Les risques du pistage des populations à l’aide des données des opérateurs mobiles et des applications

Le pistage mobile des populations, au nom de la lutte contre le coronavirus, présente des risques sur les libertés fondamentales en général et sur les données personnelles et la vie privée en particulier. De plus, l’efficacité d’une telle pratique technologique reste contestée et controversée.

Mediawan, présidé par Pierre-Antoine Capton et Pierre Lescure, accélère dans le numérique et voit grand

Fondée fin 2015 par Pierre-Antoine Capton, Matthieu Pigasse et Xavier Niel, avec Pierre Lescure comme président du conseil de surveillance, la société Mediawan met les bouchée-double dans le digital et s’installe sur près de 10.000 m2 avenue de Breteuil dans le 7e arrondissement de Paris.

C’est en septembre que Mediawan s’installe dans 9.490 m2 de bureaux qu’il loue désormais à Covéa Immobilier (1) avenue de Breteuil dans le 7e arrondissement de la capitale. Et ce, pour « réunir tous ses talents à Paris en un lieu unique, dédié à la production et à l’innovation des contenus audiovisuels et digitaux ». Il s’agit aussi de créer des synergies entre les quatre pôles que sont Mediawan Originals, Mediawan Animation, Mediawan Rights et Mediawan Thematics.

Produire pour YouTube, Facebook, Snapchat, …
Le groupe audiovisuel – dont le directoire est présidé par le cofondateur Pierre-Antoine Capton (2), lequel intervient le 16 septembre devant de Club audiovisuel de Paris (CAVP), et le conseil de surveillance par Pierre Lescure (3) – veut être « le leader de la fiction et de l’animation en Europe » (4) et « un véritable incubateur de talents ». Le site de l’avenue de Breteuil a été présenté le 15 juillet dernier comme « un centre dédié à la création et production de contenus », qui sera un lieu de formation et abritera en outre « une salle de projection de 200 places, un auditorium, des studios digitaux, des salles d’écriture… ». Le but est de réunir en un seul lieu « des auteurs et des créateurs ». C’est là que Edouard Benadava (photo) vient de prendre ses fonctions de directeur du digital (5) du groupe qui a l’« ambition de devenir un acteur clé dans l’univers digital ». Sa nomination a été annoncée le 29 août, après qu’il ait été débauché de chez Google où il était depuis 2015 responsable des partenariats médias de YouTube. « Il a, à ce titre, travaillé sur la stratégie digitale des diffuseurs, producteurs et éditeurs, aussi bien en termes de contenus que de monétisation. Il a également lancé et supervisé la production des deux premières séries françaises YouTube Originals », a souligné Mediawan. Le groupe du trio Capton-Pigasse-Niel mise à fond sur la première plateforme vidéo mondiale, où il revendique en 2019 « plus de 4 milliards de vidéos vues sur YouTube et plus de 13 millions d’abonnés cumulés sur YouTube, Facebook et Instagram ». Le réseau social Snapchat, très « jeune génération », n’est pas en reste puisque Mediawan y a lancé cette année deux programmes et une application de Gaming pour la série « Miraculous : Ladybug et Chat noir » (téléchargée déjà plus de 60 millions de fois). Dans son rapport financier 2018 publié juste avant cet été, le groupe audiovisuel se réjouit : « Les réseaux sociaux dominants tels que Facebook ou Snapchat ont évolué par rapport à leur position initiale de ne pas intervenir dans le contenu de leurs utilisateurs », et que « Facebook par exemple a désormais un budget de production de contenus exclusifs pays par pays ». Au niveau mondial, l’investissement prévu dans les contenus par Facebook serait de l’ordre de 1 milliard de dollars en 2018. Mieux : les acteurs globaux autres que les groupes de télévision, à savoir les YouTube, Facebook, Netflix et autres Amazon Prime Video, auraient investi au total quelque 15 milliards de dollars en 2018 dans des contenus audiovisuels. Mediawan, qui va par exemple produire une série pour Warner TV (WarnerMedia/AT&T), est sur les rangs. Edouard Benadava, lui, a non seulement une bonne connaissance du monde digital et de ses contenus à monétiser, mais aussi des besoins numériques des chaînes de télévision – pour avoir été durant plus de six ans à TF1, où il fut responsable des acquisitions pour les antennes et services digitaux (après avoir été responsable des relations avec les investisseurs financiers).
Tout en produisant des fictions (où il est numéro un en France d’après Ecran Total), des animations, voire des documentaires, Mediawan édite en outre – via son pôle Mediawan Thematics – ses propres chaînes avec leurs services numériques associés (17 à ce jour), telles que RTL9, AB1, Toute l’Histoire, Sciences & Vie TV, Automoto, Mangas ou encore Chasse & Pêche. Depuis début septembre, une douzaine d’entre elles sont disponibles sur la box Videofutur de Vitis (groupe Netgem). « Le chiffre d’affaires de Mediawan Thematics est principalement composé des redevances des opérateurs TV et des recettes de publicité », précise le groupe. AB1 est par exemple disponible chez Orange, Free, SFR, Bouygues Telecom, Canal et Bis Télévisions (6).

De nombreuses acquisitions en 2018
L’an dernier, Mediawan a doublé son chiffre d’affaires à 258,6 millions d’euros pour un bénéfice net de 5,9 millions d’euros (contre une perte de 6,6 millions en 2017). Des acquisitions ont contribué à cette forte croissance (7) : EuropaCorp TV (devenu Storia Télévision), Makever (détenu à 78,9 %), ON Entertainment (51,3 %), Chapter 2 (62,3 %), Mon Voisin Productions (60 %), et Mai Juin Production (participation majoritaire). Mediawan affirme détenir « le premier catalogue de contenu en français d’Europe » avec 13.000 heures de programmes. @

Charles de Laubier

Le débat sur le possible démantèlement de Facebook, de Google et d’Amazon fait rage aux Etats-Unis

La question du démantèlement de certains GAFA – Facebook, Google et Amazon – se pose avec plus d’acuité. Plusieurs Etats américains s’apprêteraient à monter au créneau contre leurs pratiques monopolistiques et anticoncurrentielles. La FTC, elle, n’exclut pas le démantèlement en « défusionnant ».

« Un groupe d’Etats [américains, dont le Texas, la Caroline du Nord et le Mississippi, ndlr] se préparent à se joindre à l’enquête antitrust engagée contre les grandes entreprises de technologies. On s’attend à ce que l’initiative à laquelle participent les procureurs généraux de ces Etats (1) soit officiellement lancée dès le mois prochain [en septembre, ndlr] », a révélé le 19 août dernier le Wall Street Journal.

« Nous avons fait une erreur » (patron de la FTC)
L’enquête menée parallèlement par la division antitrust du département américain de la Justice (DoJ) et la commission fédérale américaine du commerce (FTC) va s’accélérer. Sont notamment dans le collimateur : Facebook, Google et Amazon, sur les marchés respectifs du réseau social, du moteur de recherche et du e-commerce, ainsi que sur la publicité en ligne et les applications mobiles. Le président de la FTC, Joseph Simons (photo), a même indiqué dans une interview accordée le 13 août dernier à l’agence de presse Bloomberg qu’il n’était pas opposé à un démantèlement des géants du numérique (2). « S’il le faut, il faut le faire, a-t-il dit. Ce n’est pas idéal parce que c’est très compliqué. Mais s’il le faut, il faut le faire ». Cette sorte de DGCCRF (3) américaine a déjà ouvert une vaste enquête sur Facebook, tant sur ses pratiques commerciales que sur ses acquisitions passées. Le numéro un mondial des réseaux sociaux, créé il y a 15 ans maintenant, avait racheté le service de partage de photos Instagram en 2012 pour 1 milliard de dollars et la messagerie instantanée WhatsApp en 2014 pour 19 milliards de dollars (4). Ces deux acquisitions avaient été approuvées à l’époque par la FTC. Aujourd’hui, Joseph Simons pense que cette dernière pourrait dire : « Nous avons fait une erreur ». Si l’enquête devait constater que ces acquisitions se sont avérées anticoncurrentielles, il explique que ces fusions pourraient être dénouées après le feu vert d’un tribunal. Les GAFA ont pu acquérir des start-up pour prendre le contrôle de concurrents ou pour les éliminer, au point d’atteindre une position dominante. Google s’est emparé en 2013 de l’application de navigation Waze pour près de 1milliard de dollars. La régie publicitaire DoubleClick était tombé dans son escarcelle en 2007 pour 3,1 milliards de dollars, précédés par YouTube en 2006 pour 1,65 milliard de dollars. De son côté, le DoJ mène depuis juillet des investigations sur les Big Tech pour savoir si ces géants du numérique mettent à mal la concurrence. Les deux autorités antitrust coopèrent mais continuent d’examiner les mêmes groupes. « Il est possible que nous puissions enquêter sur la même entreprise en même temps, mais seulement pour une conduite différente », a indiqué Joseph Simons à Bloomberg, en donnant cet exemple :
en raison de son expertise dans le secteur des supermarchés, la FTC pourrait examiner Amazon pour l’achat d’un magasin, tandis que le DoJ pourrait se pencher sur l’achat éventuel par Amazon d’un site de musique en streaming.
Des élus américains, comme Elizabeth Warren (5), appellent depuis mars dernier au démantèlement des Big Tech par la vente d’activités. Le cofondateur de Facebook, Chris Hughes (qui n’est plus dans l’entreprise), a aussi appelé en mai à s’attaquer à la position monopolistique du groupe de Mark Zuckerberg, en forçant le réseau social à se séparer d’Instagram et de WhatsApp. Quant au président américain Donald Trump, qui a une dent contre à la fois les grands groupes de médias et les géants du numérique qui lui auraient été hostiles durant sa campagne présidentielle de l’automne 2016, il a encore accusé le 6 août Google de le défavoriser à l’approche des élections de 2020. « Tout cela est très illégal. Nous surveillons Google de près », a prévenu le locataire de la Maison-Blanche.
Un sondage publié le 29 juillet par l’institut Pew Research Center fait par ailleurs état d’un désamour grandissant des Américains envers les GAFA accusés par 33 % d’entre eux d’avoir « un effet négatif sur la façon dont vont les choses aux Etats-Unis ». L’affaire Cambridge Analytica (6) éclaboussant Facebook (5 milliards de dollars d’amende infligés en juillet par la FTC) et plusieurs scandales sur l’utilisation abusives des données personnelles des internautes, ont terni l’image des géants de la Silicon Valley.

Vraies enquêtes ou coups de bluff ?
Reste à savoir si ces enquêtes antitrust aboutiront. Cité par l’AFP le 25 juillet, Christopher Sagers, professeur de droit à l’université Cleveland-Marshall, pense qu’« il est possible que tout ça ne soit qu’une parade politique sans intention sérieuse de faire quoi que ce soit ». D’autant qu’il faudra obtenir l’aval des tribunaux fédéraux quelque peu sceptiques. Le lobby des GAFA, via notamment l’Information Technology Industry Council (ITI), reste puissant. Apple et son App Store pourrait aussi se retrouver dans le collimateur. @

Charles de Laubier

Le SMS continue sa chute ; le RCS peine à décoller

En fait. Le 21 mai, l’Arcep a publié son Observatoire des marchés des communications électroniques en France sur l’année 2018. Le nombre de SMS émis poursuit sa chute, entamée il y a trois ans. Les WhatsApp, Messenger, Snapchat et autres Skype concurrencent les opérateurs mobiles, lesquels préparent… le RCS.

Apple Music fête ses trois ans mais sans tirer parti de Shazam, dont le rachat pose problème

Apple Music fête ses trois ans et va franchir la barre des 50 millions d’utilisateurs. Arrivée tardivement sur le marché du streaming musical, après n’avoir juré que par le téléchargement avec iTunes,
la marque à la pomme fait de son nouveau service de musique une priorité. Avec l’appli Shazam ?

C’est le 8 juin 2015 – il y a trois ans presque jour pour jour – que la firme de Cupertino et de Culver City annonçait le lancement d’Apple Music, son service de streaming musical rendu disponible le 30 juin suivant dans une centaine de pays. Aujourd’hui, il compte plus de 40 millions d’abonnés payants – près de 50 million avec les essais gratuits. C’est encore loin des 75 millions d’abonnés du numéro un mondial du streaming musical, le suédois Spotify, mais sa rapide montée en charge lui a permis de s’arroger la seconde place mondiale, devant Amazon Music.

Nomination de Oliver Schusser
C’est dans un e-mail envoyé aux salariés d’Apple le 11 avril dernier (1) que le franchissement du seuil des 40 millions d’abonnés – auxquels s’ajoutent
8 millions d’utilisateurs qui testent gratuitement le service – a été annoncé par Eddy Cue, vice-président sénior des services et logiciels Internet de la marque à la pomme. Plus récemment, le PDG Tim Cook a indiqué à Bloomberg qu’Apple Music allait franchir les 50 millions d’utilisateurs. Ce niveau est atteint en trois ans, là où Spotify a mis huit ans pour y parvenir. Eddy Cue annonçait aussi la nomination de Oliver Schusser (photo) – entré chez Apple en 2004 et ayant lancé iTunes en Europe – comme vice-président d’Apple Music et des contenus internationaux. Cet Allemand, qui fut en charge à l’international des lancements d’App Store, d’iTunes, d’iBooks ou encore d’Apple News, va déménager de Londres pour aller aux Etats-Unis, en Californie. Il fut un ancien de Napster, d’Universal Music ou encore de Vodafone.
Sa nomination montre la volonté du PDG d’Apple, Tim Cook, de faire de la musique – audio et vidéo – un pôle prioritaire de développement. D’ailleurs, une nouvelle division d’édition musicale – probable futur label (2) – est créée à Londres sous la direction d’Elena Segal (ex-iTunes International).
La marque à la pomme s’est fixée comme objectif de réaliser 40 milliards
de dollars de chiffre d’affaires dans les services d’ici 2020, contre près de 30 milliards au cours de la précédente années fiscales clôturée le 30 septembre 2017 (soit alors 11 % du total). Malgré son lancement tardif sur le marché mondial de la musique en streaming (3), Apple est donc bien décidé à poursuivre son ascension et rattraper son retard. Selon leWall Street Journal, Apple Music gagne plus d’abonnés chaque mois (taux de croissance de 5 %) que son rival Spotify (2 % seulement) aux Etats-Unis (4). Oliver Schusser est aussi celui qui, à Londres, a fait en sorte qu’Apple jette son dévolu sur la société britannique Shazam Entertainment créée en 1999 et éditrice de la célèbre application de reconnaissance musicale lancée, elle, il y a dix ans. En 2014, Shazam franchissait la barre des 100 millions d’utilisateurs actifs par mois (5). Lors de son rachat par Apple en décembre 2017, l’entreprise est valorisée 1 milliard de dollars et devient de ce fait une licorne d’origine européenne. Mais, sans que cela ait été confirmé ou démenti, des médias ont indiqué que le montant de l’acquisition par Apple était d’environ 400 millions de dollars. L’appli de reconnaissance musicale tire principalement ses revenus de la publicité en ligne et des commissions liées à la redirection de ses utilisateurs vers des services de téléchargement et de streaming tels qu’Apple Music, Spotify ou encore Deezer.
Mais la Commission européenne a décidé, le 23 avril dernier, de lancer
« une enquête approfondie » sur le rachat de Shazam. Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la Concurrence, craint qu’Apple n’ait accès à des données sensibles sur le plan commercial concernant les clients de ses concurrents pour la fourniture de services de diffusion de musique en continu. « L’accès à de telles données pourrait permettre à Apple de cibler directement les clients de ses concurrents et de les encourager à choisir Apple Music. En conséquence, les services concurrents de diffusion de musique en continu pourraient se voir désavantagés sur le plan concurrentiel [voire] seraient lésés si à l’issue de l’opération [si] Apple venait à décider que l’application Shazam n’aiguillerait plus ses clients vers eux », s’inquiète la Commission européenne.

Apple-Shazam : verdict d’ici le 18 septembre
L’opération lui a été notifiée le 14 mars 2018 et dispose depuis de 90 jours ouvrables – soit jusqu’au 4 septembre prochain – pour prendre une décision. Cependant, ce délai a été prolongé de dix jours ouvrables supplémentaires, soit jusqu’au 18 septembre (6). Ce sont l’Autriche, la France, l’Islande, l’Italie, la Norvège, l’Espagne et la Suède qui lui ont demandé après l’annonce de l’opération en décembre dernier d’examiner l’acquisition de Shazam par Apple au regard du règlement européennes sur les concentrations, ce qu’elle avait accepté dès le 6 février. A suivre. @

Charles de Laubier