Streaming : le Centre national de la musique (CNM) bute sur « une boîte noire »

En fait. Les 3 février, le président du Centre national de la musique (CNM), Jean-Philippe Thiellay, a été auditionné au Sénat par la commission de la culture. Il est revenu sur le rapport qu’il a publié le 27 janvier sur la répartition des revenus des plateformes de streaming musical. Ses travaux ont buté sur « une boîte noire ».

En clair. En menant cette étude d’impact du passage possible du mode actuel dit « market centric » (1) à un autre mode dit « user centric » (2) pour la répartition des revenus générés par les écoutes de la musique en streaming, le Centre national de la musique (CNM) a buté sur « une boîte noire ». C’est ce que son président Jean-Philippe Thiellay (photo) a reconnu devant les sénateurs lors de son audition le 3 février : « Il y a énormément de questions que l’on n’a pas pu explorer en raison de l’anonymisation des données et au fait que les données s’arrêtent aux distributeurs, même pas aux labels et encore moins à l’artiste. Il y a des questions qu’il faut continuer à explorer : la transparence des données, les algorithmes, les recommandations sur les playlists, les compositions des playlists, … Pour nous, c’est une boîte noire », a-t-il dit. Par ailleurs, la fraude des « fermes à clics » maximise automatiquement l’écoute de certains artistes.

Spotify fait gagner beaucoup d’argent aux labels et majors de la musique mais reste encore déficitaire

Fondée par Daniel Ek en 2006 et éditrice de la plateforme de streaming musical ouverte au public en 2008, la société suédoise Spotify reste désespérément déficitaire. Pourtant, grand paradoxe de la filière musicale, elle est la première à contribuer aux revenus de la musique en ligne dans le monde.

De Paris à Washington, les producteurs de musique – les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music en tête – sont unanimes : les plateformes de streaming, au premier rang desquelles Spotify, leur rapporte de plus en plus d’argent. Le streaming musical est même devenu leur première source de revenu, loin devant les ventes physiques et les téléchargements de musiques enregistrées. Pourtant, depuis sa création en avril 2006, la société suédoise dirigée par Daniel Ek (photo) est toujours déficitaire.

Minimum garanti pour le streaming musical : c’est pas gagné !

En fait. Le 23 mars, le projet de loi « Création » a été voté en seconde lecture à l’Assemblée nationale. L’une des mesures-phare du texte est l’instauration d’une garantie de rémunération minimale pour le streaming de musique en ligne. Mais la filière a un an pour se mettre d’accord sur les modalités. Sinon…

Maylis RoquesEn clair. Les négociations sur la mise en place et le niveau de la garantie de rémunération minimum que devront verser les producteurs aux artistes-interprètes pour la diffusion de musique en flux sans téléchargement – autrement dit le streaming (1) – ne font que commencer !
C’est Maylis Roques (photo), par le passé secrétaire générale du CNC (2) (2010-2014), qui a été désignée pour présider – en tant que représentante de l’Etat – une commission pour aboutir à un accord collectif – conformément à ce qui est prévu par l’accord Schwartz de septembre 2015.

Bruno Boutleux, Adami : « Il est temps de légiférer en faveur des artistes et musiciens interprètes »

L’Adami, société de gestion collective des droits des artistes et musiciens interprètes, fête ses 60 ans cette année et vient d’organiser les 15e Rencontres européennes des artistes. A cette occasion, son DG Bruno Boutleux explique à EM@ l’impact du numérique sur la rémunération et les mesures à prendre.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous dénoncez le partage
« inéquitable » de la valeur dans la musique en ligne, notamment pour le streaming. Que gagne un musicien lorsque sa musique passe sur Spotify, Deezer ou Qobuz ? Perçoit-il plus en téléchargement avec iTunes ? Bruno Boutleux : Un transfert de valeur de l’amont vers l’aval
au profit des géants du numérique s’est opéré depuis plusieurs années, remettant en question le partage de la valeur entre les différents acteurs. Pour un titre téléchargé sur iTunes, l’artiste ne touche que 0,04 euros sur 1,29 euros. Pour le streaming, la répartition est d’environ 90 % pour le producteur et 10 % pour l’artiste. Alors qu’elle est de 50-50 sur les diffusions radio. Au final, pour un abonnement streaming payé près de 9,99 euros par l’utilisateur, les artistes ne perçoivent que 0,46 euro à partager entre tous ceux écoutés sur un mois.

Jean-Paul Bazin, gérant de la Spedidam : « Il est temps qu’Internet rémunère les artistes interprètes »

La Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (Spedidam) explique à Edition Multimédi@ pourquoi elle compte sur la loi « création » pour que la gestion collective – qui profite aux artistes interprètes
depuis près de 30 ans en France – devienne obligatoire sur Internet.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Jean-Paul BazinEdition Multimédi@ : L’an dernier, le 11 septembre, la Spedidam a perdu contre des plates-formes de musique
en ligne (dont iTunes) devant la Cour de cassation jugeant
que l’autorisation donnée par les artistes interprètes pour l’exploitation de leurs enregistrements inclut leur mise en ligne. La future loi « création » vous donnera-t-elle raison en instaurant une « rémunération proportionnelle » ?

Jean-Paul Bazin : Mis à part quelques vedettes qui perçoivent
le plus souvent des sommes dérisoires (264 euros environ pour 1 million de streams),
les artistes qui sont à l’origine de l’existence des contenus d’Internet ne perçoivent actuellement aucune rémunération lorsque leurs enregistrements sont exploités en
ligne. Sur les 49,5 millions d’euros des perceptions de la Spedidam sur 2013, Internet représente zéro !
C’est le rôle du législateur de maintenir les grands équilibres et de protéger les plus faibles contre l’appétit et le manque de scrupules de certains. Nous espérons donc vivement que les artistes soient enfin entendus et que la future loi « création » mettra un terme à cette situation inéquitable. Et ce, en instaurant une gestion collective obligatoire des droits des artistes interprètes pour les services à la demande afin de nous permettre de percevoir
au bénéfice de ces derniers des rémunérations, notamment auprès des plateformes numériques de musique en ligne.