Eric Walter, Hadopi : « Je ne crois pas à une régulation d’Internet, à la fois illusoire, inutile et dangereuse »

C’est la première interview que le secrétaire général de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) accorde depuis la rentrée. Il espère que le CSA saura tirer parti de trois ans d’expérience de l’institution et que le gouvernement donnera suite à plusieurs de ses propositions.

Propos recueillis par Charles de Laubier

EW-HEdition Multimédi@ : Alors qu’Aurélie Filippetti présentera
sa « grande loi sur la création » lors d’un Conseil des ministres en février 2014, craignez-vous le transfert de l’Hadopi vers le CSA ? La régulation de l’audiovisuel est-elle compatible avec une régulation du Net si tant est qu’elle soit souhaitable ?
La séparation du collège et de l’instruction suffira-t-elle ?
Eric Walter :
L’existence d’une institution n’est pas une fin en soi. C’est un outil au service de missions décidées par le législateur.
Ce qui importe, et Marie-Françoise Marais comme Mireille Imbert-Quaretta l’ont toujours exprimé très clairement, c’est l’acquis de l’expérience et les missions dont est investie à ce jour l’Hadopi.
Au delà des controverses, leur objectif est clair : préserver et renforcer la diversité et
la dynamique de tout ce qui contribue aujourd’hui au financement de la création, dans
le nouveau contexte que crée Internet. Personne ne peut vouloir prendre le risque d’assécher ces moyens grâce auxquels notre pays dispose d’une formidable variété
de création.

France Télévisions renonce à un budget numérique de 125 millions d’euros en 2015

Sur fond d’échec de rentrée sur l’avant 20 heures (access prime time) et de réduction de ses effectifs, France Télévision espère rebondir avec une « 6e chaîne » – celle de la télévision délinéarisée et connectée. Et ce, malgré à peine 2 % du budget total du groupe alloués au numérique.

Par Charles de Laubier

BPSelon nos informations, le budget numérique de France Télévisions pour 2014 devrait rester autour de 60 millions d’euros. La perspective d’atteindre 125 millions d’euros en 2015 est désormais écartée. « Le budget numérique 2014 n’est pas arrêté mais la perspective du COM précédent à 125 millions d’euros n’est hélas plus en ligne de mire », nous a indiqué Bruno Patino (photo), directeur général délégué aux programmes, aux antennes et aux développements numériques du groupe public de télévisions.

Giuseppe de Martino, Asic : « Les services de vidéos en ligne ne sont pas concernés par le conventionnement »

Le président de l’Association des services Internet communautaires (Asic), dont sont membres Google/YouTube, Facebook, Dailymotion, Yahoo, AOL, Spotify ou encore Deezer, tient à mettre les points sur les “i” pour dire que la régulation de l’audiovisuel n’est pas transposable à Internet.

Propos recueillis par Charles de Laubier

GdeMEdition Multimédi@ : La consultation Communication audiovisuelle et services culturels numériques de la DGMIC s’est achevée le 30 octobre. Sans attendre les résultats, la loi sur l’audiovisuel public qui va être promulguée prévoit aux articles 24 et 25 que tous les services de vidéo en ligne sur Internet (SMAd) devront être déclarés auprès du CSA : est-ce justifié et craignez-vous le conventionnement de ces services assorti d’obligations ?
Giuseppe de Martino :
Vous ne pouvez pas dire cela ! Les services de vidéo en ligne ne sont pas en soi des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Des plates-formes comme YouTube et Dailymotion sont expressément exclues de la définition des SMAd, et ceci tant par la directive européenne « Services de médias audiovisuels » (1) et notamment son attendu n°16 que par la loi française elle-même. Relisez le texte !
Donc nous ne craignons rien, si ce n’est – pour les SMAd que nous ne représentons
pas – un formalisme inutile et freinant leur développement balbutiant.
On souhaiterait annihiler l’écosystème français et sa capacité à se développer que l’on
ne s’y prendrait pas autrement. Qui se souvient que la culture française est l’un de nos premiers secteurs d’exportation? En empêchant des acteurs français de se développer
et de pouvoir se battre à armes égales en Europe, on va tout simplement insérer des clous supplémentaires dans leur cercueil.

Les opérateurs télécoms reprochent aux ayants droits de limiter l’accès aux contenus audiovisuels

Licences, droits d’auteur, minimums garantis, chronologie des médias, honoraires… Les opérateurs télécoms historiques (Orange, Deutsche Telekom, KPN, Belgacom, etc) dénoncent auprès de la Commission européenne les freins
à la circulation des œuvres et contenus audiovisuels.

« Les nouvelles et convergentes plateformes [numériques] sont confrontées à des difficultés pour accéder à des contenus premium [audiovisuels], à des conditions et dans des délais raisonnables. La disponibilité de ces contenus premium est entravée par des pratiques qui s’appliquaient dans un monde analogique et qui n’ont plus de raison d’être dans un environnement digital », se sont plaints les opérateurs télécoms historiques européens auprès de la Commission européenne.

L’Hadopi met en garde contre son absorption par le CSA

En fait. Le 12 septembre, Marie-Françoise Marais, présidente de l’Hadopi, a été auditionnée par commission Culture, Education et Communication du Sénat.
Elle a mis en garde les « contradictions », « conflits d’intérêts » et « difficultés » d’une fusion CSA-Hadopi. Car Internet, ce n’est pas l’audiovisuel.

En clair. La question du transfert des compétences de l’Hadopi (1) vers le CSA (2) s’est invitée dans les débats sur le projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public.
« Notre expérience nous amène à mettre en évidence une dissymétrie majeure entre la régulation de l’audiovisuel et celle d’Internet : (…) les contenus ne sont pas les mêmes : l’Hadopi est compétente non seulement sur le film et la musique, mais aussi pour la photographie, le logiciel, le jeu vidéo et le livre numérique, secteurs confrontés à des problématiques spécifiques et appelant un traitement différencié », a déclaré Marie-Françoise Marais, tout en dénonçant avec Mireille Imbert-Quaretta (3) « un transfert précipité dont on ignore les contours : s’agirait-il de toutes les missions, comme l’envisage le rapporteur, ou la seule réponse graduée, comme a semblé l’affirmer la ministre – ce qui impliquerait que des emplois seraient détruits ? ».
MFM et MIQ ont-elles été entendues par le gouvernement ? Le fait est que le sénateur (PS) David Assouline, pris entre deux feux (les mises en garde des deux présidentes et l’hostilité des socialistes), n’a finalement pas déposé d’amendement pour inscrire la fusion Hadopi-CSA dans le projet de loi sur l’indépendance audiovisuelle qui sera débattu les
1er et 2 octobre prochains. Les députés (PS) Christian Paul et Patrick Bloche se sont exprimés le jour même de l’audition contre l’amendement Assouline.