Les boutiques d’applications alternatives arrivent

En fait. Les 7 octobre, la vice-présidente de Google en charge des affaires réglementaires, Lee-Anne Mulholland, a annoncé que la filiale d’Alphabet fait appel du jugement californien – rendu en faveur d’Epic Games – l’obligeant à ouvrir durant trois ans sa boutique d’applications Play Store à ses concurrents.

En clair. « Le verdict d’Epic [Games] a manqué l’évidence : Apple et Android sont clairement en concurrence. Nous faisons appel pour demander aux tribunaux de suspendre la mise en oeuvre des mesures correctrices [qui] mettraient en péril la vie privée et la sécurité des consommateurs, et rendraient plus difficile pour les développeurs de promouvoir leurs applications », a déclaré le 7 octobre la vice-présidente des affaires réglementaires de Google, Lee-Anne Mulholland (1). De plus, elle pointe le fait que cette décision est « complètement contraire au rejet par un autre tribunal des demandes similaires présentées par Epic contre Apple ». Ce précédent procès de Epic Games, contre cette fois la Pomme, était allé jusqu’à la Cour suprême des Etats-Unis qui, en avril 2023, n’avait pas considéré Apple comme « monopole » que dénonçait l’éditeur du jeu vidéo « Fornite ». Et le 16 janvier 2024, cette même Cour suprême avait rejeté les recours en appel formés par Epic Games et Apple (2).
Quoi qu’il en soit, Tim Sweeney, le PDG fondateur de Epic Games, s’est réjoui de la décision prononcée le 7 octobre par le juge californien James Donato (3) : « Grande nouvelle ! Epic Games Store [déjà lancé en Europe mi-août (4), ndlr] et d’autres boutiques d’applications arriveront sur Google Play Store en 2025 aux Etats-Unis – sans les écrans effrayants de Google et la taxe de 30 % sur les applications de Google – grâce à la victoire d’Epic contre Google » (5). Le tribunal du district nord de Californie enjoint Google de ne plus – y compris en payant des entreprises pour l’exclusivité – imposer sa boutique d’applications Play Store à partir du 1er novembre 2024, et ce durant trois ans.

Le démantèlement des Big Tech comme Google n’est plus tabou, ni aux Etats-Unis ni en Europe

L’étau de la régulation antitrust américaine se resserre sur Google, filiale d’Alphabet. Le département de la Justice (DoJ) n’exclut aucun remède en faveur de la concurrence, y compris l’arme absolue du démantèlement (breakup). En Europe, cette menace ultime est aussi sur la table.

Le numéro un mondial des moteurs de recherche, Google, sera-t-il le premier Gafam à être démantelé aux Etats-Unis ? La filiale du groupe Alphabet, présidé depuis près de cinq ans par Sundar Pichai (photo), est la cible de deux procès antitrust historiques aux EtatsUnis. Le premier procès, qui s’est ouvert en septembre 2023, s’est soldé le 5 août 2024 par un jugement qui condamne Google pour abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche où il est en situation de quasi-monopole. La firme de Mountain View a fait appel de cette décision. Le second procès, qui s’est ouvert le 9 septembre 2024, concerne cette fois ses outils de monétisation publicitaires.

Vendre Android, AdWords et/ou Chrome ?
Dans ces deux affaires, la menace ultime de l’antitrust américaine est le démantèlement, ou breakup, de Google. Le Département de la Justice (DoJ) y songe sérieusement, d’après une information de l’agence Bloomberg publiée le 13 août dernier (1). Pour casser le monopole illégal de Google constitué par son moteur de recherche au détriment de la concurrence, cette option ultime n’est pas exclue. Elle pourrait consister par exemple à obliger Google à céder son système d’exploitation Android (2) et/ou son activité publicitaire AdWords devenue Google Ads (3), voire aussi de se délester de son navigateur web Chrome (4). Si ce n’est pas le démantèlement pur et simple, les autres remèdes pourraient être de forcer Google à partager ses données avec ses concurrents et à faire en sorte que ses comportements monopolistiques ne se reproduisent pas dans l’intelligence artificielle (IA).
Dans son verdict du 5 août, le juge a d’ailleurs pointé le fait que Google a payé 26,3 milliards de dollars en 2021 pour maintenir la domination de son moteur de recherche en devenant – par ses accords anticoncurrentiels signés avec Apple et des fabricants de smartphones sous Android comme Samsung, d’une part, et des navigateurs web tels que Firefox de Mozilla d’autres part – le search engine par défaut au niveau mondial. Rien qu’aux Etats-Unis, Google Search s’arroge près de 90 % de part de marché. « Par défaut » : là est le nœud du problème, lorsque la filiale d’Alphabet impose aussi « par défaut » sur des terminaux son navigateur web Chrome, sa boutique d’applications Play Store ou d’autres de ses services.

L’application Musi s’est hissée dans le « Top 5 » des applis de streaming musical… grâce à YouTube

La 5e appli de streaming musical la plus téléchargée sur l’App Store est inconnue : Musi. Durant l’été, elle va atteindre au bout de plus de dix ans d’existence les 70 millions de téléchargements. Gratuite et financée par la publicité (ou sans contre une fois 5,99 dollars), elle profite de YouTube.

Contactée par Edition Multimédi@ sur la légalité ou pas de Musi, la filiale française de YouTube nous a indiqué que « les équipes en interne examinent l’application pour savoir s’il s’agit d’un abus ou non ». Est-ce le calme avant la tempête pour cette start-up canadienne qui, à trop embrasser YouTube, aurait mal étreint le droit d’auteur ? Selon une source de l’industrie musicale, une importante maison de disque – sans que l’on sache s’il s’agit d’une major (Universal Music, Sony Music ou Warner Music) – va porter plainte devant un tribunal.

Discographie construite avec YouTube
C’est ce qu’a rapporté le magazine américain Wired, qui cite également une porte-parole de la plateforme de vidéoclips Vevo – diffusés sur YouTube – décidé à « prendre les mesures appropriées » (1). Musi Inc. pourra toujours se défendre en affirmant ne pas héberger de vidéoclips, puisque c’est YouTube qui le fait. Et l’appli Musi ne permet pas de téléchargement de musiques. « Music streaming without limits » est son slogan. Cette application musicale en streaming n’existerait pas sans YouTube. « Musi est une application iOS qui vous permet de diffuser et d’organiser une bibliothèque de musique à partir de YouTube », explique Aaron Wojnowski, le cocréateur de Musi, sur son compte LinkedIn (2). Y a-t-il un accord entre Musi Inc. et la plateforme vidéo de Google ? « All notices of copyright infringement claims should be sent to support@feelthemusi.com », indique la start-up canadienne dans ses conditions générales d’utilisation. L’appli Musi subira-t-elle le même sort que Aurous qui avait dû fermer en 2015 à la suite d’un procès intenté par la puissante RIAA (3) représentant notamment les trois majors ?

TikTok n’est plus censuré en Nouvelle-Calédonie, mais la décision de son blocage reste contestée

« La censure de TikTok en Nouvelle-Calédonie […] semble illégale », titrions-nous dans Edition Multimédi@ n°322 daté du 27 mai. Le même jour, La Quadrature du Net déposait devant le Conseil d’Etat – lequel a rejeté le 23 mai son précédent recours – un recours en excès de pouvoir cette fois.

« Bien que le blocage de TikTok soit levé [depuis le 29 mai 2024, ndlr], le précédent politique et juridique existe désormais. Nous pensons qu’il faut tout faire pour que celui-ci ne se reproduise pas et reste un cas isolé. Que ce soit par la Cour européenne des droits de l’homme ou par le Comité des droits de l’homme des Nations unies, ce type de censure est unanimement condamné. Nous ne pouvons donc pas laisser le Conseil d’Etat se satisfaire de ce blocage et devons exiger de lui qu’il rappelle le droit et sanctionne le gouvernement », a expliqué le 5 juin La Quadrature du Net (LQDN), l’association de promotion et de défense des libertés fondamentales dans l’environnement numérique.

Recours d’urgence versus mesure d’urgence
Le recours de près d’une trentaine de pages (1) daté du 27 mai 2024 et signé par Alexis Fitzjean Ó Cobhthaigh (photo), avocat au barreau de Paris, demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision attaquée, à savoir celle prise le 14 mai dernier par le Premier ministre qui a ordonné le blocage de TikTok sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. Et ce, dans un contexte de sérieux troubles sur l’archipel où l’état d’urgence avait été décrété – pour douze jours légaux maximum – le 15 mai et l’armée déployée pour sécuriser les ports et aéroport de Nouvelle-Calédonie (2). De nombreuses voix se sont exprimées sur le réseau social en Nouvelle-Calédonie contre la réforme constitutionnelle visant à élargir le corps électoral de ce territoire, projet contesté par les indépendantistes. Des émeutes et des violences ont eu lieu.
Le blocage sans précédent en France (tous territoires confondus) avait aussitôt été attaqué en justice par deux organisations, La Quadrature du Net (LQDN) et la Ligue des droits de l’homme (LDH), ainsi que par trois Néo-Calédoniens. Ces premiers recours distincts en urgence devant le Conseil d’Etat avaient été déposés le 17 mai. Le juge des référés de la haute juridiction administrative avait ensuite le 21 mai donné 24 heures au gouvernement pour apporter les preuves écrites et/ou visuelles (images, vidéo, …) pouvant justifier le blocage de TikTok pour des raisons en rapport avec des « actes de terrorisme ». Le Premier ministre Gabriel Attal pourrait-il vraiment s’appuyer sur la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence justement, dont l’article 11 prévoit que « le ministre de l’Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne, provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie » (3) ?

Dans un monde de plateformes de streaming et de podcasts, la radio voit son avenir s’éclater

Les 6 et 7 juin a eu lieu la quatrième édition de la Fête de la radio. Mais le cœur y est-il vraiment ? L’Arcom dévoilera son livre blanc sur l’avenir de la radio, lors des Assises qui lui sont consacrées le 18 juin. Le média plus que centenaire est en pleine réflexion existentielle face aux GAFAM.

Quatre mois après la Journée mondiale de la radio initiée par l’Unesco (ce fut le 13 février cette année), la quatrième édition de la Fête de la radio a eu lieu en France les 6 et 7 juin, événement lancé en 2021 à l’initiative de l’Arcom – via une association conventionnée (1) – avec le parrainage du ministère de la Culture. Ces deux journées permettent de mieux faire connaître le média radio et ses mutations, de la FM au DAB+, en passant par le streaming et les podcasts. Plus de 100 ans après sa naissance et près de 40 ans après la libéralisation de la communication audiovisuelle, la radio est toujours aussi populaire auprès d’un très large public.

La radio devenu un contenu comme un autre
Si son audience cumulée peut encore battre des records, le média radio n’en est pas moins en pleine fragmentation de cet auditoire qui se disperse en fonction des modes de diffusion : en analogique (FM), en numérique (DAB+) ou sur Internet (live streaming, replay, podcast, …). Cet éclatement radiophonique induit une multitude d’appareils de réception utilisés et des situations d’écoute désormais très différentes : chaque jour en France, au premier trimestre, la radio a totalisé 38,7 millions auditeurs en moyenne chaque jour, à raison de 2h26 quotidiennes par auditeur (toujours en moyenne), dont 77,3 % sur des supports dédiés à la radio tels que l’autoradio d’un véhicule, la chaîne hi-fi ou le poste de radio, et 22,7 % sur des supports numériques tels que les smartphones (5,9 millions d’auditeurs quotidiens), les enceintes connectées (1,5 million), les ordinateurs (1,4 million), téléviseurs (959.000) et les tablettes (539.000). D’après Médiamétrie sur la période de janvier à mars 2024, ce basculement de l’écoute de la radio sur ces supports numériques a engendré sur la même période un nouveau record, à 9,7 millions de personnes écoutant chaque jour la radio sur de ces appareils non dédiés à la radio (voir graphiques). Les Français sont davantage équipés en supports multimédias (97 %) qu’en supports dédiés à la radio (90 %), sachant que 99 % des foyers disposent d’au moins un support pour écouter la radio (qu’il soit dédié ou pas). Cette décorrélation progressive de ses récepteurs dédiés historiques (postes de radio, autoradios, radio-réveil, tuner de chaîne hi-fi) fait entrer le média radio dans le flux numérique des contenus en ligne. En se délinéarisant (en live, en différé ou en podcast), la radio perd un peu de sa spécificité. La radio devient un contenu comme un autre à l’ère de la plateformisation numérique. Les éditeurs de stations radio doivent investir dans plusieurs support (FM, DAB+, applications, sites web, podcasts) pour aller cherche l’auditeur là où se trouve. Si les grandes radios ont les reins solides pour faire face à ces coûts de multidiffusion, il n’en va pas de même pour les radios indépendantes et plus encore pour les radios associatives. Ces dernières sont pour 75 % d’entre elles présentes en DAB+ et ont été les premières à soutenir depuis 2014 cette technologie numérique, lancée d’abord à Paris, Marseille et Nice et couvrant à ce jour plus de 60 % de la population métropolitaine.