4G et fibre : dix ans après le dégroupage ADSL, les concurrents encore vivants s’inquiètent

Free, Bouygues Telecom et SFR, les trois principaux concurrents France Télécom, rêvent de reproduire, avec le très haut débit, le succès qu’ils rencontrent depuis dix ans dans le haut débit grâce au dégroupage ADSL.
Leur avenir dépend à nouveau du gouvernement et du régulateur.

« On constate un succès de la régulation sur le marché du fixe en France. Cette régulation a commencé avec l’émergence du dégroupage il y presque dix ans, grâce
à des décisions courageuses du président Jean-Michel Hubert [ancien président de l’Arcep, à l’époque l’ART, ndlr] qui ont permis d’ouvrir réellement ce marché et de faire naître une concurrence réelle sur le haut débit et l’émergence d’innovations. Cela a permis l’émergence du triple play et d’offres marketing différentes fortes au bénéfice du consommateur », s’est félicité Xavier Niel, vice-président et directeur général délégué
à la stratégie d’Iliad-Free, lors du colloque de l’Arcep le 4 mai (1). Dix ans après la décision du dégroupage ADSL (2), le fondateur de Free en appelle aux pouvoirs publics : « Nous pensons qu’il faut faire de nouveau ce choix de la concurrence et de l’innovation dans les réseaux fixe et mobile pour la prochaine décennie au bénéfice des consommateurs ». C’est en effet fin mai que l’appel à candidature pour l’attribution des fréquences de quatrième génération de mobile (4G) sera lancé par le gouvernement, tandis que le régulateur met en place les règles du jeu pour le déploiement des réseaux
de fibre optique.

A propos du mobile 4G.
Le recours aux enchères pose problème à certains concurrents de l’opérateur historique. « Malheureusement, il semble que le gouvernement ait un projet qui vise à maximiser les recettes budgétaires à court terme. Et donne une prééminence au critère financier et organise la préemption du dividende numérique par un ou deux opérateurs. (…) Parallèlement, dans un marché où les offres quadruple play se développent, la restriction de concurrence sur le mobile peut en outre avoir des effets sur le marché
fixe », s’est inquiété Xavier Niel. Free Mobile, qui a été retenu en 2009 pour être le quatrième opérateur 3G, doit lancer son offre quadruple play à partir de janvier 2012. Même crainte chez Bouygues Télécom, exprimée par Martin Bouygues, sur le mécanisme d’attribution des licences 4G (bandes des 2.600 Mhz et des 800 Mhz) :
« Dire qu’il doit y avoir des enchères parce que la ressource est rare, cela n’a pas
de sens. D’abord parce que cela conduit nécessairement à faire gagner le plus riche [France Télécom, voire Vivendi/SFR, ndlr]. Pour les 2.600 Mhz, il demande à ce que tout candidat recevable ait au moins 15 Mhz, avec un maximum de 25 Mhz pour « le plus riche » (3). Pour les « fréquences en or » du dividende numérique en 800 Mhz,
il souhaite la « mutualisation de la bande » pour répondre aux besoins des territoires ruraux. Mais la mutualisation des réseaux 4G n’est pas du goût de Jean-Bernard Lévy, président de Vivendi : « Ces mutualisations forcées ne sont pas pertinentes car elles empêcheront les opérateurs de se différencier techniquement, ce qui sapera leurs efforts en matière d’innovation. C’est le nivellement par le bas ».

A propos de la fibre optique
Xavier Niel critique ouvertement la politique du très haut débit menée en France : « En France, contrairement aux autres pays européens, vous avez de multiples acteurs qui (…) déploient des réseaux de fibre optique les uns à côté des autres. C’est quelque chose qui doit représenter 500 millions d’euros gaspillés par an en France », déplore-t-il. Résultat : « Chacun des réseaux peut accueillir l’ensemble des besoins nécessaires à la fois aux consommateurs et aux opérateurs. On a jeté collectivement environ 500 millions d’euros par an à co-déployer des réseaux les uns à côté des autres ». Pour le dirigeant d’Iliad-Free, il faut des contraintes fortes sur les opérateurs dominants, sinon
« la mutualisation de la fibre optique en zones mois denses ne fonctionne pas ».
Martin Bouygues, qui ne veut pas investir immédiatement dans la fibre et s’appuie sur SFR (zones denses) et Numericable (4) (zones rurales), est sur la même longueur
d’onde : « On peut s’interroger sur la pertinence de construire plusieurs réseaux de fibre optique parallèles, alors qu’une seule et même fibre ne peut être saturée. (…) Bouygues Telecom propose le déploiement d’une infrastructure passive unique, en réservant la concurrence aux infrastructures actives qui seules déterminent les niveaux de qualité de service ». Et contrairement à France Télécom et à Vivendi-SFR, Xavier Niel ne veut pas que l’Arcep baisse la garde : « Il y a un fort lobbying des opérateurs historiques sur leur marché (…) pour une vacance réglementaire. Si l’on prend l’exemple du fixe, (…) on a le tarif du dégroupage qui n’a pas baissé depuis trois ans maintenant. Cela veut dire qu’il y a 1 milliard d’euros que l’on aurait pu rendre aux consommateurs, d’une manière ou d’une autre, soit au travers de l’investissement en déployant des réseaux de fibre optique, soit autrement ». @

Charles de Laubier

Pourquoi la séparation des réseaux et des services télécoms revient-elle sur le tapis

Vieille antienne de la régulation des télécoms, la séparation des réseaux et
des services de communications électroniques sur le marché de détail fait de nouveau débat, au point d’être présentée comme une solution au retard de l’Europe en matière de très haut débit.

Bientôt la 5G !

Nos rapports avec nos équipements et services mobiles ont beaucoup changé depuis dix ans. En ces temps de transition avancée, nous avons vu rapidement évoluer nos pratiques. C’est finalement moins la performance de nos nouveaux terminaux LTE (Long Term Evolution) qui nous étonne
qu’une nouvelle manière de nous approprier un véritable écosystème de services accessibles via un ensemble d’équipements proposant des services en continu. A domicile, dans la rue, dans
les transports en commun, en voiture ou au bureau, la promesse depuis longtemps annoncée du « Anything, everywhere at anytime » est tenue. Finalement, ce changement d’un réseau mobile à l’autre s’est fait à la fois très progressivement mais aussi très différemment des deux précédents passages. L’arrivée de la 2G et le succès surprise du GSM, dont le premier réseau fut inauguré en Finlande en 1991, nous fit découvrir le vrai potentiel de ce nouveau moyen de communication individuel.

« La promesse depuis longtemps annoncée du “Anything, everywhere at anytime” est tenue. »

Le premier contenu mobile commercialisé en 1998 – une sonnerie – et l’introduction
de l’e-mail mobile en 1999 par Blackberry échauffèrent les esprits. La 3G fut ainsi annoncée à grand renfort de lancements commerciaux et d’anticipations boursières. Les cours s’enflammaient à la perspective d’une multitude de nouveaux services que laissait alors entrevoir le croisement du mobile et de l’Internet. Et ce, au moment même où la barre symbolique du premier milliard d’abonnés venait d’être franchie. Dix ans exactement après la 2G, la 3G était lancée au Japon en 2001, donnant la possibilité à des téléphones de nouvelle génération de dévoiler leurs talents. Lancé dès 1996 avec un certain succès, le Nokia Communicator fut le premier téléphone à proposer des applications de bureautique comme la messagerie ou l’agenda. Mais il a fallu attendre l’iPhone en 2007 pour ouvrir le marché de masse aux smartphones.
L’histoire de la 4G a été fort différente, même si une fois encore le cycle décennal s’est vérifié, avec les premiers déploiements commerciaux dès 2009 de TeliaSonera en Suède, puis de MetroPCS Communications au Texas. Ces périodes pionnières sont toujours l’occasion pour les continents de relancer une course incertaine devant leur permettre de garder ou de reprendre la main. L’Europe du GSM et de ses champions industriels a été rattrapée par l’Asie de la 3G, alors que les Etats-Unis revenaient dans la course à l’occasion de la 4G. L’Internet pouvait enfin coloniser les vastes territoires du mobile.
En permettant un transfert de données de 50 mégabits par seconde minimum, soit une multiplication par deux des capacités offertes par la 3G, le LTE était la seule solution pour que ne se reproduise pas un scénario d’écroulement de réseaux comme ce fut
le cas pour celui d’AT&T à New York à Noël 2009. De lourds investissements ont ainsi été engagés pour faciliter, dès 2015, l’accès à l’Internet mobile à près de 3 milliards de personnes sur près de 6 milliards d’abonnés mobile dans le monde – dont déjà près
de 400 millions d’abonnés au LTE. L’économie du mobile s’est à cette occasion encore complexifiée. Le réseau ultra-haut débit est en réalité constitué d’une architecture hétérogène visant à optimiser, pour l’opérateur sa gestion et ses coûts d’investissements, et pour l’abonné la qualité et les tarifs. Il y a du LTE en majorité,
bien sûr, autant que possible combiné aux déploiements de la fibre pour permettre d’écouler le trafic, mais également du Wi-Max pour intégrer des zones moins denses. Sans oublier la 3G qui reste encore le réseau le plus répandu. Les terminaux intègrent également de nouvelles facilités de connexion autorisant les abonnés à utiliser cette vaste infrastructure locale que constitue les « hot spots » Wi-Fi et les Femtocells, mais également les terminaux mobiles euxmêmes transformés en autant de « hot spots nomades ». Même si aujourd’hui la 4G est encore en pleine phase de déploiement, relayée par la 4G Advanced, les spécialistes ont récemment accéléré les discussions devant permettre le lancement de la 5G, attendue avec impatience pour dépasser les limites du LTE et donner corps au véritable World Wide Wireless Web. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Le « Search »
* Jean-Dominique Séval est directeur général adjoint de
l’Idate, qui réalise un service de veille permanente sur le
sujet : « LTE Watch Service », par Frédéric Pujol.

Fibre optique, 4G, TMP et RNT : les réseaux à décoincer au cours de l’année 2011

La France a accumulé les retards, voire les blocages, dans les projets de déploiement du très haut débit (fibre et 4G), la télévision mobile personnelle (TMP) ou encore la ratio numérique terrestre (RNT). Les conditions réglementaires et économiques seront-elles réunies cette année ?