Révision de la directive « SMA » : vers un rééquilibrage des obligations dans l’audiovisuel

En vue de la révision en 2016 de la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA), la Commission européenne mène une consultation publique jusqu’au 30 septembre sur les conséquences de la transformation numérique du paysage audiovisuel – notamment par les OTT.

Un an après son lancement en France, comment Netflix tire le marché de la SVOD

Grâce à Netflix présent en France depuis un an, le marché de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) commence à décoller et devrait atteindre 470 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018. Mais le numéro un américain s’arrogera les deux-tiers : pas très réjouissant pour les autres…

Reed HastingsSelon les prévisions du cabinet d’études NPA Conseil, Netflix devrait réaliser en 2018 environ 290 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le marché français de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) qui atteindrait alors un total de 470 millions d’euros – contre 173 millions attendus cette année (voir graphique ci-dessous).
Pendant que la firme américaine dirigée par Reed Hastings (photo) se taillera la part du lion, soit les deux tiers du marché français, les autres services concurrents essaieront de tirer tant bien que mal leur épingle du jeu. CanalPlay devrait stagner au cours de ces trois prochaines années, après avoir atteint les 600.000 abonnés fin 2014 (700.000 revendiqués aujourd’hui).

Près de 1 million d’abonnés Netflix en France d’ici la fin de l’année
Le service de SVOD du groupe Canal+ serait ainsi en passe d’être dépassé par Netflix, lequel devrait atteindre en fin d’année : soit 600.000 abonnés (scénario pessimiste de NPA Conseil), soit 900.000 abonnés (scénario optimiste).
Si CanalPlay risque de stagner à moins de 1 million d’abonnés d’ici à 2018, le service américain devrait quant à lui afficher 1,1 million d’abonné (scénario pessimiste), voire 2,7 millions (scénario optimiste). Une des raisons de ce succès annoncé de ce nouvel entrant réside dans dans son catalogue qui, ayant démarré il y a un an en France avec seulement 3.598 programmes, dépasse maintenant en nombre ceux de tous ses concurrents : à fin juin, Netflix propose en France 10.848 programmes (dont 131 séries, parmi lesquelles 9 françaises), contre 9.136 programmes chez CanalPlay (dont 115 séries, parmi lesquelles 12 françaises), suivi de Jook Video avec 3.890 programmes (que AB Groupe a arrêté le 30 juin dernier (1) pour se concentrer sur des thématiques), TFou Max de TF1 avec 2.683, Club Video SFR de Numericable- SFR avec 1.876 programmes, Video Futur de Netgem avec 1.256 programmes, Pass M6 avec 992 programmes et Filmo TV du groupe Wild Bunch avec 445 programmes. Netflix se distingue aussi par ses créations originales : House of Cards, Orange is the New Black, Marco Polo, Daredevil, … Même si le service de SVOD aux 70 millions d’abonnés dans le monde, est en passe d’écraser tous ses concurrents français, il leur fait tout de même profiter de sa dynamique de développement. « La montée en puissance de Netflix devrait exercer un effet moteur sur l’ensemble du marché, et particulièrement pour les services qui se positionneront de façon alternative aux grandes plateformes généralistes (à l’exemple de TFou Max ou de Gulli Max sur le segment jeunesse, ou d’Afrostream dont le lancement interviendra à la rentrée) », prévoit NPA Conseil, pour qui la firme de Los Gatos fait preuve d’une « implantation solide et durable en France ». Netflix propose en outre à fin juin quelque 130 films français, dont un nombre significatif ont moins de 36 mois car ils sont sortis aux Etats-Unis. En France, la réglementation de la chronologie des médias interdit actuellement de commercialiser un nouveau film en SVOD avant 36 mois justement. Cette contrainte en vigueur depuis 2009 aurait pu être un obstacle au décollage de Netflix sur l’Hexagone : il n’en est rien, même si ce délai de trois ans est devenu anachronique à l’heure d’Internet. La reprise des négociations le 1er juillet dernier pour réformer cette chronologie des médias (2) obsolète pourrait aboutir à un passage de 36 mois à 30, 22, voire 21 mois (3). Ce serait un petit coup
de pouce pour rafraîchir un peu les catalogues de la SVOD en France. @

Charles de Laubier

Après la presse et la radio, Matthieu Pigasse veut investir la télévision et la musique

Le directeur général délégué de la banque Lazard (vice-président Europe), Matthieu Pigasse, est propriétaire du magazine Les Inrockuptibles depuis 2009, co-actionnaire du groupe Le Monde depuis 2010, du Nouvel Observateur depuis 2014, et acquéreur de Radio Nova en mai 2015. Et après : musique et télévision.

Par Charles de Laubier

Matthieu PigasseSa holding personnelle s’appelle « Les Nouvelles Editions indépendantes » (LNEI) et a été constituée il y aura six ans le
31 juillet. Après des négociations exclusives, qui ont été annoncées le 21 mai, elle est en passe de racheter le groupe Nova Press, propriétaire de Radio Nova, de Nova Records ou encore de Nova Production.
C’est la dernière acquisition en date de Matthieu Pigasse (photo), banquier et homme d’affaire, fils de Jean-Daniel Pigasse, lequel fut journaliste à La Manche Libre, et neveux de Jean-Paul Pigasse, ancien directeur général adjoint du groupe Les Echos (1) et de la rédaction de L’Express dans les années 1980. Matthieu Pigasse (47 ans) a hérité de la fibre média.
Avec Radio Nova, il enrichit son portefeuille média déjà constitué du magazine culturel Les Inrockuptibles qu’il a acquis en juin 2009, du groupe Le Monde dont il est co-actionnaire depuis juin 2010 en tant que « P » du trio « BNP » (aux côtés de Pierre Bergé
et Xavier Niel), lequel trio est aussi propriétaire – via la holding « Le Monde Libre » – du Nouvel Observateur depuis juin 2014.

Son ombre plane sur l’affaire « Numéro 23 »
Le prochain investissement de Matthieu Pigasse dans les médias pourrait être dans la télévision, comme il l’a indiqué dans une interview parue le 5 juillet dernier dans L’Est Républicain : « Notre objectif est de continuer à construire un groupe de médias, sur tous les supports possibles d’aujourd’hui : papier, radio, scènes, mais peut-être aussi demain télévision. On verra si l’occasion se présente… ».
Cela fait en réalité plus de trois ans que Matthieu Pigasse cherche à investir dans la télévision. Il a été un temps, en 2012, présenté comme étant l’un des co-investisseurs – aux côtés de Xavier Niel, François-Henri Pinault, Bernard Arnault, Jean- Charles Naouri et Pascal Houzelot (Pink TV) – du projet de chaîne sur la TNT gratuite baptisée initialement « TVous La Télédiversité », devenue « Numéro 23 ». Axée sur la diversité et les aspects sociétaux (culture, parité, modes de vie familiaux, sexualités, handicap, etc), cette chaîne fait partie des six nouvelles chaînes de la TNT gratuite lancées en décembre 2012 et affiche aujourd’hui une part d’audience modeste de 0,6 % à 0,7 % – avec l’ambition de dépasser 1 % cette année.

Des vues sur LCI pour Le Monde
Encore récemment, David Kessler – ancien directeur des Inrocks et ex-conseiller pour la culture et la communication du président de la République, François Hollande (2) –
a expliqué dans Le Monde du 16 juin qu’il a défendu avec Pascal Houzelot (par ailleurs membre du conseil de surveillance du Monde) le dossier de candidature de « Numéro 23 » devant le CSA « en tant que représentant de Matthieu Pigasse qui envisageait de devenir actionnaire de Numéro 23 aux côtés d’autres investisseurs minoritaires, dont Xavier Niel, le patron de Free (tous deux sont actionnaires du Monde) ».
Cette sortie agacerait au plus haut point Matthieu Pigasse qui n’a finalement jamais été actionnaire de la société éditrice Diversité TV France, bien que lui et Pascal Houzelot se connaissent très bien puisque ce dernier est devenu aussi (en plus du Monde) administrateur de la société éditrice des Inrocks, Les Editions Indépendantes, aux côtés de Louis Dreyfus…

Matthieu Pigasse n’a donc rien à voir directement avec la vente controversée – mais légale – de la chaîne Numéro 23 et de sa fréquence TNT obtenue gratuitement il y a moins de trois ans, à NextRadioTV (BFM TV) pour près de 90 millions d’euros. Mais son ombre plane bien indirectement sur cette affaire. L’opération est maintenant suspendue à la décision du CSA qui, depuis la loi du 15 novembre 2013 sur l’indépendance audiovisuelle, doit donner son agrément – ou pas – à cette vente après une étude d’impact (3). Cette spéculation autour d’une fréquence relevant du bien public « choque » en tout cas la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, comme elle l’a dit devant l’Association des journalistes médias (AJM) le 8 juillet.
Sans doute Matthieu Pigasse aurait-il préféré se faire connaître autrement dans
le paysage audiovisuel français… Comme, par exemple, en s’emparant de LCI, la chaîne d’information en continu du groupe TF1. Il y a un an, en juillet 2014, les trois actionnaires du Monde – dont Matthieu Pigasse – avaient en effet fait savoir au PDG
de TF1, Nonce Paolini, qu’ils étaient intéressés par le rachat de LCI. Les trois co-prétendants au rachat ont fait valoir – par la voix de Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde – de possibles synergies entre le journal Le Monde et cette chaîne LCI. Et ce, après que le CSA ait refusé de basculer cette dernière sur la TNT gratuite et que TF1 ait décidé en conséquence de prévoir à terme sa fermeture. Mais Nonce Paolini n’a pas donné suite aux messages du trio « BNP », estimant qu’il était trop tôt pour négocier. En juillet 2014, le CSA avait refusé la demande de passage sur la TNT gratuite des chaînes payantes LCI (TF1), Paris Première (M6) et Planète+ (Canal+), expliquant que le marché publicitaire était trop faible. LCI et Paris Première avaient alors saisi le Conseil d’Etat, lequel a finalement invalidé la procédure le 17 juin dernier. Le régulateur de l’audiovisuel va donc devoir réexaminer les dossiers et les actionnaires du Monde – Matthieu Pigasse avec – devront patienter s’ils ont encore
des vues sur LCI. Mais si TF1 décidait de ne pas se défaire sa chaîne d’information continue payante, il leur faudra aller voir ailleurs.

Les velléités de Matthieu Pigasse de mettre un pied dans la télévision se manifestent aujourd’hui dans un contexte où le marché de l’audiovisuel est confronté à une baisse des recettes publicitaires (même si l’année 2014 reste stable, après un recule de -3,5 % en 2013, selon l’Irep). De plus, la loi Macron – une fois qu’elle sera promulguée à la fin de l’été – prévoit désormais une taxe de 20 % au lieu de 5 % précédemment en cas de revente d’une fréquence (initialement délivrée gratuitement dans l’audiovisuel en contrepartie d’obligations) dans les cinq ans suivant son attribution (voire 10 % entre cinq et dix ans, 5 % au-delà de dix ans).
En attendant de faire de la télévision, Matthieu Pigasse se console avec la scène. Il est devenu le 5 juillet dernier président de l’association Territoire de musiques, laquelle gère les Eurockéennes – « les Eurocks » pour les habitués. « J’ai accepté par passion absolue pour la musique, le rock et ce festival où je viens depuis huit ans et par tous
les temps », a-t-il déclaré ce jour-là, en indiquant être prêt à « investir dans le milieu musical » et pourquoi pas en créant un label de production commun aux Inrocks et à Radio Nova. Ce festival de musiques actuelles a lieu chaque année à Belfort et a dépassé cette année les 100.000 visiteurs, mais l’homme d’affaires veut aller plus loin pour le développer malgré la crise que traversent les festivals en France (subventions en baisse).

Le rock comme passion
C’est la première fois qu’il prend la présidence d’une association culturelle, étant par ailleurs depuis 2010 vice-président du Théâtre du Châtelet à Paris. Mais superviser un festival n’est pas une nouveauté pour lui, car sa société Les Editions Indépendantes organise le Festival Les Inrocks (du 10 au 17 novembre cette année). « Plutôt que de pleurer en glosant sur l’exception française, mieux vaut être fier de ce que l’on fait,
être forts, et partir à la conquête du monde », a dit dans sa récente interview l’auteur
de « Eloge de l’anormalité » (4) paru l’an dernier. A suivre… @

Charles de Laubier

Radio numérique terrestre (RNT) : la France osera-t-elle suivre l’exemple de la Norvège ?

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) va lancer une consultation publique pour recueillir les prises de position en vue des prochains appels à candidatures – prévus en septembre – pour l’extension de la RNT dans vingt villes – au-delà de Paris, Marseille et Nice déjà desservies depuis un an.

Après Paris, Marseille et Nice, la radio numérique terrestre (RNT) pourrait être étendue à vingt autres villes que sont Nantes, Lyon, Strasbourg et Lille, Béthune-Douai-Lens, Mulhouse, Metz, Valenciennes, Nancy, Bayonne, Le Havre, Grenoble, Brest, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Clermont- Ferrand, Montpellier, Rouen et Toulon. Si l’appel à candidatures était bien lancé à partir de septembre prochain, les émissions pourraient démarrer alors en octobre 2016, selon le calendrier avancé par le CSA, le temps que les sociétés candidates sélectionnées s’installent sur leur multiplexe pour être diffusées.

Patrice Gélinet (CSA) y croit
Mais les oppositions sont nombreuses, à commencer par les grandes radios privées – RTL, Europe1/Lagardère Active, NRJ, BFM/ NextradioTV – qui ne croient pas du tout
à la RNT, lui préférant la radio sur IP (webradio). Réunis dans Le Bureau de la Radio, elles sont vent debout contre cette nouvelle technique numérique de radiodiffusion car, selon elles, non seulement les auditeurs ne seraient pas prêts à investir dans de nouveaux récepteurs, mais surtout la RNT n’aurait pas trouvé son modèle économique (1). « Surtout ne faisons rien ! Surtout ne modifions pas les équilibres financiers »,
a lancé Denis Olivennes, président du directoire de Lagardère Active, qui possède Europe 1, RFM et Virgin Radio, lors d’une table ronde organisée le 13 mai dernier
par la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat.
Et l’ancien haut fonctionnaire d’ajouter : « Patrice Gélinet se trompe complètement. Pourquoi, diable, se lancer dans ce projet ? Un produit numérique qui au bout de 20 ans a si peu de pénétration… Il faut s’interroger. N’ajoutons pas d’investissements inutiles. Nous commettrions une erreur sur cette technologie dépassée ». Car s’il y a bien quelqu’un au CSA qui croit dur comme fer à la RNT, c’est bien Patrice Gélinet (photo). Membre du collège du régulateur de l’audiovisuel depuis janvier 2011, ce dernier est un ardent défenseur de radio numérique par voie hertzienne : « Il n’est pas question de nier le succès d’Internet. Mais ce n’est qu’un moyen parmi d’autres pour écouter la radio. Si l’auditeur n’écoute pas la RNT, c’est tout simplement qu’elle existe seulement à Paris, Marseille et Nice. Et puis, il ignore jusqu’à l’existence même de la RNT », a-til regretté lors de la même table-ronde. Selon un sondage exclusif OpinionWay pour Raje, réseau de radios locales associatives, 45 % des Français ont entendu parler de la RNT et nombreux sont ceux qui comprennent son intérêt. Ce nouveau moyen de diffusion mériterait d’être promue par le gouvernement, ce qu’il ne fait pas, et de concerner aussi Radio France, ce qui n’est pas le cas (2). D’autant que le coût de diffusion en RNT est bien moindre que celui des grandes ondes et de la FM : 10.000 euros par an et par zone. Patrice Gélinet admet qu’elle progresse lentement en Europe, mais assure qu’elle commence à s’imposer. Ainsi, la Norvège vient de décider de basculer de l’analogique à la RNT en 2017. Le gouvernement norvégien a été convaincu par la qualité sonore, les coûts de transmission moins élevés et les nouvelles fonctionnalités du DAB+. D’ici deux ans, tous les Norvégiens auditeurs devront avoir changé de récepteur radio – au nombre de 8 millions, dont plus de la moitié sont déjà
à la norme DAB (Digital Audio Broadcasting). Ce sera une première en Europe (3). D’autres pays en Europe et dans le reste du monde pourraient suivre la Norvège sur laquelle tous les regards radiophoniques se portent. Le Royaume-Uni, qui a lui aussi lancé la RNT il y a 20 ans et où près des deux tiers des véhicules neufs intègrent le DAB+ en standard, pourrait à son tour renoncer à la bande FM. Cela pourrait aussi être le cas du Danemark (où 26 % de l’écoute radio est déjà numérique), de la Suède, de la Suisse ou encore de la Corée du Sud. Et pourquoi pas la France ?

Voie de retour en vue
Le WorldDMB, organisation qui fait la promotion au niveau mondial de la RNT, en vante la technologie et l’écosystème jusque dans l’automobile. Surtout que la technologie DAB devrait s’enrichir d’ici à cinq ans d’une voie de retour pour permettre l’interactivité par voie hertzienne en mode IP. De quoi être à terme une sérieuse alternative à la radio sur Internet. « Il ne faut pas jouer les apprentis sorciers en disant qu’en deux ans ou cinq ans, la France va faire comme la Norvège, alors que cela lui a pris vingt ans pour en arriver là », nuance Xavier Filliol, co-organisateur des Rencontres Radio 2.0 consacrées à l’avenir de ce média. Raison de plus pour ne pas tarder… @

Charles de Laubier

TDF (40 ans) : les télécoms vont dépasser l’audiovisuel

En fait. Le 2 juin, Olivier Huart, président de TDF, est intervenu en introduction
du XXIe colloque NPALe Figaro consacré aux « piliers de la transformation numérique ». Il a placé TDF au coeur de « l’économie connectée », malgré
une perte de chiffre d’affaires induite par la fin de la diffusion analogique.