Après 12 ans, l’OMPI tourne la page « Francis Gurry »

En fait. Du 20 au 25 septembre, se sont tenues les assemblées des Etats membres de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) que l’Australien francophone Francis Gurry a dirigé pendant 12 ans. Il passe la main au Chinois Daren Tang qui entrera en fonctions le 1er octobre.

En clair. Les deux mandats de Francis Gurry ont notamment été marqués par l’entrée en vigueur de deux nouveaux accords : d’une part, le Traité de Pékin qui étend au numérique la protection des artistes interprètes ou exécutants de l’audiovisuel prévue par la Convention de Rome (y compris les exceptions et limitations au droit d’auteur sur Internet), d’autre part, le Traité de Marrakech qui facilite l’accès – en format accessible (numérique compris) par les aveugles ou déficients visuels – aux œuvres publiées (là aussi avec limitations et exceptions au droit d’auteur).
Le rôle de l’OMPI, basée en Suisse à Genève, est de fournir des services mondiaux de propriété intellectuelle, dont les recettes ont dépassé 850 millions d’euros (1) sur l’exercice biennal 2018- 2019. Cela représente une hausse de 50 % sous les 12 ans de direction de Francis Gurry, qui souligne la rentabilité – avec 337 millions d’euros d’actifs nets (2) – et l’absence de dette de l’organisation. Le gros des recettes provient des taxes perçues au titre du système dit du PCT (74 %), à savoir les taxes relevant du Traité de coopération en matière de brevets, lequel permet aux déposants d’obtenir une protection par brevet au niveau international, et au public d’accéder à une mine d’informations techniques relatives à ces inventions. Ainsi, en déposant une seule demande internationale de brevet selon le PCT, les déposants peuvent demander la protection d’une invention simultanément dans actuellement 153 pays (3). Viennent ensuite les taxes perçues au titre du système de Madrid (16,8 % des recettes de l’OMPI), lequel correspond au système international des marques reconnu à ce jour par 122 pays (4). L’OMPI coopère d’ailleurs avec l’Icann sur les noms de domaine de l’Internet par rapport aux marques déposées (règlement des litiges par le Centre d’arbitrage et de médiation).
Le reste des recettes (9,2 %) proviennent de contributions statutaires que doivent verser chacun des 193 Etats membres de l’OMPI, ou de contributions volontaires que paient des communautés autochtones et locales, ou encore de taxes perçues au titre du système dit de La Haye (enregistrement international des dessins et modèles industriels). Dans la high-tech, la bataille des brevets est devenue un sport mondial qui peut rapporter gros (5). L’Asie – Chine (6), Corée du Sud et Inde en tête – dépose désormais plus de la moitié des brevets à l’international. @

Audiovisuel français à l’export : incontournable VOD

En fait. Le 7 septembre, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a publié avec l’association TV France International (TVFI) un rapport sur « l’exportation des programmes audiovisuels français en 2019 ». L’essor des ventes de « droits monde » reflète le boom des plateformes de (S)VOD.

En clair. C’est un signe qui ne trompe pas. Les ventes de droits dits « monde », c’est-à-dire les droits de diffusion accordées sur plusieurs pays voire plusieurs continents, ont enregistré en 2019 une hausse de près de 55 % en un an, à 42,3 millions d’euros sur les 325,3 millions d’euros générés par l’exportation des programmes audiovisuels français (1). Or près des trois quart (72,4 %) de ces « droits monde » sont conclus sur l’an dernier par des acteurs de la vidéo à la demande, à l’acte ou à la location (VOD), ou à l’abonnement (SVOD). Ceux-ci ne représentaient que 28,5 % des ventes de droits mondiaux en 2016. Le rapport publié le 7 septembre par le CNC avec TV France International (2) montre que ces ventes de droits monde ont triplé en cinq ans. Cette montée en puissance sur ce segment de l’exportation de l’audiovisuel français s’explique aisément par l’explosion des plateformes de streaming vidéo à la stratégie mondiale telles que les américaines Amazon, Netflix, Disney+, Apple TV+ ou encore HBO Max. Mais d’autres services de (S)VOD prospèrent ailleurs, comme en Chine avec Tencent Video, iQiyio (Baidu) et Youku (Alibaba), mais aussi en Asie avec Iflix (Tencent). Sont aussi acquéreurs de programmes français : les services mexicains Blim (Televisa) et Claro Video en Amérique Latine, le japonais Rakuten TV (au Japon et en Europe) et son compatriote Irokotv en Afrique, le norvégien Viaplay (Nordic Entertainment), le britannique Walter Presents (Channel Four Television), le canadien Topic (First Group Media), les américains Kidoodle (A Parent Media Company) et Curiosity Stream, ou encore le sud-africain Showmax (Multichoice). Le quart restant des ventes des droits mondiaux se sont faites auprès soit de majors américaines d’envergure mondiale, soit auprès de diffuseurs – tels que TV5 Monde qui a lancé le 9 septembre sa plateforme de VOD gratuite (3).
Plus globalement, si l’on considère l’ensemble des nouveaux supports de diffusion délinéarisée (4), « les revenus issus spécifiquement de l’exploitation des programmes français sur les nouveaux médias à l’étranger représentent 21,6 % des recettes d’exportation en 2019 (9,7 % en 2018), indique le rapport, sachant qu’une partie de ces revenus sont la plupart du temps intégrés dans des ventes “tous droits”, incluant donc les droits télévisuels et de vidéo à la demande ». La (S)VOD devient incontournable à l’export. @

Orphelin de la grande réforme audiovisuelle, le Sénat n’a pas dit son dernier mot sur « France Médias »

Le Sénat, qui fut moteur dans le projet de réforme de l’audiovisuel (notamment depuis le rapport « Leleux-Gattolin » de 2015), se retrouve dépossédé d’un texte qui, dépecé, devait être une priorité du quinquennat « Macron ». La chambre haute se concentre sur le vaste plan de relance de la France.

Depuis une dizaine d’années, la chambre haute a été une force de propositions pour faire évoluer le cadre législatif de l’audiovisuel français qui en aurait bien besoin. Tout le PAF (1) n’attend que cela et depuis bien avant les grandes promesses d’Emmanuel Macron visant à réformer la loi de 1986 sur « la liberté de communication » devenue archaïque à l’heure du numérique et des GAFAN. Présidé par Gérard Larcher depuis 2008 (excepté d’octobre 2011 à septembre 2014), le Sénat se retrouve fort dépourvu.

La grande réforme de l’audiovisuel est morte, vive la réforme de l’audiovisuel à la découpe !

La réforme de l’audiovisuel et la transposition de la directive SMA sont dans un bateau : la réforme de l’audiovisuel tombe à l’eau : qu’est-ce qui reste ? La crise sanitaire aura eu raison de la grande réforme voulue par Emmanuel Macron. Edition Multimédi@ fait le point sur ce revirement.

Emmanuel Macron (photo) en a rêvée en tant que candidat à la présidence de la République ; devenu chef de l’Etat il y a trois ans, il ne la fera finalement pas ! Il faudra « simplifier la réglementation audiovisuelle en matière de publicité, de financement et de diffusion, pour lever les freins à la croissance de la production et de la diffusion audiovisuelles et préparer le basculement numérique, tout en préservant la diversité culturelle », avait promis début 2017 celui qui était encore quelques mois plus tôt ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (2014-2016).

Les offres payantes de l’audiovisuel public posent toujours questions au regard de la redevance

Alors que la nouvelle plateforme payante Madelen de l’Ina dépasse les 55.000 abonnés (dont 15.000 hérités de l’Ina Premium), se pose à nouveau la question de faire payer une offre lorsque celle-ci est censée être déjà financée par la redevance audiovisuelle.

Au regard de la redevance audiovisuelle que paient la quasi-totalité des 28 millions de foyers fiscaux en France (138 euros en 2020), n’est-il pas contradictoire que des entreprises de l’audiovisuel public fassent payer en plus les Français pour des services censés être déjà financés justement par cette contribution à l’audiovisuel public (CAP) ? C’est la question que Edition Multimédi@ a posée au président de l’Institut national de l’audiovisuel (Ina), Laurent Vallet (photo de gauche), lors du lancement de Madelen.