Les métavers seront interopérables ou ne seront pas

En fait. Le 12 mars, le Metaverse Standards Forum – créé en juin 2022 pour favoriser l’interopérabilité entre métavers – organise un meetup au célèbre festival multimédia SXSW (le « South by »), à Austin au Texas, pour sensibiliser sur les standards ouverts des mondes virtuels immersibles en 3D.

Le géant français du logiciel Dassault Systèmes a manqué l’occasion de se mesurer aux Gafam

Alors qu’un changement de gouvernance approche pour sa maison mère Dassault, la filiale Dassault Systèmes – numéro un français du logiciel de conception 3D – reste méconnue. « 3DS » (son surnom) est un rare géant européen qui aurait pu rivaliser avec les Gafam en s’adressant aussi au grand public.

Au 23 février 2024, la capitalisation boursière de l’éditeur français de logiciels Dassault Systèmes dépasse à peine les 57,8 milliards d’euros. La pépite du CAC40 est très loin des 1.000 à 3.000 milliards de dollars de capitalisation boursière de chacun des Gafam (Alphabet/Google, Meta/Facebook, Amazon, Apple et Microsoft). Quant aux cours de son action à la Bourse de Paris, elle a chuté de plus de 13 % à la suite de l’annonce, le 1er février, de prévisions décevantes du chiffre d’affaires attendu pour cette année 2024 : entre 6,35 et 6,42 milliards d’euros, en hausse de 8 % à 10 % par rapport à l’an dernier.

Une Big Tech méconnue des Français
Les analystes financiers s’attendaient à mieux. Depuis cette déconvenue, le cours de Bourse de Dassault Système a repris un peu du poil de la bête, mais a rechuté à partir du 9 février (1). Le fleuron français du numérique semble avoir du mal à convaincre les investisseurs, alors qu’il s’agit pourtant d’une entreprise en forte croissance et très rentable : près de 1 milliard d’euros de bénéfice net en 2022 (931,5 millions d’euros précisément), pour un chiffre d’affaires celle année-là de 5,66 milliards d’euros.
Dassault Systèmes est dirigé par Pascal Daloz depuis le 1er janvier, date à laquelle Bernard Charlès (photo)lui a confié la direction générale qu’il occupait depuis 2002 pour s’en tenir à la fonction de président du conseil d’administration après en avoir été PDG – DG de 1995 à 2023 et président du conseil d’administration depuis qu’il a remplacé en 2022 Charles Edelstenne (86 ans). Celui-ci est le fondateur de Dassault Systèmes en 1981, dont il est encore aujourd’hui le président d’honneur, tout en étant par ailleurs président de la holding de la famille Dassault GIMD (2) – sixième plus grande fortune de France, selon Challenges (3) – et président d’honneur et administrateur de Dassault Aviation, dont il fut le PDG (2000- 2013). En quatre décennies, Dassault Systèmes – surnommé « 3DS » – est devenu un géant du numérique en étant pionnier de la conception en trois dimensions (3D) avec son logiciel Catia conçu à la fin des années 1970 chez Dassault Aviation pour la conception assistée par ordinateur d’aéronefs. Depuis, 3DS a déployé dans de nombreux secteurs industriels (aéronautique, défense, automobile, construction, énergie, biens de consommation, architecture, santé, …) ses logiciels de maquette numérique et de modélisation 3D, de gestion 3D du cycle de vie des produits (4), de prototypage virtuel et de « jumeaux numériques », appelés aussi « jumeaux virtuels ». Mais avec ses plus de 22.500 employés répartis dans plus de 130 pays, au service de plus de 300.000 clients dans une douzaine d’industries, force est de constater que la doyenne de la French Tech est méconnue du grand public. Autant les géants américains du Net ont acquis une notoriété auprès de tous les publics, autant Dassault Systèmes reste inconnu pour les particuliers. Avec l’ouverture de la réalité virtuelle au plus grand nombre, bien avant l’avènement des métavers que Meta Platforms (Facebook) tente de populariser depuis l’automne 2021, 3DS n’a pas saisi l’occasion d’adresser directement l’utilisateur final (5). Il y a bien de rares incursions auprès du public comme avec HomeByMe, une application d’aménagement intérieur en 3D pour particuliers – gratuite sur iOS (6) – et architectes (par abonnement, également utilisée par Ikea) pour créer des jumeaux virtuels associant vision à 360° et réalité augmentée. « La version web supporte un mode immersif basé sur webXR qui permet de concevoir l’aménagement en VR avec un casque », indique à Edition Multimédi@ David Nahon, le responsable de l’expérience immersive chez 3DS.
En plein engouement pour la réalité mixte (réalité virtuelle et réalité augmentée), que démocratisent Meta, HTC ou plus récemment Apple avec leurs casques respectifs Quest, Vive et Vision Pro, Dassault Systèmes reste éloigné de ces innovations grand public. Certes, le groupe fournit des briques logiciels 3D aux acteurs de la réalité virtuelle. Mais cela ne se voit pas. De plus, comme « les jumeaux virtuels sont une représentation du monde qui combine modélisation, simulation, données du monde réel et intelligence artificielle » (dixit 3DS), pourquoi ne verrait-on pas Dassault Systèmes s’emparer de l’IA générative pour développer un grand modèle de langage de type LLM (7) pour tous, comme les ChatGPT, Midjourney et autres Gemini ?

Google et Samsung s’attaquent en 2024 à la position dominante de Dolby dans l’audio 3D

Alors que l’on vient de fêter les 100 ans de la radio, l’audio 3D – nouvelle génération de son immersif – va faire l’objet d’une bataille rangée entre le duo Google-Samsung et la société américaine Dolby Laboratories qui détient presqu’un monopole mondial avec son système Dolby Atmos.

L’année 2024 marquera-t-elle la fin de la domination de l’audio 3D de Dolby Laboratories avec son format Dolby Atmos ? Cette technologie de son spatial immersif s’est imposée dans la plupart des produits high-tech : smartphones, ordinateurs, téléviseurs, consoles de jeux, barres de son, enceintes connectées, tablettes, lecteurs DVD/Blu-ray, mais aussi plateformes de streaming vidéo (Netflix, Disney+, AppleTV+, Amazon Prime Video, Paramount+ ou Max) ou de streaming musical (Amazon Music, Apple Music et Tidal), ou encore « box » et voitures.

L’IAMF à l’assaut du Dolby Atmos
« Dolby Atmos est une technologie audio orientée objet pour le cinéma et une large gamme de dispositifs multimédias qui permet de placer et de déplacer le son avec précision n’importe où dans l’environnement d’écoute, y compris la dimension aérienne, ce qui offre une expérience immersive », explique Dolby Laboratories dans son rapport annuel. De chacun de ces nombreux fabricants de terminaux ou d’appareils délivrant de l’audio 3D avec sa technologie propriétaire Dolby Atmos, l’entreprise américaine presque sexagénaire (fondée en 1965 à Londres par l’Américain Ray Dolby), perçoit des royalties de tous ces contrats de licence. Sur le précédent exercice, clos le 29 septembre 2023, l’ensemble des formats audio (non seulement Dolby Atmos mais aussi Dolby Digital Plus/DD+ et Dolby AC-4) ou vidéo (Dolby Vision) ont généré la quasi-totalité de son chiffre d’affaires annuel : près de 1,2 milliard de dollars sur près de 1,3 milliard de dollars, soit 92 % du total.
Le groupe basé à San Francisco et dirigé par Kevin Yeaman (photo de gauche) monétise ainsi quelque 20.000 brevets déposés à ce jour à travers le monde. Ses clients sont à 38 % dans l’audiovisuel (téléviseurs et “box”), 20 % dans les mobiles (smartphones et tablettes), 14 % dans l’électronique grand public (lecteurs de DVD/Blu-ray, enregistreurs audio/vidéo, barres de son, enceintes connectées), 10 % dans les ordinateurs et périphériques (Windows et MacOS) et 18 % dans d’autres domaines (cinéma, consoles de jeux, véhicules, concerts en live, etc.). Les Etats-Unis pèsent pour un tiers de ses revenus, tandis que l’international représente les deux-tiers, l’Europe correspondant à 10 % du chiffre d’affaires total du groupe. L’audio 3D – son multicanal ou surround – est aujourd’hui largement dominé par la technologie payante Dolby Atmos. Les formats propriétaires DTS:X et 360 Reality Audio de Sony sont ses principaux concurrents sur ce marché de plus en plus lucratif. Mais c’est sans compter l’arrivée prochaine – a priori courant 2024, d’après Samsung – d’un nouveau format audio 3D, l’IAMF, qui se veut, lui, gratuit et open source. Il s’agit d’une nouvelle technologie de son spatial immersif – Immersive Audio Model and Formats – adoptée en octobre 2023 par l’Alliance for Open Media (AOM), présidée par Matt Frost (photo de droite), directeur de produit chez Google. En sont membres fondateurs les Gafam (Google/YouTube, Amazon, Facebook/Meta, Apple, Microsoft) mais aussi Samsung, Netflix, Mozilla, Tencent, Nvidia, Cisco et Intel. Ils ont été rejoints notamment par Snap, Roku, LG, Oppo, Adobe, Zoom ou encore Realtek.
Depuis sa création en 2015, l’AOM œuvre pour développer des technologies ouvertes – logiciels libres – pour la compression et la diffusion des médias. Le nouveau format de 3D audio spatial IAMF en fait partie, développé conjointement par Samsung et Google dans le cadre d’un partenariat détaillé le 9 novembre dernier (1). Les travaux de Google dans ce domaine d’audio open source ont commencé il y a quelques années sous le nom de code « Caviar ». Le même jour l’AOM publiait les spécifications de ce nouveau format « pour permettre aux créatifs de révolutionner les expériences audio immersives à travers une myriade d’applications, du streaming et des jeux en passant par la réalité augmentée et la réalité virtuelle, ainsi que la diffusion traditionnelle » (2).

De Samsung TV à YouTube sur smartphone
D’après le sud-coréen Samsung présent au CES de Las Vegas en janvier, l’IAMF devrait être disponible – libre de droits (royalty-free license) – dans le courant de l’année, du moins dans ses téléviseurs dans un premier temps (3). YouTube, filiale de Google/Alphabet qui n’utilise pas Dolby Atmos, pourrait aussi lancer l’IAMF cette année sur smartphones et téléviseurs, d’après ce qui s’est dit au CES. Le marché de l’audio immersif (son vertical et horizontal), où Dolby Laboratories domine, s’apprête donc à être le théâtre d’une petite révolution. @

Charles de Laubier

ChatGPT, Midjourney, Flow Machines, … : quel droit d’auteur sur les créations des IA génératives ?

Face à la déferlante des IA créatives et génératives, le droit d’auteurs est quelque peu déstabilisé sur ses bases traditionnelles. La qualification d’« œuvre de l’esprit » bute sur ces robots déshumanisés. Le code de la propriété intellectuelle risque d’en perdre son latin, sauf à le réécrire. Par Véronique Dahan, avocate associée, et Jérémie Leroy-Ringuet, avocat, Joffe & Associés L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) par les entreprises, notamment en communication, est de plus en plus répandue. Des logiciels tels que Stable Diffusion, Midjourney, Craiyon, ou encore Dall·E 2 permettent de créer des images à partir d’instructions en langage naturel (le « text-to-image »). Il est également possible de créer du texte avec des outils tels que le robot conversationnel ChatGPT lancé en novembre 2022 par OpenAI (1), voire de la musique avec Flow Machines de Sony (2). Flou artistique sur le droit d’auteur Les usages sont assez variés : illustration d’un journal, création d’une marque, textes pour un site Internet, un support publicitaire ou pour un post sur les réseaux sociaux, création musicale, publication d’une œuvre littéraire complexe, …, et bientôt produire des films. Les artistes s’en sont emparés pour développer une forme d’art appelé « art IA », « prompt art » ou encore « GANisme » (3). Et, parfois, les artistes transforment les résultats obtenus en NFT (4), ces jetons non-fongibles authentifiant sur une blockchain (chaîne de blocs) un actif numérique unique. Pour produire un texte, une image ou une musique sur commande, le logiciel a besoin d’être nourri en textes, images ou musiques préexistantes et en métadonnées sur ces contenus (« deep learning »). Plus le logiciel dispose d’informations fiables, plus le résultat sera probant. Comme toute nouveauté technologique, l’utilisation de ces logiciels soulève de nombreuses questions juridiques. La question centrale en matière de propriété intellectuelle est de savoir à qui appartiennent les droits – s’ils existent – sur les contenus générés par l’IA ? En droit français, une œuvre est protégeable si elle est originale. L’originalité est définie comme révélant l’empreinte de la personnalité de l’auteur, qui ne peut être qu’un être humain. Il faut donc déterminer qui est l’auteur, ou qui sont les auteurs d’une image, d’un texte ou d’une musique créés via une instruction donnée à un logiciel. Il faut aussi déterminer qui peut en être titulaire des droits. Il pourrait s’agir des auteurs des œuvres préexistantes, de nous-mêmes lorsque nous avons donné une instruction au logiciel, ou encore de l’auteur du logiciel (par exemple la société Stability AI qui développe Stable Diffusion). Les entités exploitant ces logiciels contribuent au processus permettant d’obtenir des textes, images ou des musiques inédites, dans la mesure où ce sont ces générateurs de contenus qui proposent un résultat comprenant un ensemble de choix plutôt qu’un autre. Ainsi, c’est la part d’« autonomie » des logiciels d’IA qui jette le trouble dans la conception traditionnelle du droit d’auteur. Un tribunal de Shenzhen (Chine) avait jugé en 2019 qu’un article financier écrit par Dreamwriter (IA mise au point par Tencent en 2015) avait été reproduit sans autorisation, reconnaissant ainsi que la création d’une IA pouvait bénéficier du droit d’auteur. Néanmoins, la contribution du logiciel se fait de manière automatisée et, à notre sens, l’usage technique d’un logiciel pour créer une image, un texte ou une musique ne donne pas au propriétaire du logiciel de droits sur l’image, sur le texte ou la musique : en l’absence d’une intervention humaine sur le choix des couleurs, des formes ou des sons, aucun droit d’auteur ou de coauteur ne peut être revendiqué au nom du logiciel. Le 21 février 2023, aux Etats-Unis, l’Office du Copyright a décidé que des images de bande dessinée créées par l’IA Midjourney ne pouvaient pas être protégées par le droit d’auteur (5). Les conditions d’utilisation de ces générateurs de textes, d’images ou de musiques peuvent le confirmer. Dans le cas de Dall·E 2, les « Terms of use » prévoient expressément que OpenAI transfère à l’utilisateur tous les droits sur les textes et les images obtenus, et demande même que le contenu ainsi généré soit attribué à la personne qui l’a « créé » ou à sa société. Stability AI octroie une licence de droits d’auteur perpétuelle, mondiale, non exclusive, gratuite, libre de redevances et irrévocable pour tous types d’usage de Stable Diffusion, y compris commercial. Mais en l’absence, selon nous, de tout droit transférable, ces dispositions semblent constituer de simples précautions. Droits de la personne utilisant le logiciel Il est donc essentiel, pour toute personne qui souhaite utiliser, à titre commercial ou non, les contenus créés via des outils d’IA, générative ou créative, de vérifier si la société exploitant le site en ligne où il les crée lui en donne les droits et à quelles conditions. Dès lors que l’apport créatif de la personne qui donne les instructions au générateur d’images, de textes ou de musique est limité à la production d’une idée mise en œuvre par le logiciel, et que les idées ne sont pas protégeables par le droit d’auteur, il est douteux qu’un tribunal reconnaisse la qualité d’auteur à cette personne. Puisque l’utilisateur du logiciel ne conçoit pas mentalement, à l’avance, le contenu obtenu, il est difficile d’avancer que ce contenu porte « l’empreinte de sa personnalité ». Mais surtout, on pourrait aller jusqu’à dénier la qualification d’œuvre de l’esprit aux images, textes ou musiques créés par l’IA. En effet, le code de la propriété intellectuelle (CPI) n’accorde la protection du droit d’auteur qu’à des « œuvres de l’esprit » créées par des humains. « Œuvre de l’esprit » inhérente à l’humain Faute d’action positive créatrice de la part d’un humain, on pourrait avancer qu’aucun « esprit » n’est mobilisé, donc qu’aucune « œuvre de l’esprit »protégeable par le droit d’auteur n’est créée. S’ils ne sont pas des « œuvres de l’esprit », les contenus ainsi créés seraient alors des biens immatériels de droit commun. Ils sont appropriables non pas par le droit d’auteur (6) mais par la possession (7) ou par le contrat (conditions générales octroyant la propriété à l’utilisateur). Il s’agit alors de créations libres de droit, appartenant au domaine public. Cela fait écho à d’autres types d’« œuvres » sans auteur comme les peintures du chimpanzé Congo ou les célèbres selfies pris en 2008 par un singe macaque. Sur ce dernier exemple, les juridictions américaines avaient décidé que l’autoportrait réalisé par un singe n’était pas une œuvre protégeable puisqu’il n’a pas été créé par un humain, sujet de droits. En revanche, dès lors que le résultat obtenu est retravaillé et qu’un apport personnel formel transforme ce résultat, la qualification d’« œuvre de l’esprit » peut être retenue, mais uniquement en raison de la modification originale apportée au résultat produit par le logiciel. Ce cas de figure est d’ailleurs prévu dans la « Sharing & Publication Policy » de Dall·E 2 qui demande à ses utilisateurs modifiant les résultats obtenus de ne pas les présenter comme ayant été entièrement produits par le logiciel ou entièrement produits par un être humain, ce qui est davantage une règle éthique, de transparence, qu’une exigence juridique. En droit français, une œuvre nouvelle qui incorpore une œuvre préexistante sans la participation de son auteur est dite « composite » (8). Si les œuvres préexistantes sont dans le domaine public, leur libre utilisation est permise (sous réserve de l’éventuelle opposition du droit moral par les ayants droit). En revanche, incorporer sans autorisation une œuvre préexistante toujours protégée constitue un acte de contrefaçon. Si, par exemple, on donne l’instruction « Guernica de Picasso en couleurs », on obtiendra une image qui intègre et modifie une œuvre préexistante. Or les œuvres de Picasso ne sont pas dans le domaine public et les ayants droit doivent pouvoir autoriser ou interdire non seulement l’exploitation de l’image obtenue et en demander la destruction, mais peutêtre aussi interdire ou autoriser l’usage des œuvres de Picasso par le logiciel. La production et la publication par un utilisateur d’un « Guernica en couleurs » pourraient donc constituer une contrefaçon ; mais l’intégration de Guernica dans la base de données du logiciel (deep learning) pourrait à elle seule constituer également un acte contrefaisant (9). En effet, le CPI sanctionne le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres ou d’objets protégés » (10). Le caractère « manifeste » de la mise à disposition, et la qualification de « mise à disposition » elle-même pourraient être discutés. Mais c’est surtout la directive européenne « Copyright » de 2019 (11) qui pourrait venir en aide aux exploitants d’IA génératrices de contenus en offrant une sécurisation de leur usage d’œuvres préexistantes protégées. Elle encadre l’exploitation à toutes fins, y compris commerciales, d’œuvres protégées pour en extraire des informations, notamment dans le cas des générateurs de textes, d’images ou de musiques. Elle prévoit également une possibilité pour les titulaires de droits sur ces œuvres d’en autoriser ou interdire l’usage, hors finalités académiques. Une telle autorisation peut difficilement être préalable et les exploitants, OpenAI par exemple, mettent donc en place des procédures de signalement de création de contenu contrefaisant (12). Le site Haveibeentrained.com propose, quant à lui, de vérifier si une image a été fournie comme input à des générateurs d’images et de signaler son souhait de retirer l’œuvre de la base de données. Mais les artistes se plaignent déjà de la complexité qu’il y a à obtenir un tel retrait (13). On le voit, l’irruption des créations de l’IA perturbe le droit de la propriété intellectuelle, dont les outils actuels sont insuffisants pour répondre aux questionnements suscités. On peut imaginer que l’IA permettra un jour de produire de « fausses » sculptures de Camille Claudel, en s’adjoignant la technologie de l’impression 3D, ou encore de faire écrire à Rimbaud ou à Mozart des poèmes et des symphonies d’un niveau artistique équivalent – voire supérieur ! – qu’ils auraient pu écrire et jouer s’ils n’étaient pas morts si jeunes. La question de l’imitation du style d’auteurs encore vivant n’est d’ailleurs pas sans soulever d’autres débats. Risque de déshumanisation de la création Un avenir possible de l’art pourrait être dans la déshumanisation de la création, ce qui non seulement rendrait indispensable une refonte du premier livre du CPI, sous l’impulsion du règlement européen « AI Act » en discussion (14), mais susciterait en outre des questionnements éthiques. Si le public prend autant de plaisir à lire un roman écrit par une machine ou à admirer une exposition d’œuvres picturales créées par un logiciel, voire à écouter une musique composée et jouée par l’IA, les professions artistiques survivront-elles à cette concurrence ? @

The Sandbox, pionnier français du Web3, reprend son souffle et étoffe son écosystème

Après le crypto-krach de 2022 (l’ « hiver crypto »), qui fut une descente aux enfers pour les écosystèmes du Web3, les acteurs reprennent des couleurs comme le monde virtuel décentralisé The Sandbox, cofondé par deux Français. Son écosystème compte plus de 730 partenaires. The Sandbox n’a pas attendu le métavers pour rencontrer le succès avec sa plateforme décentralisée, qui permet aux joueurs et aux créateurs de créer des mondes 3D immersifs, leurs avatars, des jeux en ligne, des NFT (1) et tout actif numérique original, de les stocker, les échanger et les monétiser en toute sécurité. Cet écosystème propose aussi sa propre cryptomonnaie : « Sand », construite sur la blockchain Ethereum. Aujourd’hui, cette plateforme de mondes virtuels décentralisés du Web3 dépasse les 730 partenaires qui contribuent à son écosystème créatif – soit un doublement en un an. Et ce, malgré le crypto-krach de l’an dernier et le faux départ des métavers.rme de mondes virtuels décentralisés du Web3 dépasse les 730 partenaires qui contribuent à son écosystème créatif – soit un doublement en un an. Et ce, malgré le crypto-krach de l’an dernier et le faux départ des métavers. La culture Web3 attire les marques Ce monde virtuel The Sandbox est né à partir d’un jeu mobile en 2D du même nom, de type « bac à sable » (comme Minecraft), créé il y a plus de dix ans par deux Français cofondateurs de la société Pixowl, basée à San Francisco : Arthur Madrid (photo) et Sébastien Borget. Avant qu’il ne devienne un métavers, The Sandbox fut développé en tant que jeu mobile et téléchargé plus de 40 millions de fois dans le monde, jusqu’à ce qu’il soit racheté par la société hongkongaise Animoca Brands en août 2018. Elle en fit une plateforme de monde virtuel en 3D, en gardant le nom et les deux cofondateurs, aujourd’hui respectivement directeur général (CEO) et directeur opérationnel (COO) de The Sandbox. Preuve que les mondes immersifs suscitent toujours un grand intérêt après le « bear market » de l’an dernier : Arthur Madrid et Sébastien Borget sont intervenus le 18 janvier dans le cadre du Forum économique mondial de Davos pour parler de The Sandbox au « Web3 Day@Davos » (2), une cession organisée par le groupe hongkongais AMTD et L’Officiel sur les thèmes de la création de valeur des actifs numériques et de la réinvention de la propriété intellectuelle par le Web3. Y intervenaient aussi Yat Siu, le cofondateur et président d’Animoca Brands – maison mère de The Sandbox depuis 2018 – ou encore le Français Pascal Gauthier, PDG de The Ledger, lequel propose de sécuriser hors ligne les actifs numériques sur un portefeuille matériel crypté de la taille d’une clé USB et à l’abris des cybermenaces (3). Au sein de l’écosystème The Sandbox, l’on compte plus de 400 marques et ayants droits, plus de 300 agences et studios de création et de marketing, plus de 100 studios indépendants de développement de jeux, plus de 20 partenaires dans la formation, et plus de 10 plateformes technologiques (4). «De Ubisoft ou Atari à Warner Music ou SnoopDog, en passant par Adidas ou Tony Hawk, ou encore à Gucci ou Balenciaga, les marques adoptent les codes du Web3, à savoir une approche communautaire avec une communication bidirectionnelle plus authentique et directe, encourageant la cocréation d’actifs et d’expériences, par exemple avec des Game Jams [hackathon avec pour thème principal les jeux vidéo, ndlr] », a expliqué le 10 janvier Mathieu Cervety, directeur des partenariats de The Sandbox. Les marques peuvent acquérir des terrains virtuels (des « land »), créer leurs magasins, vendre des produits, et interagir avec les avatars, clients potentiels. Il y a un an, Carrefour achetait pour 300.000 euros de parcelle de terrain virtuel dans ce monde en 3D. Le PDG du groupe d’hypermarchés, Alexandre Bompard, s’en était même félicité (5). Le groupe Casino l’avait devancé. La banque britannique HSBC (fondée à Hong Kong) s’est elle aussi offert des terrains virtuels, comme l’a confirmé en mars 2022 The Sandbox. Pour l’établissement financier, il s’agit d’« interagir et se connecter avec les amateurs de sports, d’e-sports et de jeux » (6). Autre exemple : l’assureur Axa s’est lui-aussi « sandboxisé » en février 2022. Pour aider marques et entreprises à s’installer dans The Sandbox, plus de 300 agences et studios dans plus de 20 pays les aident à adopter une stratégie Web3, à créer des actifs digitaux et marketing. C’est le cas de l’agence créative Wunderman Thompson du géant de la publicité WPP. Coinhouse va aussi aider des marques à y aller. The Sandbox a revendiqué un chiffre d’affaires de 180 millions de dollars en 2021 issus des ventes de « land » ou de NFT, ainsi que des reventes où il ne perçoit plus la totalité mais 5 % des transactions. Si son écosystème a doublé en 2022, les revenus ont dû suivre. Un « hub » agences-studios en 2023 Les plus de 100 studios indépendants de développement de jeux vidéo peuvent candidater au « Game Maker Fund » doté de 300 millions de « Sand » pour financer leurs projets. Ils ont aussi à leur disposition les logiciels de création Voxedit et Game Maker – dont la V0.8 va améliorer les créations ludiques, sociales et immersives. En 2023, The Sandbox a aussi annoncé (7) un hub de « ressources partenaires » pour aider à informer les agences et les studios, et à les mettre en relation. @

Charles de Laubier