Eric Walter, Hadopi : « Je ne crois pas à une régulation d’Internet, à la fois illusoire, inutile et dangereuse »

C’est la première interview que le secrétaire général de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) accorde depuis la rentrée. Il espère que le CSA saura tirer parti de trois ans d’expérience de l’institution et que le gouvernement donnera suite à plusieurs de ses propositions.

France Télévisions renonce à un budget numérique de 125 millions d’euros en 2015

Sur fond d’échec de rentrée sur l’avant 20 heures (access prime time) et de réduction de ses effectifs, France Télévision espère rebondir avec une « 6e chaîne » – celle de la télévision délinéarisée et connectée. Et ce, malgré à peine 2 % du budget total du groupe alloués au numérique.

Par Charles de Laubier

BPSelon nos informations, le budget numérique de France Télévisions pour 2014 devrait rester autour de 60 millions d’euros. La perspective d’atteindre 125 millions d’euros en 2015 est désormais écartée. « Le budget numérique 2014 n’est pas arrêté mais la perspective du COM précédent à 125 millions d’euros n’est hélas plus en ligne de mire », nous a indiqué Bruno Patino (photo), directeur général délégué aux programmes, aux antennes et aux développements numériques du groupe public de télévisions.

62 millions d’euros en 2013
Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) initial, signé il y a deux ans sous Nicolas Sarkozy, prévoyait de passer de 55 millions d’euros en 2011 à 125 millions d’euros en 2015. C’était sans compter l’arrivée de François Hollande à la tête de l’Etat et des restrictions budgétaires imposées dès 2012 (1). « Le budget numérique était de 53 millions d’euros en 2011, 56,6 millions en 2012 et 62 millions en 2013 », nous a-t-il précisé. Après l’avenant au COM adopté sur 2013-2015 par le conseil d’administration de France Télévisions le 31 octobre, le budget numérique devrait rester à la portion congrue – soit à 2 % des 3 milliards d’euros du budget total du groupe dû aux cinq chaînes nationales publiques (2). Invité le 6 novembre de l’Association des journalistes médias (AJM), Bruno Patino a dit qu’il s’attendait à une stagnation : « Dans la conjoncture actuelle, ma position est de faire en sorte que le budget du numérique ne soit pas réduit. Je pense qu’il doit croître et que l’effort singulier qui avait été fait à l’arrivée de Rémy [Pflimlin, PDG de France Télévisions] soit maintenu au niveau de là où il est ». Ce dernier, dont le mandat s’achève en août 2015, avait encore déclaré le 27 août : « L’enjeu fondamental de mon mandat est de réussir le virage numérique ».
A budget constant, Bruno Patino espère donc réussir la troisième étape qu’il s’était fixée dans le numérique. La première étape a consisté à « rattraper notre retard » avec les lancements de Francetv Info, de Francetv Sport, de Francetv Education et de Culture Box. La seconde étape fut celle de la catch up TV et de Pluzz – présenté comme la « 6e chaîne » du groupe ou la « 1re chaîne délinéarisée » – et de l’entrée de la Social TV dans les programmes. « Je n’ai pas changé mon plan de route, a assuré Bruno Patino. La troisième étape est maintenant de préparer la TV connectée, peu importe comment votre télé est connectée (3). Un premier rendez-vous fort aura lieu en décembre ou janvier 2014 autour de Francetv Info, où l’on innovera fortement dans un univers de TV connectée ». Fin septembre, le fabricant de téléviseurs LG avait indiqué que l’application Francetv Info sur ses Smart TV permettra aux télé-connectés « d’accéder à un flux continu, personnalisé, et qui peut, selon le souhait de son utilisateur, cibler les dernières actualités en temps réel ou au contraire prendre du recul et proposer contexte et perspective ». France Télévisions compte ainsi sur la TV connectée pour « solidifier les ‘’verticales’’ » (4).
Après le nouveau Francetv Info, ce sera au tour du lancement de Francetv Jeunesse
qui accompagnera la modification prochaine de France 4. « France 4 va changer graduellement. Le basculement est prévu en mars 2014 avec un nouvel habillage. Il n’y
a pas d’idée de Big Bang. On modifie juste le positionnement de cette chaîne », a-t-il indiqué. Pour France Télévisions, il s’agit de renforcer l’offre jeunesse au moment où
ses 34 % détenus dans la chaîne jeunesse Gulli vont être cédés d’ici la fin de l’année à Lagardère qui en détient 66 %. Les futures France 4 et plate-forme verticale Francetv Jeunesse permettront de renforcer l’offre à destination des Internet Natives. « Mais il est impossible d’être puissant sur tablettes si l’on est pas puissant sur une chaîne. Du moins au jour d’aujourd’hui. Dans cinq ans, les plates-formes de SVOD pourront être lancées sans être appuyées sur une chaîne ». En outre, côté création, les rendez-vous des
« Nuits 4.0 » (5) sur France 4 prendront de l’ampleur.

Réinventer la façon de faire de la télé
Mais France 4 ne doit pas être la seule chaîne du groupe à faire des expérimentations.
« France 4 n’est pas une chaîne laboratoire. Il faut que les chaînes prennent de temps en temps le risque de filer les clés du royaume à des gens qui réinventent aussi la façon de faire de la télé. Aujourd’hui, on ne trouve pas forcément ces gens-là dans les chaînes…
Il s’agit de faire de la télé, mais j’insiste : de la télé, car on va pas diffuser du web à la télé ! Le Web diffuse très bien le web lui-même et il n’a pas besoin de la télé pour se diffuser », a-t-il prévenu. Enfin, une refonte de toute la catch up TV est aussi prévue pour l’an prochain. @

Charles de Laubier

Giuseppe de Martino, Asic : « Les services de vidéos en ligne ne sont pas concernés par le conventionnement »

Le président de l’Association des services Internet communautaires (Asic), dont sont membres Google/YouTube, Facebook, Dailymotion, Yahoo, AOL, Spotify ou encore Deezer, tient à mettre les points sur les “i” pour dire que la régulation de l’audiovisuel n’est pas transposable à Internet.

Les opérateurs télécoms reprochent aux ayants droits de limiter l’accès aux contenus audiovisuels

Licences, droits d’auteur, minimums garantis, chronologie des médias, honoraires… Les opérateurs télécoms historiques (Orange, Deutsche Telekom, KPN, Belgacom, etc) dénoncent auprès de la Commission européenne les freins
à la circulation des œuvres et contenus audiovisuels.

« Les nouvelles et convergentes plateformes [numériques] sont confrontées à des difficultés pour accéder à des contenus premium [audiovisuels], à des conditions et dans des délais raisonnables. La disponibilité de ces contenus premium est entravée par des pratiques qui s’appliquaient dans un monde analogique et qui n’ont plus de raison d’être dans un environnement digital », se sont plaints les opérateurs télécoms historiques européens auprès de la Commission européenne.

Producteurs et ayants droits en cause
Dans sa réponse à la consultation publique sur le livre vert sur la convergence audiovisuelle (1), l’ETNO – l’organisation qui les réunit à Bruxelles depuis vingt ans (2) – s’en prend aux producteurs audiovisuels et cinématographiques. « Acquérir des licences auprès des ayants droits (producteurs) peut devenir difficile pour les nouveaux entrants ou les concurrents plus fragiles économiquement. Et l’accès à l’offre de gros de chaînes proposant des contenus premium s’avère difficile pour les fournisseurs de services qui essaient d’établir une nouvelle plateforme, soit sur une infrastructure déjà utilisée pour la distribution de services appropriés (TV payant sur réseau câblé, par exemple), soit sur une infrastructure alternative (réseau DSL versus TV par satellite ou TNT, par exemple) », expliquent les opérateurs télécoms européens, parmi lesquels Orange, TDF, Deutsche Telekom, KPN, Belgacom, TeliaSonera, Telefonica, Telecom Italia ou encore Swisscom. Ensemble, ils dénoncent les « intentions protectionnistes » de certains acteurs traditionnels à la fois présents dans la distribution et la production audiovisuelles,
« lesquels voient dans le haut débit et Internet en général une grande menace pour leurs activités ». Les opérateurs télécoms historiques ont maille à partir avec les chaînes de télévision historiques, et plus généralement avec l’industrie des contenus. L’ETNO pointe notamment du doigt les droits de propriété intellectuelle, soupçonnés de freiner la libre circulation des œuvres audiovisuelles et l’accès aux chaînes : « Nous acceptons entièrement le besoin des détenteurs de droits de percevoir une juste rémunération pour leurs œuvres. Cependant, quand [le droit d’auteurs] prend la forme de protection de contenu haut de gamme, il devrait être équilibré avec le besoin et le droit d’entreprendre ». Les opérateurs télécoms fustigent aussi le fait que « souvent l’industrie des contenus et les majors ont, en particulier, un haut pouvoir de négociation et imposent unilatéralement des conditions pour la disponibilité de contenu haut de gamme ». Et de citer pêle-mêle : les minima garantis, les frais d’honoraires, les fenêtres de diffusions liées à la chronologie des médias (lire encadré ci-dessous), les catalogues limités, les obligations pour des
« questions de sécurité », les licences pour des territoires et des technologies fragmentés, l’obligation de pratiquer le « géo-blocage » – rendant impossible la mise en place de services pan-européens –, ou encore les exclusivités. Sur toutes ces conditions sont jugées contraignantes : « Ces clauses aboutissent à empêcher les fournisseurs innovants (principalement de services à la demande) d’accéder à des contenu haut de gamme et quasi-haut de gamme, avec la conséquence que les consommateurs sont souvent privés de la possibilité d’avoir accès à ce contenu sur des plateformes convergentes ». Surtout que dans certains cas, les consommateurs ne peuvent même pas accéder à des contenus de bonne qualité. L’ETNO n’épargne pas non plus les plateformes en ligne d’applications (3), notamment l’App Store d’Apple et la Smart TV
de Samsung. @

Charles de Laubier

L’Hadopi met en garde contre son absorption par le CSA

En fait. Le 12 septembre, Marie-Françoise Marais, présidente de l’Hadopi, a été auditionnée par commission Culture, Education et Communication du Sénat.
Elle a mis en garde les « contradictions », « conflits d’intérêts » et « difficultés » d’une fusion CSA-Hadopi. Car Internet, ce n’est pas l’audiovisuel.