Fibre sans fil : avec la 5G fixe, la concurrence des « box » dans le très haut débit pourrait être relancée

La 4G fixe est une alternative marginale dans l’accès haut débit. La 5G fixe, elle, pourrait se substituer à plus grande échelle aux « box » fixes de la fibre à domicile. Le Fixed Wireless Access (FWA) n’aura alors plus rien à envier au Fiber-To-The-Home (FTTH). Et sera bien moins coûteux à déployer.

Si la fibre optique jusqu’à l’abonné n’a pas à craindre la concurrence de la 4G fixe dans certains territoires, il devrait en être tout autrement avec la future 5G fixe. Car l’avènement à partir de 2020 du très haut débit sans fil pourrait changer la donne dans les foyers, notamment sur le marché assez figé des « box » en France. La box 5G pourrait rebattre les cartes de l’accès à Internet, à l’IPTV (1) et à la VOD (2). Imaginez YouTube ou Netflix sur box « fibre sans fil » !

FWA 5G versus FTTH
Demain, substituer une box 5G à une box fixe sera possible – pour peu que la fibre optique soit déployée au niveau du backhaul, c’est-à-dire du « réseau d’amené » comme disent les Québécois pour désigner le réseau intermédiaire assurant l’émission et la réception très haut débit jusqu’à l’antenne mobile située au plus proche de l’abonné. Alors qu’aux Etats- Unis Verizon prévoit de la 5G fixe en mode FWA (Fixed Wireless Access) sur des zones non desservies par le FTTH (Fiber-To-The-Home) de son offre fixe Fios, l’Europe est aussi tentée par cette « fibre sans fil ». Les débits sur les bandes de fréquences millimétriques peuvent atteindre 300 Mbits/s, voire 700 Mbits/s, a indiqué Viktor Arvidsson (photo), directeur de la stratégie et des affaires réglementaires d’Ericsson, aux 13es Assises du Très haut débit du 9 juillet dernier. L’équipementier suédois vante plus que jamais auprès des opérateurs télécoms les mérites de la 5G fixe dans les banlieues et les faubourgs européens, leur promettant dans son « FWA Handbook » publié en juin dernier « un retour sur investissement dans un délai de 18 mois » (3).
En prenant en exemple une banlieue en Europe avec une densité de 1.000 foyers par kilomètre carré et partant de l’ambition de déployer la 5G fixe sur 30 % de ce marché-là, le coût de déploiement de la solution FWA est inférieur à 500 dollars par foyer connecté. Alors que le FTTH, lui, nécessiterait 20.000 dollars par km. Vodafone et Swisscom sont aux avant-postes de la 5G en Europe. Le groupement international d’industriels 3GPP (4), qui assure le développement technique pour des normes mobiles comme la 5G NR (New Radio), prépare le FWA 5G pour un déploiement massif au niveau mondial. En France, l’Arcep a prévu – dans son projet des modalités d’attribution des fréquences 5G (5) – que l’opérateur mobile « s’engage à fournir, à compter du 31 décembre 2023 et dans des zones qu’elle identifie et rend publiques (…), un service d’accès fixe à Internet sur son réseau mobile ». Orange a déjà annoncé le lancement dans l’Hexagone de son offre 5G « au printemps 2020 » et prévoit aussi de proposer de la 5G fixe « là où la fibre optique n’est pas disponible » – après avoir testé cet « Internet très haut débit sans fil » en Roumanie dès 2018. Pour l’heure, sur l’Hexagone, les box 4G sont peu nombreuses : probablement quelques milliers seulement parmi les 3 millions d’abonnements dont le débit offert se situe entre 30 Mbits/s et moins de 100 Mbits/s, d’après les chiffres de l’Arcep au 30 juin 2019. Ce segment englobe toutes connexions VDSL2, câble coaxial, THD radio (6) et aussi la 4G fixe. La progression de ce très haut débit «moyen » a été de 16 % sur un an, ce qui n’est pas négligeable dans la mesure où – en ayant atteint cette barre de 3 millions d’abonnés – il dépasse maintenant les 10 % du total des accès à Internet en France. Et cette croissance devrait se poursuivre, notamment en 4G fixe qui suppose la mise en place d’une « box 4G » installée au domicile des utilisateurs. D’autant que le «New Deal mobile », signé début 2018 entre le gouvernement et les opérateurs télécoms en matière de couverture mobile, prévoit des obligations en faveur de la 4G fixe. Cet accord est contraignant pour Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile, qui sont tenus – depuis le 1er janvier 2019 – de proposer des offres 4G fixes grand public dans les zones géographiques bien identifiées. « De plus, le gouvernement peut demander aux opérateurs d’ouvrir, dans les zones qu’ils couvrent déjà en très haut débit mobile et dans un délai de 4 mois, une offre 4G fixe, si l’ouverture de cette offre ne dégrade pas la qualité du service de 4G mobile. Enfin, Orange et SFR ont l’obligation de déployer chacun, à la demande du gouvernement, jusqu’à 500 nouveaux sites afin d’apporter de la 4G fixe ; les zones géographiques à couvrir seront identifiées par le gouvernement, après consultation des opérateurs concernés », indique l’Arcep.

Pas de 4G fixe chez Free
Les quatre opérateurs mobiles ont aussi l’obligation de mettre à jour, outre leurs offres 4G fixes, les zones identifiées où elles sont proposées et de les rendre publiques sur le site web du régulateur (7). Or, selon nos constatations, seul Free ne dispose toujours pas à ce jour d’offre d’accès fixe à Internet sur son réseau 4G – alors que ses trois concurrents respectent leurs obligations « 4G fixe ». @

Charles de Laubier

Prise à partie par Bouygues Telecom, Free et UFC-Que Choisir sur la 5G, l’Arcep ne dit mot

Alors que la consultation publique sur le projet d’attribution des fréquences 5G s’est achevée le 4 septembre, l’Arcep a essuyé la veille un flot de critiques de la part de l’UFC-Que Choisir et des opérateurs télécoms Iliad-Free et Bouygues Telecom. Mais le régulateur peut encore corriger le tir.

« Non, l’Arcep n’a pas réagi et Sébastien Soriano [son président] ne va pas le faire », a indiqué le 4 septembre dernier une porte-parole du régulateur des télécoms à Edition Multimédi@. Ce jour-là s’achevait la consultation publique que l’Arcep avait lancée le 15 juillet sur les modalités d’attribution (des autorisations d’utilisation) des fréquences de la bande 3,4-3,8 GHz pour la 5G et les obligations pour les candidats.

Vers un patchwork de débits 5G
Mais la veille de cette échéance, plusieurs acteurs ont critiqué les conditions d’attribution et les risques concurrentiels. L’Arcep n’a pas souhaité répondre ni polémiquer, se retranchant derrière son calendrier établi dès l’été 2018 avec le gouvernement pour attribuer les fréquences 5G d’ici janvier 2020. En revanche, elle a réuni le 5 septembre plusieurs de ses homologues européens (1) pour avoir leur avis. Dans les prochaines semaines, elle proposera donc un texte au gouvernement « en vue de conduire l’attribution des fréquences à l’automne ». Pour autant, au vu des contributions à la consultation publique, le régulateur des télécoms a encore quelques jours pour ajuster, voire infléchir certaines conditions. C’est ce sur quoi tablent les acteurs qui ont exprimé haut et fort leurs réserves sur les règles du jeu envisagées pour l’octroi des ressources des 310 premiers Mhz.
L’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir s’est « alarm[ée] des nombreuses failles » du projet de régulation de l’Arcep pour cette cinquième génération de mobile. « Les enchères entre opérateurs [télécoms] pourront aboutir à ce que l’un d’entre eux n’ait que 40 Mhz à exploiter, quand un autre pourra en obtenir jusqu’à 100 Mhz. Autrement dit : les débits maximaux pourront varier du simple au plus du double entre opérateurs, pour une technologie en apparence identique », s’inquiète UFC-Que Choisir à propos de la première bande de fréquences 3,4-3,8 Ghz. Alors que la 4G offrait à peu près les mêmes débits pour les abonnés, il n’en sera donc pas de même pour la 5G. Pire : lorsque la seconde bande de fréquences 700 Mhz sera utilisée, « cet écart deviendra en réalité abyssal puisque les débits théoriques pourront alors s’échelonner de 30 Mbits/s à plus de 1 Gbit/s ! », prévient l’association de consommateurs. La 5G risque d’être plus cher pour les utilisateurs que la 4G mais pour un débit pas forcément meilleur… L’UFC-Que Choisir appelle donc l’Arcep à « interdire aux opérateurs [mobile] de prétendre offrir de la 5G si celle-ci ne garantit pas – pas seulement en théorie mais aussi en pratique – des débits supérieurs à ceux de la 4G ». Et de regretter que l’Arcep n’impose plus aux opérateurs télécoms un déploiement en termes de couverture de la population – « cela est une première » – mais en termes de nombre de sites émetteurs, à savoir au moins 12.000 pour chaque opérateur au 31 décembre 2025, avec le risque de concentration dans les zones denses les plus rentables au détriment des territoires. L’association de consommateurs demande donc au régulateur de «modifier ses orientations ». De leur côté, les deux plus petits des quatre principaux opérateurs télécoms ont fait part – à cinq jours d’intervalle et à l’occasion de la présentation de leurs résultats financiers semestriels – de leurs critiques à l’égard des règles d’attribution des fréquences de la 5G. C’est Bouygues Telecom qui est monté le premier au créneau, le 29 août : Didier Casas (photo de gauche), directeur général adjoint de Bouygues Telecom et vice-président de la FFTélécoms (2), a « contest[é] vigoureusement » les conditions d’attribution des fréquences 5G. « C’est incompréhensible de la part du régulateur », a-t-il même lancé, selon des propos rapportés par La Tribune. En cause, la procédure en deux temps d’acquisition des blocs de fréquences 5G : dans une première séquence, chaque opérateur ne pourra acquérir à prix fixe que de 40 à 60 Mhz ; dans une seconde, chaque opérateur pour acquérir aux enchères plusieurs blocs de 10 Mhz. Le tout avec un maximum possible de 100 Mhz par opérateur. Pour le dirigeant de Bouygues Telecom, les jeux sont pipés d’avance car Orange et SFR (Altice) ont des moyens financiers supérieurs à ceux de leurs deux autres rivaux pour se payer jusqu’à 100 Mhz de fréquences. La 5G porterait donc atteinte à la concurrence.

« 60 Mhz, un minimum nécessaire »
Même son de cloche du côté d’Iliad-Free. Son fondateur Xavier Niel (3) (photo de droite) a lui aussi fait part de ses inquiétudes sur « quelque chose qui peut être potentiellement mortel, pour Bouygues Telecom comme pour nous ». Se disant « totalement aligné avec Bouygues Telecom sur cette idée », il estime que « 60 Mhz nous semblent être un minimum nécessaire pour offrir une bonne 5G » – quitte à plafonner à 90 Mhz (et non 100 Mhz) le total par opérateur. A la question 3 de sa consultation (4), l’Arcep a laissé la porte ouverte. @

Fréquences de la TNT : vers un troisième « dividende numérique » pour les opérateurs mobiles ?

C’est le 25 juin 2019 que s’achève le transfert, entamé il y a trois ans, des fréquences libérées par la TNT pour être remises aux opérateurs mobiles
pour leurs réseaux 4G. Mais l’Arcep, elle, souhaite « une volonté politique »
pour que soient libérées d’autres fréquences de la TNT pour, cette fois, la 5G.

Après le 29 juin, la télévision numérique terrestre (TNT) ne sera plus du tout diffusée sur la bande de fréquences dite des 700 Mhz (694-790 MHz) – celles que l’on appelait « les fréquences en or », issues du « deuxième dividende numérique ». Comme prévu il y a aura cinq ans cette année, dans un calendrier précisé le 10 décembre 2014 par le Premier ministre de l’époque (Manuel Valls), le transfert de la bande 700 Mhz de la diffusion de la TNT au secteur des télécoms s’achève en effet à cette date.

Passer la TV sur ADSL, VDSL2 ou FTTH
Ce que confirme à Edition Multimédi@ Gilles Brégant, le directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFr) : « Oui, effectivement, le mois de juin 2019 verra s’effectuer la dernière tranche de libération de la bande 700 Mhz au profit des opérateurs mobiles. Les réaménagements de fréquences correspondants s’effectueront à partir du mardi 25 juin dans une zone située à proximité de Grenoble. A partir du 1er juillet, la bande sera utilisable par les opérateurs mobiles partout en métropole ».
Ce 29 juin marque ainsi la treizième et dernière phase (1) de la libération par la TNT des dernières fréquences de la bande des « 700 » au profit d’Orange, de SFR, de Bouygues Telecom et de Free. Cela s’est donc fait progressivement depuis octobre 2017, sachant que la région Ile-de-France fut la première à opérer – dès le 5 avril 2016 (phase dit « zéro ») – ces changements de fréquences nécessaires à la libération de la bande en question pour les services mobiles.
Cela a pu se faire grâce à la généralisation de la norme de compression numérique Mpeg4 et le passage à la TNT HD (haute définition). Cette opération a permis de réduire le nombre de canaux nécessaires à la diffusion de la TNT. La manœuvre a consisté, et comme ce sera encore le cas le 29 juin, à « déplacer les canaux de diffusion de la TNT en dehors de la bande des 700 Mhz, pour les concentrer sur les fréquences restantes (bande 470-694 Mhz) ». Cela concerne les téléspectateurs recevant la télévision par antenne râteau, qu’elle soit individuelle, en maison, ou collective en immeuble. Dans certains cas où il y aurait une perte de chaînes, il faut alors effectuer une recherche et une mémorisation des chaînes de la TNT (2). A moins de faire « pivoter » le foyer vers une réception alternative à la TNT, à savoir la « box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) déjà bien implantée sur tout le territoire (en mode ADSL, VDSL2, câble ou fibre optique), sinon le satellite. Pour les télécoms, c’est l’opportunité d’utiliser ce « deuxième dividende numérique », le premier dividende numérique ayant été celui de la bande des 800 Mhz que l’audiovisuel avait déjà dû en 2011 abandonner (3). Mais avec l’arrivée de la 5G prévue commercialement à partir du premier semestre 2020, soit dans un an, les deux dividendes numériques pourraient ne pas être suffisant. Reste à savoir si l’actuel Premier ministre, Edouard Philippe (photo de gauche), arbitrera en faveur d’un troisième dividende numérique issu de la TNT. Mais s’il ne reste maintenant à l’audiovisuel que sa seule bande 470-694 Mhz, où aller chercher ces nouvelles « fréquences en or » ? Tout simplement en basculant l’ensemble de la télévision sur les réseaux très haut débit pour libérer entièrement les fréquences restantes de la TNT au profit de la 5G ! C’est en substance ce que vient de suggérer au gouvernement le président de l’Arcep, Sébastien Soriano (photo de droite). Auditionné le 3 juin dernier devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, ce dernier a déclaré : «La 5G en zone rurale est un défi politique. Nous ne pouvons pas apporter de la 5G massivement en zone rurale tant que nous n’aurons pas plus de fréquences. Ne faudrait-il pas débloquer de nouvelles fréquences pour les opérateurs ? Il y a des fréquences basses utilisées par la TNT. Mais ces fréquences ne seraient-elles pas plus utiles pour la 5G ? ». Et Sébastien Soriano de faire un appel du pied au gouvernement : « C’est un choix politique, sous l’arbitrage du Premier ministre qui décide de l’attribution des fréquences entre les secteurs. Et à l’Arcep, nous serons ravis d’obtenir davantage de fréquences pour les financements ».

Devancer les discussions de la CMR 2023
Pourtant, en France, la loi modifiée de 1986 sur la liberté de communication prévoit que les fréquences audiovisuelles utilisées pour la TNT – affectées au CSA – ne peuvent pas être transférées à d’autres services « au moins jusqu’au 31 décembre 2030 ». Mais le président de l’Arcep semble vouloir lancer le débat dès maintenant, en prévision des discussions sur l’avenir de la bande UHF de la télévision à la conférence mondiale des radiocommunications (CMR) de fin 2023 et des rapports européens et français attendus pour 2025. @

Charles de Laubier

Le numérique en procédure accélérée au Parlement

En fait. Le 18 juin, est paru au Journal Officiel un décret convoquant le Parlement en session extraordinaire à partir du 1er juillet 2019. Plusieurs projets et propositions de loi vont (continuer à) être examinés : taxe GAFA, droit voisin
de la presse, sécurité de la 5G, lutte contre la cyberhaine, CNM (musique).

5G : le « en même temps » d’Emmanuel Macron sera-t-il fatal au chinois Huawei en France ?

La commission des affaires économiques du Sénat a auditionné le 4 juin Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat en charge notamment des télécoms. Comme le ministre de l’Economie et des Finances, elle a promis que le chinois Huawei ne sera « pas discriminé » par la France. Mais « en même temps »…

« Nous n’allons pas cibler une compagnie ou une autre. Il y a aujourd’hui beaucoup d’opérateurs qui travaillent sur la 4G avec Huawei. Notre position est différente des Américains sur ce sujet. Nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas d’ingérence possible, à ce
que notre souveraineté soit maintenue, et en même temps nous voulons garantir le meilleur accès technologique pour nos entreprises et pour les particuliers », a déclaré Bruno Le Maire
au micro de France Info, le 22 mai dernier.

Loi – « anti-Huawei » ? – le 19 juin au Sénat
La veille, devant des journalistes de la presse diplomatique, le locataire de Bercy avait formulé une appréciation similaire vis-à-vis de Huawei : « Aucun candidat ne serait écarté a priori. Le choix des équipementiers télécoms pour le déploiement de la 5G
en France se fera en fonction de la sécurité des réseaux et de leurs performances ».
Le ministre de l’Economie et des Finances s’est en tout cas fait l’écho de la position
du « en même temps » adoptée par Emmanuel Macron à l’égard du géant chinois des télécoms. Le 16 mai, lors du salon VivaTech à Paris, le président de République a tenté de rassurer sur les intentions de la France dans cette affaire, au lendemain de la décision de Donald Trump d’interdire Huawei aux Etats-Unis : « Notre perspective n’est pas de bloquer Huawei ou toute autre entreprise, a dit Emmanuel Macron, mais de préserver notre sécurité nationale et la souveraineté européenne. (…) Nous voulons développer l’emploi, les affaires, l’innovation. Nous croyons à la coopération et au multilatéralisme. En même temps, pour la 5G, nous faisons très attention à l’accès aux technologies coeur de réseau pour préserver notre sécurité nationale ». Auditionnée au Sénat le 4 juin, la secrétaire d’Etat en charge des télécoms, Agnès Pannier- Runacher (photo), n’a pas dit autre chose (1).
Ce sont ces « en même temps », « mais » et « a priori » qui posent questions sur les vraies intentions du gouvernement français vis-à-vis de la firme de Shenzhen. D’autant que le Sénat est en train d’examiner la proposition de loi visant à « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles ». Emanant donc du gouvernement, cette proposition de loi a été inscrite en procédure accélérée et adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 10 avril. Ce texte, que le Sénat va commencer à examiner le 19 juin avant un débat en séance publique programmé pour le 26 juin, prévoit en effet un régime d’autorisation préalable qui donne un droit de véto au Premier ministre sur « tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau radioélectrique mobile qui, par leurs fonctions, présentent un risque pour l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’exploitation du réseau, à l’exclusion des appareils installés chez les utilisateurs
finaux » (2). Bien que le gouvernement s’en défende, cette proposition de loi prend
des allures d’« anti-Huawei » et se fait le relais en France de la psychose technologique et sécuritaire qui s’est emparée de l’administration Trump au détriment des fabricants chinois, Huawei et ZTE en tête. Dans la politique du « en même temps » d’Emmanuel Macron, chef des Armées, difficile de croire sur parole Guillaume Poupard, le directeur général de l’ANSSI – Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui fait office de « régulateur de la sécurité numérique » (3) – lorsqu’il répond au député Thomas Gassilloud (LREM), rapporteur de la loi, pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, comme le relate ce dernier : « Le directeur général de l’ANSSI a assuré le rapporteur pour avis que, dans son soutien à la proposition de loi, le gouvernement ne s’inscrit pas dans le même état d’esprit que
celui des Etats-Unis vis-à-vis de Huawei ou de ZTE. Au contraire (…) ». Alors, double-langage à la française ? Emmanuel Macron ne sera-t-il pas contraint de se soumette à l’extraterritorialité de l’« America first » ? Les Etats-Unis et la France font partie des 29 pays membres de l’Otan qui subit les pressions de Donald Trump (4).

Orange a déjà lâché la 5G de Huawei
Mis à l’index par quelques pays (Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande), Huawei Technologies risque de faire moins bien en 2019 que l’an dernier où la société fondée
il y a plus de 30 ans par le Chinois Ren Zhengfei (son actuel PDG) a franchi la barre des 100 milliards de dollars (+ 19,5 %) avec un bénéfice net de 8,5 milliards (5). Pour l’heure, en France, SFR (Altice) et Bouygues Telecom (Bouygues) sont toujours client de Huawei. Orange, dont l’Etat est « un actionnaire avisé », n’a pas retenu Huawei pour sa 5G mais les européens Nokia et Ericsson. @

Charles de Laubier