Pourquoi Axel Springer a perdu son procès contre Eyeo, éditeur du logiciel Adblock Plus

Retour sur un verdict attendu depuis trois ans : dans sa décision du
19 avril 2018, la Cour suprême fédérale de Justice allemande a jugé
« légal » le logiciel de blocage de publicités en ligne Adblock Plus, déboutant
le groupe de médias Axel Springer de sa plainte pour concurrence déloyale.

C’est un revers pour le groupe allemand qui publie non le quotidien Bild,
le plus lu outre-Rhin et la plus forte diffusion de la presse en Europe occidentale, mais aussi Die Welt, ainsi que de nombreux sites web (Businessinsider.com, SeLoger, Logic-Immo, …). En 2015, l’éditeur berlinois avait fait appel et obtenu un référé à l’encontre de la société allemande Eyeo qui éditeur Adblock Plus, l’un des logiciels anti-pub sur Internet les plus utilisés dans le monde.

Pendant que l’Allemagne perquisitionne chez Eyeo/Adblock Plus, la France prépare label et charte

Alors que le CESP (1) et l’ACPM (2) se voient confier – par le SRI (3) et l’Udecam (4) – la rédaction d’un « référentiel » pour un label « Digital Ad Trust », les professionnels de la pub online s’inquiètent du succès des ad-blockers.
Pendant qu’Axel Springer ferraille en justice contre Eyeo/Adblock Plus.

Le 26 janvier dernier, les locaux de la société allemande Eyeo, éditrice du célèbre logiciel anti-pub Adblock Plus,
ont été perquisitionnés ainsi que trois domiciles de ses dirigeants. La police et le ministère public allemand de la Justice ont cherché des preuves pour manquement au droit d’auteur et au droit de la concurrence au détriment des professionnels de la publicité en ligne et des éditeurs de presse. L’information a été révélée le lendemain par le site online Heise (5).

Adblockers : quand la Cnil conseillait de les utiliser…

En fait. Le 16 décembre prochain, cela fera un an que la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (Cnil) a publié ses recommandations sur les cookies. Elle conseillait notamment aux internautes de « bloquer toutes les publicités avec un bloqueur de publicité (adblocker) ». Ce conseil a disparu…

En clair. La Cnil conseille aux internautes l’utilisation de adblockers, ces logiciels qui bloquent la publicité en ligne, au grand dam des publicitaires, des annonceurs et des éditeurs de sites web. Mais selon nos constatations, le site web de la Cnil ne développe plus ce conseil, qui a été supprimé – bien que le libellé y soit encore : « Conseil n°6 : comment bloquer toutes les publicités avec un bloqueur de publicité (adblocker) ».
Ce conseil en faveur des adblockers avait été publié le 16 décembre 2013 à la suite de la délibération sur les cookies, laquelle ne parle cependant pas de logiciel de blocage publicitaire ni de adblockers, mais seulement de l’option « Do Not Track » (1) proposée par certains navigateurs web. Nous avons voulu savoir pourquoi auprès de la Cnil, sans résultat.
L’explication est sans doute à aller chercher du côté de l’Union française du marketing direct et digital (UFMD) qui a adressé cette année un courrier à la Cnil pour regretter ce conseil prodigué aux internautes et par la même occasion lui « rappeler l’utilité de la publicité dans le développement de l’économie numérique ». L’UFMD, qui regroupe plusieurs organisations de la publicité ou du e-commerce (UDA, AACC, Fevad, SNCD, IAB France, SRI, MMA, ARPP, …), aurait donc eu gain de cause auprès de la Cnil.
Les membres de l’UFMD font par exemple savoir à la Cnil que le bloqueur Adblock Plus n’est pas neutre : les sites web qui le paient – Google en ferait partie – verraient les publicités d’afficher (2). Le Syndicat des régies Internet (SRI), l’Union des annonceurs (UDA), l’IAB, l’Udecam, et le Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) ont constitué un groupe de travail pour trouver des alternatives. Pour l’heure, entre 15 % et 30 % des « impressions » (affichage d’e-pubs) sont bloquées.