Monétisation : la presse en ligne ira-t-elle jusqu’à enchaîner ses lecteurs à la blockchain ?

Bien que les éditeurs de presse – et les médias en général – ne se ruent pas sur la blockchain, ils s’interrogent sur son utilisation en vue de mieux monétiser leurs contenus en ligne – tant du côté de leurs lecteurs (minage) que du côté des annonceurs (publicité). Mais qui trop embrasse mal étreint…

« Les fondements de la blockchain se concentrent dans deux promesses : pouvoir créer des ‘titres de propriété numérique’ et donner la possibilité d’échanger ceux-ci sans requérir à une autorité centrale ». Telle est la définition simplifiée que donne le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) du système de blocs de données dans son rapport final sur cette technologie publié en début d’année (1).

Les processeurs financent les contenus !
Par extrapolation, la blockchain permet d’établir et de mettre à jour un registre de façon décentralisée en fonction de chaque transaction effectuée sur un réseau de communauté donné. Pour la presse, cela pourrait permettre de monétiser en ligne ses articles et/ou ses journaux. Si les médias s’y intéressent, comme l’a montré la table-ronde sur ce thème organisée le 29 mars dernier au siège du Figaro par le Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste), ils restent encore très circonspects quant à l’utilisation de cette technologie pair-à-pair. Mais au moment où la publicité en ligne laisse à désirer et où les lecteurs préfèrent plus le gratuit que le payant, tous les moyens sont bons pour monétiser un site web en mal de recettes. C’est ainsi que la blockchain pourrait être une opportunité pour passer du « temps de cerveau disponible » au… « temps de calcul disponible ».
Et ce, grâce au minage. Quésaco ? Le minage, dans le langage blockchainien, consiste à utiliser la puissance de calcul informatique de l’internaute-lecteur afin de traiter des transactions, de sécuriser le réseau et de permettre à tous les utilisateurs du système de rester synchronisés. « Le processeur de l’utilisateur est utilisé pour miner sur la blockchain. Cette solution fait du processeur de l’utilisateur un moyen de paiement où l’utilisateur est récompensé pour son temps passé sur le site web », a expliqué Pascal Jardé, fondateur de la start-up montpellieraine Moonify, spécialisée dans la monétisation du trafic (2). Autrement dit, le lecteur travaille pour le journal en ligne qui le rétribue en conséquence par la « gratuité » de ses contenus : plus il reste sur le site web à naviguer, à lire des articles et/ou à visionner des vidéos, au nom de la fidélisation, plus il aura l’accès libre à ces contenus. C’est du donnant-donnant ! « Tu mines ; tu lis », en quelque sorte. L’éditeur peut ainsi inciter les visiteurs de son site web à y rester le plus longtemps possible et alerter chacun d’entre eux s’ils n’y sont pas restés suffisamment de temps pour que le service reste gratuit. Toutes les industries culturelles dématérialisées – musique, cinéma, livre, jeux vidéo, etc (3) – pourraient s’approprier ce nouveau moyen d’acquisition d’audience et de monétisation. Après la gratuité financée par la publicité, c’est la gratuité financée par la blockchain. Reste que l’utilisateur risque de devenir « mineur-dépendant » visà- vis du média et de voir son processeur rendre l’âme plus vite que prévu. « La blockchain tient donc le registre des transactions entre ses utilisateurs, ce qui leur permet d’échanger des “titres de propriété virtuels” – aussi appelés tokens ou jetons – et d’être les seuls à pouvoir revendiquer la ressource symbolisée par le titre qu’ils détiennent », explique le CSPLA dans son rapport. Pour la presse, le lecteur pourra stocker dans son portemonnaie électronique (wallet) ses tokens, lesquels lui permettront d’accéder aux articles de son choix.
Dans ce marché à double face, l’éditeur de presse peut aussi tirer parti de la blockchain en rééquilibrant la chaîne de valeur en sa faveur et de tenter de ne plus être dépendant de la publicité de plus en plus captée par les GAFA.
« Face aux publicités intrusives et au développement des ad-blocks, la blockchain représente une opportunité pour regagner la confiance des utilisateurs. Cependant, si le monde de la blockchain ne risque pas de s’opposer au monde de la publicité, un nouvel écosystème va se créer intégrant les spécificités de chacun », indique un intervenant de la table-ronde du Geste constituée, outre Moonify (Pascal Jardé), de Blockchain Partner (Antoine Yeretzian), BlockchainyourIP (Benoît Defamie), Hubvisor (Sylvain Travers) et Mediarithmics (Stéphane Dugelay).

Réconcilier éditeurs, annonceurs et lecteurs
La société MetaX, elle, a lancé sur la blockchain Ethereum la plateforme AdChain pour réconcilier éditeurs et annonceurs. Pour autant, les expériences de « minage médiatique » en France sont quasi inexistantes.
« Le site d’information StreetPress est pour l’heure le seul à avoir tenté un test dans ce domaine en décembre. Avec un succès tout relatif : si l’opération a fait parler d’elle, le site a récolté… 5 euros en une semaine », rapporte le mensuel CB News de mars. La blockchain est loin d’être un eldorado médiatique. @

Charles de Laubier

Faux clics, bots, affichages litigieux, violation des données « perso », … : la pub sur le Netest en péril

Rien ne va plus dans le monde de la publicité en ligne. Entre les affichages des annonces sur des contenus illégaux, les clics automatiques via des réseaux de robots, l’atteinte aux données personnelles, ou encore le côté intrusif des bannières et vidéos, publicitaires et médias sont sur le qui-vive.

L’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (APCM) et le Centre d’étude des supports de publicité (CESP) se sont vu confier en début d’année la rédaction d’un « référentiel » pour un label de qualité de la publicité numérique baptisé « Digital Ad Trust », dont ils sont les « tiers labellisateurs ». L’initiative est française et fait suite à un appel d’offres qu’avait lancé en 2016 le Syndicat des régies Internet (SRI) et l’Union des entreprises de conseil et achat média (Udecam).

Premières labellisations : mars 2018
D’autres organisations professionnelles – l’Union des annonceurs (UDA), l’Autorité
de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), le Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste) et l’Interactive Advertising Bureau (IAB) – se
sont ralliées à ce projet qui va se concrétiser en janvier 2018. Les candidatures sont ouvertes depuis le 13 décembre dernier et les éditeurs peuvent demander la certification de leur(s) site(s) web par e-mail (labeldat@acpm.fr).« Le référentiel sur lequel repose le label Digital Ad Trust a été finalisé avec l’interprofession (1). On peut espérer la première vague de labellisations avant la fin du premier trimestre 2018 », indique à Edition Multimédi@ Jean-Paul Dietsch (photo), directeur des nouveaux médias à l’ACPM (ex-OJD+Audipresse) et par ailleurs président depuis juillet dernier de la branche européenne de la Fédération Internationale de bureaux d’audit de certification (IFABC Europe (2)). Toute l’industrie de la publicité en ligne est à pied d’œuvre sur ce projet qui consiste à décerner aux sites web dans leurs versions fixe et mobile – et par la suite les applications mobile – ce label BtoB Digital Ad Trust fondé sur un indicateur composite couvrant cinq grandes dimensions-clé : la brand safety, la visibilité, la fraude, l’expérience utilisateur (le fameux UX pour User Experience) comme l’encombrement publicitaire, et le respect des données personnelles de l’internaute. Cette labellisation, dont l’ACPM et le CESP sont les « tiers certificateurs », comporte douze critères, dont cinq obligatoires pour neuf nécessaires (voir tableau page suivante) si un éditeur veut obtenir ce label Digital Ad Trust. Il s’agit surtout de restaurer la confiance mise à mal des annonceurs lorsqu’ils achètent des espaces publicitaires – de plus en plus automatiquement via la publicité programmatique – sur les médias numériques. Par exemple, la brand safety consiste à éviter qu’une marque se retrouve sous forme de publicité dans des contenus illégaux tels que les sites web faisant l’apologie du terrorisme, les forums incitant à la haine raciale, les commentaires à connotation pédophile ou encore des contenus à caractère homophobe ou sexiste (3). La mise en place de ce label de la publicité en ligne a pris du retard par rapport au calendrier initial qui prévoyait de « démarrer les premières certifications avant l’été 2017 » (dixit Valérie Morrisson, directrice générale du CESP, en janvier dernier), Et Jean-Paul Dietsch à l’ACPM de poursuivre : « Les premières attributions de label arriveront trois mois après l’ouverture des candidatures, les labellisations se faisant alors par vagues successives de trois mois. Le label couvrira l’inventaire publicitaires display et vidéo des sites fixe et mobile dans un premier temps ».
Les sites web peuvent d’ores et déjà se porter candidats à la labellisation. Pour cela, avec l’aide éventuelle de prestataires de mesure certifiés de type MRC (pour le Media Rating Council), l’éditeur devra remplir deux documents : un bulletin d’adhésion (BA) et une déclaration sur l’honneur (DSH). Les candidatures et la facturation seront prises en charge par l’ACPM (4). Les annonceurs, les régie et les agences conseil pourront alors se fier aux sites web fixe et mobile qui arboreront le logo rectangulaire « ACPM-CESP Digital Ad Trust » (voir cicontre). « Le label sera fondé sur des contrôles techniques et déontologiques et permettra aux régies de qualifier valoriser les contenus et contextes publicitaires selon les bonnes pratiques validées par l’interprofession. De leur côté, les annonceurs et leurs agences publicitaires disposeront, en toute transparence, d’engagements clairs et labellisés pour s’assurer de la qualité de diffusion des campagnes », expliquent l’ACPM et le CESP.

Confiance des internautes et des annonceurs
Cette initiative s’inscrit dans une tendance de fond autour de la publicité dite
« responsable » afin de mieux répondre aux attentes des internautes en termes de confort de navigation (formats/intrusivité, temps de chargement des pages, …) et de respect de leurs données personnelles. Il s’agit aussi de mieux qualifier et valoriser les contenus, la contextualisation, l’expérience utilisateur (l’UX étant perçu comme le Graal du Net), la data, ou encore la valeur des marques des éditeurs. In fine, le label Digital Ad Trust espère répondre aux exigences des annonceurs en termes de qualité de la publicité digitale. La labellisation se fera site web par site web, toutes les pages des domaines Internet concernés pouvant être contrôlées ainsi que les formats, les emplacements publicitaires et les modes d’achat – hors IPTV (les « box » des FAI, ndlr) et univers applicatifs.

Vers une harmonisation européenne ?
L’ACPM, qui a présenté le dispositif aux membres du Geste le 8 novembre dernier, indique aussi que « pour les dimensions “brand safety”, “visibilité” et “fraude”, seules des mesures effectuées par des tiers accrédités par le MRC ou dans le cadre de l’EVCF (European Viewability Certification Framework) seront prises en compte » (5). Cette certification européenne prouve que l’« interprofession » de la publicité en ligne sur le Vieux Continent est capable de s’organiser et d’harmoniser ses pratiques. Si l’initiative « Digital Ad Trust » est une spécificité française, comme le sont les bonnes pratiques édictées en Grande- Bretagne par le JicWeb et l’ABC (Audit Bureau of Circulations), ou encore ce que font en Allemagne l’Agof, l’OWM et le BVDW, il y a parallèlement une volonté d’agir à l’échelon européen. Mais comme tous les « ABC » (alias les « OJD ») ne sont pas au même niveau d’avancement sur le numérique, l’approche n’est donc pas (encore) globale. « L’IAB Europe travaille sur des standards paneuropéens depuis quelques mois, mais cela semble compliqué de mettre tout le monde d’accord autour de la table. Nous sommes en contact avec eux et je leur ai proposé l’aide des “OJD” pour faire appliquer leur référentiel le moment venu, car l’IAB ne souhaite que définir des guidelines et ensuite ce seront à des certificateurs locaux pays par pays de les mettre en pratique », nous explique Jean-Paul Dietsch, qui indique en outre être en discussion avec de nombreux autres pays comme la Belgique, l’Espagne ou encore le Brésil. Néanmoins, le label EVCF que souhaite développer l’IAB Europe ne se penchera que sur la problématique « visibilité », alors que le Digital Ad Trust français traite, lui, cinq piliers (brand safety, visibilité, fraude, UX, données personnelles). « Nous serons tout à fait à même de prendre en compte les recommandations de EVCF et de les inclure le moment venu dans le label Digital Ad Trust au niveau du référentiel “visibilité” », poursuit-il. La certification. EVCF a été lancée en août 2017 à Bruxelles par l’European Viewability Steering Group (EVSG), lequel fut créé fin 2015 à l’initiative de l’IAB Europe, de la European Association of Communications Agencies (EACA) et de la World Federation of Advertisers (WFA)
« afin d’appliquer des standards européens uniformes et équitables dans la mesure de la visibilité de la publicité numérique » (6). L’identification des auditeurs à travers les différents pays est sur le point d’être lancée fin 2017 via un « Request for Proposals » (RFP).
Par ailleurs, la WFA (fédération mondiale des annonceurs) est aussi préoccupée par
les réseaux de « bots » (ou robots virtuels en réseau, dits botnets) qui génèrent automatique des clics frauduleux sans aucune intervention humaine et encore moins
de « cible publicitaire » humaine devant l’écran. Selon le directeur général de la WFA, Stephan Loerke, cette fraude représenterait de 10 % à 30 % des clics observés sur les publicités en ligne ! « Si l’on ne fait rien, la fraude publicitaire digitale pourrait être en 2025 la deuxième source de revenus des activités criminelles dans le monde après le trafic de drogue », a-t-il mis en garde, lors d’une intervention à Paris le 8 novembre dernier. La WFA chiffre même à au moins 50 milliards de dollars la fraude publicitaire potentielle en ligne cette année-là. Il y a urgence. @

Charles de Laubier

Comment le régime de la publicité digitale est enfin précisé pour le « programmatique »

Le décret « Publicité digitale », publié le 9 février 2017, est limité à tous les supports situés en France. Il oblige les vendeurs d’espaces publicitaires à rendre des comptes aux annonceurs. Pour la publicité programmatique, cette obligation pourrait être réalisée par les intermédiaires (régies).

Twitter se sent à l’étroit dans ses 140 caractères et voit plus grand pour accélérer sa croissance

Pour ses 10 ans, Twitter va franchir les 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires mais perd toujours de l’argent. Le réseau social de microblogging veut séduire les annonceurs. Il lui faut accroître son audience et l’attention quotidienne des twittos et fellowers. Google arrive à la rescousse…

Twitter, qui aura dix ans dans six mois (1), revendique aujourd’hui un peu plus de 300 millions d’utilisateurs
actifs par mois dans le monde – seuil franchi depuis la fin de l’année dernière (2). Mais seulement moins de 45 % d’entre eux se connectent quotidiennement, alors que ce taux est comparativement de 65 % pour les 1,49 milliard d’utilisateurs de Facebook.

Condamné à faire plus grand public
Le co-fondateur de Twitter, Jack Dorsey (photo), qui a repris les choses en main cet été en devenant directeur général par intérim depuis la démission de Dick Costolo en juin, a qualifié d’« inacceptable » le nombre d’utilisateurs par mois. Au-delà du fait d’avoir
à rechercher un nouveau directeur général (3), il doit remettre le site web de microblogging sur le chemin de la croissance en le rendant aussi populaire que Facebook. Pour l’instant, Twitter a plus séduit des professionnels (communicants et personnalités) que le grand public. Fin juillet, lors des derniers résultats trimestriels,
le directeur financier de Twitter, Anthony Noto, avait prévenu qu’il n’y aura pas de croissance importante et durable du nombre d’utilisateurs tant que Twitter ne touchera pas le grand public : « Nous ne nous attendons pas à avoir une croissance régulière significative [du nombre d’utilisateurs] avant de commencer à toucher le grand public ». Ce qui, selon lui, « prendra un temps considérable », avant de reconnaître que « le produit reste trop difficile à utiliser ». Avec un taux de pénétration inférieur à 30 % sur ses principaux marchés, Twitter est finalement principalement utilisé par des early adopters et/ou des geeks. Un total de plus de 1 milliard d’internautes auraient essayé Twitter avant de renoncer à l’utiliser ! Il lui faudra donc élargir son public sous peine
de stagnation face aux dynamiques Facebook, Instagram ou Snapchat. Depuis cette douche froide, le cours de Bourse de l’oiseau bleu ne cesse de perdre de l’altitude : l’action est passée pour la première fois – le 21 août dernier – en dessous de son prix d’introduction qui avait été fixé en novembre 2013 à 26 dollars (soit une chute de 30 % depuis juillet) et peine depuis à remonter au-dessus des 30 dollars. On est bien loin du pic de 70 dollars atteint à la fin de cette année-là. Le seul rebond boursier remonte àmi-juillet lorsqu’une fausse dépêche de l’agence de presse Bloomberg – propagée par un site web créé au Panama quelque jours plus tôt – a affirmé que Twitter étudiait une offre de rachat pour 31 milliards de dollars ! Twitter pourrait être une proie de choix pour Google, lequel a renouvelé en mai dernier avec lui un accord de partenariat suspendu depuis 2011 afin de rendre encore plus visibles les tweets sur le moteur de recherche
et lui amener ainsi plus de trafic. Twitter, que Google va aussi aider pour proposer cet automne des articles par tweets instantanés avec la presse (4), a en outre conclu un partenariat avec DoubleClick, la régie publicitaire du même géant du Net, pour améliorer la mesure des performances publicitaires sur son réseau social. Autres partenaires de poids : Microsoft et Apple, dont les systèmes d’exploitation Windows
10 et iOS intègrent une nouvelle application Twitter.

Jack Dorsey doit aussi trouver des recettes supplémentaires pour mieux monétiser son réseau social, alors que les prévisions de chiffre d’affaires pour cette année 2015 n’ont cessé d’être revues à la baisse : l’objectif est actuellement ramené à une fourchette de 2,20-2,27 milliards de dollars (voir tableau), contre 2,17-2,27 milliards et même 2,3-2,35 milliards initialement. Malgré des résultats trimestriels (au 30 juin) meilleurs que prévus (5), Twitter pèse à peine 1% des 145 milliards de dollars dépensés en publicité numérique dans le monde (selon eMarketer). Les investisseurs s’inquiètent d’autant plus qu’après la démission de Dick Costolo (au bout de cinq ans à ce poste), Jack Dorsey doit lui trouver un successeur de toute urgence et « à temps plein ».

Recruter vite un nouveau DG
Des noms circulent : Padmasree Warrior, ancienne dirigeante de Cisco, ou Jim Lanzone, actuel PDG de CBS Interactive, ou bien encore Adam Bain, responsable des revenus et des partenariats de Twitter – où il est entré en septembre 2010 après avoir été chez Fox Interactive Media en charge de l’audience. Ce dernier semble être le seul recours possible en interne, à part Jana Messerschmidt, vice-présidente de Twitter en charge du développement et de la plateforme. A moins que Jack Dorsey, qui avait été le premier directeur général de Twitter entre 2007 et 2008, ne garde les rênes le temps de remettre l’oiseau bleu sur le droit chemin. Reste à savoir si le futur patron sera nommé avant que l’arrivée début octobre du nouveau directeur général de la filiale française, Damien Viel, ancien de YouTube, de M6, d’Afflelou, de Carat et de l’Oréal (6). La société de San Francisco, qui a fait appel au cabinet chasseur de tête Spencer Stuart, doit en outre recruter non seulement un directeur de la communication (7),
mais aussi un directeur marketing avant de lancer une campagne publicitaire destinée
à booster son audience et à la monétiser.

Mieux monétiser l’oiseau bleu Twitter mise notamment sur le direct pour attirer les annonceurs et expérimente depuis juin l’insertion de messages sponsorisés dans les flux des utilisateurs (8). Il s’agit d’aller au-delà des simples tweets en offrant des informations supplémentaires sur des produits ou des lieux, avec l’apparition de boutons « acheter » testés depuis un an, Twitter s’appuyant sur les sociétés Stripe
et InMobi. Décidément, le réseau social de tweets se sent à l’étroit dans ses 140 caractères : une première entorse a été faite à cette règle avec la possibilité depuis
le mois d’août d’envoyer des messages privés – ceux échangés directement entre utilisateurs – dépassant le calibrage historique. Cependant, ces messages directs resteront invisibles sur la timeline de Twitter. De plus, il est désormais possible à ceux qui le souhaitent de recevoir des messages privés de personnes qu’ils ne suivent pas sur Twitter. C’est un grand pas pour le site de microblogging, qui espère ainsi séduire un plus large public en étant plus souple d’utilisation. La société de San Francisco compte en outre sur ses partenariats avec les médias et les célébrités pour faire croître son audience et ses revenus. En France, Europe 1 et TF1 ont ainsi passé cet été des accords avec Twitter qui entend « matérialiser » les conversations à travers des micro-studios itinérants (TF1 pour « The Voice ») ou des petits locaux fixes (Europe 1 pour ses invités et animateurs). Le réseau social à l’oiseau bleu a en outre annoncé fin août l’ouverture à Paris d’une « Blue Room », un studio dédié à accueillir des personnalités pour échanger en direct des tweets avec le grand public. Cette initiative est présentée comme une première en Europe, après l’inauguration mi-mars en Australie de ce concept de communication directe (9). De son côté, l’AFP a lancé cette année avec Twitter un produit, TweetFoot, qui permet de suivre l’actualité du football sur la base de comptes sélectionnés par la rédaction. En temps réel ou avec du recul, de nouveaux médias sont nés dans le giron du site de microblogging tels que « FlashTweet »,
« L’Important » ou encore « Reported.ly ». Mais Twitter se réserve le droit d’en censurer comme il l’a fait pour « Politwoops » qui a été arrêté pour s’être spécialisé dans la diffusion de tweets supprimés par des personnalités politiques. Twitter a en outre lancé en octobre 2014 l’écoute de musique et de contenus sonores, en partenariat avec iTunes et SoundCloud. Si Twitter ne se sauve pas luimême, c’est peut-être par ses acquisitions qu’il pourrait trouver une planche de salut. Les rachats de Periscope, de TellAppart et de Niche ont été appréciés. Periscope, aussitôt intégré à Twitter une fois la start-up Bounty Labs acquise (10), se présente comme un concurrent de Meerkat dans la retransmission vidéo en direct d’événements ou de contenus à destination des smartphones et tablettes (11). Et ce, sans passer par l’intermédiaire d’une plateforme d’hébergement telles que YouTube ou Dailymotion. Ce qui ne va pas sans donner des sueurs froides aux ayants droits comme les chaînes de télévision détentrices des
droits de retransmission d’événement ou de diffusion de série (exemple de HBO contre Periscope en avril). Le fondateur de Bounty Labs, Kayvon Beykpour, a assuré qu’il retirait rapidement les contenus litigieux.
En France, en attendant que Periscope ne prenne de l’ampleur, TF1, France Télévisions, Canal+ et M6 – via l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) – se sont plaints en mai dernier auprès de Twitter et de Facebook de la diffusion de vidéo pirates de leurs programmes sur les deux réseaux sociaux.

Acquisitions, faute de croissance interne
Les chaînes de télévision françaises leur demandent d’adopter « une véritable politique de sanctions » et « des technologies de filtrage automatique par reconnaissance d’empreintes numériques préalablement déposées par les détenteurs de droits, permettant de bloquer la mise en ligne de vidéos contrefaisantes » (12). La Ligue française de football (LFP) a aussi sévi auprès de Twitter France contre le piratage
de ses matches.
La seconde acquisition concerne la société TellApart, spécialisée dans les publicités et emailings ciblés pour le e-commerce. La troisième concerne Niche, une sorte agence d’artistes les mettant en relation avec des annonceurs. La croissance externe de Twitter n’est sans doute pas terminée. @

Charles de Laubier

Pub en ligne : annonceurs et agences ne parlent plus de « médias » mais d’ « audiences »

Le maître-mot publicitaire cette année est « Real Time Bidding », ou RTB. La publicité dite « programmatique », avec ses ventes aux enchères en temps réel, devient la règle. Les publicitaires n’achètent plus de l’espace média mais du volume d’audience. C’est à risque pour les éditeurs de… « marques ».