L’Arcep pivote et, ce faisant, cherche à étendre son champ d’intervention : à tort ou à raison ?

Avec sa « revue stratégique » de janvier 2016, l’Arcep veut élargir la régulation des « communications électroniques » aux « communications numériques ».
En Europe, deux visions s’opposent entre les partisans d’une régulation des acteurs du Net et ceux craignant une sur-régulation des « marchés émergents ».

« Est-ce que l’Arcep sert encore à quelque chose ? », s’interroge Sébastien Soriano, son président

C’est la question la plus pertinente que le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, a lancée lors de son show des conclusions de sa « revue stratégique », le 19 janvier, dans le grand amphithéâtre de La Sorbonne, avec la participation
de Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique.

« Nous devons nous poser la question
de notre valeur ajoutée : est-ce qu’on
sert encore à quelque chose ? », s’est interrogé Sébastien Soriano (photo de gauche), président depuis un an maintenant de l’Autorité de régulation
des communications électroniques et
des postes (Arcep). « Je pense que oui. Mais comment ? », a-t-il ajouté. Alors que cette autorité administrative indépendante (AAI), créée en 1997, va fêter dans un an ses 20 ans,
elle a tenté dans le cadre de sa « revue stratégique » de résoudre son problème existentielle, à savoir quelles seront ses nouvelles missions maintenant que le cycle d’ouverture à la concurrence des télécoms s’est achevé. Tout ce qui faisait la vocation de l’Arcep tend à disparaître : ses compétences historiques étaient d’édicter des règles dites ex ante, c’està- dire établies « au préalable » (a priori) et applicables aux seuls opérateurs télécoms en position dominante sur le marché – Orange (ex-monopole public France Télécom) et dans une moindre mesure SFR. Cette régulation qualifiée d’« asymétrique » consiste à imposer des obligations spécifiques à l’opérateur
« puissant » sur un marché, dans le but de supprimer ou de réduire les « barrières
à l’entrée » et permettre ainsi aux opérateurs concurrents – alternatifs – de s’installer
et de prospérer – surtout lorsqu’il existe une infrastructure essentielle comme c’est le cas de la boucle locale téléphonique encore très largement utilisée pour l’accès à Internet haut débit dans les offres triple play (1).

Une autorégulation sans gendarme des télécoms ?
« La régulation asymétrique a vocation à se rétracter progressivement pour se concentrer, à terme, sur quelques points d’accès qui demeureront des goulots d’étranglement, notamment en ce qui concerne l’accès à des infrastructures essentielles », prévoit bien l’Arcep dans le texte de sa consultation publique « Revue stratégique » menée en fin d’année 2015. Maintenant que la concurrence dans les télécoms est là – avec Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free (2) –, à quoi va maintenant servir l’Arcep ? La régulation asymétrique a plus que jamais ses limites
et elle touche à sa fin. La réglementation ex ante a vocation à être remplacée par
une régulation ex post, c’est-à-dire cette fois « après les faits » (a fortiori). Ainsi, aux règles et obligations « spécifiques », imposées aux opérateurs télécoms dominants,
se substituent progressivement des règles « transverses » s’appliquant à l’ensemble des acteurs du marché.

Europe : « La bonne échelle » (Macron)
Bref, le secteur est devenu mature et tend à s’affranchir du « gendarme des télécoms ». De plus, les instruments de régulation deviennent plus souples – lorsque ce n’est pas l’autorégulation qui prend progressivement le pas sur la régulation « institutionnelle ». Cette soft regulation ne relève plus nécessairement d’un droit spécifique mais plus du droit commun de la concurrence. De ce point de vue, c’est à se demander si l’Autorité de la concurrence ne suffirait pas à jouer ce rôle de gendarme et d’arbitre ex post sur le marché des télécoms, comme elle le fait déjà sur certaines affaires dont elle est saisie (fusions-acquisitions, neutralité des réseaux, ententes illicites, …). Sur le plan de l’audiovisuel et des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), il y a aussi le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) aux pouvoirs renforcés. Sur la question de la protection des données et de la vie privée, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) intervient elle aussi. Sans parler de l’Hadopi, dont la mission s’inscrit aussi dans l’économie numérique. Alors, l’Arcep ne serait-elle pas devenue
une AAI de trop ?
A l’échelon européen, la mise en place du marché unique numérique – dans un cadre réglementaire et communautaire harmonisé – tend à dessaisir les « Arcep » nationales de leurs prérogatives historiques. « La bonne échelle, la plupart du temps, est européenne », a bien souligné Emmanuel Macron (photo de droite), le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, lors du show de Sébastien Soriano à La Sorbonne. Cela fait d’ailleurs maintenant dix ans que les « Arcep » des Vingt-huit sont tenues de notifier préalablement à la Commission européenne leurs analyses de marchés et les remèdes qu’elles envisagent de mettre en place. Le marché unique numérique (ou DSM pour Digital Single Market) nécessite désormais une plus forte coordination entre les Etats membres. C’est pourquoi la Commission européenne a mené, jusqu’au 7 décembre dernier, une consultation publique sur la révision des directives composant le cadre réglementaire européen des télécoms de 2002, révisé
en 2009. Sans attendre cette réforme, le Parlement et le Conseil européens ont adopté le 25 novembre 2015 un règlement garantissant sur l’ensemble de l’Europe un « Internet ouvert » – à défaut de parler explicitement de « neutralité de l’Internet » (3). Des « lignes directrices » doivent compléter ce règlement – entrant en vigueur le 30 avril 2016 – et assurer le respect de ces dispositions. C’est l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece ou Berec (4)), dont Sébastien Soriano a été élu vice-président pour cette année et président pour l’an prochain, qui est chargé de préparer d’ici au mois d’août ces lignes directrices « Neutralité du Net », ainsi que des propositions en matière d’itinérance. Et dans les trois ans à venir, ce
« super régulateur européen » (5) jouera un rôle central non seulement dans la révision du quatrième « Paquet télécom » (6) mais aussi dans l’instauration du DSM, sans parler des questions liées aux services OTT (Over-The-Top), à l’Internet des objet (IoT) ou encore aux réseaux de nouvelle génération (NGN).

Placé sous la houlette de la Commission européenne qui l’a créé en janvier 2010 malgré les réticences des « Arcep » nationales, l’Orece fut en quelque sorte une mise sous tutelle communautaire de l’ancien Groupe des régulateurs européens (GRE) (7). Avec l’Orece, Bruxelles s’est doté d’un droit de regard et de veto sur les décisions des différentes « Arcep » européennes. Or avec Sébastien Soriano à sa présidence, et comme l’indique la feuille de route « Revue stratégique » (8), il « constitue un levier d’action pour l’Arcep afin d’accroître son influence en Europe et en particulier auprès des législateurs européens ». Le président de l’Arcep a d’ores et déjà annoncé qu’
« une réunion plénière du Berec se tiendra en février 2017 à Paris ». En France,
les compétences de l’Arcep vont évoluer à l’aune du règlement européen « Internet ouvert » – via le projet de loi « République numérique » adopté le 26 janvier à l’Assemblée nationale – pour lui permettre de faire respecter les dispositions de
ce règlement européen (9) : éviter les blocages, les filtrages, les silos, … C’est sur
cette compétence majeure que l’Arcep va « pivoter », pour reprendre l’expression Sébastien Soriano empruntée au monde des start-up.

Régulation : des télécoms à Internet
Cette neutralité des réseaux, dont l’Arcep sera la garante en France, va s’imposer à tous les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI), conformément
à la nouvelle régulation symétrique, et non pas seulement à un acteur en position dominante. Et de là à ce que l’Arcep se sente remplie d’une mission de « régulateur
de l’Internet », il n’y a qu’un pas. Le projet de loi « République numérique » introduit
un principe de « loyauté des plateformes » du Net, tandis que Sébastien Soriano parle de « régulation par la donnée » qui viendrait en plus de la régulation par les réseaux (accès, interconnexion) et par les ressources rares (fréquences, numéros). @

Charles de Laubier

Entre le bilan 2015 et les perspectives 2016, les télécoms et les médias amorcent un nouveau cycle

Le nouveau cycle qui s’annonce, sur fond de convergence télécoms-médias, donnera-t-il naissance à des champions européens d’envergure internationale ? Tout dépend notamment des nouvelles règles édictées par les pouvoirs publics, notamment en termes de concurrence, de neutralité du Net et de cybersécurité.

Pour Bruno Lasserre, pas de régulation des OTT pour faire du « protectionnisme » d’opérateurs télécoms

Le président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, a mis les points
sur les « i » au DigiWorld Summit, le 19 novembre à Montpellier : pas question
de réguler les plateformes numériques « pro-concurrentielles » pour faire du protectionnisme économique en faveur des opérateurs télécoms.

N’en déplaise aux opérateurs télécoms (Orange, SFR et Bouygues Telecom en tête), l’Autorité de la concurrence n’a pas l’intention
de réguler les plateformes numériques pour protéger les positions acquises. «On ne régule pas pour faire du protectionnisme économique… A bon entendeur… ». Ainsi pourrait-on résumer l’intervention de Bruno Lasserre (photo), président de l’Autorité de
la concurrence, le 19 novembre au DigiWorld Summit de l’Idate (1). Nous avons emprunté cette formulation à Loïc Rivière, délégué général de l’Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet (Afdel), qui l’a postée à chaud dans un tweet.

Terra incognita « pro-concurrentielles »
Bruno Lasserre n’y est pas allé par quatre chemins pour calmer les ardeurs des
uns (les opérateurs télécoms) à réclamer la régulation des autres (les plateformes numériques). « Nous ne nous posons pas assez la question de savoir pourquoi on
doit réguler… C’est un débat démocratique. Parce qu’il a de bonnes et de mauvaises raisons de réguler », a estimé le président de l’Autorité de la concurrence, dont Edition Multimédi@ met en ligne les notes inédites (2) sur lesquelles il s’est appuyé pour structurer son discours de Montpellier.
Les « mauvaises raisons » seraient par exemple d’instaurer une régulation ex ante, des règles et des obligations établies préalablement pour encadrer les éventuelles positions dominantes ou les quasi monopoles de fait de certains géants du Net parmi les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) et les autres nouveaux entrants (Uber, Airbnb, Blablacar, Booking, Netflix, …). « Nous devons admettre que les plateformes numériques sont pro-concurrentielles. Elles sont capables de créer elles-mêmes des marchés ; elles augmentent et approfondissent l’offre, ce qui est bon pour le bienêtre
du consommateur », a tenu à souligner Bruno Lasserre, pour qui « le droit de la concurrence est applicable un peu partout sans qu’il y ait besoin d’instaurer de nouvelles lois ». Ces plateformes dites OTT (Over-The-Top), qui évoluent par définition sur les réseaux sans être elles-mêmes opérateurs télécoms, sont non seulement « pro-competitive » aux yeux de Bruno Lasserre, mais aussi innovantes. « J’encourage la prise de risque », a-t-il lancé, en ajoutant : « Les régulateurs ne doivent pas être paresseux ni arrogants. Redistribuer la rente n’est pas une bonne raison pour
réguler les OTT. (…) Nous ne connaissons pas bien les modèles économiques de ces acteurs. C’est encore une terra incognita. Si l’on régulait trop tôt, cela pourrait être une erreur ? ». Le discours très écouté de Bruno Lasserre, qui s’était résolu à le prononcer en anglais comme pour mieux lui donner une portée européenne voire mondiale, visait en creux non seulement les opérateurs télécoms historiques tentés par le « GAFA bashing », mais aussi les politiques et certaines organisations (Etno, FFTélécoms, …) appelant à réguler d’office ces acteurs du Net. D’une certaine manière, le président de l’Autorité de la concurrence s’inscrit en faux contre la position de l’Arcep qui, par la voix de son président Sébastien Soriano, appelait à « barbariser la régulation pour réguler les barbares » (3). Bien qu’ayant à Montpellier temporisé son propos en disant que
« nous ne devons pas réguler symétriquement les uns et les autres, même si c’est la demande des opérateurs télécoms » et qu’« on ne peut pas réguler Google comme nous le faisons avec Orange », le président de l’Arcep semble être plus « pro-opérateurs télécoms » que ne l’était son prédécesseur Jean-Ludovic Silicani. L’ex-président de l’Arcep s’était en effet opposé aux opérateurs télécoms en vantant les mérites pour les consommateurs d’une concurrence à quatre opérateurs télécoms (4), après avoir accompagné le lancement de Free Mobile. Reste que pour Bruno Lasserre, trop de régulation pourrait tuer la régulation. Une façon de mettre en garde les pouvoirs publics et le législateur sur leurs velléités à vouloir instaurer des règles strictes, notamment dans la perspective du prochain projet de loi « République numérique » porté par la secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire, et bientôt au Parlement (neutralité du Net, loyauté des plateformes du Web, …).

Vers la régulation de la data
Cependant, il a déplacé la question de la régulation numérique sur la collecte et l’exploitation des données, « qui conditionnent la puissance de marché des OTT ».
Il ne s’agirait pas de se focaliser sur le chiffre d’affaires et les parts de marché des plateformes numériques, mais sur la data qui fait leur puissance économique. C’est déjà une première réponse à la consultation publique que l’Arcep menait jusqu’au 4 décembre (5) en vue d’établir sa « feuille de route “Stratégie 2020” », laquelle sera présentée le 20 janvier 2016 à La Sorbonne. @

Charles de Laubier

Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom : « Nous ne voulons pas être “uberisé” par l’Apple SIM »

Olivier Roussat était l’invité, le 29 octobre, de l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef). Face au « vrai danger » de l’Apple SIM et des GAFA tentés d’être « MVNO pan-européens », il en appelle à l’Arcep pour une régulation permettant aux opérateurs mobile de garder le contrôle leurs clients.

« Le vrai danger de la disparition des frais d’itinérance (roaming) est sur la capacité à offrir – lorsque vous êtes dans un pays européen – des services pan-européens, parce que l’itinérance
ne coûte plus rien. Le vrai danger, et nous l’avons expliqué à la Commission européenne, c’est la porte ouverte à la création de
très grands MVNO [opérateur de réseau mobile virtuel] avec des marques fortes – imaginons Facebook, Amazon, Apple, Google, … – qui peuvent se permettre d’être pan-européens instantanément avec des coûts de prix de reviens assez bas, juste des coûts d’achat à la minutes, et qui n’ont aucune contrainte d’investissement, seulement des coûts variables », s’inquiète Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom.

« Le vrai danger, c’est la porte ouverte à la création de
très grands MVNO avec des marques fortes – imaginons Facebook, Amazon, Apple, Google, … ».

L’Apple SIM et Google Fi en embuscade Devant l’Ajef, le 29 octobre, il s’est dit préoccupé par cette perspective et a fait état de discussions avec l’Arcep pour éviter que cela n’arrive en France. Demain, un nouvel entrant sur le marché mobile pourra commercialiser, de Grande-Bretagne par exemple, des services sur l’Hexagone sans
y être implanté et comme s’il était un opérateur mobile français. Et ce, avec des coûts très bas et sans surcoûts.
Aux Etats-Unis, Apple propose déjà sa propre « Apple SIM » intégrée à certaines de ses tablettes (iPad Pro, iPad Air 2 et iPad Mini 3 ou 4) en donnant à ses utilisateurs – dont la marque à la pomme se veut l’interlocuteur unique – le choix de leur opérateur mobile : pour l’instant AT&T, Sprint ou T-Mobile. En Europe, l’Apple SIM fait ses premiers pas en Europe grâce à des accords avec le premier opérateur mobile britannique EE et l’opérateur international de données GigSky. Mais la firme de Cupertino se défend de vouloir être MVNO, contrairement à son rival Google décidé, lui, à l’être pour surfer sur le succès de son système d’exploitation Android sur mobile (80 % des smartphones dans le monde). L’opérateur mobile et Wifi Google Fi n’a-t-il pas été lancé outre-Atlantique en avril dernier en partenariat avec T-Mobile et Sprint ?
« L’Europe est en train de mettre en place un système où des opérateurs qui ne sont pas européens, ayant des marques extrêmement puissantes, pourront fabriquer un service pan-européen de téléphonie, équivalents en prix de ceux des opérateurs mobile locaux. Sauf que la différence est qu’ils auront une autorité de marque telle qu’on leur permettra de le faire. Cela s’appelle ‘’Fleur bleue’’ ! », déplore Olivier Roussat. Selon lui, la Commission européenne ne comprend pas les problématiques économiques et
la qualifie de « Fleur bleue » à force de vouloir baisser les barrières en permanence… Car il estime que les GAFA ont mis en place une mécanique assez simple : ils vous prennent un profit qu’elle remontent aux Etats-Unis. Et donc chaque fois que la régulation européenne favorise « ces gens-là », elle est juste en train d’augmenter la masse de ce qui remonte aux Etats-Unis. « L’Europe est en train de faire en sorte que ce qui constitue l’économie de la connaissance et l’économie de demain remonte plus facilement aux Etats-Unis. Est-ce le plus intelligent que l’on puisse faire ? Sincèrement non ! Arrêtons de faire en sorte que l’argent du consommateur européen remonte uniquement outre- Atlantique ». Et d’ajouter : « Quand vous regardez bien ce qu’il se passe aux Etats-Unis, où il y a trois opérateurs mobile qui ont accepté un accord avec Apple (AT&T, Sprint et T-Mobile), vous voyez bien que les flux (financiers) circulent dans la même zone. L’erreur importante que commettent les autorités européennes, c’est de ne pas avoir cette vision de l’endroit où cela circule ».

« Nous travaillons avec l’Arcep sur toute la façon dont nous pouvons contrôler l’activation (de la carte SIM) des uns et des autres. »

Le patron de Bouygues Telecom a expliqué, pour la première fois, qu’il comptait bien sur l’Arcep pour mettre en place une régulation contre ces nouveaux entrants potentiels sur le marché mobile français, avec une force de la marque de type « super MVNO Apple en Europe » (dixit Olivier Roussat) : « Cela fait vraiment partie des sujets que
l’on discute avec l’Arcep. (…) C’est quelque chose que l’on peut contrer localement avec tout un tas de mesures. C’est ce sur quoi nous travaillons avec l’Arcep. C’est précisément ce qu’est en train d’essayer de faire Apple pour étendre son emprise. Nous, nous essayons de faire en sorte qu’il ne puisse pas l’étendre. Tout le travail
avec l’Arcep est justement de s’assurer que cela ne va pas exister ».

L’Arcep appelée à la rescousse
Il estime que, selon ses propres termes, ce n’est pas du tout l’intérêt de l’Arcep de
faire en sorte que les opérateurs (mobile) français – qui ont pris des engagements d’investissements – soient littéralement dépossédés du service. L’évolution souhaitée par un Apple est en effet d’être un point de passage obligatoire et de « désintermédier » les opérateurs mobile. « Chacun voit midi à sa porte et essaie de ramasser un peu plus en enlevant un peu plus aux autres ! C’est logique que cela soit l’intérêt d’Apple, du nôtre non… », ironise-t-il, tout en se défendant de vouloir lutter contre une évolution technologie qui, il en convient, va exister. « Mais il n’est écrit nulle par que les opérateurs mobile vont être”uberisés” jusqu’à l’extrême : il y a des moyens de régulation pour faire en sorte que nous gardions le contrôle de nos clients. Cette évolution technologique est inéluctable, mais à nous de travailler pour surfer dessus
et éviter d’aller se faire “uberiser“ par Apple. Ce n’est l’intérêt d’aucun des quatre opérateurs mobile [avec Orange, SFR et Free Mobile, ndlr]. Nous avons commencé
à nous occuper de nous-mêmes en France, puis nous verrons si nous pouvons porter la bonne parole au niveau européen », prévient-il.

La carte eSIM de la GSMA pour 2016
Comment ? Là, il n’a pas souhaité en dire plus pour ne pas dévoiler les mesures de protection envisagées et en cours de discussion avec le régulateur.
Face à l’insistance des questions de Edition Multimédi@ Olivier Roussat a été un peu plus disert mais sans plus : « Vous avez plein de chose dans la définition de qui est propriétaire de quoi en termes d’obligations sur les cartes SIM. C’est vraiment ce sur quoi l’on peut travailler dans le domaine de la régulation. La chance que nous avons
est que nous sommes dans un métier fortement régulé avec des mesures qui peuvent être imposées par le régulateur. Et donc nous travaillons avec l’Arcep sur toute la façon dont nous pouvons contrôler l’activation (de la carte SIM) des uns et des autres, afin que cette évolution technologique n’entraîne pas une disparition du rôle des opérateurs mobile et que nous soyons pas seulement un pipe. Dans ces conditions, il y a des mesures que la régulation peut mettre en oeuvre pour garantir que les choses ne se passent pas comme cela. C’est précisément ce sur quoi nous travaillons avec l’Arcep.
Il n’y a pas de fatalité ».
C’est pour ne pas être « uberisé » que Bouygues Telecom travaille en outre au niveau international – au sein de l’association internationale des opérateurs mobile GSMA dont il est membre aux côtés d’Orange, de Free Mobile et 800 autres opérateurs mobiles dans le monde – pour la standardisation d’une carte dite « eSIM ». Quèsaco ?
Il s’agit d’une puce pré-embarquées dans l’appareil, où elle est soudée et donc indélogeable contrairement aux cartes SIM classiques, et capables d’être activée par
le mobinaute sur son smartphone, sa tablette ou son portable, dès lors qu’il a choisi
son opérateur mobile parmi plusieurs. « Il est possible de mettre des SIM qui ne sont pas codées a priori, car on ne sait pas vers quel opérateur mobile le client va acheter
le téléphone mobile [et quel opérateur mobile il va choisir, ndlr]. Et donc, il faut essayer de mettre en place un téléchargement à distance de la SIM en fonction de l’opérateur », explique encore le PDG de Bouygues Telecom.
La GSMA y travaille déjà avec plusieurs opérateurs mobile – tels que Orange, AT&T, NTT Docomo, Telefónica, Telenor, ou encore Vodafone – et avec des spécialistes de la carte à puce comme Gemalto et Oberthur, ainsi qu’avec des fabricants de terminaux (Samsung, Apple, …). Cette eSIM interopérable est sur le point d’être normalisée et sera intégrée à de premiers terminaux dès 2016. @

Charles de Laubier