Réforme de l’audiovisuel et enchères 5G : reports

En fait. Le 18 mars, le gouvernement a présenté en conseil des ministres un projet de loi instaurant un « état d’urgence sanitaire » face au Covid-19 et un projet de loi de finances rectificatif pour 2020. Le calendrier législatif est chamboulé. Les enchères 5G, elles, ne se tiendront pas le 21 avril, nous confirme l’Arcep.

En clair. Le Covid-19 est le chamboule-toute de 2020. Les deux projets de loi (état d’urgence sanitaire et loi de finances rectificatif) sont en train d’être adoptés en procédure accélérée au Parlement. Résultat, « toutes les réformes en cours se[ont] suspendues » – dixit le président de la République lors de son allocution télévisée du 16 mars devant 35,3 millions de télé-spectateurs, selon Médiamétrie. Les deux plus importants projets de loi de son quinquennat sont déprogrammés sine die.
La réforme très contestée des retraites, pour laquelle le gouvernement avait décidé de recourir à l’article 49-3 à l’Assemblée nationale pour le « projet de loi ordinaire » (sans débat avec les députés (1)), est suspendue (alors que le texte devait arriver au Sénat en avril et que le « projet de loi organique » ne pouvait pas être, lui, soumis au 49-3). La réforme de l’audiovisuel, qui était le grand chantier d’Emmanuel Macron annoncé dès sa campagne présidentielle de 2017, est reportée. Ce projet de loi sur « la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l’ère numérique » a été examiné début mars par la commission commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale (lire p. 6 et 7), et devait être débattu en séances publiques à partir du 31 mars jusqu’au 10 avril. Mais l’urgence législative dans la « guerre » (dixit sept fois Emmanuel Macron) contre le Covid-19 a contraint le gouvernement d’annuler le calendrier des débats sur ce texte qui était pourtant lui-même en procédure accélérée depuis décembre (2).
Concernant par ailleurs les enchères des fréquences pour la 5G, dont l’Etat espère les vendre pour un minimum de 2,17 milliards d’euros (mise à prix), l’Arcep confirme à Edition Multimédi@ qu’elles ne se tiendront pas le 21 avril, mais qu’aucune nouvelle date n’a été fixée lors de la réunion de son collège le 19 mars. Des médias (Reuters, AFP, Les Echos, …) avaient annoncé dès le 17 mars le report de ces enchères. Mais le président du régulateur des télécoms, Sébastien Soriano, a dû aussitôt temporiser dans un tweet posté dans la soirée : « Calendrier #5G : aucun report n’est acté pour le moment. (…) Si un nouveau calendrier devait être défini, cela sera indiqué en temps utile » (3). @

Les GAFAM sont cernés par le législateur français

En fait. Le 2 mars, a commencé la 1re lecture en commission à l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’audiovisuelle « à l’ère numérique ». Le 19 février, le Sénat a adopté en 1re lecture une proposition de loi sur le libre choix du consommateur « dans le cyberespace ». La loi Avia contre la cyberhaine revient devant les députés le 1er avril.

En clair. Pas de répit législatif en France pour les GAFAM, ou les GAFAN, c’est selon. Les textes de loi les visant sont encore nombreux en ce début d’année, faisant la navette entre le palais Bourbon et le palais du Luxembourg. Après les lois « taxe GAFA » et le « droit voisin de la presse » promulguées en juillet 2019, lesquels avaient été précédées en décembre 2018 par la loi contre les « fake news », les projets de loi (du gouvernement) et les propositions de loi (des parlementaires) encadrant Internet continuent à se succéder. Ils ont en commun de vouloir accroître la pression réglementaire sur les géants du Net, plus que jamais encerclés par le législateur.
Le projet de loi « Communication audiovisuelle et souveraineté culturelle à l’ère numérique » (1), a commencé son marathon parlementaire en décembre à l’Assemblée nationale où il a été examiné en commission du 2 au 6 mars. Ce texte sur l’audiovisuel va être débattu en séance publique du 31 mars au 10 avril. Les GAFAM vont notamment devoir coopérer plus efficacement contre le piratage sur Internet. Et ce, par le déréférencement des liens et des sites web miroirs. La « liste noire » des contrefaisants y contribuera, que tiendra à jour l’Arcom (CSA-Hadopi) chargée aussi de la « réponse graduée ». Le ministre de la Culture, Franck Riester, écarte cependant la « sanction pénale » demandée le 28 février par 26 organisations d’ayants droits (2). En outre, les plateformes de type Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney+ devront financer des films français (3). Concernant cette fois la « liberté de choix du consommateur dans le cyberespace » (4), la proposition de loi adoptée par le Sénat le 19 février vise à donner pourvoir à l’Arcep de veiller à l’interopérabilité entre les écosystèmes – Android de Google (Play Store) et iOS d’Apple (App Store) en tête – des « équipements terminaux » des utilisateurs (smartphones, tablettes, enceintes connectées, …). Mais le gouvernement estime à l’appui de son avis défavorable que ce sujet doit être réglé au niveau européen.
Quant à la proposition de loi Avia « contre les contenus haineux sur Internet » (5), qui revient devant les députés le 1er avril, elle veut obliger les plateformes du Net à retirer sous 24 heures les contenus illicites, sous peine de lourdes amendes. Mais le Sénat s’est encore opposé à cette mesure le 26 février. Le débat sur la responsabilisation des hébergeurs est loin d’être clos. @

Loi audiovisuelle : David Kessler était « sceptique »

En fait. Le 3 février, David Kessler – haut fonctionnaire et, depuis 2014, directeur général d’Orange Content – est décédé à l’âge de 60 ans. Sa dernière intervention publique remonte au 7 novembre 2019, aux 29es Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD). Il exprimait des doutes sur la réforme audiovisuelle.

En clair. Aux Rencontres cinématographiques de Dijon (1), le 7 novembre dernier, il était « là par accident » (dixit), car c’est Maxime Saada, PDG de Canal+, qui devait intervenir dans le débat sur la loi audiovisuelle, mais qui n’est pas venu… David Kessler, à la tête d’Orange Content, avait dû le remplacer au pied levé. Sur le projet de loi, il a exprimé surprise, scepticisme et regret : « Que cela Canal+ ou Orange (OCS), nous avons été un peu surpris du fait que le projet de loi sur l’audiovisuel ne dit et ne fait quasiment rien en faveur de la télévision payante, a lancé celui qui fut conseiller culture et communication de François Hollande à l’Elysée (2012-2014). Je suis frappé de voir qu’on accroît les taxes sur la VOD (par la loi de Finances), ce qui défavorise les deux plateformes françaises qui restent, myCanal et Orange VOD. Et il n’y a pas de mesure majeure sur les télévisions payantes, qui sont quand même les concurrentes directes des plateformes : le choix du consommateur se fait entre Canal+ et OCS, d’une part, et Netflix, Amazon Prime Video, Apple TV+ ou demain Disney+, d’autre part ». L’ancien directeur du Conseil supérieur de l’audiovisuel (1996- 1997) s’est aussi dit « plus sceptique sur la mise en œuvre de cette loi sur l’audiovisuel » : « Je pense que les choses seront plus difficiles qu’on ne l’imagine. J’ai souvent le sentiment qu’en France on fait dire à la directive européenne (SMA (2)) un peu plus qu’elle ne dit. Elle fait des avancées majeures – quotas d’exposition des œuvres (sur les plateformes) et possibilité de contribution (des plateformes au financement des œuvres) pour le pays de destination. Mais la directive ne remet pas en cause l’architecture fondamentale sur laquelle l’Europe s’est bâtie, à savoir que le pays d’origine reste celui où les choses se décident. Je ne suis pas sûr que ce soit le régulateur français [futur CSA-Hadopi, ndlr] qui puissent vérifier tout ça [la conformité des plateformes]» . L’ancien directeur du Centre national du cinéma (2001-2004) a aussi regretté que la loi audiovisuelle n’obligera pas Netflix à préfinancer le cinéma français car cette plateforme de SVOD « ne fait pas de cinéma car il ne sort pas de films en salles ». Et le haut fonctionnaire et ancien conseiller culture du Premier ministre Lionel Jospin (1997-2001) a conclu : « Je ne suis donc pas sûr que l’on ait été jusqu’au bout pour réformer notre système ». @

Quid au juste du Brexit numérique et audiovisuel ?

En fait. Le 31 janvier, à minuit, le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne (UE) et ne fait donc plus partie des Etats membres, lesquels sont désormais vingt-sept. Une période transitoire s’est ouverte jusqu’au 31 décembre 2020, durant laquelle le droit de l’UE continuera de s’appliquer au Royaume-Uni. Et après ?

En clair. La date historique du 31 janvier 2020 est purement symbolique car rien ne change d’ici le 31 décembre prochain. L’Union européenne et le Royaume-Uni ont encore un peu plus de dix mois pour se mettre d’accord sur un nouveau partenariat. La Commission européenne, elle, adoptera le 3 février un projet de « directives de négociation complètes ». Rien ne change donc d’ici la fin de l’année. Mais que se passera-t-il à partir du 1er janvier 2021, si la période transitoire n’est pas prolongée pour une durée maximale d’un à deux ans ?
• Données personnelles : le Royaume-Uni continuera d’appliquer les règles européennes en matière de protection des données, dont le RGPD (1) avec le consentement sur les cookies, au « stock de données à caractère personnel » collectées lorsqu’il était encore un Etat membre. Et ce, jusqu’à ce que la Commission européenne constate formellement que les conditions de protection des données au Royaume-Uni sont « essentiellement équivalentes » à celles de l’UE.
• Frais d’itinérance (roaming) : les opérateurs mobiles des Vingt-sept seront en droit de réinstaurer avec le Royaume-Uni des frais d’itinérance pour les appels téléphoniques et les
communications SMS/MMS/Internet. Ces surcoûts pour les Européens avaient été supprimés en 2017 par la Commission européenne. A moins qu’un accord entre Londres et Bruxelles ne soit trouvé pour maintenir la gratuité du roaming.
• Droit d’auteur et droit voisin : les Etats membres de l’UE ont jusqu’au 7 juin 2021 pour transposer la directive de 2019 sur le droit d’auteur et le droit voisin « dans le marché unique numérique ». Or la Grande-Bretagne a fait savoir le 21 janvier dernier, par la voix de son secrétaire d’Etat Chris Skidmore (2), qu’elle n’a pas l’intention de le faire et donc de l’appliquer (3).
• Services de médias audiovisuel (SMA) : la directive européenne SMA, actualisée en 2018 pour prendre en compte les services à la demande (SMAd) tels que Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney+, ne sera plus appliquée outre-Manche. Disparaîtra aussi le principe du pays d’origine, sauf accord.
• Portabilité transfrontalière des services audiovisuels : le règlement européen de 2017 sur « la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne », applicable depuis le 20 mars 2018, sera lui aussi inopérant pour les Européens en Grande-Bretagne, sauf accord là aussi. @

Les Sofica, qui ont 35 ans en 2020, ne financent pas les productions des plateformes de SVOD

C’est en juillet que les fonds privés Sofica – sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel – fêteront leurs 35 ans. Mais ces instruments d’investissement privés dans la production de films et séries français ne profitent pas de Netflix ni d’Amazon Prime Video.

Pour 2020, elles sont une douzaine à être agréées par le ministre du Budget pour un total de 63 millions d’euros d’investissement (1). Les Sofica se nomment : Cineaxe 2, Cinecap 4, Cinemage 15, Cineventure 6, Cofimage 32, Cofinova 17, Indefilms 9, La Banque postal 14, Nanon 11, Palatine Etoile 18, SG Image 2019, et Sofitvcine 8. Ces produits de placement financier orientent depuis près de 35 ans l’épargne privée vers l’investissement dans la production cinématographique et audiovisuelle.