Le livre espère sauver ses libraires face à Amazon et déréférencer sur Google ses titres piratés

Le Festival du Livre de Paris ferme ses portes ce 23 avril après trois jours au Grand Palais Ephémère. Cette deuxième édition (formule succédant au Salon du livre) s’est déroulée au moment où l’édition française tient tête à Amazon pour le prix de livraison et lutte contre le piratage avec LeakID.

A l’heure où se termine le Festival du Livre de Paris, organisé par le Syndicat national de l’édition (SNE), l’industrie du livre en France s’est donnée les moyens, d’une part, de combattre les 0,01 centime d’euro de frais livraison de livres brochés vendus sur les plateformes de e-commerce, Amazon en tête, et, d’autre part, d’utiliser un outil de désindexation de liens illégaux sur Google pour lutter contre le piratage en ligne de livre. Les librairies françaises, d’un côté, et les éditeurs de livres, de l’autre, attendent respectivement beaucoup de ces deux mesures.

Les 3 euros de l’Arcep retenus
Pour les frais de livraison des livres papier neufs vendus à distance, les librairies françaises peuvent remercier le régulateur de télécoms, plus précisément l’Arcep, laquelle est non seulement en plus régulateur de la distribution de la presse depuis octobre 2019, mais aussi depuis décembre 2021 le régulateur des tarifs d’expédition des livres. Il y a un an, le 28 avril 2022, c’est justement l’Arcep qui avait proposé au gouvernement – via ses ministres de la Culture et de l’Economie – d’établir à 3 euros par colis le montant minimal de tarification des frais de livraison de livres (1).
C’est ce montant-là que le gouvernement a retenu dans son arrêté publié le 7 avril dernier au Journal Officiel et cosigné par Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, et Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (2). Ce tarif plancher de frais de port est cependant limité aux commandes en ligne allant jusqu’à 34,99 euros d’achat, car à partir de 35 euros les frais de port des livres neufs peuvent continuer à être tarifés à « plus de 0 euro » – en l’occurrence à 0,01 euro comme l’a institué Amazon, suivi par la plupart des plateformes de e-commerce dont Fnac+. L’Arcep, elle, avait proposé le seuil de déclenchement de cette quasi-gratuité des frais de port « aux alentours de 25 euros d’achat », alors que le Syndicat de la librairie française (SLF) estimait que cela n’était pas suffisant et que la sénatrice (LR) Laure Darcos à l’origine de la loi « Economie du livre » tablait, comme elle l’avait indiqué à Edition Multimédi@, sur 50 ou 60 euros d’achat minimum (3). Le gouvernement a tranché, en fixant ce seuil de déclenchement de la quasi-gratuité à 35 euros toutes taxes comprises. L’arrêté précise en outre que « le tarif minimal ainsi fixé s’applique au service de livraison d’une commande quel que soit le nombre de colis composant cette commande » et que « le service de livraison est payé par l’acheteur de manière concomitante au paiement de la commande » (4). Ce tarif minimal s’applique à la livraison de tout nouveau livre acheté en France, sauf si les commandes sont collectées auprès d’un détaillant de livres. Le SLF, qui représente en France près de 700 adhérents, a obtenu du cabinet de la ministre de la Culture la précision suivante : « Ce seuil s’appliquera également aux commandes mixtes composées de livres et d’autres produits, ainsi qu’à celles passées dans le cadre des programmes de fidélité proposés par les plateformes sur Internet ».
La loi « Economie du livre », surnommée « loi Darcos » (5), à l’origine de cette mesure pro-libraires – ou, diront certains, « anti-Amazon » –, prévoit que la mesure s’appliquera six mois après la publication de l’arrêté, soit à partir du 7 octobre 2023. Pourtant, le SLF a réexprimé sa crainte que « la quasi-gratuité au-delà de 35 euros d’achat n’amoindrisse la portée de la mesure et n’entretienne une culture de la gratuité contraire à la logique du prix unique du livre » et demande en contrepartie « un tarif postal plus avantageux permettant, en se conjuguant avec les seuils minimaux, de rendre les libraires véritablement compétitifs à l’égard des grandes plateformes en ligne ». Des négociations sont d’ailleurs prévues cette année avec La Poste et sous l’égide de l’Arcep et des pouvoirs publics sur les tarifs postaux justement appliqués à la filière du livre (jugés trop élevés notamment pour les services de presse des éditeurs et pour les librairies dans leurs expéditions de livres).

Le SNE parle de « pressions » d’Amazon
C’est dans ce contexte de revendications qu’a eu lieu le 15 avril dernier dans toute la France – mais aussi en Belgique et en Suisse – la 25e édition de la Fête de la librairie indépendante. Ce fut l’occasion pour les libraires de réaffirmer « le combat qu’ils mènent pour protéger leur métier » (6).
Quant au syndicat des éditeurs (SNE), lequel regroupe plus de 700 maisons d’édition, il n’a pas communiqué sur la publication de l’arrêté « 3 euros ». Néanmoins, lors de ses vœux « à l’interprofession du livre » le 5 janvier dernier, son président, Vincent Montagne (photo), avait donné le ton en ciblant nommément le géant mondial du e-commerce, la bête noire de la filière française du livre : « C’est une décision importante qui devrait mettre fin à la distorsion de concurrence imposée par les grands acteurs du e-commerce. Elle réaffirme que le livre n’est pas, et ne sera jamais, un produit d’appel pour les plateformes numériques et que l’esprit de la loi sur le prix unique du livre reste le socle sur lequel repose toute notre filière. Toutefois, il faut rester vigilant. La décision a été notifiée à Bruxelles et la réponse des autorités européennes tarde en raison notamment des pressions exercées par Amazon » (7).

Arrêté « 3 euros » : illégal en Europe ?
Au lieu de se terminer le 16 janvier 2023, la période de statu quo à la suite de la notification à Bruxelles (8) avait été prolongée jusqu’au 14 février. Dans son « avis circonstancié » qui avait prolongé ce statu quo et qui est signé par le Français Thierry Breton (commissaire européen au Marché intérieur), la Commission européenne a émis plusieurs observations sur l’arrêté « 3 euros » français. « L’adoption de l’arrêté notifié, en combinaison avec la loi [française “Economie du livre”], entraînera une restriction injustifiée à la libre circulation des services de la société de l’information sur le territoire français, en violation de l’article 3 de la directive sur le commerce électronique [lequel interdit à un Etat membre de restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre Etat membre, ndlr] », a-t-elle notamment dénoncé. Autre grief qui va dans le sens d’Amazon : « Le tarif minimal d’expédition [les 3 euros] semble avoir une incidence plus lourde sur les détaillants en ligne qui n’ont aucune présence en France et pourrait entraîner une discrimination de facto à leur égard ».
En outre, le gouvernement français n’a pas fourni d’évaluation qui justifierait ce tarif minimal d’expédition et qui démontrerait sa contribution à préserver une « offre culturelle riche et diversifiée ». Pire, la Commission européenne a mis en garde la France sur le fait que son arrêté « pourrait être contraire [à] la directive sur le commerce électronique et [au] traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », rien que ça (9). Pour tenter de rassurer Thierry Breton, les ministres Rima Abdul-Malak et Bruno Le Maire lui ont répondu le 16 janvier 2023, tout en reportant de quatre mois la publication de l’arrêté en raison du caractère « circonstancié » de l’avis de Bruxelles. Edition Multimédi@ a demandé – en vain – à recevoir cette réponse…
Qu’à cela ne tienne : le livre était à l’honneur en France, entre la Fête de la librairie indépendante qui a donc eu lieu mi-avril et le Festival du Livre de Paris qui s’achève ce dimanche 23 avril. Et ce, le jour-même de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur – célébrée tous les ans à cette même date depuis que l’Unesco a fait du « World Book and Copyright Day » (10) une journée internationale en 1995.
Justement, le droit de la propriété intellectuelle est l’autre combat majeur de l’industrie du livre. En France, le SNE pour les éditeurs et la Sofia pour les auteurs ont ensemble mis en place fin novembre 2019 pour leurs adhérents respectifs une « solution collective de lutte contre le piratage ». Chacune des deux organisations contribue pour moitié au financement à cette « solution mutualisée ». Celle-ci est fournie par la société française LeakID qui développe « un service de lutte contre le piratage en ligne des livres numériques et des livres imprimés numérisés illégalement » (11). En juin 2022, son fondateur Hervé Lemaire (12) a cédé le contrôle de LeakID à Avisa Partners, cabinet français d’intelligence économique, d’e-réputation et de lobbying à Bruxelles. Le dernier webinar en date s’est tenu le 8 mars en présence de l’avocate Olivia Bacin-Joffre, directrice juridique et responsable affaires publiques de LeakID et ancienne juriste à l’ex-Hadopi.
Cet outil LeakID surveille Internet (13) pour le compte des majors du livre – Hachette Livre/Lagardère, Editis/Vivendi, Gallimard-Flammarion/Madrigall, SeuilLa Martinière/ Média- Participations, …) – et d’autres éditeurs du SNE comme Actes Sud. « Le groupe utilise un outil de déréférencement LeakID et mène des procès ciblés en cas de piratage important », indique par exemple Editis, filiale en vente de Vivendi et deuxième groupe français d’édition (derrière Hachette Livre de Lagardère).
Auparavant, le syndicat du boulevard Saint-Germain (Paris) proposait aux maisons d’édition la solution de la société française Surys (ex-Hologram Industries, ex-exAdvestigo). Mais cette dernière a été rachetée fin 2019 par IN Groupe (ex-Imprimerie Nationale).

LeakID (acquis par Avisa Partners) traque
LeakID a été jugé plus efficace dans la désindexation et plus massive contre les téléchargements illicites et le streaming d’ebooks piratés, surtout grâce à son bras armée Rivendell qui est un partenaire de Google pour les déréférencements partout dans le monde. C’est lui qui a traqué le site Z-library dont les adresses Internet et les sites miroirs – listés par l’Arcom (14) – ont été bloquées par Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR sur décision du tribunal judiciaire de Paris datée du 25 août 2022. Après TeamAlexandriz (2021), Z-Library (2022), d’autres sites « pirates » – comme Pirate Library Mirror ou Bookys – sont dans le collimateur de l’industrie du livre. @

Charles de Laubier

Assistants vocaux : voici un marché sur lequel l’Autorité de la concurrence devrait s’autosaisir

« Ok Google », « Alexa », « Dis Siri », « Hi Bixby » … Dites-nous si vous êtes sur un marché suffisamment concurrentiel et si vos écosystèmes sont ouverts et interopérables, voire transparents pour vos utilisateurs dont vous traitez les données personnelles ?

C’est à se demander si l’Autorité de la concurrence ne devrait pas s’autosaisir pour mener une enquête sectorielle sur le marché des assistants vocaux et autres agents conversationnels, tant la concentration aux mains d’une poignée d’acteurs – principalement Google avec Google Assistant, Amazon avec Alexa ou encore Apple avec Siri – et l’enfermement des utilisateurs dans ces écosystèmes posent problème. Contacté par Edition Multimédi@, le gendarme de la concurrence nous a répondu : « Nous ne communiquons jamais sur l’existence d’éventuels dossiers à l’instruction ».

Un « oligopole puissant » (rapport CSPLA)
L’Autorité de la concurrence s’est déjà autosaisie sur la publicité en ligne « search » (2010) et « display » (2019), sur les fintechs (2021) ou encore sur le cloud (2022). Pour l’heure, c’est le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) qui s’est penché sur ce marché des assistants vocaux à travers un rapport (1) adopté lors de sa séance plénière du 16 décembre dernier. « Ce rapport n’a pas fait, à ma connaissance, l’objet d’une transmission officielle à l’Autorité de la concurrence », nous indique le conseiller d’Etat Olivier Japiot, président du CSPLA. Mais gageons que les sages de la rue de l’Echelle en ont pris connaissance.
Les trois coauteures – deux professeures et une chercheuse – Célia Zolynski (photo de gauche), professeure à l’université Paris-Panthéon Sorbonne, en collaboration avec Karine Favro (photo du milieu), professeure à l’université de Haute-Alsace, et Serena Villata (photo de droite), chercheuse au CNRS – dressent un état des lieux inquiétant au regard du droit de la concurrence et des droits des utilisateurs. Elles pointent du doigt la constitution d’un marché oligopolistique : « Concernant l’accès au marché, l’effet réseau est particulièrement développé sur le marché des assistants vocaux en ce qu’il influence les négociations entre les différents acteurs d’un marché déployé en écosystème. Les acteurs structurants occupent des positions stratégiques en la forme d’oligopole puissant mais surtout, en capacité de faire adhérer les entreprises utilisatrices à leur environnement. Ces acteurs [peuvent] filtrer les contenus, ce qui tient à la nature de moteur de résultat de l’assistant vocal ». Ce n’est pas la première fois qu’une étude considère les assistants vocaux dans une situation d’oligopole, puisque le rapport du CSPLA fait référence à l’analyse de la chercheuse russe Victoriia Noskova, à l’université technologique d’Ilmenau en Allemagne. Publié dans le European Competition Journal le 10 octobre dernier, son article – intitulé « Les assistants vocaux, les gardiens [gatekeepers, dans le texte, ndlr] de la consommation ? Comment les intermédiaires de l’information façonnent la concurrence » – démontre au moins deux choses au regard du règlement européen Digital Markets Act (DMA) : que « les assistants virtuels en tant que gatekeepers de la consommation [contrôleurs d’accès aux contenus, ndlr] devraient être énumérés dans la liste des services de base [services de plateforme essentiels, ndlr] », ce qui a été finalement pris en compte dans la liste des services de plateforme essentiels (core platform services)du DMA (2) ; que « certaines des obligations doivent être adoptées pour s’adapter aux particu-larités des assistants virtuels » (3). Amazon avec Alexa, Google avec Google Assistant ou encore Apple avec Siri ont d’ailleurs rencontré un réel succès mondial grâce à leurs enceintes connectées respectives : Echo pour Amazon, Google Home pour la filiale d’Alphabet ou encore HomePod pour Apple (4). Le CSA et l’Hadopi (devenus depuis l’Arcom) avaient aussi estimé en 2019 – dans leur rapport sur les assistants vocaux et enceintes connectées (5), réalisé en concertation avec l’Autorité de la concurrence, l’Arcep et la Cnil (et cité par le CSPLA) – que « la position d’intermédiaire des exploitants d’assistants vocaux, entre éditeurs et utilisateurs, et leur puissance leur confèrent la possibilité de capter une part importante de la valeur et d’en imposer les conditions de partage (commissions sur les ventes ou sur les recettes publicitaires, niveau de partage des données d’usages, etc.) ».

Lever les restrictions et l’autopréférence
Les trois auteures missionnées par le CSPLA ont en particulier examiné « les points névralgiques qui permettront un accès non discriminatoire et équitable au marché de manière à garantir la liberté de choix de l’utilisateur ». Elles préconisent « une démarche en trois temps » : lever les restrictions liées à « l’autopréférence » des opérateurs d’assistants vocaux qui privilégient leurs propres services ; imposer l’interopérabilité des systèmes et des applications pour assurer le pluralisme et la liberté de choix (désabonnement ou droit de sortie) ; garantir à l’utilisateur un droit d’accès aux données techniques (paramétrage) et aux siennes jusqu’à la portabilité de ses données. @

Charles de Laubier

Numérique soutenable : l’Arcep collecte les données

En fait. Le 6 mars, trois ministres ont reçu de l’Arcep et de l’Agence de la transition écologique (Ademe) leur étude prospective sur l’empreinte environnementale du numérique en France à l’horizon 2030 et 2050 (1). Une façon aussi de justifier la collecte des données environnementales auprès de tout l’écosystème.

En clair. Pendant que le gouvernement appelle à « un effort collective » pour réduire l’empreinte carbone du numérique, voire à « un changement radical » (dixit le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot), l’Arcep, elle, généralise la collecte des données environnementales auprès de tous les acteurs du numérique. Non seulement les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet – au premier rang desquels Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR – doivent montrer pattes blanches depuis un an pour tendre vers « un numérique soutenable », mais aussi – depuis cette année – les fabricants de terminaux (smartphones, ordinateurs, télés connectés, …), d’équipements (box, répéteur wifi, décodeur, prise CPL, …) et les centres de données (data center, cloud, hébergeur, …).
Ces derniers ont jusqu’au 31 mars prochain pour transmettre à l’Arcep leurs données environnementales : émissions de gaz à effet de serre, terres rares et métaux précieux utilisés, nombre de terminaux neufs et reconditionnés vendus, consommation électrique et énergétique, volumes d’eau consommés, etc. Les opérateurs télécoms, eux, ont commencé avec une première édition 2022 (2) avec trois catégories de données fournies à l’Arcep (émissions de gaz à effet de serre, énergie consommée, sort des téléphones mobiles). La deuxième édition, toujours limitée à Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR (données 2021), paraîtra au printemps prochain.
La troisième édition – prévue, elle, à la fin de cette année 2023 – portera sur les « telcos » (données 2022) mais aussi sur les autres acteurs de l’écosystème numérique. Cette quantité d’indicateurs à fournir au désormais « régulateur environnemental du numérique » est un vrai casse-tête annuel pour tous les professionnels, d’autant qu’ils ont l’obligation de fournir aux agents assermentés de l’Arcep ces informations et documents dès lors qu’ils concernent de près ou de loin « l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui-ci ». Et ce, sans pouvoir opposer le secret des affaires ni la confidentialité à l’Arcep (3), laquelle est dotée de ces nouveaux super-pouvoirs d’enquête depuis la loi « Chaize » du 23 décembre 2021 (4). Une décision dite « de collecte », prise par le régulateur le 22 novembre dernier (5), a précisé les données attendues. @

Engagements FTTH : « Orange veut gagner du temps »

En fait. Le 8 février, Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, a profité de son audition au Sénat par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour s’interroger sur les recours d’Orange devant le Conseil d’Etat contre l’Arcep – notamment avec une QPC déposée le 5 février. Verbatim.

En clair. « Nous constatons un ralentissement inquiétant des déploiements dans les zones très denses, mis aussi dans les zones moins denses d’initiatives privée : les zones “Amii” (1). Cette situation est problématique car cela prive certains de nos concitoyens du bénéfice de la fibre. Nous avons donc, en mars 2022, mis en demeure Orange de respecter ses engagements pris auprès du gouvernement : couvrir 100 % des locaux de la zone Amii Orange, dont au plus 8 % en raccordable à la demande. Orange avait d’abord contesté cette décision de mise en demeure devant le Conseil d’Etat, estimant s’être engagé sur un volume de lignes à déployer (2). [Or, en réalité] il s’agit d’un engagement de couverture d’une liste de communes qui doit être complète à une date donnée. Plus récemment, Orange a déposé [le 3 février 2023, selon Le Monde (3)] une demande de QPC (4), d’une part sur le pouvoir de sanction de l’Arcep, mais aussi sur la constitutionnalité de l’article L33-13 du CPCE (5). Cet article est justement la base juridique rendant ses engagements, pris auprès du gouvernement, juridiquement opposables. Orange demande au Conseil d’Etat de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel et ainsi de sursoir à statuer sur la mise en demeure de l’Arcep dans l’attente de la décision. En réalité, ce qu’Orange cherche à faire, c’est a minima gagner du temps par rapport à ses engagements. C’est retarder la décision du Conseil d’Etat sur la mise en demeure elle-même. Voire que le Conseil d’Etat ne soit jamais en mesure de se prononcer sur le fond, dans l’incapacité juridique de confirmer la mise en demeure de l’Arcep ».
« Doit-on comprendre que les engagements d’Orange – pris devant le gouvernement – n’avaient pas de valeur en 2018 ? Qu’Orange renie ses engagements ? Doit-on comprendre que de nombreux habitants des Sables-d’Olonne, de La Roche-surYon, de Brive-la-Gaillarde et de bien d’autres communes en zones Amii Orange vont devoir attendre longtemps la fibre ? Doit-on comprendre qu’Orange défie les objectifs assignés à la régulation par la volonté du Parlement ? Doit-on comprendre enfin qu’Orange préfère tenter d’arracher son sifflet au gendarme des télécoms, plutôt que viser l’atteinte des objectifs qu’il s’était lui-même fixé en 2018 ? La stratégie d’Orange sur ses déploiements en zones Amii – à l’aube de la fermeture du réseau cuivre – reste un mystère ». @

La 5G tant vantée poursuit lentement son décollage

En fait. Le 10 février, l’Arcep dévoilera les chiffres de son observatoire des services mobiles pour le quatrième trimestre. Selon les estimations de Edition Multimédi@, le parc de la 4G dépasserait pour la première fois les 70 millions de cartes SIM en France. En revanche, la 5G resterait sous la barre des 10 millions.

En clair. La 5G fait toujours pâle figure en France, alors que les quatre opérateurs télécoms (Orange, Bouygues Telecom, Free Mobile et SFR) promettaient au grand public du très haut débit mobile et de nouveaux usages, avec des débits jusqu’à dix fois supérieurs à ceux de la 4G (1). Force est de constater que, depuis les débuts de la commercialisation de la 5G il y a plus de deux ans, les clients mobiles (forfaits ou prépayés) ne se précipitent pas. Selon les chiffres de l’Arcep publiés le 12 janvier dernier sur le troisième trimestre 2022 du marché des communications électroniques, le nombre de cartes SIM actives en 5G ne dépasse pas les 6,2 millions (2) – ne pesant que 7,5 % du parc de carte mobiles actives en France. Et bien loin des 69,7 millions de clients 4G.
Si la croissance trimestrielle d’un peu plus de 21,5 % observée au troisième trimestre s’est poursuivie au quatrième trimestre l’an dernier, selon l’hypothèse basse de Edition Multimédi@, la 5G terminerait l’année 2022 avec à peine plus de 7,5 millions de clients mobiles – pesant seulement 9% du parc mobile total. Et toujours très loin des quelques 70 millions d’abonnés 4G attendus à fin 2022. Même en prenant cette fois une hypothèse haute intégrant l’effet « cadeaux de Noël », la 5G devrait rester sous la barre des 10 millions de clients. Comme l’Arcep ne précise pas dans son observatoire des services mobiles les chiffres de la 5G (ni de la 4G ni de la 3G), il faudra attendre finalement non pas le 10 février mais le 6 avril prochain pour avoir la confirmation de cette tendance poussive. @