Couverture des zones blanches (non-rentables) : faut-il aller vers un deuxième « New Deal Mobile » ?

Le « New Deal Mobile » était la promesse des opérateurs mobiles – faite il y a quatre ans au gouvernement – d’une « 4G pour tous » au 31 décembre… 2020. Mais des zones blanches ont persisté au-delà de cette échéance. A fin 2021, « 98 % des sites mobiles sont en 4G ». Et les 2 % restants ?

Y aura-t-il un deuxième « New Deal Mobile » pour ne pas laisser les 2 % des sites mobiles dépourvus de 4G et des milliers de centres-bourgs toujours en zone blanche ? Lorsqu’elle était encore députée, Laure de La Raudière (photo) avait suggéré « un deuxième New Deal Mobile ». Certes, c’était treize mois avant de devenir présidente de l’Arcep. La députée d’Eure-et-Loir avait à l’époque – mais il n’y a pas si longtemps que cela – émis cette éventualité au regard du désaccord qu’elle avait avec le président fondateur de Free (Iliad), Xavier Niel, qu’elle auditionnait le 17 novembre 2020 à l’Assemblée nationale en commission (1) – sur la couverture mobile des territoires jusque dans les zones blanches non-rentables.

Du donnant-donnant à 3 milliards d’euros
En janvier 2018, il y a quatre ans maintenant, l’Arcep et le gouvernement annonçaient des engagements des opérateurs télécoms pour accélérer la couverture mobile des territoires qui à l’époque laissait à désirer. Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR s’étaient ainsi engagés à investir plus de 3 milliards d’euros dans les « zones rurales ». En échange de quoi, l’Etat a renoncé à leur faire payer pas moins de 3 milliards d’euros de redevance pour leurs fréquences 4G – dans les bandes 900 Mhz, 1800 Mhz (sauf Free) et 2,1 Ghz – dont les autorisations d’exploitation leur ont été renouvelées pour dix ans supplémentaires. En effet, les autorisations de leurs réseaux mobiles 2G, 3G et 4G arrivaient à échéance, dès 2021 pour certaines et d’ici à 2024 pour d’autres. Globalement, les opérateurs mobiles ont obtenu « visibilité et stabilité jusqu’en 2030 » sur leurs fréquences.
Les engagements de couverture mobile sans précédents avaient, eux, été dans la foulée retranscrits dans leurs licences actuelles afin de les rendre juridiquement opposables – autrement dit pour permettre à des élus ou à des utilisateurs d’attaquer en justice les opérateurs mobiles en cas de non-connexion 4G. De plus, ces engagements sont contraignants et peuvent donner lieu à des sanctions de la part de l’Arcep (2). Ce fameux New Deal Mobil en faveur de l’aménagement numérique des territoires consiste à apporter la 4G tant attendue dans les zones rurales, synonymes de « zones blanches », qui n’ont aucune couverture mobile et encore moins de 4G. Il y a quatre ans, cela concernait tout de même plus de 1 million de Français sur 10.000 communes privés de mobile haut débit. A cette fracture numérique s’ajoutaient les principaux axes routiers et ferroviaires, sur lesquels il était impossible d’« avoir du réseau ».
Mais cet accord politique donnant-donnant avait accordé jusqu’à 2026 aux quatre opérateurs mobiles pour parachever pleinement le déploiement de la totalité des 5.000 nouveaux sites mobiles, à raison de 600 à 800 sites par an. Avant d’en arriver là, Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR s’étaient engagés à couvrir 75 % des centres-bourgs en 4G au 31 décembre 2020 – sur un total de près de 5.000 et symboles de la fracture numérique en France. Mais ce taux n’a pas été atteint à cette première échéance (3), en raison du ralentissement des déploiements dû aux restrictions sanitaires et confinements de cette année 2020.
Ce retard avait déclenché des escarmouches entre l’ancien président de l’Arcep, Sébastien Soriano, et celui qui était déjà président de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), Arthur Dreyfuss (4). En avril 2020, le gendarme des télécoms appelait les opérateurs mobiles à ne pas prendre prétexte du confinement pour ne pas être « au rendez-vous de leur responsabilité » vis-à-vis du New Deal Mobile et du Plan Très haut débit. Une mise en garde qui avait fait perdre son sang-froid au secrétaire général de SFR (5) (*) (**). D’après l’Arcep, cette cible des 75 % du programme dit « zones blanches centres-bourgs » (ZBCB) n’a pas été atteinte fin 2020 comme cela était prévu mais seulement mi-2021. Les quatre opérateurs mobiles sous pression se sont ensuite engagés à couvrir les 25 % restants de ces centres-bourgs en zones blanches avant le 31 décembre 2022. Le compte à rebours a commencé.

Un « bilan en demi-teinte » (Sénat)
Autrement dit, pour la nouvelle année, la « 4G pour tous » (4G mobile voire 4G fixe) est encore un vœu pieux – alors que la 5G profite déjà à quelques-uns (1,6 million d’abonné au 30 septembre dernier) et que les équipementiers télécoms travaillent déjà sur la 6G… La densification du réseau 4G traîne en longueur, malgré des avancées certaines. Et ce, alors que depuis deux ans les Français ont été contraints par la crise sanitaire de faire du télétravail voire de la visioconférence. Les zones blanches sont devenues des points noirs. Et l’étude « Quel débit » publiée le 27 janvier par UFC-Que Choisir fustige le « mauvais haut débit » dans les zones rurales dont sont pénalisés 32 % des consommateurs (6). « Bilan en demi-teinte » a pointé le Sénat en novembre dernier lors de l’examen du volet « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances (PLF) pour 2022 : « des progrès à confirmer dans la réduction de la fracture numérique » ; « un bilan en demi-teinte qui impose la poursuite des efforts pour résorber les zones blanches ».

La « 4G pour tous », mais pas pour tous
Pour la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable, le compte n’y est pas malgré le dynamisme constaté des déploiements dans le cadre de ce New Deal Mobile : « S’agissant du programme de couverture ciblée, environ 3.000 sites ont d’ores et déjà été identifiés par arrêté [plusieurs arrêtés de 2018 à 2021, ndlr] depuis le lancement du New Deal. (…) Les retards induits en 2020 par le premier confinement ne semblent pas s’être résorbés : malgré des améliorations (…). Sur la totalité des arrêtés, à la date du 30 juin 2021, 830 sites de couverture ciblée étaient en service » (7).
Selon un bilan publié le 14 janvier dernier par la FFTélécoms et arrêté au 31 décembre cette fois, les 1.115 sites en service ont été atteints sur ce dispositif de couverture ciblée (8). Quant aux zones blanches dites ZBCB, dont il restait encore 25 % à couvrir d’ici la fin de cette année, elles seront scrutées de près par les sénateurs garants de l’aménagement numérique des territoires. « le New Deal Mobile est une réalité tangible dans les territoires » avec « 98 % des sites des opérateurs convertis en 4G », affirme la FFTélécoms :
• L’objectif de « généraliser la 4G sur l’ensemble des sites en propre des opérateurs avant fin 2020 » a été atteint.
• L’objectif de « généraliser la 4G sur les sites multi opérateurs issus des anciens programmes zones blanches [centres-bourgs] d’ici fin 2022 » est atteint à 89 %.
• L’objectif de « couverture de 5.000 nouvelles zones par opérateur identifiées par les élus de terrain d’ici fin 2027 » atteint à ce stade 1.115 nouveaux pylônes 4G multi opérateurs.
• L’objectif de « généraliser la 4G le long des axes routiers prioritaires », initialement prévu à fin 2020, est atteint entre 99,6 % et 99,8 %. Sur ce dernier point, tous les axes routiers dits prioritaires de l’Hexagone comprennent 55.000 kilomètres de routes, dont 11.000 km d’autoroutes et 44.000 km d’axes routiers principaux reliant, au sein de chaque département, le chef-lieu de département (préfecture) aux chefs-lieux d’arrondissements (sous-préfectures), et les tronçons de routes sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins cinq mille véhicules par jour. « Les opérateurs sont tenus de couvrir les axes routiers prioritaires en 4G, à l’extérieur des véhicules d’ici fin 2020, et à l’intérieur des véhicules d’ici 2022 ou 2025. Selon l’Arcep, plus de 99 % des axes routiers prioritaires seraient couverts en très haut débit mobile. Les opérateurs devront aussi couvrir 90 % des lignes ferroviaires du réseau ferré régional d’ici fin 2025 », ont rappelé les sénateurs, toujours dans le cadre du PLF 2022.
Ils ont en outre constaté que la 4G fixe peine, elle, à se déployer. Ces services d’accès fixe à Internet sur les réseaux mobiles 4G sont une alternative à la connexion filaire dans les zones où les débits fixes ne sont pas suffisants. Le New Deal Mobile prévoit en effet, d’une part, une obligation pour les quatre opérateurs mobiles de proposer des offres de 4G fixe (obligation que Free a tardé à respecter), et, d’autre part, un engagement de ces mêmes opérateurs à créer des sites de 4G fixe dans des zones identifiées par le gouvernement via des arrêtés (9). « Au total, 510 sites identifiés par arrêté doivent être mis en service par Orange et SFR d’ici fin 2021. Sur ces 510 sites, seuls 75 étaient en service à la date du 30 juin 2021, selon l’Arcep », ont regretté les sénateurs en novembre. Dans sa communication « New Deal Mobile », la FFTélécoms n’en dit mot. De son côté, dans son rapport « Réduire la fracture numérique mobile : le pari du New Deal 4G » publié en juin 2021, la Cour des comptes appelait à mettre en place « un véritable suivi des sites de 4G fixe existants ».

Vers un « New Deal Mobile » 5G ?
Les collectivités territoriales, les consommateurs ou tous ceux qui veulent connaître la couverture mobile réactualisée peuvent accéder à trois sites web du gendarme des télécoms : Arcep.fr, où se trouve (10) le « tableau de bord du New Deal Mobile » (prochaine mise à jour le 31 mars prochain) ; Monreseaumobile.arcep.fr, un outil cartographique permettant de « comparer les opérateurs mobiles » (couverture simulée et qualité de service) ; Jalertelarcep.fr, une plateforme permettant à chaque utilisateur d’« être un acteur de la régulation » (mais pas de réponse individuelle aux alertes). Reste à savoir si la 5G aura à son tour son « New Deal Mobile » : ne serait-ce que pour permettre aux territoires les plus reculés d’avoir du vrai très haut débit à l’ère du télétravail imposé en temps de crise sanitaire. @

Charles de Laubier

Le président chinois Xi Jinping se mue en « Grand Timonier » de l’économie numérique de son pays

Alors qu’il est depuis près de dix ans président de la République populaire de Chine, Xi Jinping n’a jamais été aussi centralisateur et exigeant sur la manière de réguler le capitalisme dans l’Empire du Milieu. Tout en accentuant la censure de l’Internet, le secrétaire du parti communiste chinois met au pas la finance de ses géants du numérique.

Le président de la Chine, Xi Jinping (photo), et son homologue des Etats-Unis, Joe Biden, lequel a pris l’initiative de cet appel, se sont longuement parlé au téléphone le 9 septembre au soir. Les dirigeants des deux plus grandes puissances économies mondiales, dont le dernier coup de fil remontait à sept mois auparavant (février 2021), ont eu une « discussion stratégique » pour tenter d’apaiser les relations sino-américaines qui s’étaient tendues sous l’administration Trump. Durant leur entretien de près d’une heure et demie, ils sont convenus d’éviter que la concurrence exacerbée entre leur deux pays ne dégénère en conflit.
Cet échange franc au sommet – où économie, tarifs douaniers punitifs, restrictions à l’exportation (1), affaire « Huawei », climat et coronavirus ont été parmi les sujets abordés – semble tourner la page de la guerre économique engagée par Donald Trump. En apparence seulement, car l’administration Biden a fait siennes les accusations lancées – sans preuve – par l’ancien locataire de la Maison-Blanche à l’encontre du géant technologique chinois Huawei toujours accusé de cyber espionnage via notamment ses infrastructures 5G dont il est le numéro un mondial (2). Face aux coups de boutoir de Washington (3), la firme de Shenzhen a perdu la première place mondiale des fabricants de smartphone qu’il avait arrachée un temps à Samsung début 2020 et après avoir délogé Apple de la seconde début 2018 (4).

Les BATX rappelés à l’ordre en Chine
Cette accalmie – passagère ? – entre Etats-Unis et Chine permet à Xi Jinping de se concentrer sur ses affaires intérieures, où il a décidé de reprendre le contrôle du capitalisme financier qui a prospéré dans son pays de façon débridée. Et de s’attaquer dans le privé à l’enrichissement démesuré qui reste à ses yeux incompatible avec « la prospérité commune ». Cette dernière expression, le chef de l’Etat chinois l’avait utilisée pour rappeler à l’ordre les milliardaires chinois en leur demandant de ne pas creuser les inégalités au sein de son peuple. Le président de l’Empire du Milieu, également secrétaire du parti communiste chinois, fait monter la pression réglementaire et gouvernementale sur les puissances de l’argent. Premier à avoir essuyé les plâtres de cette « répression » du pouvoir central sur les grandes entreprises et leurs dirigeants : Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, qui se fait depuis très discret depuis des mois, alors qu’en octobre 2020 il avait critiqué publiquement la régulation de son pays.

Xi Jinping à la tête du CAC
Le géant du e-commerce et des réseaux sociaux est dans le viseur du pouvoir central de Pékin pour sa puissance financière débridée, ses abus de position dominante, la surexploitation des données personnelles et l’opacité de ses algorithmes, ou encore les conditions de travail de leurs employés. En avril dernier, la firme de Hangzhou a été condamnée à une amende équivalente à 2,3 milliards d’euros pour entrave à la concurrence. A la suite de l’intervention des autorités chinois début novembre 2020, en prétextant vouloir éviter un « risque financier », Alibaba avait dû abandonner son mégaprojet d’introduction en Bourse – à Hong Kong et à Shanghaï – de sa filiale bancaire Ant Group, dont le système de paiement en ligne Alipay est massivement utilisé par les Chinois et procure à sa maison mère un avantage quasi-monopolistique. Xi Jinping, qui envisagerait un démantèlement d’Alipay (5), projette par ailleurs de généraliser en 2022 l’e-yuan, actuellement testé (6). Depuis ce premier coup de pied dans la fourmilière du Net chinois, la pression de Pékin n’est pas redescendue depuis près d’un an. Plus d’une trentaine de grands groupes technologiques chinois se sont aussi attiré les foudres de Pékin, parmi lesquels Tencent (WeChat), ByteDance (TikTok), Baidu (Baidu.com), Meituan (Meituan.com) ou encore Didi (« Uber » chinois).
Xi Jinping siffle ainsi la fin de la récrée pour que le profit ne supplante pas le social, et pour que l’innovation et le consommateur ne soient pas les grands perdants de la mainmise de ces géants chinois du Net, surnommés parfois les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Au printemps dernier, l’Administration chinoise du cyberespace, ou CAC (7) alias le Bureau de la commission des affaires du cyberespace central (8), avait convoqué les géants chinois du numérique pour leur reprocher des pratiques de concurrence déloyale et les mettre en garde contre les abus de position dominante. Le CAC, qui est le régulateur de l’Internet chinois, est officiellement dirigé par le secrétaire général du Parti communiste chinois, Xi Jinping lui-même, et est rattaché aux organes d’information (propagande ou idéologie), de censure (des médias ou sites web) et de sécurité (contre les contenus illégaux, politiques ou religieux). Quant au ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT), il a le 13 septembre appelé les BATX à ne pas évincer leurs concurrents (9). Plus récemment, le régulateur chinois s’en est pris aux jeux vidéo, notamment à deux géants du gaming du pays, Tencent (WeGame) et Netease (163.com) qui ont aussitôt décroché en Bourse. Et pour cause : l’administration Jinping, qui a considéré cet été que les jeux en ligne étaient le nouvel « opium spirituel » du peuple, a fait savoir qu’elle allait « geler » les autorisations de nouveaux jeux en ligne, avant de préciser ensuite qu’il ne s’agissait pas d’un moratoire sur la sortie des titres – comme ce fut le cas en 2018 durant dix mois – mais seulement de « ralentir » le rythme frénétique de leur mise sur le marché. Le 8 septembre, plusieurs acteurs de ce qui constitue la plus grande industrie du jeu vidéo au monde ont été réunis par les autorités chinoises pour les rappeler à leur devoir de « solidarité », les réfréner dans leur course aux profits, et exiger d’eux qu’ils luttent contre l’« addiction », notamment des mineurs. Parmi les nouvelles règles du jeu : limitation à trois heures par semaine le temps des enfants à jouer aux jeux vidéo, afin qu’ils ne deviennent pas accros ni myopes, qu’ils réduisent leurs dépenses en objets virtuels et qu’ils deviennent plus productifs en dehors des jeux vidéo. Dans ce contexte de mise au pas des jeux, Tencent – propriétaire de l’éditeur américain Riot Games depuis 2015 – a reporté à octobre la sortie tant attendue de la version mobile de « League of Legends », au lieu de la date initiale du 15 septembre.
Cette offensive du président Xi Jinping pour mettre un terme à l’« expansion désordonnée du capital » dans l’Empire du Milieu aux 1,4 milliard de Chinois interpelle tous les secteurs économiques du pays, au premier rang desquels le numérique qui a contribué fortement à une flambée boursière désordonnée et perçue comme trop capitaliste aux yeux du pouvoir communiste. En secouant le cocotier du Net, celui qui prend des airs de « Grand timonier » est parti en guerre contre ce qu’il appelle aussi « la croissance barbare ». Jusqu’où ira l’administration Jinping dans ce vaste recadrage de l’économie numérique chinoise ? Seul Xi le sait, lui qui veut apparaître comme le deuxième homme fort de l’histoire de l’empire, après Mao Tsé-toung.

20e Congrès du PPC à l’automne 2022
Après avoir célébré le 1er juillet dernier le centenaire du Parti communiste chinois (PCC), où ses racines marxistes-léninistes ont été rappelées à ses quelque 95 millions de « camarades » membres, le leader pékinois briguerait un nouveau mandat à la tête de la première économie mondiale en puissance. La prochaine étape cruciale est dans un an : ce sera le 20e Congrès du PCC à l’automne 2022. Xi Jinping, qui n’a pas mis un pied en dehors de la Chine depuis plus d’un an et demi, pourrait se rendre au prochain G20 prévu fin octobre à Rome et serrer la main de Joe Biden. @

Charles de Laubier

Huawei, de plus en plus ostracisé dans monde, a trouvé en France un certain asile économique

Au pays d’Ericsson, la justice a débouté le 22 juin dernier Huawei de son action contre son éviction du marché suédois de la 5G. C’est le premier pays de l’Union européenne à bannir le chinois, après les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Unis. En France, c’est du « Je t’aime, moi non plus ».

Le chinois Huawei, numéro un des équipements télécoms 5G et numéro trois mondial des fabricants de smartphones, va-t-il demander l’asile économique à la France pour continuer ses activités en Occident où il est de plus en plus banni ? La question peut prêter à sourire, mais elle n’est pas loin de refléter la réalité de ce qui arrive à la firme de Shenzhen que de nombreux pays dans le monde excluent sous des prétextes de « sécurité nationale » et d’accusations non prouvées de cybersurveillance (Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni, Suède, Inde, …) – mais pas totalement la France.

Débouté aux Etats-Unis et en Suède
« C’était vraiment bien de parler avec Maurice. Merci de m’avoir invité ! VivaTech est une plateforme incroyable pour l’innovation, et elle fait exactement ce dont le monde a besoin en ce moment : rassembler de grands esprits passionnés pour faire un changement », a twitté l’actuel président du groupe Huawei Technologies, Ken Hu (photo), après son échange le 18 juin avec Maurice Lévy, président du conseil de surveillance de Publicis et cofondateur du salon VivaTech. « L’innovation et l’inclusion technologique sont les principaux moteurs d’un monde meilleur après la pandémie », a-t-il aussi lancé (1).
Le même jour, aux Etats-Unis, Huawei Technologies perdait devant une cour d’appel contre une décision prise par la Federal Communications Commission (FCC) le 10 décembre 2020 considérant le fabricant chinois comme « une menace pour la sécurité nationale » (2) et après avoir interdit auparavant aux entreprises américaines d’utiliser les subventions publiques pour financer les achats de la technologie 5G de Huawei. La firme de Shenzhen avait dénoncé devant la justice américaine une décision prise « sans preuves substantielles » et « préjudiciable à l’industrie américaine » (3). De plus, l’entreprise chinoise n’avait pas eu le temps de se défendre et surtout considère comme « inconstitutionnelle » la décision prise fin 2020 sous l’ère Trump de la mettre sur liste noire au nom de la « sécurité nationale » (4). Quatre jours après avoir été débouté à la Nouvelle-Orléans, ce fut cette fois en Suède qu’un nouveau déboire judiciaire est intervenu : le 22 juin dernier, le tribunal administratif de Stockholm a débouté Huawei qui contestait une décision de l’autorité de régulation des télécoms suédoise (PTS), laquelle, en octobre 2020, excluait les chinois Huawei et ZTE des réseaux 5G en Suède au nom là aussi de la « sécurité nationale ». Le jugement suédois ordonne que les équipements télécoms des chinois déjà en place soient enlevés avant le 1er janvier 2025. Huawei devrait faire appel de ce jugement basé uniquement sur des suppositions. L’on comprend, dans ce contexte de bannissement et de revers judiciaires, que Ken Hu ait pu trouver un peu de réconfort en France où le «en même temps » d’Emmanuel Macron permet à Huawei – présent sur l’Hexagone depuis 18 ans (effectif d’un millier d’employés) – de ne pas être complètement ostracisé. Pendant que le Conseil constitutionnel validait début février la loi française « anti-Huawei » du 1er août 2019 au nom des « intérêts de la défense et de la sécurité nationale » (5), le géant chinois des télécoms confirmait son engagement exprimé l’an dernier d’investir 200 millions d’euros dans un nouvelle usine sur l’Hexagone. Il s’agit de sa première usine hors de Chine et celle-ci sera – avec l’aval du gouvernement français – implantée à Brumath, ville alsacienne de 10.000 habitants dans le Bas-Rhin (région Grand-Est), à proximité de Strasbourg – pour y fabriquer des produits sans fil (5G comprise).
Cette usine « Made in France » de Huawei sera opérationnelle dans le courant de l’année 2023 et prévoit de produire l’équivalent de 1 milliard d’euros par an d’équipements télécoms à destination des marchés européens, avec la création « à terme » de 500 emplois direct. Le chinois, qui participait physiquement au Mobile World Congress de Barcelone cette année, a déjà inauguré en octobre 2020 un centre de recherche à Paris « en mathématiques et calculs », avec une trentaine de scientifiques dirigés par le professeur Merouane Debbah, directeur de la R&D chez Huawei France. Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, n’avait pas manqué de « féliciter » Huawei pour cette implantation (6).

Huawei investit aussi dans Qwant
La firme de Shenzhen renforce par ailleurs son partenariat avec le moteur de recherche français Qwant, lequel est préinstallé depuis plus d’un an sur les nouveaux smartphones du fabricant chinois – désormais dotés du système d’exploitation-maison, HarmonyOS. Cette fois, le 18 mai dernier, Qwant – que dirige Jean-Claude Ghinozzi depuis début 2020 sous la présidence de Jacques Biot (7) – a approuvé une « émission d’obligations convertibles », dont 8 millions d’euros ont été souscrits par Huawei. Cet investissement obligataire avait été révélé le 12 juin par Politico (8) puis confirmé par Qwant. @

Charles de Laubier

« Verticaux » : des entreprises sont demandeuses de fréquences pour leurs propres réseaux 5G privés

Il y a un peu plus de deux ans maintenant, la France – par la voix de la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, en charge des télécoms – fermait la porte aux « verticaux » désireux d’acquérir des fréquences 5G pour leurs propres usages. La question pourrait se reposer.

Ouvrir le marché mobile 5G à d’autres acteurs que les seuls opérateurs télécoms est encouragé par la Commission européenne, au nom de la concurrence. En France, l’Arcep était favorable à l’idée de faire participer les industries sectorielles – surnommées les « verticaux » – aux enchères afin d’acquérir des fréquences 5G pour leurs propres usages dans le cadre d’un réseau 5G privé. Certains industriels, comme la SNCF, Engie, EDF ou Airbus, y voyant même un moyen de s’affranchir des « telcos » en maîtrisant eux-mêmes leur infrastructure mobile (1).

Fréquences 5G « privées » en 26 Ghz ?
Mais la France n’avait pas suivi l’Allemagne où des fréquences 5G ont été ouvertes aux « verticaux » intéressés tels que BASF, Siemens ou encore les constructeurs automobiles (Volkswagen, BMW, Daimler, …). Le régulateur des télécoms allemand (BNetzA) fut ainsi pionnier dans l’attribution de « fréquences privées » après avoir réservé dès fin 2018 un spectre de 100 Mhz dans la bande des 3,7 Ghz-3,8 Ghz. L’Allemagne n’entend pas en rester là puisqu’elle prévoit de libérer 100 autres Mhz dans les bandes des 26 Ghz et 28 Ghz – dites « bande pionnière » de la 5G –, toujours pour les marchés verticaux. Dans ce spectre-là, les fréquences sont très élevées, dites « ondes millimétriques » (mmWave) en référence à leur longueur d’onde courte dans des cellules de petites tailles mais avec des débits mobiles très importants (bien que sensibles aux obstacles).
La Commission européenne incite les Etats membres à libérer ces ondes millimétriques. Bien avant le Brexit, la Grande-Bretagne a organisé un partage de fréquences entre les opérateurs mobiles et les entreprises sur la bande des 3,8 Ghz-4,2 Ghz, lorsque l’Ofcom constate que les fréquences allouées aux premiers ne sont pas exploitées. Quant aux bandes 1,8 Ghz et 2,3 Ghz que l’Ofcom ne destine pas à des enchères pour les « telcos », elles sont à la disposition des entreprises. Pendant ce temps, sur l’Hexagone, seuls Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ont pu participer aux enchères de l’automne dernier pour l’attribution des fréquences de la bande 3,4 à 3,8 Ghz, dite « bande cœur » de la 5G (2). La prochaine étape sera le déploiement – « d’ici deux ans à trois ans », selon les propos du secrétaire d’Etat au numérique Cédric O à l’automne dernier (3) – de la « vraie 5G » (4) sur la bande des 26 Ghz, où des industries pourraient obtenir des blocs de fréquences pour leur propre usage. L’Arcep, elle, parle de « nouveaux services 5G dédiés à l’industrie » (5). L’Internet des objets connectés ne sera pas en reste. Le régulateur des télécoms doit d’ailleurs remettre au gouvernement d’ici la fin de l’année des recommandations sur la prise en compte des enjeux environnementaux dans les critères d’attribution des fréquences millimétrique de la 5G dans la future bande des 26 Ghz.
Par ailleurs, mais cette fois dans la bande 2,6 Ghz dite TDD (6), l’Arcep a ouvert il y a deux ans un guichet d’attribution de fréquences pour les réseaux privés (Airbus, EDF, SNCF, Société du Grand Paris, …). « Aujourd’hui, cela concerne la 4G, mais à l’avenir la 5G aussi », confirme l’Arcep à Edition Multimédi@. Pour l’heure, dans le cadre du plan de relance, la ministre déléguée à l’Industrie Agnès Pannier-Runacher (photo) a multiplié les appels à projets de réseaux 5G dans l’industrie, la santé et « la vie quotidienne des Français ». Aux Etats-Unis, une initiative appelée Citizen Broadband Radio Spectrum (CBRS (7)) a été mise en place pour permettre aux entreprises d’avoir accès à du spectre partagé dans la bande des 3,5 Ghz en lourant des fréquences où elles peuvent aussi se lancer dans la 5G. Au Japon, le gouvernement rendu disponible dès 2017 pour les entreprises du spectre dans la bande 1,9 Ghz.
Quoi qu’il en soit, l’engouement pour des réseaux privés 5G – sans licence, partagé et sous licence locale – prend de l’ampleur. Et ce, même si les opérateurs mobiles ne voient pas d’un très bon oeil ces industriels et autres « verticaux » qui veulent couper le cordon. Selon le cabinet d’études newyorkais ABI Research, le marché mondial adressable des équipements de réseau privé 5G et 4G/LTE devrait atteindre d’ici 2030 quelque 32 milliards de dollars, contre à peine moins d’un demi-milliard de dollars en 2020.

Un marché mondial de 32 Mds $ en 2030
Ces prévisions établies à la fin de l’an dernier (8) se répartissent ainsi : pour l’industrie de fabrication, 15 milliards de dollars contre seulement 275 millions de dollars en 2020 ; pour le transport et la logistique (maritime compris) 9 milliards de dollars contre 45 millions de dollars en 2020 ; pour les secteurs miniers et énergétiques 8 milliards de dollars contre 116 millions de dollars en 2020. Par exemple, l’organisation internationale MulteFire Alliance promeut les réseaux privés 5G et leurs spécifications (9). @

Charles de Laubier

Les points hauts (tours, pylônes, châteaux d’eau, …) servent à désendetter les opérateurs mobiles

Les « points haut » font du bien au « bas de bilan » des opérateurs télécoms. Ces infrastructures physiques accueillant les antennes mobiles ont pris de la valeur avec les 2G, 3G, 4G et maintenant 5G. Les céder pour des milliards d’euros à des spécialistes « TowerCo » permet de se désendetter et d’investir.

Dans les coulisses des infrastructures mobiles, il y a les tours, les toits d’immeubles, les pylônes, les châteaux d’eaux voire des clochers d’églises utilisés pour diffuser les réseaux 3G, 4G et maintenant 5G via des antennes émettrices et réceptrices : les stations de base. La valorisation de ces « points hauts » a augmenté – pour ne pas dire explosée – au fur et à mesure que la couverture mobile des territoires s’est généralisée. A tel point que les sociétés chargées de les gérer, surnommées « TowerCo », valent parfois des milliards d’euros. C’est même devenu un marché hautement spéculatif.

Des tours hautement valorisées
Dernière manœuvre en date sur ce marché très convoité : celle d’Iliad, maison mère de Free, qui a annoncé le 18 mai dernier la vente d’ici la fin de l’année à la société spécialisée espagnole Cellnex de ses 30 % qu’elle détient encore dans son ex-filiale On Tower France. « On va entamer des discussions avec Cellnex sur le prix de cession », a indiqué Nicolas Jaeger, directeur général délégué d’Iliad, qui en espère au minimum 600 millions d’euros. Cette prochaine session de ce gestionnaire d’infrastructures télécoms mobiles est annoncée deux ans après que la maison mère de Free ait cédé, en mai 2019, 70 % de On Tower France (ex-Iliad 7) qui était alors encore une filiale sous contrôle et aux résultats consolidés dans le groupe Iliad. L’Autorité de la concurrence avait rendu un avis favorable au mois d’août suivant (1). A l’époque, Cellnex Telecom – dirigée au pas de charge par Tobías Martínez-Gimeno (photo de gauche) – avait racheté à Iliad non seulement cette activité de « points hauts » en France, mais aussi les 100 % de la filiale équivalente en Italie où Iliad est aussi opérateur mobile. Et ce, pour un total de 2 milliards d’euros – dont 1,4 milliard pour les 70 % de On Tower France.
Cette opération, bientôt suivie du solde des 30 %, se fait dans le cadre d’un « partenariat industriel » entre Cellnex et Iliad ainsi que sur la base d’« un contrat de prestations d’accueil et de services de longue durée » prévoyant notamment en France un programme de construction de nouveaux sites pour y déployer les antennes-relais mobiles. Par ailleurs, l’opérateur suisse Salt – détenu depuis fin 2014 en propre par Xavier Niel via sa holding personnelle NJJ Capital – a aussi cédé ses antennes-relais à Cellnex. Au total, la seule société On Tower France aura rapporté à Iliad – une fois entièrement cédée – au moins 2milliards d’euros. La maison mère de Free a d’ores et déjà prévu d’« affecter une partie des futurs produits de cession de On Tower France au programme 5G », avec l’objectif d’être en France « leader sur le réseau 5G parmi les challengers ». Fin avril 2021, Iliad revendiquait avoir « le plus grand nombre de sites 5G (toutes fréquences confondues) en métropole avec plus de 8.800 sites techniquement opérationnels – dont plus de 1.000 en 3,5 Ghz ». Une autre partie du fruit de la vente contribuera à réduire la dette du groupe Iliad, laquelle s’établit à plus de 7,7 milliards d’euros au 31 décembre 2020.
Se désendetter est aussi ce qui a incité Vodafone à introduire en Bourse sa filiale Vantage Towers, qui compte 82.000 sites d’émission-réception dans dix pays. Avec une lourde dette de plus de 40 milliards d’euros, l’opérateur télécoms britannique au rayonnement mondial n’avait pas d’autres options que de se délester un peu de ses antennes-relais pour récupérer de l’argent frais. Du moins, a-t-il rendu public jusqu’à un quart du capital de sa filiale pour environ 2,5 milliards d’euros. C‘est chose faite depuis mars dernier à la Bourse de Francfort, où l’entreprise nouvellement cotée est actuellement valorisée 13,6 milliards d’euros (au 4 juin 2021) – pas loin de la fourchette haute des 14,7 milliards escomptés par Vodafone avant l’introduction.
Digital Colony, un fonds américain spécialisé dans les infrastructures télécoms, et RRJ Capital, un investisseur hongkongais, ont acquis respectivement 550 et 450 millions d’euros de titres de Vantage Towers. Toutefois, l’opérateur télécoms britannique a précisé l’an dernier qu’il entendait bien garder une part majoritaire dans l’entreprise cotée « vu la nature stratégique de ces infrastructures et leur potentiel de valorisation future ».

Orange lorgne sur les pylônes de TDF
Toits d’immeubles, tours, pylônes, châteaux d’eaux voire clochers d’églises constituent des infrastructures devenues incontournables à l’ère du smartphone comme premier terminal d’accès à Internet et aux applications mobiles. D’où leur valorisation en pleine croissance qui suscite la convoitise des investisseurs, lorsque ce n’est pas pour les opérateurs de réseaux le moyen développer un actif stratégique. C’est dans ce contexte et sur un marché des « points hauts » devenu spéculatif qu’Orange s’intéresse à TDF, l’ex- Télédiffusion de France, diversifié depuis plusieurs années dans les infrastructures mobiles. L’information, non démentie, a été révélée par L’Express le 11 mai dernier (2). Ancienne filiale de France Télécom jusqu’en 2002, TDF pourrait ainsi retourner dans le giron de l’ancien monopole public des télécoms devenu Orange. En France, avec ses 19.000 sites d’infrastructures télécoms, l’ancien monopole public de radiodiffusion est toujours aujourd’hui un « tours opérateur » presque incontournable des télécoms (54 % de son chiffre d’affaires 2020), de la télévision (26 %), de la radio (16 %) et même de la fibre (3 %).

TowerCo : Orange a trouvé son « Totem »
TDF est détenu depuis sept ans par des fonds d’investissement qui aspirent à sortir en espérant maximiser leurs plus-values lors de la cession (3). Plutôt que de céder la propriété de ses infrastructures mobiles, Orange fait le chemin inverse de la plupart des autres opérateurs télécoms, lesquels en deviennent de simples locataires. Son projet de rachat de TDF a pour nom de code : First. Autrement dit, il s’agit d’être le premier sur ce marché très lucratif lorsque la taille critique est atteinte voire dépassée. L’ex-France Télécom a même décidé en février dernier de se doter d’une nouvelle filiale, baptisée Totem, pour valoriser ses 25.500 sites de tours et pylônes situés – « dans un premier temps » – en France et en Espagne (sur un total de 40.000 tours détenues en propre sur toute l’Europe). Le document d’enregistrement universel d’Orange (4), publié mi-mars, précise : « Totem sera animée par une équipe de direction totalement indépendante et dédiée. Cette dernière sera désignée au cours du premier semestre 2021 en vue de l’entrée en phase opérationnelle de la TowerCo d’ici la fin de l’année 2021 ».
Cette « TowerCo », dont l’infrastructure est aussi utilisée par Orange mais aussi pas d’autres opérateurs télécoms, a l’ambition européenne de « devenir une entité créatrice de valeur : en exploitant des actifs d’infrastructure passive mobile de premier ordre, (…), et en favorisant la croissance tant organique qu’inorganique. (…) Totem entend par ailleurs saisir les opportunités de croissance inorganique en Europe ». En clair, le groupe Orange indique qu’il étudie « la possibilité d’intégrer d’autres actifs d’infrastructure passive mobile européens (…) susceptibles de créer de la valeur pour [Totem] ». TDF fait partie des acquisitions possibles. Encore faudrait-il que l’Autorité de la concurrence donne son feu vert à un tel rapprochement. Rien que sur les marchés français et espagnol, « Totem aurait généré en 2020 un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions d’euros et un [résultat brut d’exploitation] de près de 300 millions d’euros, dont deux tiers environ issus des actifs en France ». Orange, présidé actuellement par Stéphane Richard (photo de droite), compte garder le contrôle de Totem « pour bénéficier de la source importante de création de valeur durable qu’elle procure au groupe ». Totem pourrait ainsi tenir tête en Europe au groupe espagnol Cellnex Telecom qui s’est constitué un patrimoine de points haut à coup de milliards d’euros d’acquisitions, non seulement en France auprès d’Iliad/Free, mais aussi de Bouygues Telecom et d’Altice/SFR. « Cellnex a fait le pari résolu de développer son réseau, qui compte à l’heure actuelle environ 128.0000 sites, dont 71.000 déjà dans le portefeuille et le reste en cours d’acquisition ou de déploiement à l’horizon 2030 », prévient l’entreprise d’origine catalane et basée à Barcelone.
Ex-Acesa Telecom, devenue ensuite Abertis Telecom, laquelle se rebaptise Cellnex Telecom le 1er avril 2015, l’entreprise cotée à Madrid est valorisée près de 33,6 milliards d’euros (au 4 juin 2021) – soit bien plus que les 28 milliards d’euros de valorisation boursière d’Orange à la Bourse de Paris… Cela va faire dix ans l’année prochaine que Cellnex collectionne les pylônes et autres points hauts, acquis auprès notamment de Telefónica en Espagne (2012), de Wind en Italie (2015), de Bouygues Telecom en France (2016/2017), de Shere Group aux Pays-Bas et au Royaume- Uni (2016), de Sunrise en Suisse (2017), d’Arqiva au Royaume-Uni (2019), Omtel et les tours de Nos au Portugal (2020) ou encore Hivory en France (2021). Cette dernière acquisition – pour 2,65 milliards d’euros – s’est faite en février 2021 auprès d’Altice France (SFR) qui en détenait encore 50,01 %, Hivory gérant 10.500 sites et se présentant comme « la 1re TowerCo en France ». Les partenaires sociaux ont appris la nouvelle par voie de presse (5). L’avis de l’Autorité de la concurrence est encore attendu. Par ailleurs, il y a six mois, ce sont 24.600 pylônes situés dans toute l’Europe (6) que Cellnex a rachetés au groupe hongkongais CK Hutchinson pour… 10 milliards d’euros (7).

IHS Towers, Helios Towers, American Tower, …
En janvier dernier, Telefonica a vendu pour 7,7 milliards d’euros sa filiale « TowerCo » Telxius en Europe et en Amérique du Sud à l’américain American Tower. Le groupe français d’investissement Wendel (8) a lui aussi une filiale dédiée tours et pylônes, IHS Towers, avec près de 30.000 sites, notamment au Nigéria, en Afrique sub-saharienne et en Amérique latine (dont Brésil et Colombie). De son côté, le britannique Helios Towers continue son déploiement en Afrique, cette fois au Sénégal (9), après avoir fait l’acquisition l’an dernier de 1.200 tours télécoms auprès de Free Sénégal, dont NJJ alias Xavier Niel est propriétaire en propre. Les tours sont locales mais le marché est mondial. @

Charles de Laubier