La Banque européenne d’investissement (BEI) reste peu sollicitée dans le financement de la 5G

Six mois après que Iliad (Free) ait contracté auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI) un prêt de 300 millions d’euros pour son réseau 4G/5G, c’est au tour de Bouygues Telecom de signer – le 6 mai dernier – pour 350 millions d’euros de financement pour son réseau mobile.

Institution de financement de l’Union européenne, la Banque européenne d’investissement (BEI), a été fondée en 1958 et est présidée depuis 2012 par l’Allemand Werner Hoyer (photo). Bailleur de fonds, elle a investi plus de 1.000 milliards d’euros depuis sa création sur le Vieux Continent mais aussi dans une moindre mesure (14 %) ailleurs dans le monde (dont l’Afrique). La BEI finance de nombreux secteurs (1), y compris dans les télécoms. Ainsi, depuis cinq ans et sur le total de 279,4 milliards d’euros de prêts consentis tous secteurs confondus, 4,1 % ont financé des réseaux fixes et mobiles.

Pas plus de 1,6 Md€ aux télécoms en 2020
Pour autant, sur ces cinq dernières années, cela ne fait qu’un total de 11,4 milliards euros consacrés aux télécoms dans l’Union européenne – dont seulement à peine plus de 1,6 milliard d’euros sur la seule année 2020 – laquelle cumule 56,7 milliards d’emprunts contractés auprès de la BEI dans tous secteurs au sein des Vingt-huit (2), soit avant le Brexit. C’est du moins ce qui ressort du rapport « Activités de financement et d’emprunt » que la BEI a publié début mai. Ainsi, l’an dernier, 520 millions d’euros ont été prêtés aux opérateurs de réseaux publics (téléphoniques, Internet et audiovisuel), 450 millions ont été alloués aux réseaux mobiles (4G et 5G), 442 millions dans les services télécoms et 235 dans les satellites et stations au sol.
Ces sommes paraissent modestes face aux enjeux de l’aménagement numérique des territoires et de la lutte contre les zones blanches jusque dans les régions rurales ou les plus isolées. De plus, très peu d’opérateurs télécoms sollicitent la BEI pour financer ces déploiements d’infrastructures de fibre optique et de réseaux mobiles. Pourtant, ces investissements sont cruciaux pour résorber la fracture numérique que les confinements ont mis cruellement en exergue (3). Par exemple, sur les 450 millions euros de prêts signés l’an dernier pour la 4G et la 5G, 300 millions d’euros ont été contractés le 18 novembre par le français Iliad, la maison mère de Free, pour financer la densification de son réseau 4G – «New Deal Mobile » signé auprès du gouvernement français oblige (4) – et le déploiement de la 5G dont la commercialisation a débuté en décembre 2020. Cet argent frais a aussi contribué à l’entrée de Free sur le marché des entreprises, et porte à plus de 1,1 milliard d’euros les financements accordés depuis 2009 à Iliad par la BEI : 150 millions en août 2010, 200 en août 2012, 200 en mars 2017, 300 en mars 2019, et 300 en novembre 2020. Les 150 millions d’euros restants débloqués en 2020 par la BEI l’ont été pour Telefonica et la 5G de sa filiale en Allemagne. L’année 2021 sera-t-elle mieux lotie en termes de financements « télécoms » de la part de la BEI ? Pour la première fois, Bouygues Telecom a signé à son tour, le 6 mai dernier, pour un prêt de 350 millions d’euros « pour soutenir le déploiement des sites mobiles de l’opérateur dans l’Hexagone, notamment de la 5G ».
Il s’agit pour lui de renforcer sa couverture mobile, « y compris en zone rurale (objectif de 28.000 sites en 2023 et environ 35.000 en 2026) », et à multiplier par quatre la capacité de son réseau radio mobile d’ici cinq ans, « assurant une meilleure connectivité au plus grand nombre de citoyens, partout sur le territoire ». Orange aurait de son côté plus de 1milliard d’encours, dont 700 millions d’euros de prêt en décembre 2019. Grand absent : SFR (Altice).
Reste que les opérateurs télécoms européens ne se bousculent pas au guichet de la BEI, pour le financement de leur 5G notamment. En février dernier, l’institution de financement de l’UE (basée au Luxembourg) et la Commission européenne – dans le cadre de leur programme commun InnovFin – ont publié une étude intitulée « Accelerating the 5G transition in Europe » (5) – a tiré la sonnette d’alarme : car il y a « un écart considérable entre l’Europe et les Etats-Unis en matière de financement en capital-risque à l’appui de l’écosystème de l’innovation 5G, qui se situe entre 4,6 milliards et 6,6 milliards d’euros par an. Ce déficit d’investissement représente une difficulté majeure pour l’évolution rapide de la 5G en Europe, qui risque de prendre du retard ».

Pas assez d’investissements publics-privés
Ce n’est pas la première fois que la BEI s’inquiète de la faiblesse des investissements dans les infrastructures très haut débit en Europe, notamment dans les zones rurales jugées « non rentables » par les opérateurs de réseaux. Dans une précédente étude, publiée fin 2017, elle mettait déjà en garde contre la faiblesse voire la carence des investissements publics dans des infrastructures de long terme (6), notamment en France (7). Or la BEI peut venir en soutien des Etats pour cofinancer – comme en France avec la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts (CDC) – des réseaux d’initiative publique (RIP) auprès des collectivités territoriales. @

Charles de Laubier

Les satellites font de l’ombre à la fibre et à la 5G

En fait. Le 27 avril, le français Eutelsat a annoncé l’acquisition d’environ 24 % du capital de OneWeb, constellation de satellites conçus pour fournir l’Internet haut débit sur la planète. Le même jour, l’américain SpaceX a obtenu l’autorisation de la FCC pour positionner des satellites Internet sur une orbite plus basse.

La gouvernance d’Iliad, maison mère de Free, pourrait mieux refléter sa stratégie européenne

Cela fait plus d’un an que Xavier Niel a été renommé président du conseil d’administration d’Iliad, dont il est fondateur et premier actionnaire. Son mandat devrait être renouvelé le 2 juin prochain, pour quatre ans cette fois. La gouvernance du groupe, elle, gagnerait à être plus internationale.

Comme le mandat de Xavier Niel (photo) – redevenu le 16 mars 2020 président du conseil d’administration du groupe Iliad qu’il contrôle – arrive à échéance à la prochaine assemblée générale des actionnaires, prévue le 2 juin prochain, le conseil d’administration du 15 mars dernier a proposé « le renouvellement du mandat de M. Xavier Niel pour une durée de quatre ans », soit jusqu’à mi-2025 (résolution n°7 de la prochaine AG).

Près de 1 Md d’euros générés hors de France
Aujourd’hui, hormis son « nouveau » président, ce conseil d’administration est composé de onze membres dont cinq administrateurs indépendants et deux administrateurs représentant les salariés (1). Mais cette composition reflètet- elle la stratégie européenne d’Iliad ? Non, si l’on en croit le dernier document d’enregistrement universel (DEU) que le groupe a déposé le 15 avril dernier auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). A l’issue d’une évaluation du conseil d’administration réalisée sur la base d’un questionnaire, « il en est ressorti que les administrateurs souhaiteraient qu’une réflexion soit menée par le management en vue d’une représentation de l’implantation internationale au sein du conseil [d’administration] ». Pour l’heure, à l’instar du président du conseil d’administration, les onze membres sont chacun de nationalité française – excepté pour l’Irlandaise Orla Noonan, qui, installée en région parisienne, est administratrice depuis 2009 et par ailleurs présidente d’Adevinta, la maison mère norvégienne de la place de marché Le Bon Coin.
Pour la première fois de son histoire, soit depuis que Xavier Niel a créé Free en février 1999, le groupe Iliad a réalisé l’an dernier 15 % de son chiffre d’affaires hors de France. Et cette proportion internationale affiche une croissance annuelle à deux chiffres. Cette fin du « franco-français » doit s’accompagner d’une gouvernance et d’une direction qui correspondent à cette expansion. Sur les 5,87 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés par le groupe sis rue de la Ville-l’Evêque (ancien hôtel particulier parisien où se trouve son siège social), 874 millions d’euros ont été générés en Italie (674 millions) et en Pologne (200 millions).
Il s’agit d’ailleurs de la première contribution de l’opérateur télécoms polonais Play (2) – dont la maison mère luxembourgeoise Play Communications a été acquise fin 2020 pour 2,2 milliards d’euros – aux résultats du groupe de Xavier Niel qui se retrouve avec trois marques : Free en France, Iliad en Italie et Play en Pologne. Par ailleurs, depuis avril 2018, Iliad détient 31,6 % de l’opérateur historique irlandais Eir « aux côtés de NJJ, la holding personnelle de Xavier Niel, celle-ci devant acquérir une participation indirecte de 32,9 % dans Eir » avec « une option d’achat (call option) exerçable en 2024 (…) portant sur (…) 26,3 % du capital d’Eir » (dixit le DEU). L’objectif est d’en acquérir la totalité. En outre, Xavier Niel est – à titre personnel via sa holding NJJ Capital – propriétaire depuis fin 2014 (et administrateur) de l’opérateur suisse Salt et pour lequel Free Mobile est prestataire technique. En attendant l’« internationalisation » du conseil d’administration d’Iliad, l’équipe de direction, elle, a évolué avec l’intégration de dirigeants de l’Italie (Benedetto Levi) et de la Pologne (Jean-Marc Harion, Belge) « afin d’ajouter une vision européenne à la stratégie ». C’est un début. @

Charles de Laubier

Suppression de 1.700 postes : les syndicats de SFR dénoncent « un scandale social, économique et financier »

Sur les 9.500 emplois que compte encore le 2e opérateur télécoms français SFR, 1.700 postes vont être supprimés en 2021 sur la base du volontariat. C’est près de 18 % des effectifs « télécoms » de la filiale française d’Altice. Les syndicats, eux, sont vent debout contre ce projet « Transformation et ambitions 2025 ». Blocage.

Depuis la première réunion de négociation du 10 mars dernier entre les syndicats de SFR et la direction générale du 2e opérateur télécoms français, c’est le black-out total. Aucune date de nouvelle rencontre n’est prévue. « La direction a fermé la porte des négociations ; elle boude, c’est le blocage », regrettent le 18 mars les représentants syndicaux, contactés par Edition Multimédi@. La CFDT, la CFTC et l’Unsa Com ont dénoncé ce 10 mars « un scandale social, économique et financier ». Ils l’ont fait savoir dans un « manifeste pour la vérité« , dans lequel ils ont fait connaître « leur opposition à une négociation ouverte sur la base d’un tissu de mensonges travestissant la réalité économique de SFR » et « sur la base d’une construction artificielle et inacceptable de “nouvelles” orientations stratégiques ». Alors que SFR en est à son troisième plan social en moins de dix ans (2), dont 5.000 emplois supprimés en 2017, celui-ci – avec sa destruction de 1.700 emplois – ne passe pas. « Cette invitation à la négociation d’une réduction des effectifs est faite alors que justement les excellents chiffres de la période, au contraire des autres entreprises françaises, auraient dû conduire SFR à organiser une discussion autour d’un partage des résultats », s’insurgent les organisations syndicales, rappelant que Patrick Drahi (photo), le patron fondateur de la maison mère Altice, s’était dit « sensible » au dialogue social au sein de l’entreprise.

Les télécoms pourtant préservées par la crise
Au lieu de cela, les négociations démarrent, selon les syndicats, sur des « bases tronquées, anti-économiques et antisociales ». Et les syndicats représentatifs de SFR d’enfoncer le clou : « Il serait en effet particulièrement intolérable que dans un secteur préservé par la crise, les pouvoirs publics puissent faire preuve d’un “turbulent silence”, face à des suppressions d’emplois qui vont peser sur les comptes sociaux de la nation, alors que l’entreprise est prospère ». En croissance de 2,4 % sur un an, l’opérateur SFR est la vache à lait d’Altice France, dont il génère 97 % du chiffre d’affaires total (lequel est de 10,9 milliards d’euros en 2020), avec un ratio de rentabilité opérationnelle de 39,8 % (Ebitda télécoms).
La volonté de SFR d’embaucher parallèlement 1.000 jeunes d’ici 2025 ne suffit pas à apaiser le courroux des syndicats. Ce millier de nouvelles recrues sur quatre ans se fera « sur les nouveaux métiers qualifiés du numérique, par exemple liés à la sécurité, l’analyse de la donnée ou l’IA ». Ce que la direction présente comme « un grand plan de recrutement » de 1.000 « jeunes diplômés » rend d’autant plus indigeste pour les syndicats la suppression de 18 % des effectifs de SFR, même si « l’embauche de jeunes est une nécessité ».

« Transformation et ambitions 2025 »
En annonçant le 3 mars son projet stratégique « Transformation et ambitions 2025 », SFR a justifié son objectif de 1.700 suppressions d’emplois par, d’une part pour 400 d’entre eux, la baisse de fréquentation dans les boutiques (- 30 %) et la progression continue des actes en ligne, et, d’autre part pour 1.300 d’entre eux, l’évolution du réseau de boutiques ramené à 568 magasins d’ici fin 2022. En outre, dans le cadre de ses obligations légales qu’il affirme déjà dépasser, le groupe Altice France-SFR – incluant les médias BFM et RMC – s’est engagé à créer 1.000 contrats d’apprentissage par an. « A l’heure où nous sommes déjà dans une phase d’investissements massifs pour la fibre et la 5G, nous devons, en tant qu’acteur sur lequel repose toute l’économie numérique, nous mettre en ordre de marche et nous fixer des objectifs élevés pour faire face à ce niveau d’exigence », a expliqué Grégory Rabuel, directeur général de SFR. Le deuxième opérateur télécoms en France revendique 25 millions de clients.
L’un des points d’achoppements entre direction et syndicats réside dans la demande des seconds à ce que l’emploi soit maintenu jusqu’en 2025 au niveau où il est début 2021. Pour la direction, ces exigences « posées en préalable à toute négociation » sont « incompatibles avec la situation de l’entreprise et la nécessité de sa transformation » (3). Pour les syndicats, il ne s’agit pas d’un « péalable » mais d’un contre-projet à négocier. Nul ne sait maintenant quand la direction présentera son plan de réorganisation. La dernière entrevue entre les syndicats de SFR et le président d’Altice Europe, Patrick Drahi, accompagné de son directeur opérationnel Armando Pereira, remonte au 16 décembre 2020. Les deux dirigeants auraient alors assuré aux organisations syndicales leur « attachement à un dialogue social de qualité ». Mais ces dernières ont rapidement déchanté, constatant début février « que le dialogue social est en mode totalement dégradé et qu’il n’existe plus d’interlocuteur faisant un lien entre les salariés, leurs représentants et vous [Drahi et Pereira] ».
La vente au groupe espagnol Cellnex de la filiale Hivory, qui se présente au sein d’Altice comme « la 1ère Tower Co en France » avec son parc de plus de 10.000 points hauts pour les antennes mobiles 3G, 4G et 5G (pylônes, châteaux d’eau, toits-terrasses, …), est aux yeux des syndicats révélatrice de l’absence de concertation et d’information préalable. Les partenaires sociaux ont appris la nouvelle par voie de presse (4). Hivory a comme principal client SFR, mais travaille aussi avec Bouygues Telecom et Free. Autres signes de dégradation du climat social et des conditions de travail : le recours massif au télétravail, sous prétexte de crise sanitaire, s’est fait sans concertation et sans accompagnement (5) ; le recours au chômage partiel pour des milliers de salariés a permis des économies substantielles pour le groupe. Depuis l’annonce du plan social le 3 mars, le dialogue de sourds s’est installé et la réunion du 10 mars a donné le coup d’envoi du bras de fer social. La direction de SFR, elle, défend son projet stratégique « Transformation et ambitions 2025 » auprès de ses « partenaires sociaux » en invoquant « l’accélération de la digitalisation des usages constatée par tous depuis le début de la crise sanitaire », « de[s] revenus captés par d’autres acteurs » (les GAFAN), « de[s] tarifs toujours très bas » et « une fiscalité spécifique au secteur extrêmement lourde ». Le groupe Altice France-SFR entend « poursuivre sur le long terme sa politique d’investissements efficace ». Il s’agit, selon la direction, de pouvoir absorber le trafic qui ne cesse d’augmenter chaque année (+35 % de trafic pour SFR en 2020) et de s’adapter aux évolutions technologiques récurrentes, comme la fibre et la 5G. Côté fibre : « Altice France-SFR poursuivra le déploiement de l’infrastructure fibre du pays et se fixe comme objectif le raccordement de plus de 90 % des foyers français en 2025 » et « vise 5 millions de nouveaux clients FTTH ». Côté 5G : « Altice France- SFR appuiera ses efforts de déploiement 5G et couvrira 98 % des villes de plus de 10.000 habitants en 5G », dont Paris depuis le 19 mars.

Altice Europe n’a plus la cote
Quant à la maison mère d’Altice France-SFR, Altice Europe, elle n’est plus cotée à la Bourse d’Amsterdam depuis le 27 janvier dernier. Le milliardaire Patrick Drahi a repris le contrôle (plus de 92 % du capital) du groupe de télécoms et de médias qu’il a fondé et dont il était déjà actionnaire majoritaire. Son opération de rachat d’actions avait pour objectif de ne plus être pénalisée par les investisseurs inquiets de sa dette, bien que ramenée à 28,5 milliards d’euros (6). @

Charles de Laubier

La communication des opérateurs mobiles brouille la 5G, dont l’image est déjà écornée

La 5G semble mal partie en France. Les quatre opérateurs – Free, Bouygues Telecom, SFR et Orange – se sont lancés dans une course effrénée à sa commercialisation. Mais la clarté de l’information et la transparence dues aux consommateurs ne sont pas au rendez-vous.

En plus des interrogations sur son impact sur la santé et l’environnement, voilà que la 5G se retrouve accusée de publicité mensongère. Car il n’y a pas une seule qualité 5G, mais bien plusieurs. Encore faut-il que le consommateur sache de quoi il retourne à propos de connexion mobile « ultra haut débit ». Il y a moins de trois mois, le secrétaire d’Etat à la Transition numérique et aux Communications électroniques, Cédric O (photo), avait mis en garde les quatre opérateurs mobiles sur leurs communications « 5G » auprès du public.

La DGCCRF censée contrôler, l’Arcep aussi
« J’ai demandé la plus grande responsabilité aux opérateurs et affirmé aux associations que la DGCCRF (1) serait particulièrement vigilante dans ses contrôles. Il est de notre intérêt commun que les citoyens disposent de l’information la plus factuelle possible pour les orienter dans leurs choix », avait prévenu le ministre (2). La 5G est en réalité multiforme car les gains en termes de débit sont très variables et dépendent de divers paramètres, tels que les bandes de fréquence utilisées (700 Mhz ou 3,4-3,8 Ghz), la densité de l’installation des équipements 5G et le nombre d’utilisateurs connectés à l’antenne 5G au même moment. Concrètement, il y aura dans les territoires autant de « 5G » qu’il y aura d’abonnés : chacun n’aura pas forcément la même connexion que son voisin en termes de débits, de temps de latence ou de réception entre quatre murs.
« Le lancement des premières offres utilisant cette technologie appelle donc une grande vigilance sur l’information donnée aux consommateurs, notamment dans les communications commerciales qui accompagneront ces offres », avait assuré Cédric O. L’Arcep, elle, est censée « faciliter pour les consommateurs la lecture technique des premières offres 5G ». Le gendarme de la concurrence avait bien émis en octobre 2020, « en lien avec la DGCCRF », des recommandations opérationnelles pour le lancement commercial de la 5G mais elles ne portaient que sur la présentation des cartes de couverture de la 5G publiées par Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free. L’impasse a été faite sur l’information et les publicités aux consommateurs (3), lesquels sont invités par le gouvernement et le régulateur à consulter eux-mêmes ces cartes « pour s’informer sur les zones précises où le service sera effectivement disponible et le niveau de service associé dans chacun de ces lieux ». Le problème est que les premières cartes 5G présentées au public par les opérateurs mobiles sont imprécises et ne reflètent pas la réalisé des différentes qualités 5G. Dès le 15 décembre, l’UFC-Que Choisir a mis en demeure Bouygues Telecom, Free et SFR de « modifier la présentation de leurs cartes » – qualifiées de « miroirs aux alouettes » (4) – en engageant une action en justice contre eux trois. Orange, lui, a été sommé d’« apporter des précisions techniques sur sa communication ». Dans une interview au Télégramme, le président d’UFC-Que Choisir, Alain Bazot, dénonçait : « La plupart propose de la 5G avec des fréquences utilisant les bandes 700 Mhz ou 2.100 Mhz. Mais, en réalité, cette 5G n’est pas plus intéressante que la 4G en termes de débit. La véritable 5G, celle utilisant la bande des 3,5 Ghz, en est, elle, à ses débuts (5). Donc, cela induit en erreur le consommateur » (6).
L’Arcep avait demandé le 16 décembre aux opérateurs 5G d’être plus explicites « sur les différents niveaux de service offerts, par exemple sur les débits maximums selon les bandes de fréquences, dont la publication gagnerait à être plus systématique et plus lisible ». Premier opérateur 5G en nombre de sites (7), Free Mobile avait publié au lancement le 15 décembre de son réseau 5G sa première communication : « Le plus grand réseau 5G de France », clamait d’emblée la filiale mobile du groupe Iliad présidé par Xavier Niel, avec en bas des affiches publicitaires « N°1 en nombre de site 5G* ». Pas plus, pas moins, malgré l’astérisque et sa petite note en bas presque illisible : ni prix ni débit.

Après UFC-Que Choisir, Familles Rurales
Cette communication minimaliste a déplu la fédération nationale Familles Rurales, qui, le 21 janvier, a annoncé avoir engagé une action devant le tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de Free mobile pour « pratiques commerciales déloyales » et demandé au gouvernement d’encadrer la publicité sur la 5G (8). « Toutes les 5G ne se valent pas ; chacune dispose de spécificités propres ayant une incidence sur les débits, la latence ou la pénétrabilité au sein des bâtiments », rappelle Familles Rurales, dirigée par Guillaume Rodelet. Pour UFC-Que Choisir, « les opérateurs se moquent de nous ». Pour Stéphane Richard, PDG d’Orange, « c’est une façon de tromper un peu le consommateur »… @

Charles de Laubier