Rani Assaf, le très discret directeur technique et deuxième actionnaire de Free, gagnerait à être connu

général délégué d’Iliad comme Xavier Niel, rémunéré 183.000 euros en 2015 comme Xavier Niel, deuxième actionnaire individuel du groupe derrière Xavier Niel, Rani Assaf est le directeur technique historique de Free à qui son fondateur doit tout. Avec le foot, la 400e fortune de France se fait moins discrète.

Rani Assaf (photo) vient d’achever son sixième mois à
la tête du club de football de Nîmes, dont il était déjà un actionnaire de l’ombre depuis deux ans et demi. Maintenant qu’il a été « élu à l’unanimité » PDG du Nîmes Olympique, le 1er juin dernier, le très discret directeur technique et directeur général délégué du groupe Iliad, ne peut plus échapper aux médias qu’il a obsessionnellement évités jusqu’alors. Rani Assaf est non seulement la cheville ouvrière d’Iliad – c’est lui le vrai inventeur de Free, de la Freebox et de Free Mobile – mais surtout le bras droit inséparable de Xavier Niel. Jeune transfuge d’Easynet, entré comme stagiaire en 1999 au moment de la création de l’entreprise par ce dernier, le virtuose du fer à souder et bidouilleur en chef est devenu irremplaçable au sein d’Iliad, où il est le deuxième actionnaire physique du groupe avec 1,3 % du capital (1) aux côtés du fondateur qui détient encore 54,5 %. Rani Assaf, qui possède en outre des actions des sociétés Freebox (filiale R&D du groupe) et Free Mobile, est la 400e fortune de France avec un patrimoine personnel
de 150 millions d’euros (voir graphique page suivante), certes bien loin de la 11e place détenue par Xavier Niel et ses 7,23 milliards.

L’associé de Xavier Niel sous les projecteurs du foot
Sous le feu des projecteurs du stade des Costières, où est basé le club nîmois qui évolue en Ligue 2 du Championnat de France de football, Rani Assaf peine à empêcher – comme il en avait l’habitude – les photographes, les caméramans et les journalistes. Ce club, qui fêtera ses 80 ans l’an prochain, le fait sortir de l’ombre à son corps défendant. « Je peux vous dire que c’est un président impliqué et passionné. (…) Il
a mis 9 millions d’euros dans le club, cela prouve qu’il y tient, non ? », a assuré en octobre Laurent Boissier, le directeur sportif de l’équipe dans Le Midi Libre, journal auquel le propriétaire du club ne peut échapper. Le lendemain de son élection à la
tête de ceux que l’on surnomme « les Crocos » (2), Rani Assaf a dû expliquer à ce quotidien du groupe La Dépêche qu’il pouvait concilier ses nouvelles responsabilités footballistiques avec sa « très haute responsabilité chez Free » : « Ce sera une charge supplémentaire mais il y a une équipe en place à Nîmes Olympique, qui travaille bien ». Serez-vous un président présent ? « Oui, le plus possible. J’habite ici, quand même ».

Le côté obscur d’Iliad
En fait, il n’habite pas à Nîmes (dans le Gard) mais à 46 kilomètre de là, à Mauguio près de Montpellier (dans l’Hérault) où il a élu domicile depuis 2008 – à… 714 kilomètres du QG d’Iliad à Paris et de Xavier Niel. Devenu Melgoriens en faisant l’acquisition d’un vaste domaine de cinq hectares arboré d’oliviers dans ce bourg situé
à proximité de la Camargue, le numéro deux de Free y coule des jours heureux et bucoliques mais non moins très actifs. S’y rendant au début seulement les week-ends, Rani Assaf a fini par imposer à un Xavier Niel sceptique – lequel ne peut décidément rien refuser à son associé à qui il doit sa réussite – d’aller s’installer à l’année dans son mas occitan, tout en assurant à son patron de pouvoir concilier vie privée et responsabilités dirigeantes : il installe en 2010 dans la ZAC du Millénaire à l’Est de Montpellier et sur l’avenue du Mondial 98 – passionné de football oblige ! – le centre
de recherche d’Iliad pour préparer le lancement technique de Free Mobile qui interviendra deux ans après (en février 2012). Lui et son équipe d’une soixantaine d’ingénieurs et de techniciens sont installés dans un immeuble discret aux vitres teintées. Modem, IP, xDSL, Dslam, Linux, FTTx, Cisco SS7, SIM, 2G, 3G, 4G, bientôt 5G, … : l’avenir technologique de Free se joue dans l’Hérault, loin de l’hôtel particulier Alexandre du siège social parisien d’Iliad où Rani Assaf se rend chaque lundi pour parler stratégie avec Xavier Niel. En revanche, selon nos informations, le montpelliérain Rani Assaf ne s’est jamais rendu au Corum de la ville où se tient depuis près de 40 ans le DigiWorld Summit de l’Idate… En 2015, ce sont 11,6 millions d’euros en 2015 qui ont été investis en études et recherches dans le fixe et le mobile – ce qui ne fait que 0,2 % chiffre d’affaires… « Le groupe a fait le choix d’intégrer son propre centre de recherche et développement pour réduire au maximum la chaîne de production », indique le document de référence 2015 que l’entreprise cotée en Bourse – valorisée plus de
10 milliards d’euros – a publié au printemps dernier. Il est en outre précisé qu’ont été déposés « trente-huit familles de brevets dans les domaines de la fibre optique, de la distribution de flux multimédia et de la transmission de données par courants porteurs en ligne (CPL), des boîtiers femtocell et des serveurs d’hébergement ».

A 42 ans, Français d’origine libanaise (3), Rani Assaf n’a rien perdu de sa verve technologique depuis sa formation à l’Ecole française d’électronique et d’informatique (Efrei) dont il a obtenu le diplôme en 1997 – tout comme Sébastien Boutruche (même promo) et Antoine Levavasseur (promo 1999), respectivement actuels directeur de la fameuse filiale Freebox et directeur du système d’informations d’Iliad. Mais ce Levantin n’est pas commode ! En plus d’être secret, d’aucuns le disent renfermé, intransigeant, brutal, bourru, direct, cassant, blessant, impérieux, tyrannique, autoritaire, insultant, paranoïaque, désagréable, grognon, négatif, … mais travailleur et brillant. « Quand Rani dit quelque chose, on se couche tous, moi le premier », a avoué Xavier Niel en décembre 2011 à un journaliste du Point. « Si on était dans Star Wars, Xavier serait l’empereur Palpatine, et Rani, Dark Vador (4) », s’est plaint un salarié à propos du manque de considération du duo de choc à l’égard de leurs geeks développeurs (5).
Le concepteur de la Freebox, conçue à partir de logiciels libres, déteste par ailleurs
« la dimension libertaire du Web » et dénonce la neutralité du Net comme « une belle connerie » inventée par Google (6) !

Exigeant avec lui et les autres
Le PDG de Nîmes Olympique se comportera-t-il de même avec son équipe de foot ?
« On a des prises de bec », a reconnu son directeur sportif. C’est sans doute que Rani Assaf est aussi exigeant avec les autres qu’avec lui-même. Il s’est fixé comme objectif d’amener ce club en Ligue 1 – quitte à faire des chèques de « tranferts » comme celui de 150.000 euros pour s’offrir le Franco-marocain Rachid Alioui comme attaquant. Mais cela n’a pas empêché Nîmes Olympique d’être éliminé le 12 novembre dernier par un club inférieur de cinq divisions… Le directeur technique de Free a du pain sur la plan. Pour aller en Ligue 1 et s’y maintenir, a-t-il dit au Midi Libre, « il faut un budget de 30 millions d’euros ». Il en est loin. De plus, le club nîmois est encore déficitaire cette année – de plus de 1 million d’euros : « Ce n’est pas normal », a-t-il déploré. Mais le bras droit de Xavier Niel a le bras long… @

Charles de Laubier

Devant l’urgence du tout connecté à très haut débit, la Commission européenne change de paradigme

Le retard de la France dans le déploiement du très haut débit fixe et mobile
est emblématique d’une Europe qui se rend compte du relativement faible investissement de ses opérateurs télécoms. La faute à une réglementation
trop « consumériste » ? Jean-Claude Juncker veut corriger le tir.

Vers une 2e recapitalisation de Bouygues Telecom ?

En fait. Le 11 juin était la date butoir pour déposer un recours devant le Conseil d’Etat contre la décision de l’Arcep prise en avril d’autoriser Bouygues Telecom
à utiliser des fréquences de la 2G pour faire de la 4G. C’est ce qu’ont fait Orange
et Free. La filiale télécoms de Bouygues joue son avenir.

L’économie mobile fait exploser le trafic, pas l’ARPU

En fait. Le 28 février, s’est achevé à Barcelone le 18e congrès annuel mondial de
la téléphonie mobile, le Mobile World Congress, organisé sur quatre jours par la GSMA. Les abonnés 4G devraient atteindre 920 millions en 2017, contre seulement 62 millions en 2012. L’explosion du trafic va poser problème.

Convergence dans les télécoms : vers plus de concentration et moins de concurrence ?

Après avoir fait figure d’arlésienne pendant dix ans, la convergence devient réalité. Or, ce nouvel eldorado n’est pas sans risque sur la concurrence ni sans incidence sur la concentration du marché des communications électroniques déjà élargi à l’audiovisuel.

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

L’émergence des offres convergentes fixe-mobile pose
en premier lieu la question du cadre d’analyse pertinent de marchés, aujourd’hui étroitement liés, alors qu’ils étaient auparavant bien distincts. Par voie de conséquence se pose également la question de savoir comment il sera encore possible d’analyser la relation entre prix de gros et prix de détail sur ces marchés, de surcroît au sein d’opérateurs télécoms intégrés ? Une autre problématique est liée au risque de voir se propager, comme
l’a écrit l’Arcep (1), « la faible fluidité du marché mobile à l’ensemble du secteur ».
Et ce, grâce à des pratiques commerciales biaisées par les avantages que certains opérateurs pourraient tirer de leur situation de dominance sur l’un des marchés concernés, et grâce en particulier à un processus de changement d’opérateur rendu plus complexe avec des offres groupées et de l’utilisation croisée de leur base de clientèle.

Cross-selling autorisé pour Orange
Dans son avis du 14 juin 2010 (2), l’Autorité de la concurrence analyse les effets de
ces pratiques commerciales en se concentrant sur l’utilisation croisée des bases de clientèle (« cross-selling ») dans un contexte de ventes couplées (« bundles »). En effet, l’Autorité de la concurrence ne semble pas inquiète outre-mesure des risques de distorsion de concurrence que pourrait emporter l’utilisation croisée de ses bases de clientèle par Orange, alors que cet opérateur est « susceptible de détenir une position dominante sur le marché du détail du haut débit ». Cette position se fonde sur deux constats : les bases de clientèle acquises, dans le cadre d’une compétition par les mérites, ne constituent pas des informations privilégiées, non reproductibles par les concurrents ; l’évolution récente des parts de marché en faveur de SFR et de Bouygues Télécom serait davantage liée à l’attractivité tarifaire des nouvelles offres de couplage proposées aux consommateurs, ou à d’autres facteurs comme la qualité de service, qu’à l’utilisation croisée de bases de clientèle. En revanche, selon l’Autorité, les offres convergentes d’Orange présenteraient, en elles-mêmes, des risques pour la concurrence, notamment en termes de verrouillage du marché.

Plusieurs risques concurrentiels
L’Autorité identifie en effet plusieurs risques de nature concurrentielle, liés intrinsèquement à la nature même des offres de convergence. En particulier l’Autorité met en avant le risque de voir s’accroître les coûts de sortie pour un consommateur qui souhaiterait changer d’opérateur, dans la mesure où les nouveaux services à valeur ajoutée proposés dans le cadre d’offres convergentes – applications, téléchargements audio, vidéo ou de jeux, espace de stockage, etc. – constituent des freins supplémentaires à ce changement et viennent s’ajouter aux durées longues d’abonnement. Il existe aussi un risque de verrouillage, non seulement des clients, mais aussi des foyers dans la mesure où les avantages techniques ou tarifaires des offres de couplage et de convergence inciteraient ses membres à migrer vers le même opérateur pour tous leurs besoins, dans un mouvement qui ne peut qu’avantager les opérateurs qui disposent des meilleures parts de marché (« effet club »). Enfin, l’Autorité de la concurrence met en garde contre le risque d’une distorsion générale de concurrence au profit des trois opérateurs mobiles en place (Orange, SFR et Bouygues Telecom) et au détriment des autres opérateurs.
Les sages de la rue de L’échelle notent d’ailleurs que, compte tenu des barrières à l’entrée sur le marché mobile et de l’orientation du marché vers le modèle d’opérateur universel proposant au consommateur des offres « tout en un », un opérateur fixe, même efficace, qui ne pourrait pénétrer le marché mobile, risquerait à terme l’éviction. Ce risque pourrait être atténué par l’arrivée de Free sur le marché de la mobilité, sous réserve qu’il puisse bénéficier d’une prestation d’itinérance – dans des conditions raisonnables – sur l’un des réseaux en place, non seulement pour la 2G mais aussi pour la 3G. Or, note le gendarme de la concurrence, il semblerait que les négociations butent actuellement sur ce point. Pour prévenir les risques de verrouillage du marché, l’Autorité de la concurrence propose alors de renforcer les mesures en faveur des consommateurs, notamment en matière de durée d’engagement et de réengagement des clients souscrivant à une offre de couplage, ainsi que de synchronisation du terme des abonnements aux services haut débit et mobile, de standardisation de certaines fonctionnalités pour en assurer l’interopérabilité.

Minimiser le risque des consommateurs
Il s’agit aussi d’assurer la portabilité des services convergents actuels et futurs (numéros unique ou applications distantes par exemple) pour les consommateurs qui ont souscrit à des abonnements multiples auprès d’un même opérateur et souhaiteraient en changer. Ajoutons ici qu’il sera nécessaire d’être très vigilant sur la qualité de l’information fournie aux consommateurs pour prévenir sa probable opacité. Mais l’analyse concurrentielle stricto sensu semble un peu en panne. Il nous semble, en effet, que l’émergence des offres couplées, et a fortiori des offres de convergence réelle – c’est-à-dire intégrant les terminaux puis les services –, rend pour le moins caduque l’analyse de marché telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, à savoir dans le cadre de marchés parfaitement séparés et étanches. A ce titre, il n’est pas certain que la notion d’effet de levier (3) suffise à interpréter l’ensemble des comportements restrictifs de concurrence que pourraient développer les opérateurs proposant des offres de convergence.
Par ailleurs, sans possibilité d’analyse des coûts de transfert internes au sein des opérateurs intégrés pour produire de telles offres, comment évaluer les barrières à l’entrée sur le nouveau marché et prévenir d’éventuelles pratiques d’éviction ?

Eviter le renforcement des positions acquises
Enfin, des éléments pourraient influencer grandement la concurrence sur le marché d’avenir des offres convergentes : les conditions d’accès à la boucle locale fibre, le rôle des plateformes sans-fil (télévision mobile, haut débit mobile), l’absence de vrais MVNO (4) et les incertitudes qui demeurent sur les conditions de « roaming 3G » (itinérance entre les différents réseaux mobiles) qui seraient accordées à un opérateur nouvel entrant sur le marché mobile comme Free. Il nous semble aujourd’hui que le développement de ces offres convergentes fige plus encore les positions acquises par les trois opérateurs mobiles et mette plus en péril encore l’économie des opérateurs fixes qui n’auraient pas les moyens d’une intégration fixe/mobile, Or, les autorités chargées de la concurrence – sectorielles ou non – paraissent curieusement démunies des outils conceptuels et de l’analyse économique approfondie nécessaires à la prévention des risques concurrentiels, lesquels pourraient naître de l’évolution du marché vers le modèle d’opérateur universel.
Il faut donc espérer que cette réflexion se fait dans l’ombre ou bien craindre une concurrence purement théorique dans le secteur des communications électroniques. @

ZOOM

Vers un marché des offres haut débit multiservices incluant l’audiovisuel ?
Triple play, quadruple play, multi play… Le « tout en un » inclut de plus en plus, pour les clients dits éligibles des opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI),
un nombre croissant de services audiovisuels : chaînes gratuites de télévision, vidéo
à la demande, télévision de rattrapage, bouquets de chaînes payantes. Est également proposé en plus toute une gamme de services multimédias. L’Autorité de la concurrence constate justement, dans son avis du 14 juin dernier, que – à part Orange et ses offres multiservices véhiculant le signal audiovisuel par satellite jusqu’en en zones non dégroupées – « les autres opérateurs ne proposent de services audiovisuels dans le cadre d’offres multiservices qu’à environ la moitié de la population ». Faut-il réguler ce nouveau marché ? Si le marché des offres haut débit à destination des particuliers et des professionnels est susceptible de constituer un marché pertinent au sens du droit de la concurrence, les sages de la rue de l’Echelle disent qu’ « il n’est cependant pas exclu que des marchés plus étroits puissent être identifiés, notamment un marché des offres haut débit multiservices incluant des services audiovisuels,
à condition de pouvoir en tracer les limites avec suffisamment de certitude et de stabilité ». Cette délimitation du marché haut débit-services audiovisuels pourrait s’accompagner d’une segmentation géographique, en fonction de la capacité des opérateurs alternatifs à fournir ces offres aux foyers concernés. @

Charles De Laubier