TV 4K, jeux vidéo immersifs, réalité virtuelle, voiture autonome, infotainment,… : les promesses de la 5G

Tout le monde parle de la 5e génération de mobile, alors que la norme n’est pas encore fixée. La première version sera présentée en septembre 2018, suivie de la seconde en 2020. Mais la patience sera récompensée : les débits seront jusqu’à 20 fois supérieurs à ceux d’aujourd’hui. Pour quels contenus ?

Dans son rapport « Les modèles de déploiement de la 5G se précisent » (1), publié le 10 juillet dernier, le cabinet d’étude Arthur D. Little (ADL) prévoit une explosion des contenus multimédias grâce à la prochaine génération de réseaux mobiles très haut débit. « Grâce à son potentiel de forte augmentation de la vitesse et de la bande passante, la 5G présente le potentiel propice au développement d’une vaste gamme d’expériences interactives pour les clients, par exemple dans le domaine des jeux vidéo immersifs, la retransmission d’événements sportifs, les voitures autonomes, et l’infotainment en réalité augmentée, avec des usages actuellement en cours de définition », explique Karim Taga, analyste associé chez ADL.

Mobile ou fixe, la 5G se met en 5
Le grand public a donc tout à gagner avec l’arrivée de la 5G prévue à partir de 2018. Les entreprises ne seront pas en reste, pour peu qu’elles développent leurs propres écosystèmes pour bénéficier du très haut débit mobile tels que les Smart Cities ou Smart Manufacturing. Les opérateurs télécoms, eux, sont sur les starting-blocks pour le déploiement du mobile du futur. Le cabinet ADL a identifié cinq modèles de déploiement et d’usages de la 5G :
• Fournir un très haut débit « Gigabit » aux clients particuliers résidentiels, et agir comme un complément efficace aux offres de fibre existantes et de réseaux câblés sur le « dernier kilomètre » du réseau.
• Fournir à l’échelle nationale une expérience mobile de nouvelle génération qui permettra le développement de nouveaux usages et de nouvelles applications, induites par les technologies de réalité virtuelle, l’Internet tactile, etc.
• Fournir une connectivité hautement fiable, avec une faible latence et des solutions pour les entreprises clientes améliorant à la fois l’efficacité et la productivité.
• Développer des écosystèmes industriels digitaux via une connectivité « Machine-to-Machine » permettant de développer de nouveaux écosystèmes de services avec les partenaires, les fournisseurs et les utilisateurs.
• Fournir la nouvelle génération de solutions Infrastructureas- a-Service (IaaS) sur l’ensemble du territoire pour plusieurs pays. « Les acteurs qui ne sont pas opérateurs télécoms sont déjà actifs dans les produits compatibles 5G, avec des expériences pilotes dans la conduite autonome, dans les services de divertissement instructif (infotainment) et d’autres cas d’utilisation. Si les opérateurs télécoms n’agissent pas vite, ces nouveaux acteurs prendront une part de plus en plus grande de ce nouvel écosystème », préviennent les auteurs du rapport, Karim Taga, Richard Swinford et Glen Peres. Selon eux, la 5G est censée pousser plus loin la digitalisation de l’économie à travers les services de cloud, les nouvelles générations de transactions (telles que la blockchain nécessitant de grandes puissances de calculs dans une informatique étendue), le Big Data, la réalité virtuelle (VR), la réalité augmentée (AR), l’intelligence artificielle (AI) et l’Internet des objets (IoT). Et ce, grâce aux larges volumes de données traités et au faible taux de latence dans les communications temps réel.
La 5G s’annonce comme disruptive, aussi bien en mobilité mais aussi – et surtout ? – dans le fixe. Elle pourra en effet être utilisée comme réseau haut débit fixe sans fil dans certaines régions périphériques ou rurales où la fibre optique et/ou les réseaux câblées n’iront pas forcément. « La 5G peut être utilisée pour du Gigabit à la maison. Il y aura des besoins pour fournir des centaines de Mégabits de débits, si ce ne sont pas des Gigabits, pour une part significative de foyers dans un futur proche, induits par la concurrence et stimulés par les applications nécessitant une large bande passante (au-delà de la 4K TV). Beaucoup d’opérateurs télécoms n’ont pas encore mis à niveau leur réseau fixe historique pour offrir des accès Gigabits », explique le rapport ADL. L’arrivée de la 5G s’accompagnera donc immanquablement d’une réflexion sur les modèles économiques à adopter par les opérateurs télécoms et les fournisseurs de contenus/services.

La 5G à l’assaut du living-room
L’écosystème des réseaux « mobile » de cinquième génération ne se fonderont plus seulement sur le chiffre d’affaires générer par l’accès (l’abonnement), mais aussi sur le partage de recettes avec la prochaine génération de fournisseurs de contenus/services. Par exemple, plusieurs fabricants sont en train d’entrer dans le salon des particuliers avec de nouveaux appareils. Cela va de l’américain Apple avec son HomePod, pour transformer le domicile en nouvel environnement virtuel, au français Devialet avec ses équipements sonores de haute qualité pour la maison. Mais il y a aussi de bien d’autres start-up qui cherchent à conquérir ce nouvel Eldorado, comme dans le domaine des jeux de réalité virtuelle permettant à des joueurs respectivement chez eux de jouer et communiquer ensemble comme s’ils étaient dans la même pièce !
Chine : plus grand réseau 5G du monde Selon la GSMA, l’association mondiale des opérateurs mobile (forte de ses 1.100 membres dont 800 opérateurs), c’est la Chine
qui prépare le plus grand déploiement de 5G au monde. « En Chine, les opérateurs mobiles prévoient une période d’essais échelonnés pour les réseaux 5G entre 2017
et 2019, avant le lancement commercial à l’horizon 2020. Suite au déploiement commercial, il est prévu que les connexions 5G en Chine atteindront les 428 millions
en 2025, représentant 39 % des 1,1 milliard de connexions 5G dans le monde à cette date », a indiqué le 27 juin dernier Mats Granryd (photo page précédente), directeur général de la GSMA, à l’occasion de la présentation d’un rapport sur l’Asie-Pacifique (2). La Chine devrait gagner 155 millions de nouveaux abonnés mobiles d’ici fin 2020, soit la seconde plus importante conquête de nouveaux clients mobiles au monde (3). L’Empire du Milieu totalisera alors à la fin de la décennie 1,2 milliards d’abonnés mobile, soit 86 % de sa population.

La France est sans doute la plus symptomatique de ce que peuvent vivre les régions
en termes de couverture mobile. Fin juin, plusieurs organisations de collectivités territoriales – Association des maires de France (AMF), Assemblée des départements de France (ADF), Région de France (RF), Association nationale des élus de la montagne (Anem), Association des maires ruraux de France (AMRF) et Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) – ont appelé le gouvernement à lancer un « Plan France mobile » comme il y a déjà un
« Plan très haut débit ». Elles demandent à ce que la couverture intégrale du territoire en 5G soit achevée dans les cinq prochaines années à partir du coup d’envoi commercial, et non pas comme la 4G qui fut lancée commercialement fin 2012 mais peine encore à être déployées partout en France. Mais le nouveau gouvernement, lui, a promis « la 4G partout en France d’ici 2020 ». L’Arcep, elle, prépare l’ouverture à partir de septembre prochain du processus d’attribution des fréquences 2,6 Gigahertz (Ghz) et 3,5 Ghz pour le déploiement de la 5G, de l’Internet fixe très haut débit radio (THD radio) et de réseaux mobiles professionnels (dits PMR) sur l’Hexagone, mais il faudra attendre au moins 2020 avant les premiers lancements commerciaux. Cependant, sans attendre l’attribution des licences 5G, les opérateurs télécoms intéressés pourront réaliser des pilotes dans les villes de Lyon, Nantes, Lille, Le Havre, Saint-Etienne et Grenoble dans un premier temps. Pour la THD radio, l’Arcep lance en juillet une consultation publique en vue de débuter le processus d’attribution des fréquences
3,5 Ghz dès septembre prochain. Pour la PMR, la consultation publique aura lieu à l’automne pour le coup d’envoi du processus d’attribution d’ici la fin de l’année. Enfin, pour la 5G proprement dite, les autorisations des opérateurs télécoms disposant déjà de fréquences dans la bande 3,4-3,8 Ghz seront modifiées d’ici la fin de l’année, tandis que la procédure d’attribution des fréquences 5G sera préparée en 2018.
Au niveau européen, les eurodéputés ont adopté le 1er juin dernier une première résolution (4) sur la 5G – 571 voix pour, 32 voix contre et 35 abstentions – pour que la couverture télécoms soit la même dans toute l’Union européenne (UE), tout en évitant un développement numérique inégal entre des secteurs tels que les transports et le tourisme. « L’intelligence artificielle et la robotique exigent des règles claires en matière de sécurité et de responsabilité. Les écoles doivent enseigner les compétences numériques afin de combler le “fossé numérique” et de garantir une transition efficace vers l’économie intelligente », ont-ils déclaré (5). Dans une seconde résolution (6) adoptée le même jour, les eurodéputés ont appelé à saisir les opportunités de la 5G.
« Pour éviter des retards tels que ceux engendrés pendant le déploiement de la 4G, les Etats membres doivent mieux coopérer dans le cadre de la stratégie européenne en matière de fréquences », ont-ils expliqué, en estimant que « la 5G, c’est plus qu’une révolution mobile ». Le petit Etat européen de Saint-Marin, lui, prétend être « un des tout premiers pays au monde à introduire la 5G » avec Telecom Italia (dont Vivendi est le premier actionnaire). Le nombre d’emplois directs et indirects concernés dans l’UE par le déploiement de la 5G est estimé à 2,3 millions.

Première norme 5G en septembre 2018
Mais pour l’heure, aucune norme n’a été définie au sein du 3GPP (7). La release 15,
à savoir la première norme 5G du 3GPP, est en cours de rédaction : les spécifications de la nouvelle architecture ont commencé en décembre 2016. Et depuis mars dernier, est censée être étudiée une nouvelle interface radio appelée NR pour New Radio. Une première version du standard devrait être validée en septembre 2018, tandis qu’une deuxième (3GPP release 16) devrait être publiée en mars 2020. La 5G promet un débit utilisateur et un débit maximal respectivement 10 et 20 fois supérieur aux capacités actuellement. Le temps de latence devrait être divisée par au moins 10 : la latence point à point cible est de 1 ms, contre 30 à 40 ms à ce jour : l’Internet mobile a de beaux jours devant lui. @

Charles de Laubier

Code européen des communications électroniques : dernière ligne droite des débats pour réformer

Le prochain Code européen des télécoms sera-t-il pro-opérateurs de réseaux
ou pro-consommateurs ? Telle est le dilemme des législateurs européens à la recherche d’un équilibre. Les opérateurs télécoms veulent plus d’harmonisations mais les Etats membres parlent plus de subsidiarité.

Mounir Mahjoubi, présenté à Luxembourg comme
« ministre d’Etat pour le secteur du Numérique, rattaché
au Premier ministre » (son titre officiel au gouvernement français est secrétaire d’Etat en charge du Numérique (1)), a assisté pour la première fois au Conseil des ministres des télécoms de l’Union européenne, qui s’est tenu à Luxembourg le 9 juin dernier. Ce fut pour le lui le baptême du feu européen, en pleine révision de cadre réglementaire des télécoms en vue de crée un « Code européen des communications électroniques ».

Ménager concurrence et consommateurs
Le casse-tête des ministres des Télécoms et du Numérique des différents Etats membres de l’Union européenne (UE) est de mener à bien la réforme de la réglementation de communications électroniques en ménageant la chèvre (encourager les investissements, la concurrence et l’innovation) et le chou (assurer une protection élevée des consommateurs). « Nous devons parvenir à mettre en place une nouvelle réglementation appropriée en matière de télécommunications si nous voulons assurer une connectivité de haute qualité et à très haut débit pour tous. Le débat que nous avons tenu aujourd’hui apporte une précieuse impulsion pour les futurs travaux en vue d’atteindre cet objectif », s’est félicitée le 9 juin Kadri Simson (photo), la ministre estonien des Affaires économiques et Infrastructure, au nom de la présidence maltaise de l’UE – Malte assumant ce rôle depuis le 1er janvier dernier et jusqu’au 30 juin prochain, tandis que l’Estonie prendra le relais du 1er juillet au 31 décembre.
Le Conseil de l’UE a fait le point des progrès réalisés sur le réexamen de la réglementation en matière de télécommunications, à la lumière d’un rapport sur l’état des travaux et d’un document de réflexion – datés tous les deux du 22 mai 2017. Pour être adoptés, les textes doivent encore être approuvés à la fois par le Conseil de l’UE et par le Parlement européen. Le réexamen a pour objectif d’améliorer la connectivité fixe et mobile pour tous les utilisateurs à travers l’Europe, tout en assurant leur protection.
« La proposition de nouvelle réglementation en matière de télécommunications, sous
la forme d’un “Code des communications électroniques européen” fusionne quatre directives existantes en matière de télécommunications (cadre, autorisation, accès et service universel). Une autre proposition met à jour les règles concernant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece). Ces propositions ont été présentées par la Commission européenne en septembre 2016 dans le cadre du “paquet connectivité”, qui est notamment destiné à garantir que d’ici 2025 tous les ménages européens auront accès à une connexion internet à très haut débit et que toutes les zones urbaines et les principales voies routières et ferrées bénéficieront d’une couverture 5G mobile à haut débit ininterrompue », a résumé le Conseil des ministres européen.
Le futur Code des communications électroniques européen s’appliquera aussi bien aux fournisseurs de réseaux (les opérateurs télécoms) qu’aux fournisseurs de services (les acteurs du Net). Les mesures-phares prévoient notamment de rendre une partie de la régulation « plus proportionnée » – c’est-à-dire allégée comme le demandent depuis des années les opérateurs télécoms – en échange d’investissements dans les réseaux, qu’ils soient haut débit ou très haut débit fixe et mobile. De nouvelles règles pour favoriser le déploiement des réseaux de nouvelle génération comme la 5G et le FTTH seront d’ailleurs introduites. Il s’agit en outre d’élargir le champ d’application des règles aux nouveaux outils de communication comme les services dits OTT (Over-The-Top) tels que la voix sur IP, les applications de messagerie instantanée et le webmail.

Applications de messagerie instantanée
« Les services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation (tels que les applications de messagerie instantanée) seraient soumis à certaines règles relatives aux droits de l’utilisateur final, dans la mesure où ces services revêtent certaines caractéristiques qui sont régies par les nouvelles règles (qualité du service, prix, durée du contrat, etc.). Ainsi, les citoyens seraient protégés de la même façon lorsqu’ils utilisent des services de communications électroniques revêtant des caractéristiques similaires en ce qui concerne l’utilisateur final et n’auraient pas
à se soucier ni de la façon dont ce service leur est fourni, ni de qui le leur fournit »,
est-il expliqué. Quant aux règles d’accès aux réseaux, elles restent fidèles à celles proposées par la Commission européenne le 14 septembre 2016, à savoir les dispositions visant à encourager le co-investissement et celles concernant l’identification des « zones d’exclusion numérique » dans lesquelles les opérateurs télécoms ou les collectivités territoriales n’ont pas déployé de réseau haut débit et n’ont pas l’intention de le faire – parce que ce n’est pas rentable pour eux par exemple. Objectif : que les 315 millions d’Européens connectables le soient effectivement à terme en très haut débit et à des prix attractifs (2).

Harmonisation via le Berec et le RSPG ?
Le Conseil des ministres des télécoms européen a également apporté « de la souplesse » dans le projet de texte réglementaire afin de permettre aux Etats membres d’agir en fonction de « leurs réalités nationales, voire locales », tout en réduisant
« la charge administrative » que la proposition de la Commission européenne aurait
pu imposer. « En général, les principes de subsidiarité et proportionnalité ont été mentionnés plusieurs fois », rapporte le compte-rendu de la réunion à Luxembourg du
9 juin. Mais le débat d’orientation s’est surtout attardé sur la question de savoir comment mieux coordonner la régulation au niveau européen. La Commission européenne avait proposé de transformer l’Orece en une agence de l’UE et de « lui donner plus de pouvoirs afin de faire en sorte que des efforts systématiques soient accomplis pour atteindre les objectifs poursuivis en matière de connectivité ». La future réglementation des télécommunications pourrait, à travers son nouveau code, prévoit des mécanismes de coordination renforcés.
Mais les ministres des télécoms des Etats membres ont demandé de la flexibilité pour tenir compte des caractéristiques de chacun de leur pays, en rejetant tout mécanisme d’examen trop lourd de la part de la Commission européenne. « La structure du Berec
a prouvé sa valeur et ne devrait pas être métamorphosée une agence », ont estimé les ministres. Concernant, le spectre des fréquences, y compris pour la 5G, les ministres européens des télécoms estiment que le partage des meilleures pratiques est la façon la plus utile d’aller plus loin. « Trop d’harmonisation pourrait être nuisible, étant donné la rapidité avec laquelle se développe la technologie », préviennent-ils, en réaffirmant leur confiance au RSPG (Radio Spectrum Policy Group) et au Berec – présidé en 2017 par Sébastien Soriano, président de l’Arcep – comme des plateformes appropriées pour une coordination flexible entre les Etats membres dans le domaine du spectre (3). Mais le processus d’évaluation par les pairs (peer review) tel que proposé par la Commission européenne leur apparaît trop lourd. Les ministres ont également considéré qu’une période obligatoire de 25 ans pour l’allocation des fréquences était trop longue, étant donné que nulle ne sait ce que l’avenir nous réserve.
Or la GSMA (4), l’association mondiale des opérateurs mobile ( forte de ses 1.100 membres dont 800 opérateurs), a prévenu la veille de la réunion qu’« une durée d’au moins 25 ans, avec une forte présomption de renouvellement, est requise pour fournir des mesures incitatives afin que l’industrie investisse aux niveaux élargis nécessaires au déploiement de la 5G à travers l’Europe ». La GSMA a appelé aussi le Conseil des ministres de l’UE à plus d’harmonisation « par le biais, par exemple, d’un processus d’évaluation par les pairs ».
Concernant cette fois l’harmonisation des règles sur la protection des consommateurs sur les services de communications interpersonnelles, tels que les messageries instantanées très prisées sur les smartphones notamment (Skype, WhatsApp, Messenger, Hangouts, Viber, …), la GSMA a mis en garde les ministres l’accroissement des contraintes réglementaires sur les télécoms : « De telles règles et obligations peuvent augmenter les coûts et limiter la capacité des fournisseurs à investir dans
de nouveaux services ou améliorations des réseaux, et potentiellement réduire les avantages pour les consommateurs du fait de règles incompatibles entre les Etats Membres », a ainsi déclaré Afke Schaart, vice-présidente Europe à la GSMA.

Lobbying de l’ETNO, de la GSMA, etc…
L’ETNO (5), qui représente les opérateurs télécoms historiques en Europe (41 membres), partage elle aussi les préoccupations de la GSMA. « La 5G et la “Société
du Gigabit” nécessitent une ambitieuse réforme du spectre radioélectrique. (…) En particulier, les législateurs doivent reconnaître l’importance d’améliorer la prévisibilité et la clarté de l’attribution des licences. (…) Le débat institutionnel au sein de l’UE risque de retarder une source majeure de croissance économique et sociétale », prévient Lise Fuhr, directrice générale de l’ ETNO. Ces deux organisations (6), rejointes par Cable Europe, Developers Alliance, DigitalEurope et Cocir, ont publié le 7 juin une déclaration commune pour « sauver les ambitions de la 5G en Europe ». @

Charles de Laubier

La 5G pourrait très bien coiffer au poteau le FTTH

En fait. Le 2 mars, le Mobile World Congress – grand-messe internationale consacrée à la mobilité et organisée sur quatre jours à Barcelone par l’association mondiale des opérateurs mobile GSMA – a fermé ses portes. Attendue pour dans trois ans, la 5G s’annonce comme le grand rival du FTTH.

Politique du très haut débit : la charge de la Cour des comptes vise le tout-fibre optique

La Cour des comptes a critiqué fin janvier le déploiement du très haut débit
en France, dont le budget devrait déraper d’environ 14,9 milliards d’euros.
Les magistrats financiers recommandent plutôt de privilégier l’accès pour tous
à un haut débit minimal et non au tout-fibre hors de prix.

Orange et SFR se tirent la bourre dans les contenus, au risque de créer un duopole néfaste en France

Ne parvenant pas à augmenter leur Arpu en raison de la guerre des prix accrue qu’ils se livrent depuis cinq ans, les opérateurs télécoms voient dans des contenus premiums des relais de croissance. Mais seuls Orange et SFR ont
de gros moyens, au risque d’engendrer un duopole. L’Arcep s’inquiète.

Depuis cinq ans maintenant que Free Mobile a été lancé pour bousculer l’ordre établi du triopole alors en place, les opérateurs télécoms se livrent en France à une bataille sans merci sur les prix. A défaut de ne plus pouvoir se différencier sur les tarifs, tirés vers le bas à la grande satisfaction des utilisateurs, voilà que les stratégies de différenciation des fournisseurs d’accès à Internet se déplacent sur les contenus. Le cinéma, le sport ou encore la presse sont devenus des produits d’appel pour les opérateurs dont les réseaux – censés évoluer rapidement vers le très haut débit – passent au second plan ou presque.

Duopole « difficiles à réguler »
Ce changement de pied des opérateurs télécoms – Orange et SFR en tête – inquiète
le régulateur français à double titre. D’abord parce que cette course à l’échalote dans des contenus parfois très coûteux, comme les droits sportifs ou les productions audiovisuelles exclusives, pourrait se faire détriment des investissements dans les réseaux très haut débit tel que la très chère fibre (lire p. 8 et 9). « Si les opérateurs télécoms investissent massivement dans les contenus… il y a un fort risque que cela diffère les investissements dans les réseaux télécoms en France. Je préfèrerais les entendre avec un message clair disant qu’ils investissent dans la fibre, la 4G, la 5G, plutôt que cette discussion permanente sur le contenu », s’est agacé Sébastien Soriano (photo), dans un entretien au Financial Times publié le 29 janvier. Le président de l’Arcep préfèrerait voir les opérateurs télécoms se différencier sur leur réseaux nouvelle génération – qui tardent à être déployés rapidement afin de couvrir 100 % de la population française d’ici 2022 – plutôt que sur les contenus premiums. Ce serait, selon lui, la meilleure réponse à la guerre des prix dont les opérateurs télécoms se plaignent sans cesse mais à laquelle ils se livrent entre eux.
Ensuite, cette course folle dans les contenus plutôt que dans les réseaux fait prendre
le risque à la France de basculer à terme dans un duopole contitué par les seuls opérateurs télécoms qui ont les moyens d’investir à la fois dans l’infrastructure réseau très haut débit (fibre optique, 5G) et dans les contenus audiovisuels attractifs (films, séries, sport). « Le vraiment mauvais scénario pour nous serait celui où deux acteurs [en l’occurrence Orange et SFR, ndlr] seraient engagés dans des stratégies de différenciation dans les médias. Il y a alors un haut risque que le marché devienne un duopole, ce qui pour nous serait terrible. Les duopoles sont très difficiles à réguler », s’est inquiété Sébastien Soriano, toujours dans le FT. Autrement dit : le problème est que, si Orange et SFR continuent à développer une convergence réseau-contenu que l’Arcep ne peut empêcher, un nouveau cadre réglementaire et une nouvelle régulation pourraient s’avérer nécessaire. « Ma préoccupation principale est que nous n’allions pas plus loin dans cette histoire de média télécom. Pour l’instant, il n’y a pas de gros problème – mais pourrions-nous s’il vous plait juste en rester là », a-t-il confié.
Ce n’est pas la première fois que Sébastien Soriano agite l’épouvantail du duopole. Il y a deux ans, il mettait déjà en garde contre cet hydre à deux têtes qui serait une calamité en terme de concurrence. « Un duopole est difficile à réguler ; tous les exemples à travers le monde montrent que c’est la pire situation pour l’investissement et les prix », avait-il mis en garde (1), alors qu’il était question à l’époque du rachat éventuel de Bouygues Telecom. L’ancien président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, s’était déjà opposé à deux reprises – en 2012 puis en 2014 – à ce que Free rachète SFR car cela aurait inéluctablement provoqué la disparition de Bouygues Telecom (2). Aujourd’hui, le risque de basculer dans un duopole néfaste vient cette fois de la bataille sur de coûteux contenus qui pourraient disqualifier les opérateurs concurrents qui n’auraient pas les reins assez solides pour surenchérir. En clair : si Orange et SFR persistent dans cette bataille « médiatique », Bouygues Telecom et Free pourraient en pâtir et voir leur avenir hypothéqué.

La chasse aux exclusivités
De son côté, l’Autorité de la concurrence ne verrait pas d’un très bon œil le retour des exclusivités réseau-contenu d’opérateurs en position dominante. Sa présidente Isabelle de Silva (3) doit d’ailleurs dire d’ici le 23 juin si elle prolonge ou pas les mesures correctrices imposées à Canal+ depuis la prise de contrôle de TPS et CanalSatellite en 2006 par Vivendi (4). Il s’agit d’éviter les abus dans l’exclusivité des contenus. Plus récemment, en juin dernier, l’Autorité de la concurrence s’est opposée à l’accord de distribution exclusive entre Canal+ et beIN Sports. Alors, imaginez un rapprochement Orange-Canal+… Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, en rêve ! @

Charles de Laubier