Fermé et accusé de monopole, Apple consolide son walled garden aux commissions abusives

Apple a délogé Samsung en 2023 de la première place mondiale des fabricants de smartphones. De quoi conforter la marque à la pomme dans son modèle économique verrouillé et contesté. En plus des taxes de 30 % (ou 15 %), une nouvelle à 27 % (ou 12 %) va se retrouver devant la justice. Aux Etats-Unis, bientôt en Europe ?

« La dernière fois qu’une entreprise qui n’était pas Samsung s’est retrouvée au sommet du marché mondial des smartphones, c’était en 2010 [avec Nokia en tête à l’époque, ndlr]. Et pour 2023, il y a maintenant Apple », a indiqué le cabinet d’études international IDC le 15 janvier dernier. « Le succès et la résilience continus d’Apple sont en grande partie imputables à la tendance croissante des smartphones haut de gamme, qui représentent maintenant plus de 20 % du marché mondial, alimentée par des offres de remplacement agressives et des plans de financement sans intérêts d’emprunt », souligne Nabila Popal, directrice de recherche chez IDC.

N°1 mondial pour la toute première fois
Ainsi, le « malheur » de Samsung fait le « bonheur » d’Apple qui a crû sur un marché mondial des smartphones pourtant en déclin de – 3,2 % en 2023 par rapport à l’année précédente. Il s’agit même, constate IDC (1), du volume annuel le plus bas en une décennie, avec 1,17 milliard d’unités vendues l’an dernier. « Apple est le seul acteur dans le “Top 3” à afficher une croissance positive chaque année, […] malgré les défis réglementaires croissants et la concurrence renouvelée de Huawei en Chine, son plus grand marché », ajoute Nabila Popal. Cela dit, pas sûr que la firme de Cupertino (Californie) – pour la toute première fois numéro un mondial des smartphones depuis le lancement de l’iPhone en 2007 – se maintienne longtemps en haut du podium mondial, en raison de l’offensive du fabricant sud-coréen avec la commercialisation, à partir du 31 janvier, de ses nouveaux Galaxy S24 boostés à l’IA (S24, S24 + et S24 Ultra) annoncés des Etats-Unis le 17 janvier dernier (2).
Le monde iOS fermé et verrouillé d’Apple – que Edition Multimédi@ avait surnommé en 2010 l’«”iPrison” dorée » (3) – devra aussi composer avec l’ex-numéro deux mondial des smartphones, le chinois Huawei (4), lequel regagne du terrain malgré son ostracisation par l’administration américaine. Sans oublier l’avancée de quatre autres chinois : Xiaomi (3e position en 2023), Oppo (4e), Transsion (5e) et OnePlus (en embuscade), ainsi que l’espagnol Vivo, ou encore l’américain Google avec ses Pixel (5) – en plus d’être à l’origine d’Android, le rival d’iOS.

L’anonymat sur les réseaux sociaux n’existe pas, seule est pratiquée la pseudonymisation

A part pour certains geeks utilisant Tor, l’anonymat sur Internet n’existe quasiment pas – contrairement à une idée répandue. L’identification d’un internaute utilisant un pseudonyme se fait par son adresse IP et peut être ordonnée par un juge sur « réquisition judiciaire ». « L’anonymat sur les réseaux sociaux n’est plus une protection face à la justice », a lancé le procureur de la République de Créteil, Stéphane Hardouin, le 6 juillet dernier sur son compte professionnel LinkedIn, en montrant son communiqué expédié le même jour (1). Il annonce qu’un jeune homme âgé de 19 ans, ayant relayé de façon anonyme sur Twitter – après la mort de Nahel tué à bout portant par un policier le 27 juin 2023 à Nanterre et ayant suscité une forte émotion – un appel à attaquer le centre commercial « Créteil Soleil » et le tribunal judiciaire de Créteil, a été identifié avec l’aide de Twitter. Twitter, Snapchat, Instagram, TikTok, … Présumé innocent, il encourt en cas de culpabilité jusqu’à cinq ans de prison d’emprisonnement et 45.000 euros d’amendes. Son anonymat a été levé par Twitter sur réquisition judiciaire adressée le 1er juillet au réseau social à l’oiseau bleu. Accusé de « provocation publique et directe non suivie d’effet à commettre un crime ou un délit et complicité de dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui », le garçon majeur – domicilié dans le Val-de-Marne – a été interpellé le 6 juillet et placé en garde à vue au commissariat de Créteil. Après son tweet, il se trouve que le centre commercial « Créteil Soleil » était pris d’assaut le 30 juin (21 individus interpelés), puis dans la nuit du 2 au 3 juillet des barricades faites de poubelles était incendiées et des mortiers était tirés aux abords du tribunal judiciaire de Créteil. Son message a été repéré par Pharos, la « plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements » de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), au sein de la Police judiciaire. Pour la réquisition judiciaire adressée à Twitter, le procureur de Créteil, Stéphane Hardouin, fait référence dans son communiqué à la circulaire du garde des sceaux datée du 30 juin et signée par Eric Dupond-Moretti (photo), qui appelle notamment à « une réponse pénale ferme ». Le ministre de la Justice pointe notamment l’anonymat sur les réseaux sociaux qui peut être levé par un juge : « Il apparaît que de nombreuses exactions sont commises après avoir été coordonnées via les systèmes de diffusion de messages sur certains réseaux sociaux dits OTT pour “opérateurs de contournement” (Snapchat notamment). Il doit être rappelé que depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2021-650 du 25 mai 2021, les OTT sont considérés comme des opérateurs de communication électronique (…), au sens de l’article L.32 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Dès lors, ils sont tenus de répondre aux réquisitions judiciaires, car relevant des mêmes obligations que les opérateurs téléphoniques. Ils peuvent ainsi être requis au visa de l’urgence pour assurer une réponse rapide sur les éléments de nature à permettre d’identifier les auteurs de ces messages ». Dans la circulaire « Traitement judiciaire des violences urbaines » de quatre pages (2), émise par la Direction des affaires criminelles et des grâces à l’attention des procureurs et des présidents des tribunaux, le garde des sceaux leur demande de « veiller à retenir la qualification pénale adaptée aux faits perpétrés dans ce contexte et à procéder à une évaluation rapide et globale de la situation de manière à pouvoir apporter une réponse pénale ferme, systématique et rapide aux faits le justifiant ». Et d’ajouter : « Pour les mis en cause majeurs, la voie du défèrement aux fins de comparution immédiate ou à délai différé, ou le cas échéant, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, sera privilégiée pour répondre aux faits les plus graves ». Eric Dupond- Moretti a rappelé en outre que « les infractions commises par les mineurs engagent, en principe, la responsabilité civile de leurs parents ». Que cela soit dans la vraie vie ou sur les réseaux sociaux, nul n’est censé échapper aux sanctions pénales si la justice juge coupable l’individu ou l’internaute interpellé. Pseudonymisation et démocratie vont de pair Dans son rapport annuel 2022 – publié le 27 septembre – sur « les réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique » (3), le Conseil d’Etat a estimé que « les réseaux sociaux engendrent une désinhibition, souvent aggravée par l’anonymat, qui ouvre la voie à de nombreux actes malveillants ». Faut-il pour autant interdire l’utilisation de pseudonymes sur les réseaux sociaux ? Les sages du Palais-Royal se sont dits très réservés sur la suppression de l’anonymat qui n’est autre que de la pseudonymisation : « La possibilité de s’exprimer sous un autre nom que le sien, qui a toujours été admise dans la vie réelle, est, comme l’a d’ailleurs rappelé par exemple la Cnil (4), “une condition essentielle du fonctionnement des sociétés démocratiques” qui permet “l’exercice de plusieurs libertés fondamentales essentielles, en particulier la liberté d’information et le droit à la vie privée”. Elle peut faciliter la prise de parole de personnes qui craignent la discrimination ou souhaitent contester les positions acquises ». L’anonymat du Net est toute relative Le Conseil d’Etat estime en outre que « la suppression de l’anonymat, qui n’a été adoptée par aucune démocratie occidentale et n’est pas envisagée au sein de l’Union européenne, ne paraît pas constituer une solution raisonnable conforme à notre cadre juridique le plus fondamental ». Et contrairement aux détracteurs d’Internet et des réseaux sociaux, l’anonymat sur Internet n’existe pas en général. « Cette forme d’anonymat n’est que relative. Il est en effet relativement facile, en cas de nécessité, d’identifier une personne compte tenu des nombreuses traces numériques qu’elle laisse (adresse IP, données de géolocalisation, etc.). La LCEN [loi de 2004 pour la confiance dans l’écono-mie numérique, ndlr] prévoit l’obligation de fournir à la justice les adresses IP authentifiantes des auteurs de message haineux et plusieurs dispositifs normatifs, dont la directive dite “Police-Justice”, obligent les opérateurs à conserver de telles données : en pra-tique, les opérateurs répondent généralement sans difficulté aux réquisitions judiciaires pour communiquer l’adresse IP. Les obstacles rencontrés existent mais apparaissent finalement assez limités : la possibilité de s’exprimer sur Internet sans laisser aucune trace paraît donc à ce jour réservée aux “geeks” les plus aguerris [utilisant notamment le navigateur Tor garantissant l’anonymat de ses utilisateurs, ndlr] ». La pseudonymisation, comme le définit d’ailleurs l’article 4 paragraphe 5 du règlement général européen sur la protection des données (RGPD), est un traitement de données personnelles réalisé de manière à ce que l’on ne puisse plus attribuer les données à une personne physique identifiée sans information supplémentaire. « En pratique, rappellent les sages du Palais-Royal, la pseudonymisation consiste à remplacer les données directement identifiantes (nom, prénoms, etc.) d’un jeu de données par des données indirectement identifiantes (alias, numéro séquentiel, etc.). La pseudonymisation permet ainsi de traiter les données d’individus sans pouvoir identifier ceux-ci de façon directe. Contrairement à l’anonymisation, la pseudonymisation est une opération réversible : il est possible de retrouver l’identité d’une personne si l’on dispose d’informations supplémentaires ». Sans remettre en cause l’anonymat de l’expression, le Conseil d’Etat propose notamment la généralisation du recours aux solutions d’identité numérique et aux tiers de confiance. Et ce, notamment pour mieux protéger les mineurs, vérifier la majorité numérique – laquelle vient d’être fixée en France à 15 ans (5) – et de garantir la fiabilité des échanges sur les réseaux sociaux. La Cnil, présidée par Marie-Laure Denis (photo ci-contre), veut préserver l’anonymat. Y compris lorsque les sites pornographiques vérifient l’âge de leurs utilisateurs, sous le contrôle de l’Arcom. Pour cela, la Cnil préconise depuis juin 2021 le mécanisme de « double anonymat » (6) préféré à la carte d’identité. Ce mécanisme empêche, d’une part, le tiers de confiance d’identifier le site ou l’application de contenus pornographiques à l’origine d’une demande de vérification et, d’autre part, l’éditeur du site ou de l’application en question d’avoir accès aux données susceptibles d’identifier l’utilisateur (7). Quant au contrôle parental, il sera activé par défaut en France sur tous les terminaux à partir du 13 juillet 2024, selon le décret « Renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet » du 11 juillet paru 13 juillet (8). « Couper les réseaux sociaux » (Macron) « Quand les choses s’emballent pour un moment, [on peut] se dire : on se met peut-être en situation de les réguler ou de les couper », a lancé Emmanuel Macron de l’Elysée, le 4 juillet dernier, devant un parterre de 300 maires de communes touchées par les émeutes déclenchées par le meurtre du jeune Nahel. Face au tollé provoqué par ce propos digne d’un régime autoritaire à la Corée du Nord, à l’Iran ou à la Chine, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a dû rétropédaler en ne parlant plus que de « suspensions de fonctionnalités » comme la géolocalisation. Si couper les réseaux sociaux est faisable techniquement, avec l’aide des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), la décision de le faire risque d’être illégale au regard des libertés fondamentales qui fondent une démocratie. @

Charles de Laubier

L’App Store – la cash machine d’Apple lancée il y a 15 ans – pourrait faire perdre beaucoup d’argent à Apple

Le 10 juillet, Apple fêtera les 15 ans de son App Store – « le plus grand lancement de ma carrière » (dixit feu Steve Jobs). Lancée avec seulement quelque 500 applications, la boutique en ligne en compte aujourd’hui plus de 1,8 million, dont certaines ventes rapportent à Apple. Mais l’écosystème est contesté. En quinze ans, l’écosystème App Store est devenu une cash machine générant l’an dernier quelque 1.100 milliards de dollars de ventes et facturations. Mais « plus de 90 % » de ces revenus cumulés sont allés – « sans aucune commission versée à Apple » – aux seuls développeurs, éditeurs et commerçants de plus de 1,8 million d’applications présentes à ce jour dans la boutique en ligne de la marque à la pomme. C’est ce qu’a indiqué le 31 mai la firme de Cupertino en dévoilant une étude qu’elle avait commanditée auprès de la société américaine Analysis Group. Car lorsque les transactions n’ont pas lieu via l’App Store, Apple ne ponctionne pas ses 30 % de commission habituelles sur les ventes numériques (achats d’applis, achats dits in-app, c’est-à-dire effectués au sein de l’application) ni les 30 % la première année et les 15 % pour les suivantes sur les abonnements in-app. Cette économie plus indirecte que directe pour Apple a fait un bond de près de 30 % sur un an, pour franchir l’an dernier la barre du trillion (mille milliards), dont 910 milliards en ventes de biens et services physiques, 104 milliards de biens et services digitaux et 109 milliards de publicités in-app (voir graphique page suivante). Plus largement, selon cette fois le Progressive Policy Institute, les applications iOS ont induit « plus de 4,8 millions d’emplois aux EtatsUnis et en Europe », répartis à parts égales. Phil Schiller, le méconnu Monsieur « App Store » Bien qu’il ait pris du champ il y a près de trois ans en prenant le titre honorifique d’« Apple Fellow », Phil Schiller (photo) continue officiellement de diriger l’App Store qu’il a mis en place il y a quinze ans, après avoir œuvré aux succès du Mac, dans les ordinateurs, et de l’iPod et de iTunes, dans la musique numérique. Le marketing mondial des produits à la pomme, c’était lui lorsqu’il en était vice-président, auquel a succédé en août 2020 Greg Joswiak (1). Phil Schiller – entré à 27 ans chez Apple en 1987 et 63 ans depuis le 8 juin dernier – reste aussi en charge des événements d’Apple tels que la conférence annuelle des développeurs – la WWDC (Worldwide Developers Conference). L’édition 2023 s’est tenue le 5 juin avec l’annonce du casque de réalité virtuelle et augmentée Vision Pro qu’Apple rendra disponible seulement « début 2024 », d’abord aux Etats-Unis et « à partir de 3.499 dollars » (hors taxes). Depuis le lancement de l’App Store, « les utilisateurs ont téléchargé des applications plus de 370 milliards de fois et les développeurs ont gagné plus de 320 milliards de dollars de revenus directement [cumul de 2008 et 2022, ndlr] », se félicite aujourd’hui le groupe dirigé par Tim Cook depuis près d’une douzaine d’année. Une app economy sous position dominante Le successeur de Steve Jobs ne tarit pas d’éloges envers ceux qui alimentent sa poule aux œufs d’or, l’App Store : « Nous n’avons jamais été aussi optimistes ou inspirés par l’incroyable communauté de développeurs du monde entier. (…) Nous sommes plus déterminés que jamais à investir dans la réussite des développeurs et dans l’avenir de la app economy [l’économie des applications, ndlr] », a-t-il assuré. La firme de Cupertino, qui a réalisé en 2022 (pour son exercice annuel clos le 24septembre) un chiffre d’affaires global de plus de 394,3milliards de dollars (en hausse de 7,8 % sur un an), enregistre une forte croissance dans les « services », à 78,4 milliards de dollars (avec un bond annuel de 14,1 %). Ces services – pesant 19,8 % des revenus globaux d’Apple – englobent la publicité, l’extension de garantie AppleCare, le nuage informatique iCloud, les systèmes de paiement (Apple Card et Apple Pay), les contenus digitaux (musiques viaApple Music, la VOD viaApple TV+, le kiosque de presse numérique via Apple News+, les jeux vidéo via Apple Arcade ou encore du sport via Apple Fitness+). Les services incluent aussi les fameuses commissions perçues sur la plateforme App Store donnant accès à des applications et des contenus digitaux (livres, musiques, vidéos, jeux et podcasts). Autant dire que, malgré ses confortables commissions jusqu’à 30 % sur les ventes d’applis et les dépenses in-app, l’App Store rapporte peu directement à Apple lorsqu’il s’agit de contenus tiers et bien plus avec ses propres contenus et plateformes. Tout en contribuant à la croissance, l’écosystème App Store et ses milliers de développeurs et éditeurs contribue à la notoriété de la marque à la pomme pour la vente de ses iPhone pesant plus de la moitié de son chiffre d’affaires (205,4 milliards de dollars en 2022, soit 52,1 %), ses iPad (29,2 milliards, soit 7,4 %), ses wearables, AirPods, Apple TV, Apple Watch, Beats, HomePod et accessoires (41,2 milliards, soit 10,5 %), et ses Mac (40,1 milliards, soit 10,2 %). Ce cercle vertueux fait la force du fabricant Apple – sa vocation première – sur le marché mondial du numérique, avec son écosystème où gravitent développeurs, éditeurs et utilisateurs. Cette dynamique se retrouve dans la fréquentation de la marketplace App Store chaque semaine : plus de 650 millions de visiteurs en moyenne, plus de 747 millions de téléchargements et 1,5 milliard de rechargements (toujours hebdomadaires), ainsi que 40 milliards de mises à jour automatiques en moyenne sur sept jours. La multinationale, cotée au Nasdaq à la Bourse de Wall Street, a même été la première entreprise au monde à franchir pour la première fois la barre des 3.000 milliards de dollars de capitalisation boursière (le 03-01-22) – actuellement valorsiée 2.850 milliards de dollars (le 02-06-23). Mais l’App Store constitue aussi le talon d’Achille d’Apple. Il y a d’abord le procès intenté par l’éditeur de jeux vidéo Epic Games à l’encontre de la firme de Cupertino pour « violation des lois antitrust » et « concurrence déloyale » depuis qu’elle a supprimé en août 2020 le jeu-vedette « Fortnite » de l’App Store (2). Le 24 avril dernier, la cour d’appel en Californie a confirmé que certaines dispositions de l’App Store enfreignent la loi californienne sur la concurrence déloyale et a émis une injonction. Apple conteste. Au-delà de cette affaire en cours, Apple s’attend à devoir modifier à nouveau les règles de son « App Store Review Guidelines » qui est la Bible des développeurs et éditeurs de l’écosystème à la pomme. Risques règlementaires et financiers Dans son dernier rapport annuel 2022, Apple met en garde ses actionnaires sur les risques règlementaires et juridiques : « De nouvelles initiatives législatives, comme la loi sur les marchés numériques de l’Union européenne [le Digital Markets Act (DMA), ndlr], pourraient nécessiter d’autres changements. Apple fait également l’objet de litiges et d’enquêtes liés à l’App Store, qui ont entraîné des changements dans ses pratiques commerciales et qui pourraient entraîner d’autres changements à l’avenir. (…) Cela pourrait réduire le volume des ventes, et la commission que la compagnie gagne sur ces ventes, diminuerait ». Et la pomme de prévenir : « Si le taux de la commission que la compagnie conserve sur ces ventes est réduit, ou si sa portée est réduite ou éliminée, les résultats d’exploitation et la situation financière de la compagnie pourraient être affectés de façon importante ». Et là, ce ne serait pas de la réalité virtuelle. @

Charles de Laubier

La réalité augmentée n’augmente pas la rentabilité de Snap malgré la hausse des « snapchatteurs »

Le réseau social Snapchat a beau voir le nombre de ses utilisateurs augmenter de 17 % en 2022, à 375 millions de « snapchatteurs », cela n’empêche pas la société Snap d’augmenter son déficit. Et lors de son « Investor Day » le 16 février, elle devra convaincre sur son avenir en réalité augmentée. En publiant ses résultats 2022 le 31 janvier, la société californienne Snap a déçu, malgré la hausse de 17 % de ses utilisateurs, à 375 millions, et un objectif d’atteindre entre 382 et 384 millions de « snapchatteurs » d’ici la fin de ce premier trimestre 2023. Pour l’exercice de l’an dernier, le chiffre d’affaires est de 4,6 milliards de dollars, certes en hausse de 12 % sur un an, mais les pertes nettes – 1,4 milliard de dollars – se sont creusées de… 193 %. Son cours de Bourse a décroché à Wall Street et sa capitalisation n’est plus de que 19,3 milliards de dollars (au 09-02-23), bien loin du pic des 54 milliards de dollars d’octobre 2020. R&D : 2,1 milliards de dollars en 2022 Bien qu’ayant terminé 2022 avec 3,9 milliards de dollars de cash, Snap est par ailleurs très endetté, à hauteur de 3,7 milliards avec une première échéance de remboursement en 2025. De tout cela, le PDG cofondateur de Snap, Evan Spiegel (photo), devra s’en expliquer devant les investisseurs lors de l’« Investor Day » qu’il organise le 16 février prochain dans ses locaux de Santa Monica (Californie). Dans la lettre aux actionnaires datée du 31 janvier (1), l’entreprise a d’ores et déjà prévenu que « le chiffre d’affaires du premier trimestre 2023 devrait être en baisse, entre – 10 % et – 2 % sur un an ». Snap avait lancé au troisième trimestre 2022 un plan de restructuration qui prévoyait « une réduction d’environ 20 % de [son] effectif mondial » – dont 1.300 suppressions d’emploi en août dernier. Les productions « Snap Originals » et le drone Pixy ont été sacrifiés. Au 31 décembre 2022, ses effectifs étaient de 5.288 de salariés. « Nous sommes en voie de réaliser les 500 millions de dollars de réduction des coûts d’ici le premier trimestre de 2023 », assure le groupe au fantôme (2). Parallèlement, Snap ne lésine pas sur les dépenses de recherche et développement (R&D) qui s’élèvent à 2,1 milliards de dollars rien qu’en 2022, en forte hausse de 34,7 % sur un an. « Nos efforts de R&D sont axés sur le développement de produits, la technologie publicitaire et l’infrastructure à grande échelle », précise l’entreprise dans son rapport annuel publié par la SEC, le gendarme boursier américain, le 1er février dernier (3). Pour se différencier des Facebook, Instagram et autres TikTok, Snap mise gros sur la réalité augmentée (RA) dont l’écosystème dépasse à ce jour plus de 300.000 créateurs et développeurs qui ont construit plus de 3 millions de « lentilles » de RA (« lens » en anglais) pour permettent la créativité et l’expression de soi. Snapchat s’ouvre directement sur l’appareil photo (« camera ») du smartphone ou de la tablette, voire la webcam de l’ordinateur sur le Web, ce qui facilite la création d’un « snap » et l’envoi de photos et de vidéos à des amis (via messagerie, « map » ou « stories »). Snap vend aussi depuis septembre 2016 – et malgré l’échec de la première version – des lunettes de RA, connectées en Bluetooth et appelées « Spectacles », utilisables sur son réseau social (4). Les lentilles se distinguent des « filtres » (« filter » en anglais) par le fait que les premières sont des animations virtuelles – autrement dit un filtre à réalité augmentée. C’est là que le réseau social au fantôme, très prisé de la génération Z, se distingue de ses concurrents. Y compris sur le marché publicitaire d’où Snap tire l’essentiel de ses revenus : ses offres « Snap Ads » et « AR Ads » proposent aux annonceurs et partenaires des filtres sponsorisés (« sponsored filters ») et des lentilles sponsorisées (« sponsored lenses »), pour peu que les marques se familiarisent avec ces technologies visuelles – surtout en RA. « Nous avons ajouté de nouvelles fonctionnalités et capacités à Lens Studio, notre logiciel de développement de réalité augmentée, qui permettent des expériences plus riches et plus immersives, et aident à approfondir l’engagement », assure Snap. Mais le contexte macroéconomique (crise sanitaire, inflation, guerre en Ukraine, …) amène des entreprises à réduire leur budget publicitaire, notamment ceux orientés vers la RA souvent utilisée à titre expérimental. Sans parler du durcissement de la protection des données (fin des cookies tiers) qui limite le ciblage et l’efficacité publicitaire. Les autres acteurs du Net surveillent Snap comme un thermomètre pour prendre la température de la publicité en ligne (5). Plus de 2 millions d’abonnés à Snapchat+ Lancé au début de l’été 2022 dans plusieurs pays, dont la France, le service par abonnement payant Snapchat+ – mais toujours avec publicités – a dépassé les 2 millions de souscripteurs (4,59 euros par mois, ou moins selon la durée de l’engagement), lesquels bénéficient d’exclusivités, d’expérimentations et d’avant-premières. L’avenir de Snapchat est entre les mains d’Evan Spiegel, qui détient 53,1 % des droits de vote de l’entreprise mais seulement 3 % du capital de Snap (6) aux côtés des 17,6 % du chinois Tencent. @

Charles de Laubier

Pourquoi le fantôme de Snap fait trembler Internet

En fait. Le 23 mai, la société Snap – dirigée par son cofondateur Evan Spiegel – a émis un avertissement sur ses prévisions de résultats pour le second trimestre 2022. Depuis, le cours de Bourse du réseau social au fantôme a chuté de près de 45 % (1). C’est un vrai coup de semonce pour tout l’écosystème publicitaire. En clair. « Depuis que nous avons publié nos objectifs le 21 avril 2022, l’environnement macroéconomique s’est détérioré davantage et plus rapidement que prévu. Par conséquent, nous pensons qu’il est probable que nous fassions état d’un chiffre d’affaires et d’un EBITDA ajusté inférieurs à l’extrémité inférieure de notre fourchette de prévisions pour le deuxième trimestre 2022 ». Par cet avertissement enregistré par le gendarme de la Bourse américain, la SEC, et publié le 23 mai (2), l’éditeur de la plateforme Snapchat a jeté un froid et entraîné avec lui à la baisse d’autres entreprises cotées de réseaux sociaux et/ou leur maison mère (Twitter, Pinterest, Meta/Facebook, Alphabet/ YouTube, …), mais aussi des entreprises de publicité également cotées (Publicis, WPP, Omnicom, Interpublic Group, …). Cette alerte laconique porte sur le chiffre d’affaires et la marge brute d’exploitation du deuxième trimestre en cours, dont les résultats seront publiés courant juillet. Comme l’essentiel des revenus de la société Snap provient pour l’essentiel de la publicité, ces quelques lignes ont sonnées comme coup de semonce pour toutes les plateformes numériques vivant de la publicité sur Internet et pour tous les acteurs de ce marché publicitaire très sensible aux conjonctures économiques. Snap est l’archétype de cette dépendance à la publicité en ligne : rien que sur son premier trimestre 2022, son chiffre d’affaires – essentiellement publicitaire – a franchi pour la première fois la barre du 1 milliard de dollars, soit un bond de 38 % sur un an (contre 769,6 millions de dollars au premier trimestre de l’année précédente). Deux offres publicitaires principales sont proposées par le réseau social au fantôme, qui revendique 332 millions d’utilisateurs en moyenne par jour dans le monde, dont 75 % de Millennials et de GenZ : Snap Ads (3) et AR Ads (4). La publicité dite AR (Augmented Reality) propose aux annonceurs et partenaires des « filtres » sponsorisés (sponsored filters) et des « lentilles » sponsorisées (sponsored lenses). Mais l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et la guerre en Ukraine a fait revenir tout l’écosystème de la virtualité à la réalité. Aux difficultés économiques, s’ajoutent la fin des cookies pour le ciblage chez Apple et Google, d’une part, et le fléau persistant de la fraude publicitaire (5), d’autre part. @