Bilan numérique et audiovisuel du quinquennat Hollande : limites de l’action publique

Ni la révolution numérique nécessaire à l’économie, ni la révolution audiovisuelle promise par François Hollande n’ont eu lieu. Ces occasions manquées montrent les limites de l’action publique française dans le numérique et l’audiovisuel, dans un contexte marqué par l’impératif sécuritaire.

Par Rémy Fekete, associé Jones Day

Seizième sur vingt-huit : tel est le décevant classement numérique de la France dans l’Union européenne selon l’indice DESI (Digital Economy and Society Index) de la Commission européenne pour 2017. Encore plus décevant est le déclin relatif de la France, qui figurait deux places plus haut en 2014 et 2015 de ce même indice. « La France est en dessous de la moyenne de l’UE pour l’intégration des technologies numériques par les entreprises, la connectivité et l’utilisation d’Internet par les particuliers », est-il constaté (1).

Piraterie audiovisuelle : il faut réinventer un arsenal juridique préventif

Si le législateur a su donner au juge des outils pour lutter contre les pirates, ces outils ne sont cependant pas toujours adaptés, notamment lors de diffusions en direct – comme dans le sport – ou pour les nouveautés. A quoi bon condamner un pirate si la sanction ne peut être exécutée.

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

Un des aspects de la révolution numérique, qui a bouleversé notre société, est la dématérialisation. Du fait de la facilité de la transmission du support, la piraterie audiovisuelle « professionnelle » s’est largement répandue. Il s’agit d’un poison mortel pour la création culturelle et pour le monde du divertissement. Le pirate professionnel est celui qui met à la disposition du public, sans autorisation, une oeuvre ou un événement protégé et qui tire un revenu ou un avantage direct de son activité par exemple, par abonnement ou par la publicité.

* Auteur du livre « Numérique : de la révolution
au naufrage ? », paru en 2016 chez Fauves Editions

Cinéma, audiovisuel et numérique : manque de transparence dans la rémunération des auteurs

Musique en ligne, cinéma à la demande, livre numérique ou encore culture en ligne remettent en question la manière dont les industries culturelles rémunèrent leurs auteurs. La SACD en France et la SAA en Europe veulent un droit à une
« rémunération proportionnelle incessible ».

Le Festival international de programmes audiovisuels (Fipa), qui s’est tenu à Biarritz fin janvier, a réveillé les ardeurs des organisations qui représentent les intérêts des auteurs de ce secteur. La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), qui en est l’un des membres fondateurs, tout en étant aussi membre de la Société des auteurs audiovisuels (SAA), laquelle défend plus de 120.000 scénaristes et réalisateurs européens de cinéma, de télévision et du multimédia, est montée au créneau.

Ce qui attend Isabelle de Silva, nouvelle présidente de l’Autorité de la concurrence

Fraîchement nommée à la tête de l’Autorité de la concurrence, par décret du président de la République daté du 14 octobre dernier, Isabelle de Silva (conseillère d’Etat) a prononcé le 8 novembre sa première décision (contre SFR). Mais le plus dure reste à venir, notamment dans l’audiovisuel et le numérique.

Sa toute première décision, rendue le 8 novembre, est une amende de 80 millions d’euros infligée à l’encontre du groupe Altice pour avoir brûlé les étapes – via sa filiale Numericable
à l’époque (1) – dans le rachat de SFR et de Virgin Mobile.
La successeure de Bruno Lasserre, Isabelle de Silva (photo),
a condamné le groupe de Patrick Drahi pour avoir accédé à
de nombreuses informations stratégiques sur ses deux cibles avant même d’avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de la concurrence (2).

Audiovisuel : YouTube n’est pas « éditeur », quoique…

En fait. Le 27 septembre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a organisé ses premières Rencontres sur le thème de « L’audiovisuel dans l’espace numérique : plateformes et données ». En première ligne, Google a défendu son statut d’hébergeur : « Nous ne sommes pas éditeur de contenus ». Vraiment ?

En clair. Alors que le statut d’hébergeur de certaines plateformes vidéo telles que YouTube ou Dailymotion est remis en question par les industries culturelles, en particulier en France, les premières Rencontres du CSA ont permis d’entendre Google à ce sujet. « Nous ne sommes pas éditeur de contenus, mais nous travaillons en partenariat avec les éditeurs de contenus », a affirmé Laurent Samama, directeur
des relations stratégiques Média et Divertissement de la firme de Mountain View pour
la région EMEA (1). Et le Français d’insister : « Nous ne nous considérons pas comme
un acteur à part entière car nous ne sommes pas éditeur de contenus ; nous ne faisons pas de contenus ». Le statut d’hébergeur permet aux plateformes vidéo de non seulement bénéficier d’une responsabilité limitée dans la lutte contre le piratage mais aussi de ne pas être soumises à des obligations de financement de la création (lire aussi p. 6 et 7).
Le CSA, lui, s’interroge sur le statut de YouTube. Dans un rapport publié peu avant
ces Rencontres, le régulateur écrit :« Certaines plateformes, (…), opèrent désormais simultanément à plusieurs niveaux et exercent à la fois les fonctions de production, d’édition et de distribution de contenus (exemple de YouTube) » (2). Ce qu’a aussitôt nuancé Nicolas Curien, membre du CSA : « Le CSA dit effectivement que YouTube n’est pas seulement un hébergeur. Le CSA ne dit pas qu’il est éditeur ou distributeur, mais il invite à repenser les catégories traditionnelles des fonctions des métiers de l’audiovisuel ». Laurent Samama est alors remonté au créneau : « Sur YouTube, on
a vraiment pas de fonction d’édition. (…) La seule chose est [que] nous avons des algorithmes et parfois de la vérification manuelle pour éviter ces contenus interdits ».
Francine Mariani-Ducray, membre du CSA, a saisi la balle au bond : «Mais est-ce
que les algorithmes de recommandation ne sont pas une manière d’éditorialiser ? … J’ai ma réponse personnelle ! (…) C’est “oui’” ». Le dirigeant de Google lui a répondu :
« C’est une bonne question. Nous, nous considérons que “non”. Ensuite, il y a une
vraie réflexion sur la part de la personnalisation des algorithmes, tout en gardant une part d’accès à la diversité. Donc, effectivement, il y a des formules à mettre en place mais qui, pour nous, ne s’apparentent pas à un choix éditorial de contenus à mettre
en avant ». @