Ce qui attend Isabelle de Silva, nouvelle présidente de l’Autorité de la concurrence

Fraîchement nommée à la tête de l’Autorité de la concurrence, par décret du président de la République daté du 14 octobre dernier, Isabelle de Silva (conseillère d’Etat) a prononcé le 8 novembre sa première décision (contre SFR). Mais le plus dure reste à venir, notamment dans l’audiovisuel et le numérique.

Sa toute première décision, rendue le 8 novembre, est une amende de 80 millions d’euros infligée à l’encontre du groupe Altice pour avoir brûlé les étapes – via sa filiale Numericable
à l’époque (1) – dans le rachat de SFR et de Virgin Mobile.
La successeure de Bruno Lasserre, Isabelle de Silva (photo),
a condamné le groupe de Patrick Drahi pour avoir accédé à
de nombreuses informations stratégiques sur ses deux cibles avant même d’avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de la concurrence (2).

Audiovisuel : YouTube n’est pas « éditeur », quoique…

En fait. Le 27 septembre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a organisé ses premières Rencontres sur le thème de « L’audiovisuel dans l’espace numérique : plateformes et données ». En première ligne, Google a défendu son statut d’hébergeur : « Nous ne sommes pas éditeur de contenus ». Vraiment ?

En clair. Alors que le statut d’hébergeur de certaines plateformes vidéo telles que YouTube ou Dailymotion est remis en question par les industries culturelles, en particulier en France, les premières Rencontres du CSA ont permis d’entendre Google à ce sujet. « Nous ne sommes pas éditeur de contenus, mais nous travaillons en partenariat avec les éditeurs de contenus », a affirmé Laurent Samama, directeur
des relations stratégiques Média et Divertissement de la firme de Mountain View pour
la région EMEA (1). Et le Français d’insister : « Nous ne nous considérons pas comme
un acteur à part entière car nous ne sommes pas éditeur de contenus ; nous ne faisons pas de contenus ». Le statut d’hébergeur permet aux plateformes vidéo de non seulement bénéficier d’une responsabilité limitée dans la lutte contre le piratage mais aussi de ne pas être soumises à des obligations de financement de la création (lire aussi p. 6 et 7).
Le CSA, lui, s’interroge sur le statut de YouTube. Dans un rapport publié peu avant
ces Rencontres, le régulateur écrit :« Certaines plateformes, (…), opèrent désormais simultanément à plusieurs niveaux et exercent à la fois les fonctions de production, d’édition et de distribution de contenus (exemple de YouTube) » (2). Ce qu’a aussitôt nuancé Nicolas Curien, membre du CSA : « Le CSA dit effectivement que YouTube n’est pas seulement un hébergeur. Le CSA ne dit pas qu’il est éditeur ou distributeur, mais il invite à repenser les catégories traditionnelles des fonctions des métiers de l’audiovisuel ». Laurent Samama est alors remonté au créneau : « Sur YouTube, on
a vraiment pas de fonction d’édition. (…) La seule chose est [que] nous avons des algorithmes et parfois de la vérification manuelle pour éviter ces contenus interdits ».
Francine Mariani-Ducray, membre du CSA, a saisi la balle au bond : «Mais est-ce
que les algorithmes de recommandation ne sont pas une manière d’éditorialiser ? … J’ai ma réponse personnelle ! (…) C’est “oui’” ». Le dirigeant de Google lui a répondu :
« C’est une bonne question. Nous, nous considérons que “non”. Ensuite, il y a une
vraie réflexion sur la part de la personnalisation des algorithmes, tout en gardant une part d’accès à la diversité. Donc, effectivement, il y a des formules à mettre en place mais qui, pour nous, ne s’apparentent pas à un choix éditorial de contenus à mettre
en avant ». @

Droit d’auteur : industries culturelles et audiovisuelles appelées à s’adapter au numérique sans frontières

La Commission européenne a présenté le 14 septembre une directive réformant le droit d’auteur à l’heure du numérique et un règlement audiovisuel. De leur mise en oeuvre dépendra la création d’un vrai marché unique numérique en Europe, et d’une nécessaire diversité culturelle.

Deux directives européennes vont actuellement l’objet chacune d’une réforme pour adapter respectivement le droit d’auteur et la diffusion audiovisuelle au marché unique numérique. Il s’agit des directives dites « DADVSI » de 2001 (1) et « CabSat » de 1993 (2). Dans les deux cas, le but est de réduire les différences entre les régimes de droit d’auteur nationaux, tout en favorisant l’accès le plus large aux contenus culturels et audiovisuels sur le Vieux Continent. C’est d’ailleurs l’objectif de la stratégie numérique que la Commission européenne avait présentée en mai 2015.

Libre-échange transatlantique(TTIP) : la France est contre malgré l’absence de l’audiovisuel et de la culture

Trois ans après la polémique déclenchée par la France pour que soient exclus
les services audiovisuels et culturels des négociations du TTIP, à nouveau rien ne va plus entre Paris et Bruxelles. Cette fois, il n’est pas question d’exception culturelle mais de déséquilibre avec les Etats-Unis.

« Si nous avons obtenu la transparence des négociations, la protection des services audiovisuels et de la culture, et pesé sur la réforme de l’arbitrage privé – le fameux ISDS –, force est de constater que l’état des tractations entre l’Europe et les Etats-Unis était profondément inéquitable au profit des Américains », ont estimé les eurodéputés socialistes et radicaux qui, le 30 août dernier, se sont réjouis de la décision de la France – par la voix son président de la République (photo) – de demander l’arrêt des négociations sur le traité transatlantique de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis.

Le CSA se défend de vouloir être « le régulateur de l’Internet » mais veut le coréguler via conventions

Le CSA souhaite inciter les plateformes du Net à signer avec lui des
« conventions volontaires » par lesquelles une corégulation – sur fond d’engagements obligatoires – pourrait s’instaurer sur les services en ligne.
Par ailleurs, le CSA voit ses pouvoirs étendus au stockage de données.

« Dans le cadre de la loi, nous avons des pouvoirs de conventionnement : les chaînes de télévision et les radios qui sont soumises à notre sphère de régulation (… (1)) ne peuvent fonctionner que si elles ont signé leur convention. Vis à vis des partenaires à l’égard desquels nous n’avons aucun pouvoir reconnu par la loi, (…) nous sommes toujours prêts à nous engager dans une démarche conventionnelle. Mais encore faut-il que nous ayons des partenaires, y compris de la sphère de l’Internet, qui veuillent s’engager dans cette démarche », a expliqué Olivier Schrameck (photo), président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), lors d’un dîner-débat organisé le 26 mai dernier par le Club audiovisuel de
Paris (CAVP).