Apps contre Web : bataille ou convergence ?

Comme l’Antiquité a été jalonnée de ces grandes guerres mémorables aux noms évocateurs – guerres médiques, puniques ou guerre des Gaules… – les premiers âges de l’Internet fixe auront également été rythmés par leurs propres conflits : guerres des portails, guerre du search ou guerre du social graph. Le basculement d’Internet vers le mobile au tournant des années 2010, à également ouvert un nouveau front. Les premiers pas du Web mobile ayant laissé à désirer, un nouvel entrant imposa à tous un raccourci plébiscité par les utilisateurs. Apple utilisa le concept d’applications comme moyen de contourner les trop lourdes adaptations des sites web au nouvel écosystème mobile.
Les Apps préexistèrent dès 2002, avec le lancement de kits pour développeurs fournis par Symbian, Brew (Qualcomm) et Java ME, mais elles restèrent globalement ignorées
du grand public.
Et c’est en 2008, à l’occasion du lancement de son iPhone 3G, que Steve Jobs déclencha la guerre des « App Stores ». L’appel d’air fut gigantesque : le nombre d’applications passa de 500 au début à plus de 500.000 quatre ans plus tard, pour atteindre un record
en février 2012 avec la 25 milliardième application téléchargée !

« Les cinq dernières années ont en fait ouvert une période passionnante de convergence entre Web et Apps. »

Free Mobile va regretter les « fréquences en or »

En fait. Le 22 décembre, l’Arcep a publié sa décision datée du jour même attribuant les autorisations des « fréquences en or » du dividende numérique (bande 800 Mhz) à Bouygues Telecom (bloc A), SFR (bloc B+C) et Orange (bloc D), lesquels pourront offrir du haut débit mobile en 4G à partir de 60 Mbits/s.

En clair. Free Fréquences, filiale détenue à 95 % par la maison mère Iliad et à 5 % par
la Free Mobile, n’a pas été retenue par l’Arcep sur les trois critères notés : le montant financier proposé, l’engagement d’accueil de MVNO (1) et l’aménagement du territoire.
La décision de l’Arcep ne mentionne pas le prix offert par Free mais il serait bien inférieur au 1 milliard annoncé par SFR pour les deux blocs B et C, aux 683 millions d’euros mis sur la table par Bouygues Telecom pour le lot A, ainsi qu’aux 891 millions avancés par France Télécom (Orange France) pour le bloc D.
Edition Multimédi@ a demandé à Maxime Lombardini, DG d’Iliad – en marge de la conférence de lancement de l’offre 3G de Free Mobile le 10 janvier (2) – s’il ne regrettait pas les « fréquences en or » pour la 4G. « Non, pas du tout. Nous avons déjà obtenu 20 Mhz [dans la bande 2,6 Ghz qui est de moins bonne qualité que la bande 800 Mhz, ndlr]
et nous avons le droit d’utiliser les ressources d’un autre opérateur [SFR qui cumule deux blocs de fréquences en or, ndlr], en plus des accords que nous avons avec Orange, notre partenaire actuel. (…) Et puis il y a un deuxième dividende numérique [nouvelles fréquences en or libérées par la télévision, ndlr] à partir de 2020… », nous a-t-il répondu. Cependant, le 22 décembre, il avait déploré auprès de Reuters : « Ce deuxième appel d’offres était très défavorable à un nouvel entrant et l’argent a fait la différence ».
Dans sa candidature du 15 décembre, le nouvel entrant et quatrième opérateur UMTS français avait expliqué que la bande 800 Mhz « vise à compléter le portfolio de fréquences du groupe Iliad, afin de répondre à la demande de débit de ses futurs abonnés » et
« améliorera la couverture “deep indoor” [propagation des ondes à l’intérieur des bâtiments, ndlr] de Free Mobile et la bande passante disponible en zones périurbaines
et rurales ». Free prévoyait aussi la mutualisation 3G/4G sur son réseau. Faute d’une enchère suffisante, l’Arcep ne l’a pas retenu. Pour sa future 4G, Free Mobile sera donc
en partie dépendant de ses deux plus gros concurrents.
Car difficile de se passer des « fréquences en or » à meilleure propagation hertzienne et permettant un meilleur très haut débit mobile. Mais il ne pourra utiliser des fréquences en or de SFR que lorsque que son réseau 4G dans les 2,6 GHz couvrira au moins 25 % de la population métropolitaine. @

Bientôt la 5G !

Nos rapports avec nos équipements et services mobiles ont beaucoup changé depuis dix ans. En ces temps de transition avancée, nous avons vu rapidement évoluer nos pratiques. C’est finalement moins la performance de nos nouveaux terminaux LTE (Long Term Evolution) qui nous étonne
qu’une nouvelle manière de nous approprier un véritable écosystème de services accessibles via un ensemble d’équipements proposant des services en continu. A domicile, dans la rue, dans
les transports en commun, en voiture ou au bureau, la promesse depuis longtemps annoncée du « Anything, everywhere at anytime » est tenue. Finalement, ce changement d’un réseau mobile à l’autre s’est fait à la fois très progressivement mais aussi très différemment des deux précédents passages. L’arrivée de la 2G et le succès surprise du GSM, dont le premier réseau fut inauguré en Finlande en 1991, nous fit découvrir le vrai potentiel de ce nouveau moyen de communication individuel.

« La promesse depuis longtemps annoncée du “Anything, everywhere at anytime” est tenue. »

Convergence dans les télécoms : vers plus de concentration et moins de concurrence ?

Après avoir fait figure d’arlésienne pendant dix ans, la convergence devient réalité. Or, ce nouvel eldorado n’est pas sans risque sur la concurrence ni sans incidence sur la concentration du marché des communications électroniques déjà élargi à l’audiovisuel.

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

L’émergence des offres convergentes fixe-mobile pose
en premier lieu la question du cadre d’analyse pertinent de marchés, aujourd’hui étroitement liés, alors qu’ils étaient auparavant bien distincts. Par voie de conséquence se pose également la question de savoir comment il sera encore possible d’analyser la relation entre prix de gros et prix de détail sur ces marchés, de surcroît au sein d’opérateurs télécoms intégrés ? Une autre problématique est liée au risque de voir se propager, comme
l’a écrit l’Arcep (1), « la faible fluidité du marché mobile à l’ensemble du secteur ».
Et ce, grâce à des pratiques commerciales biaisées par les avantages que certains opérateurs pourraient tirer de leur situation de dominance sur l’un des marchés concernés, et grâce en particulier à un processus de changement d’opérateur rendu plus complexe avec des offres groupées et de l’utilisation croisée de leur base de clientèle.

Viktor Arvidsson, Ericsson : « Les consommateurs doivent pouvoir accéder aux contenus légaux de leur choix »

Le directeur de la stratégie et des affaires réglementaires chez Ericsson France, filiale du numéro un mondial des réseaux mobiles, répond aux questions d’Edition Multimédi@ sur l’émergence d’un nouvel écosystème à l’heure de la convergence entre télécoms et audiovisuel.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Comment Ericsson perçoit-il
le souhait de l’industrie du cinéma français que les fabricants de terminaux interactifs puissent être obligés comme les fournisseurs d’accès à Internet d’investir dans des films? Viktor Arvidsson (photo) :
Il nous
semble que cette approche, qui consisterait à obliger les équipementiers télécoms à investir dans les contenus, n’est pas nécessairement la meilleure. A notre sens, les différents acteurs de l’écosystème contribuent conjointement au développement du marché. S’il n’y avait pas de vidéo à la demande, il y aurait moins de terminaux interactifs et inversement. Il faut donc être extrêmement prudent avant d’attribuer un succès – que l’on serait tenté de considérer comme un peu « parasitaire » – à un des acteurs d’un écosystème. Dans ce contexte, le réflexe qui consiste à « punir » les acteurs qui réussissent est plutôt contre-productif. Cette approche nous semble également assez inédite et l’on voit mal, par exemple, l’industrie de l’automobile financer les constructeurs d’autoroutes ! S’il y a des problèmes conjoncturels ou structurels dans une industrie, il faut les traiter en tant que tels. Il ne nous semble donc pas légitime et efficace de taxer ainsi les équipements télécoms.