En 2022, il n’y aura pas de 100 Mbits/s pour tous

En fait. Le 28 juin se sont tenues les 12es Assises du Très haut débit, organisées à Paris par Aromates. Régis Baudoin, directeur de la mission « France Très haut débit » à l’Agence du numérique, est notamment intervenu pour faire le point des déploiements « à mi-parcours » de l’échéance de 2022.

En clair. « Le plan “France Très haut débit” [lancé en février 2013 avec l’objectif de couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022, ndlr] est à mi-chemin du parcours par rapport à l’échéance de 2022. Mais
ce qui reste devant nous est considérable et nécessitera la mobilisation des partenaires publics et privés. Il reste en fait plus de la moitié du chemin à parcourir en termes de déploiements encore à réaliser », a prévenu Régis Baudoin, directeur de la mission « France Très haut débit ». Et encore, dans moins de cinq ans, on sera très loin de « la société du gigabit » que le prône l’Europe – et bien en-deçà des 100 Mbits/s pour tous.
La France vise en effet deux objectifs moins-disant : un « bon haut débit » fixe pour tous supérieur à 8 Mbits/s en 2020 (et une couverture mobile généralisée) ; du très haut débit pour tous supérieur à 30 Mbits/s d’ici 2022 (avec un mix technologique, fibre optique, VDSL2 ou hertzien comme la 4G fixe). Rien que pour le très haut débit fixe, Régis Baudoin a rappelé que « ce sentier industriel majeur, et plus grand plan d’infrastructure sur le territoire français, représente entre 20 et 25 milliards d’euros d’investissement sur 10 ans, avec la création de 30.000 emplois directs ». L’Etat, lui, y contribue à hauteur de 3,3 milliards d’euros, et les collectivités entre 3 et 3,5 milliards d’euros. Alors que les opérateurs télécoms Orange
et SFR se sont mis d’accord en juin sur les déploiements de la fibre dans les zones moyennement denses (zones dites AMII (1)), avec 80 % des foyers à raccorder pour le premier et 20 % pour le second (sur un total de 13,7 millions de prises FTTH (2)), l’heure est venue de fibrer les zones rurales (zones dites AMEL (3)).
Plus de 30 départements ont manifesté leur intérêt d’y déployer un total d’au moins 1 million de prises FTTH, voire jusqu’à 2 millions. « Les résultats de cette procédure seront annoncées cet été, en septembre [avant le 22 septembre, ndlr]», a indiqué Régis Baudoin. En attendant, sur l’Hexagone et les Dom-tom au 31 mars dernier (derniers chiffres de l’Arcep en date), 10,9 millions de foyers sont éligibles au FTTH (voir graphique des déploiements et des mutualisations page 10) mais seulement 3,6 millions y sont abonnés (33 %). D’ici 2022, les foyers éligibles au FTTH devront être 27 millions. Mais pour combien d’abonnés finalement dans quatre ans ? @

La 5G : tout le monde en parle mais personne ne l’a !

En fait. Le 1er mars, le Mobile World Congress – grand-messe internationale consacrée au téléphone mobile et organisée sur quatre jours à Barcelone par l’association mondiale des opérateurs mobile GSMA – a fermé ses portes.
La 5G sort des labos pour entrer en phase de tests. Et commercialement ?

En clair. Pour l’instant, c’est l’arlésienne depuis de dix ans (1) : toujours annoncée, mais jamais commercialisée (2). Et il aura fallu attendre décembre 2017 pour que soit enfin publiée la première standardisation – appelée « Release 15 » – de la norme 5G par le 3GPP – The Third Generation Partnership Project, basé en France à Sophia Antipolis et chargé du développement technique des normes mobiles (GSM, GPRS, EDGE, UMTS, LTE et LTE Advanced). Alors que la première couche du standard
n’est pas encore sèche, la 5G du 3GPP est maintenant entre les mains de l’Union internationale des télécommunications (UIT) – qui dépend de l’ONU – pour être évaluée avant d’être estampillée « IMT-2020 » d’ici… un an et demi. Il faudra encore patienter.
« La soumission finale et aboutie de la norme 3GPP, englobant les “Release 15” et “Release 16”, est planifiée pour juillet 2019 », a précisé Kevin Flynn, directeur marketing et communication de l’organisme de standardisation le 24 janvier dernier. Initialement prévue pour 2020, la commercialisation de la 5G pourrait néanmoins démarrer dès l’an prochain. Il est même question que, aux Etats-Unis, AT&T et Verizon lancent leurs services mobiles de cinquième génération dès fin 2018. Mais cela, au risque d’être du « Canada Dry » de 5G : cela y ressemblera mais il s’agira plus de
« 4G++ », en attendant la disponibilité de terminaux compatibles et que tout le puzzle normatif soit constitué et estampillé « IMT-2020 » par l’UIT. Outre les Etats-Unis, d’autres pays comme le Japon et la Corée du Sud seront aux avant-postes des déploiements commerciaux. Tandis que l’Europe, pourtant pionnière de la 2G (GSM), reste en retrait comme en 4G – dont la couverture reste insatisfaisante. A moins que
le déclic ne se fasse avec la 5G grâce à sa promesse de débit très élevé (plus de 10
à 20 Gbits/s, contre 30 Mbits/s en 4G) et de temps de latence réduit (moins de
1 milliseconde, contre jusqu’à 40 ms en 4G).
En France, Orange et Bouygues Telecom ont été autorisés le 23 février par l’Arcep à tester « grandeur nature » de la 5G – respectivement du 1er juin 2018 au 1er juin 2019 (à Lille et Douai), et 1er mai au 30 septembre 2018 (Bordeaux, Lyon et Villeurbanne) – dans la bande des 3,6-3,8 Ghz. Cinq autres villes pourront accueillir d’autres tests : Montpellier, Nantes, Le Havre, Saint-Etienne et Grenoble. @

Comment Vitis accélère dans le très haut débit en poussant sa plateforme Videofutur en régions

Soutenu par la Caisse des dépôts, dont Gabrielle Gauthey (ex-Arcep) est directrice des investissements locaux, et filiale de Netgem, dont Marc Tessier
(ex-France Télévisions) est « censeur » au conseil d’administration, Vitis accélère son développement en régions avec sa « box » Videofutur.

Cinq ans après que Netgem, fabricant français de décodeurs devenu éditeur de « set-top-box » virtuel,
ait réintégré la plateforme de VOD Videofutur, celle-ci
– commercialisée par le fournisseur d’accès à Internet
Vitis créé il y a plus d’un an – poursuit son déploiement
en régions. Filiale à 56 % de Netgem, Vitis intervient en tant que « Fiber Virtual Network Operator » et emprunte
les réseaux d’initiative publique (RIP) des opérateurs d’infrastructures Altitude, Axione et Covage. FVNO est
à la fibre optique ce que MVNO (1) est à la téléphonie mobile.

RTTH, satellite et bientôt 4G fixe au secours du THD

En fait. Le 14 décembre, s’est tenue la 2e Conférence nationale des territoires (CNT) où le Premier ministre n’a pas présenté « la feuille de route » des engagements des opérateurs télécoms dans le déploiement du très haut débit.
« D’ici Noël », espère Edouard Philippe. Le RTTH, la 4G fixe et le satellite sont appelés à la rescousse.

En clair. C’est un virage serré que négocie le gouvernement pour parvenir – « d’ici Noël, ce serait un beau cadeau », espère le Premier ministre – à une « feuille de
route » des « engagements opposables » de déploiement du haut et très haut débit par les opérateurs télécoms. Après le dérapage quasi incontrôlé du « plan France très haut débit » (PFTHD), l’objectif inatteignable de François Hollande d’atteindre en 2022
« 100 % du territoire essentiellement en fibre » est définitivement enterré au profit d’un déploiement plus réaliste en deux temps – au moins 8 Mbits/s en 2020 et plus de 30 Mbits/s en 2022, voire 100 Mbits/s –, avec une « solution mixte où l’on marie la fibre
et la 4G [fixe] à bon niveau partout » voulue cette fois par son successeur Emmanuel Macron (1). Pour y parvenir, le « plan B » présenté le 14 décembre lors de la 2e Conférence nationale des territoires (CNT) (2) fait la part belle au « RTTH », pour Radio-to-the-Home – qui est à la boucle locale radio ce que le FTTH est à la fibre optique. Et juste à temps pour la CNT, l’Arcep a annoncé le 11 décembre l’ouverture d’un « guichet » pour les acteurs désireux de déployer le RTTH – appelé officiellement « très haut débit radio » ou « THD radio » – pour lequel elle a attribué la bande 3410-3460 MHz. Le RTTH/THD radio est à ne pas confondre avec la 4G fixe que prône le chef de l’Etat. C’est pour cela que le régulateur des télécoms est en train d’« analyser
la demande du gouvernement de mobiliser les réseaux mobiles 4G pour les besoins
de connectivité fixe » (dixit son rapport 2018 sur les territoires connectés publié le 12 décembre).
Quant au satellite, il commence à devenir un recours crédible pour les zones qui n’ont pas la fibre. La Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique (Firip), qui
a fêté ses 5 ans le 7 décembre, appelle justement le gouvernement à « prévoir urgemment le subventionnement du THD radio et du satellite à leur juste hauteur ». L’opérateur français de satellite Eutelsat, qui est membre de la Firip et dont Bpifrance (Etat et CDC) est actionnaire, pousse ses pions dans le PFTHD depuis que son DG Rodolphe Belmer a déploré en octobre 2016 que le tout fibre des autorités françaises s’apparentait parfois à… de « l’obscurantisme » (lire EM@154, p. 3). Le cuivre, lui, n’a pas dit non plus son dernier mot puisque le VDSL2 compte déjà 5,7 millions d’abonnés à ce jour. @

L’investissement des «telcos» franchit les 10 milliards

En fait. Le 15 novembre, le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, est intervenu au DigiWorld Summit de l’Idate, dont le thème était : « Investir dans notre futur numérique ». Selon nos calculs, la barre des 10 milliards d’euros d’investissement de la part des opérateurs télécoms est franchie en 2017.

En clair. 10 milliards d’euros : ce seuil symbolique de l’investissement total des opérateurs télécoms en France va être dépassé en 2017, hors achats de fréquences mobile, contre 8,9 milliards l’année précédente. En effet, si l’on applique à cette année au moins la même croissance annuelle à deux chiffres observée en 2016 (à savoir
13,4 %), la barre est franchie. Ce niveau d’investissement des « telcos » français
– tant dans le fixe que dans le mobile – sera du jamais vu depuis la libéralisation du secteur il y a deux décennies.
Ce montant de 10 milliards d’euros – inégalé depuis 1998, année historique de l’ouverture du marché de la téléphonie à la concurrence – devrait appeler d’autres records pour les années à venir, tant les investissements d’Orange, de SFR, de Bouygues Telecom et de Free – sans compter les opérateurs alternatifs (Kosc, Altitude, Covage, Coriolis, …) – se sont accélérés ces derniers mois sous la pression accrue
du gendarme des télécoms, bien décidé à « manier la carotte et le bâton » – pour reprendre l’expression employée par le président de l’Arcep, Sébastien Soriano,
le 25 octobre dernier devant les sénateurs qui l’auditionnaient. A Montpellier, où se tenait le DigiWorld Summit de l’Idate, il s’est félicité : « Nous constatons que la régulation pro-investissement, et bien… ça marche ! Depuis trois ans, nous constatons une croissance forte de l’investissement des opérateurs télécoms ». Et le gendarme du secteur assure ne pas hésiter à « taper du poing sur la table » (mises en demeure avec sanctions possibles) en cas de non-respect des obligations de déploiement, comme sur la 4G. En conséquence, le taux d’investissement des opérateurs de communications électroniques dans l’investissement global national – ce que l’Insee mesure à travers
le FBCF (1) – a déjà atteint l’an dernier le niveau sans précédent de 1,8 %, pour s’acheminer cette année vers les 2%. Pour autant, les déploiements très haut débit – malgré l’objectif présidentielle d’en couvrir toute la France d’ici 2022 – ne représentent que 3 milliards d’euros d’investissement en 2016, bien qu’en hausse de 25 %, soit tout juste un tiers du total. Et encore, c’est « toutes technologies confondues » (2) et donc bien moins si l’on s’en tient à la « solution mixte de fibre optique et de boucle locale radio » (3) que prône l’actuel chef de l’Etat Emmanuel Macron. @