succès pour l’instant – le rachat de sa participation ou, à défaut, l’introduction en Bourse de la chaîne. Mais le dénouement est proche : Lagardère peut exercer ce « droit de liquidité » entre le 15 mars et le 15 avril 2013 ou 2014, dernier délai.

Vendre les actifs les moins porteurs
A l’inverse, le groupe « 100 % média » aimerait s’emparer des 34 % que détient France Télévisions dans Gulli, la chaîne jeunesse de la TNT, dont il détient déjà 66 %. Mais aucun accord n’a été trouvé à ce jour sur le prix d’achat à payer à l’entreprise publique en quête de réductions budgétaires. Quant à la cession en 2010 de la chaîne de télévision Virgin 17 à Bolloré Media, elle s’inscrit elle aussi dans l’abandon d’activités
à faible croissance. Autre cession en vue, celle des 42 % dans le groupe Marie-Claire. Ces cessions ne se font pas sans hésitations comme l’a montré l’an dernier la vente avortée de Virgin Radio à Goom ou à NRJ. Loin d’être achevé, l’envol du groupe Lagardère vers le « 100 % média » ne se fera pas sans traverser des zones de turbulences. @

Charles de Laubier

Accord de libre-échange : l’Europe et les Etats-Unis pourraient faire « diversité culturelle » commune

Les négociations pour un accord de libre-échange transatlantique démarreront
« avant les vacances d’été ». L’audiovisuel et la culture, s’affranchissant des frontières via Internet, pourraient en faire partie, malgré l’hostilité des tenants
de l’« exception culturelle », notamment en France.

Economie numérique aidant, les Etats-Unis veulent inclure l’audiovisuel et les industries culturelles dans le prochain accord commercial bilatéral avec l’Union européenne. Mais certains pays des vingt-sept, France en tête, ne veulent pas que les secteurs qui relèvent pour eux de l’« exception culturelle » – à savoir l’audiovisuel et la culture (cinéma, télévision, musique ou encore édition compris) – en fassent partie.

Quid des quotas et des subventions ?
C’est un sujet hautement sensible, surtout en France près de vingt ans après que les accords du GATS (1) – entrés en vigueur le 1er janvier 1995 – aient exclu l’audiovisuel
du libre-échange sur le commerce et les services. Le futur accord « US-UE » pourrait, selon certains, remettre en cause cet acquis préservé par la convention de l’Unesco (2) de 2005, sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, signée depuis par 125 pays – pas les Etats-Unis. Mais le commissaire européen en charge du Commerce, Karel De Gucht, a tenté de rassurer : « L’accord entre les Etats-Unis et l’Europe ne changera pas de force les pratiques courantes entre les Etats membres [de l’Union], lesquels continueront de pouvoir soutenir leurs industries culturelles et le secteur audiovisuel en particulier, à travers notamment les quotas de diffusion ou les subventions tels que prévus dans les directives européennes actuelles ». Il est ainsi intervenu le 12 mars, jour où la Commission européenne a approuvé le projet de mandat pour qu’il puisse négocier avec les Etats- Unis. Le Conseil européen, auquel va être transmis ce projet de mandat accompagné d’un projet de directives de négociation, doit encore donner son feu vert. La France a encore quelques semaines pour convaincre d’autres pays européens – dont l’Allemagne – d’exclure l’audiovisuel de ces prochaines négociations. Le 15 mars, François Hollande a déclaré : « Je veux que ces domaines [normes sanitaires et services audiovisuels] soient exclus du champ de la négociation ».
Mais Barack Obama, président des Etats-Unis, et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, tiennent à ce partenariat transatlantique « sans entraves » (3) qui pourrait ensuite « contribuer à l’élaboration de règles mondiales pouvant renforcer le système commercial multilatéral ». Et ils le veulent « dans les plus brefs délais » pour gagner rapidement 0,4 % (pour les Etats-Unis) et 0,5 % (pour l’Europe) de hausse du PIB.
Cela suppose d’ouvrir aussi leurs marchés à de « nouveaux secteurs », et pourquoi pas l’audiovisuel et les industries culturelles, dont le cinéma (4), de plus en plus transfrontaliers. En outre, des discussions « US-UE » engagées dès 2005 sur les droits de propriété intellectuelle (5) vont s’intensifier : il s’agit notamment d’« aider l’industrie
dans la légitimation de l’accès d’importants fournisseurs de services Internet au contenu protégé par le droit d’auteur » (6).
Mais, devant cette abolition des frontières culturelles entre le Vieux continent et le Nouveau monde, ses opposants veulent convaincre la commissaire européenne, Androulla Vassiliou, en charge de la Culture, d’exclure expressément l’audiovisuel de la négociation. Les Coalitions européennes pour la diversité culturelle (CEDC) – groupement informel créé en 2005 – craignent, quant à elles, que cette libéralisation ne « rend[e] caduques les politiques mises en place en faveur de la diversité culturelle, notamment
les mesures de quotas et de soutien financier ». Parmi elles, la Coalition française pour
la diversité culturelle – créée en 1997 sous le nom d’association ADRIC (7) et présidée par la SACD (8) – craint que, face à la puissante industrie audiovisuelle américaine,
« l’exception culturelle [ne soit] réduite à peau de chagrin ». Le 18 février dernier, elle affirmait que « les Etats- Unis souhaitent rattacher une partie des services audiovisuels au secteur des nouvelles technologies pour mieux exclure l’application des règles de la diversité culturelle et militent, en effet, pour un détachement de la vidéo à la demande [VOD], TV de rattrapage, etc… du secteur audiovisuel classique ». Ainsi, selon la Coalition française, « par le jeu subtil des définitions, les ‘’nouveaux services audiovisuels’’ pourraient ainsi être libéralisés ».

Internet perçu comme Cheval de Troie
Quant à l’exception culturelle, « elle n’aurait plus vocation qu’à s’appliquer à la distribution des œuvres via les médias traditionnels, mais ne vaudrait plus pour la diffusion des œuvres par Internet, qui représentera à l’avenir l’essentiel de ces services ».
Et d’ajouter : « Cette démarche de libéralisation reviendrait également à rendre difficile toute modernisation du financement de la création en protégeant les acteurs importants
de l’Internet américains (Apple, Facebook, Amazon, Google, etc…) d’une ‘’exception culturelle 2.0’’ ». @

Charles de Laubier

Audience télé : TF1 adopte la « stratégie du rebond »

En fait. Le 18 mars, Nonce Paolini, PDG du groupe TF1, était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Face à 2013 qui s’annonce en recul
(- 3 % en chiffre d’affaires), il mise sur une « stratégie du rebond » entre les réseaux sociaux et l’antenne pour maintenir l’audience de la chaîne.

Maturité des web-programmes

Vous êtes déjà en 2020, Par Jean-Dominique Séval*

JD SévalLe programme qui fait le buzz ces jours-ci, bien plus que qu’un simple bourdonnement d’ailleurs puisqu’il s’agit d’un véritable phénomène médiatique, est celui de tous les records. Notamment celui d’être le premier web-programme à tenir en haleine plusieurs centaines de millions d’internautes, un véritable record d’audience au niveau mondial.
Le secret de ce succès tient à quelques recettes terriblement efficaces : une web-série événement, mettant en scène quelques vedettes hollywoodiennes et s’appuyant sur une action haletante se déroulant dans plusieurs capitales.

« La différence entre programmes-télé et web-programmes n’est plus nécessaire pour distinguer des contenus financés par des groupes médias intégrés. »

Mais l’innovation vient surtout de l’utilisation, pour la première fois convaincante, de l’interactivité qui permet aux spectateurs d’intervenir dans le déroulement des futurs épisodes et de l’intégration d’un gameplay grandeur nature qui offre aux joueurs l’occasion de vivre l’expérience de la série dans les décors des grandes villes visitées.
Ce fut un tel succès que la saison 2 est désormais diffusée simultanément en « mondovision » sur le Net. J’utilise à dessein le terme de web-série pour me faire mieux comprendre, mais cette distinction n’est plus guère utilisée de nos jours.
La différence entre programmes-télé et web-programmes n’est plus nécessaire pour distinguer des contenus financés, produits et diffusés par des groupes médias intégrés et disponibles sur tous les écrans fixes et mobiles.Mais avant d’en arriver là, l’histoire de la webTV a été, durant ses presque 30 ans d’existence, un véritable laboratoire « à ciel ouvert », en dehors des réseaux traditionnels de diffusion des programmes de télévision. Les premières « webtélés » sont apparues aux États-Unis, dès qu’il a été facile de diffuser de la vidéo sur Internet.
Dès 1995, le publicitaire new-yorkais Scott Zakarin sut convaincre son employeur Fattal & Collins de financer une série en ligne. En France, en 1997, Jacques Rosselin créa CanalWeb en installant les studios de l’une des toutes premières webtélés à une adresse mythique : la rue Cognacq Jay. Ce fut l’occasion de créer des programmes variés allant des jeux à la musique, en passant par la cuisine, l’actualité internationale et les talks shows.
Cette époque pionnière avait déjà testé tous les formats, avant de bénéficier à partir de 2000 de l’apparition du streaming et des plateformes-clés pour leur diffusion que furent YouTube ou Dailymotion. L’année 2006 marqua ainsi l’avènement des premières séries indépendantes aux audiences millionnaires : lonelygirl15, Soup of the Day, California Heaven ou SamHas7Friends, …
Mais l’on était, malgré tout, encore loin des succès grands publics des séries télévisées. Jusqu’à l’arrivée de grandes chaînes comme ABC, qui lança en 2008 sa web-comédie Squeegie, ou NBC, qui proposa une web-série de science-fiction Gemini Division.

Cette maturité nouvelle donnait l’impression que la jeune industrie de la webtélé singeait sa grande soeur. Mais ce serait s’y méprendre : avec l’Internet, c’est bien de nouveaux formats qui trouvent peu à peu leur place.

L’effervescence fut telle, que des festivals dédiés virent le jour pour consacrer le meilleur de la production de l’année. L’International Academy of Web Television, établi en 2009 aux Etats-Unis, organisa les Streamy Awards, premières récompenses des programmes de l’industrie de la webTV.
L’année suivante furent décernées les premières récompenses par le Festival international de télévision sur Internet de La Rochelle. Autant d’occasions de distinguer une production déjà très variée dans de nombreuses catégories : web-actualité, webanimation, web-tourisme, web-documentaire, web-fiction, web-humour, web-jeunesse ou web-culture.
Cette maturité nouvelle donnait l’impression que la jeune industrie de la webtélé singeait sa grande soeur. Mais ce serait s’y méprendre : avec l’Internet, c’est bien de nouveaux formats qui trouvent peu à peu leur place. Comme la télévision vida les écrans de cinémas des actualités et des courts-métrages, les webtélés provoquèrent une évolution radicale des programmes de l’ancienne télévision.
Un continuum de programmes, des plus courts aux plus longs, amateurs ou professionnels, linéaires ou interactifs cohabitent désormais sur nos écrans connectés. Cette avalanche de contenus semble donner raison à Andy Warhol, lorsqu’il déclarait qu’il n’y avait plus « aucune différence entre vivre et regarder la télévision » ! @

* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Télé et vidéo payantes