Les podcasts attirent de plus en plus d’auditeurs : ce marché va faire basculer l’écoute audio

Ils sont 17,6 millions de personnes en France à avoir écouté des podcasts chaque mois, d’après Médiamétrie. Les audiences sont parfois tellement élevées qu’on n’en croit pas ses oreilles. Edition Multimédi@ prévoit qu’en 2023 l’écoute audio se fera majoritairement en ligne.

Pour Edition Multimédi@, il est probable qu’en 2023 la poussée de l’audience des podcasts – notamment sur smartphones – fasse basculer la majorité (51 %) de la consommation audio globale sur Internet, contre 48 % l’an dernier. La radio en direct – sur la FM et/ou en DAB+ – s’arrogeait en 2022 encore 53 % du total de l’écoute audio dans la journée.

2023, année de bascule vers l’audio online
Mais au cours de 2023, elle pourrait devenir minoritaire par rapport à l’écoute en ligne qui deviendra majoritaire (streaming musical, radio à la demande/podcasts replay, musique perso hors CD et vinyles, podcasts natifs hors radio et livres audio confondus). Mais les plateformes de streaming musical – de Spotify à YouTube, en passant par Apple Music, Amazon Music, Deezer ou encore Qobuz – seront encore largement dominants sur l’audio online. La diversification de certaines d’entre elles dans la diffusion de podcasts va augmenter le poids de ces derniers dans l’audience online globale (voir graphique ci-dessous). La consommation de podcasts augmente continuellement, au point que l’on se demande si le binge-listening ne va pas être à l’audio se qu’est le binge-watching à la vidéo. Rien qu’en France, la progression du nombre de personnes écoutant des podcasts chaque mois a progressé en 2022 de 17 % pour atteindre les 17,6 millions d’auditeurs (soit un gain de 2,6 millions d’adeptes en un an). C’est l’institut de mesure d’audience Médiamétrie qui l’indique dans son étude « Global Audio ». Autrement dit, 36,1% des internautes déclarent écouter au moins un podcast par mois en 2022.
Si l’on regarde sur trois ans, le nombre d’auditeurs de podcasts a même bondi de plus de 60 % (voir graphique page suivante). Sont pris en compte aussi bien les podcasts dits « replay » (de contenus audios déjà diffusés à la radio) que des podcasts dits « natifs » (créations audio originales). Cette « radio à la demande » – expression qui relève cependant d’un abus de langage puisque de nombreux podcast sont produits en dehors de toute radio – complète ou concurrence la radio en direct (FM ou via Internet), les services de streaming musical (gratuit et par abonnement), les livres audio (physiques et numériques), ou encore l’écoute musicale de bibliothèques personnelles (CD, MP3, achat de titres, vinyle, …). Les podcasts ont de plus en plus l’oreille des auditeurs. « Les adeptes de podcasts sont plutôt fidèles : près de la moitié d’entre eux (47 %) concentrent leur consommation sur leurs podcasts favoris, généralement de 1 à 3 podcasts par semaine », a constaté Médiamétrie. Et ils sont tout de même 89 % à écouter entre la moitié et l’intégralité du podcast. Sur l’ensemble des auditeurs, la moitié d’entre eux (56 %) pratiquent une écoute régulière, dont 20 % très régulière. La Génération Z (15- 27 ans) est encore plus régulièrement à l’écoute, avec un taux de 61 %. A la fidélité et à assiduité, s’ajoute un accroissement : 85 % des auditeurs de podcasts écoutent autant ou plus de podcasts qu’un an auparavant.

Mesure site-centric avec liens tagués
Médiamétrie fait aussi remarquer que les podcasts se partagent en famille pour 64 % des parents auditeurs qui les font écouter à leurs enfants. Quant aux modes d’accès aux podcasts, ils sont pour 76 % des auditeurs les sites web ou les applications mobiles des éditeurs de radio, suivis des plateformes vidéo et des réseaux sociaux où ils découvrent plus volontiers de nouveaux contenus. Mais qu’écoutent au juste en podcasts les 17,6 millions d’auditeurs ? « Lorsque les Français écoutent des podcasts, c’est avant tout pour e divertir, se détendre. En effet, que ce soit pour les podcasts radios ou natifs, l’humour se classe numéro 1 des genres les plus consommés. Mais les podcasts sont aussi un moyen d’étendre ses connaissances ou encore de s’informer, selon les adeptes qui placent les podcasts d’actualité en deuxième place de leurs thématiques préférées », relève Médiamétrie. La dernière mesure en date des podcasts par Médiamétrie porte sur le mois de décembre 2022, durant lequel près de 182 millions de podcasts français ont été écoutés ou téléchargés dans le monde, dont 142 millions – soit 78 % – d’entre eux l’ont été en France.
L’institut de mesure d’audience publie le volume d’écoutes des éditeurs qui ont souscrits à son « eStat Podcast » pour leurs podcasts préalablement diffusés (replay) et/ou des podcasts natifs (originaux). La méthodologie consiste à comptabiliser l’ensemble des contenus audio écoutés directement en streaming ou téléchargés sur la majorité des supports d’écoute (plateformes, sites web, applications mobiles, …). « Les indicateurs sont établis à partir de la technologie site-centric [trafic enregistré sur le support lui-même, ndlr], explique Médiamétrie.
Cette technologie consiste à intégrer un tag placé dans le lien de téléchargement et n’ayant pas d’incidence sur l’expérience utilisateur. Des filtrages sont effectués chaque mois afin d’exclure les téléchargements abusifs. En outre, afin d’éviter de comptabiliser deux fois un même podcast, les téléchargements intervenant dans l’heure qui suit un premier appel à téléchargement sont également exclus ».

Le poids des éditeurs radios et télés
Ainsi, en décembre 2022, France Inter est le premier éditeur – parmi les souscripteurs de Médiamétrie – en termes de podcasts, avec plus de 45 millions d’écoutes et/ou de téléchargements (dans le monde) parmi des titres tels que « Affaires sensibles », «C’est encore nous », « Géopolitique », « La Bande originale », ou encore « Grand bien vous fasse ». Arrive ensuite en seconde position RTL avec plus de 32 millions d’écoutes et/ou de téléchargements (toujours dans le monde), avec des titres tels que « Les grosses têtes », « Laurent Gerra », « L’heure du crime », « Le journal RTL », ou encore « Ça peut vous arriver ». Sur la troisième marque du podium, c’est France Culture avec plus de 32 millions (mais à 42.114 écoutes du second), avec « Philosophie », « Les Pieds sur terre », « Le Feuilleton », « LSD », ou encore « Le Cours de l’histoire ». Médiamétrie liste au total 19 éditeurs de podcasts qui sont des radios ou des télévisions. Si l’on prend les podcasts titre par titre, le trio de tête est composé de « L’AfterFoot » (édité par RMC) avec plus de 18,7 millions d’écoutes et/ou de téléchargements, « Les Grosses têtes » (RTL) avec plus de 16,9 millions, « Hondelatte raconte » (Europe 1) avec plus de 9,3 millions. Médiamétrie liste ainsi une trentaine de titres (1).

Le « Top » des podcasts par l’ACPM
En revanche, le classement de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) – ex-OJD – est plus diversifié et important en nombre, avec sur le même mois de décembre 313 titres mesurés. Les trois premiers sont : « Les actus du jour Hugo Décrypte » avec plus de 1,3 million de téléchargements (monde) dans le mois pour 456 épisodes, édités par l’influenceur Hugo Decrypte ; « Transfert » avec plus de 1,1 million pour 233 épisodes par Slate ; et « Métamorphose, éveille ta conscience ! » avec plus de 1 million pour 601 épisodes par Métamorphose. L’ACPM dresse aussi une liste de 63 marques de podcasts (2), dont le trio de tête : Binge Audio (3) avec plus de 1,8 million de téléchargements sur décembre 2022 du monde entier, Studio Minuit avec plus de 1,7 millions de téléchargements, et Slate avec plus de 1,4 million. L’actualité de Hugo Decrypte arrive, elle, en quatrième position avec plus de 1,3 million de télécharge-ments en ce mois de décembre 2022.
Ces milliers d’épisodes bénéficient d’une force de distribution que sont les plateformes de podcasts telles que Spotify, Apple Podcasts, Google Podcasts, Deezer et autres. Depuis 2020, des accords de droit d’auteur ont été négociés et signés (4), avec la Scam, la SACD ou encore la Sacem (5). De son côté, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) propose désormais aux éditeurs un nouveau mandat pour englober les rediffusions de leurs podcasts lorsque ceux-ci sont repris par des entreprises ou des organismes – via ou pas des prestataires de veille informationnelle (6) – dans leurs panoramas de presse par exemple. @

Charles de Laubier

Une énième chronologie des médias doit s’appliquer en février, mais avec des points expérimentaux

C’est reparti pour un tour. La chronologie des médias, qui régit la sortie des nouveaux films après les quatre mois exclusifs des salles de cinéma, doit faire l’objet d’un nouvel accord interprofessionnel qui doit entrer en vigueur en février. Le consommateur connecté reste le grand perdant.

Un an après la signature – le 24 janvier 2022 – de la chronologie des médias actuellement en vigueur en France (1), les professionnels du cinéma, de la télévision et des plateformes de vidéo à la demande doivent signer un nouvel accord intégrant des ajustements négociés depuis plus de six mois. Cette nouvelle mouture, élaborée sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), laisse un tout petit peu de place aux plateformes de VOD, d’une part, et de SVOD, d’autre part. Alors que la généralisation des usages numériques aurait justifié d’avoir des nouveaux films plus tôt après leur sortie dans les salles obscures.

VOD et SVOD : très peu d’avancées
Les deux grands gagnants de cette nouvelle chronologie des médias qui entrera en vigueur en février, sans grands changements par rapport à celle signée l’an dernier, sont les salles de cinéma et la chaîne cryptée Canal+. Les premières, quasiment toutes membres de l’influente Fédération nationale des cinémas français (FNCF) dont le président Richard Patry (photo de gauche) a été encore réélu le 26 janvier, gardent leur monopole sur les quatre premiers mois à compter de la date de sa sortie des films le mercredi. La VOD à l’acte et les DVD/Blu-Ray doivent attendre le cinquième mois après la sortie du film en salle pour pouvoir le proposer. A l’heure du numérique, ce délai est bien trop long et favoriserait le piratage de films sur Internet.
Il y a bien une dérogation possible à trois mois, mais elle est rarement demandée car la condition fixée par décret est très restrictive : actuellement, le film doit avoir réalisé 100.000 entrées au plus – en général moins – à l’issue de sa quatrième semaine d’exploitation en « salles de spectacles cinématographiques » (2). Le Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sévad) a proposé lors des dernières négociations d’étendre la dérogation des trois mois à tous les films qui le souhaitent – sous réserve de l’accord de l’éditeur-distributeur – pour être proposés plus tôt en VOD à l’acte. Mais cela se fera à titre « expérimental ». Les plateformes Orange VOD, Canal VOD, Filmo TV, UniversCiné ou encore Viva by Videofutur pourraient en profiter. Le nouvel accord devrait intégrer cette « fenêtre premium » à trois mois après la salle, moyennant un prix qui serait plus élevé pour le consommateur. C’est dommage pour ce dernier, à l’heure où son pouvoir d’achat est déjà grevé par l’inflation… Ce serait donc un petit pas en avant, mais à des « mois-lumière » de la sortie simultanée salles-VOD (day-and-date) qui reste un tabou en France. Quant à la SVOD, avec ses plateformes emblématiques que sont Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ ou encore Paramount+ (pour ne citer que celles-ci), elle a déjà avancé il y a un an dans chronologie des médias : passant alors de 36 mois à 17 mois voire à 15 mois en cas d’accord avec les organisations professionnelles du cinéma. « C’est la raison pour laquelle nous l’avons signée. [Mais] ce n’est qu’un premier pas », avait prévenu Damien Bernet, directeur commercial et juridique de Netflix France, devant l’Association des journalistes médias (AJM) fin juin (3).
Restait notamment la question de la continuité d’exploitation d’un film en SVOD lorsque la fenêtre de la télévision en clair s’ouvre. Car jusqu’alors, la chronologie des médias imposait à la plateforme de SVOD de retirer le film lorsque celui-ci commence à être proposé au 22e mois après sa sortie en salle par une chaîne en clair qui l’a préfinancé ou acquis. Autrement dit, un film sur Netflix ou Disney+ devait être retiré du catalogue après cinq ou sept mois de mise en ligne au profit de la fenêtre de la télévision en claire (TF1, M6, France Télévisions) s’ouvrant en exclusivité durant quatorze mois ! Disney avait tapé du poing sur la table en juin 2022 en décidant de ne pas sortir dans les salles de cinéma françaises « Avalonia, l’étrange voyage » mais en exclusivité sur Disney+, provoquant le courroux de la FNCF. Ayant menacé de faire de même avec « Black Panther : Wakanda Forever », The Walt Disney Company avait donné un coup de pression aux négociations en France (4).

Canal+, donnant-donnant avec le cinéma
La nouvelle chronologie des médias devrait finalement prolonger d’au moins deux mois la fenêtre d’exploitation de la SVOD pour de tels films, s’ils sont produits en interne (« inhouse ») avec un budget de plus de 25 millions d’euros. Pour ces films-là, les chaînes gratuites bénéficieraient en échange d’une exclusivité de deux mois. Là aussi, cela se fera à titre « expérimental ». Canal+, la chaîne cryptée qui rachète OCS à Orange, est la grande gagnante avec son positionnement à six mois après la sortie en salle (au lieu de huit avant le 28 janvier 2022). Sur RTL le 11 janvier (5), son président Maxime Saada (photo de droite) – en lice pour « la personnalité de l’année 2022 » du Film Français (6) – s’est engagé à investir sur cinq ans plus de 1 milliard d’euros dans le cinéma français. @

Charles de Laubier

Les influenceurs sous l’oeil de Bercy et de l’UMICC

En fait. Le 31 janvier se termine la « concertation » sur les influenceurs lancée le 8 janvier par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, lequel prendra en mars des « mesures » d’« encadrement » de ce métier. Parallèlement, l’UMICC s’est constituée.

En clair. « Les 150.000 créateurs de contenus que compte la France font partie de nos vies et sont une formidable source de créativité et de richesse lorsque les règles sont claires et connues », avait déclaré Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, aussi en charge de la consommation et du numérique, sur Twitter le dimanche 8 janvier dernier. « J’ai besoin de vous. Participez au maximum à la concertation pour mieux accompagner et encadrer les influenceurs. Votre avis compte ! » (1). Bercy veut annoncer « des mesures retenues courant mars » en fonction des contributions à la consultation publique ouverte en ligne jusqu’au 31 janvier (2).
« La réflexion (…) doit permettre de protéger les consommateurs et les créateurs de contenus », assure le ministère de Bruno Le Maire, qui avait organisé le 9 décembre 2022 une table ronde avec des agences, des influenceurs, des annonceurs et la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), rattachée à Bercy (3). Tandis que, parallèlement, trois propositions de loi pour réguler les influenceurs ont été déposées par de nombreux députés. Sont soumises à commentaires onze mesures, déclinées en quatre thématiques : droits et obligations des influenceurs ; propriété intellectuelle ; protection des consommateurs ; gouvernance du secteur. Pour ce dernier point, il s’agit de créer «un label » et de créer « une fédération professionnelle ».
C’est ce qu’entreprend l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (UMICC) fondée le 18 janvier par sept agences d’influence marketing : Smile Conseil, Bump, Follow, Point d’Orgue, Reech, Influence4You et Spoutnik. « Webedia a fait sa demande d’adhésion et 80 autres acteurs également, tandis qu’une centaine de créateurs de contenu ont fait part de leur volonté d’adhérer », indique à Edition Multimédi@ Carine Fernandez, présidente de l’UMICC. Toutes les agences sontelles les bienvenues ? « Concernant Shauna Events [agence de la “papesse de l’influence” Magali Berdah, ndlr] et We-Events [du groupe AWPG de l’animateur Arthur, ndlr], ils pourraient en faire la demande. Cependant, pour l’heure et en l’état, au regard des accusations qui sont portées, nous ne souhaitons pas que ces agences et certains influenceurs qui ne respectent aucune règle déontologique ou éthique puissent être membres de l’UMICC », nous précise-t-elle. @

La 5G tant vantée poursuit lentement son décollage

En fait. Le 10 février, l’Arcep dévoilera les chiffres de son observatoire des services mobiles pour le quatrième trimestre. Selon les estimations de Edition Multimédi@, le parc de la 4G dépasserait pour la première fois les 70 millions de cartes SIM en France. En revanche, la 5G resterait sous la barre des 10 millions.

En clair. La 5G fait toujours pâle figure en France, alors que les quatre opérateurs télécoms (Orange, Bouygues Telecom, Free Mobile et SFR) promettaient au grand public du très haut débit mobile et de nouveaux usages, avec des débits jusqu’à dix fois supérieurs à ceux de la 4G (1). Force est de constater que, depuis les débuts de la commercialisation de la 5G il y a plus de deux ans, les clients mobiles (forfaits ou prépayés) ne se précipitent pas. Selon les chiffres de l’Arcep publiés le 12 janvier dernier sur le troisième trimestre 2022 du marché des communications électroniques, le nombre de cartes SIM actives en 5G ne dépasse pas les 6,2 millions (2) – ne pesant que 7,5 % du parc de carte mobiles actives en France. Et bien loin des 69,7 millions de clients 4G.
Si la croissance trimestrielle d’un peu plus de 21,5 % observée au troisième trimestre s’est poursuivie au quatrième trimestre l’an dernier, selon l’hypothèse basse de Edition Multimédi@, la 5G terminerait l’année 2022 avec à peine plus de 7,5 millions de clients mobiles – pesant seulement 9% du parc mobile total. Et toujours très loin des quelques 70 millions d’abonnés 4G attendus à fin 2022. Même en prenant cette fois une hypothèse haute intégrant l’effet « cadeaux de Noël », la 5G devrait rester sous la barre des 10 millions de clients. Comme l’Arcep ne précise pas dans son observatoire des services mobiles les chiffres de la 5G (ni de la 4G ni de la 3G), il faudra attendre finalement non pas le 10 février mais le 6 avril prochain pour avoir la confirmation de cette tendance poussive. @

La veille informationnelle (panorama de presse, veille web, agrégateurs de flux, …) se démultiplie

Les contenus des médias sont de plus en plus utilisés par les entreprises et les organisations pour suivre l’actualité les concernant. Grâce au numérique, une multitude de prestataires de « panoramas de presse » leur offrent une veille informationnelle qui génèrent des revenus pour les éditeurs.

En 2022, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) – seul organisme en France à être mandaté par le ministère de la Culture pour percevoir et répartir les redevances au titre du droit de reproduction de la presse et du livre – a reversé aux auteurs et éditeurs adhérents 54,5 millions d’euros, soit une hausse de 5 %. Environ 40 % de ce montant, soit près de 22 millions d’euros, proviennent des copies numériques professionnelles effectuées sous forme de panoramas de presse, de prestations de veille et de copies numériques ponctuelles.

Veille classique versus veille web
Le CFC, que dirige Laura Boulet (photo) depuis novembre 2021, a signé à ce jour des contrats d’autorisation de veille avec 30 prestataires de veille informationnelle, que cela soit pour de la veille médias traditionnelle, audiovisuelle, documentaire, stratégique ou encore de la veille entièrement sur le Web.
« Ces contrats définissent les cadres de l’autorisation fournie, prévoient le versement de redevances destinées à rémunérer les titres de presse concernés ainsi que l’identification des publications utilisées et de leur volume. Ces autorisations permettent à ces acteurs de la veille de reproduire en toute légalité des contenus des publications de presse dont le CFC gère les droits, dans le cadre de leurs activités de veille et de sélection d’articles de presse à destination de leurs clients », explique l’organisme de gestion collective agréé par le ministère de la Culture depuis 1996.
Reste que les acteurs de cette veille informationnelle sont méconnus du grand public puisque leurs activités sont tournées vers les entreprises, les organisations et les administrations. Cette « veille BtoB » (1) est assurée par de nombreux prestataires, aussi divers que variés (voir graphique page suivante), dont certains sont en concurrence frontale comme les prestataires de veille média traditionnels versus les prestataires de la veille web – ces deux catégories d’acteurs ayant les mêmes clients : les directions de la communication et des relations presse des entreprises ou d’organisations.
• Pour la veille médias classique, les prestataires se nomment Onclusive (ex-Kantar Media), Cision (ex- L’Argus de la presse), Aday (ex-EDD), Explore (Explore Group), ou encore Synthèse & Médias. Ils fournissent à des entreprises clientes des copies d’articles le plus souvent au format PDF (mais aussi par e-mail, par un intranet ou un extranet) et notamment sous la forme de panoramas de presse.
• Pour la veille documentaire, les sociétés Factiva (filiale de l’américain Dow Jones) et LexisNexis (filiale de l’anglo-néerlandais Relx, anciennement Reed Elsevier) sont des acteurs historiques, aux côtés de Cision (Europresse) et Aday (ex-EDD). Ils mettent à disposition de leurs clients professionnels des contenus de presse agrégés dans leurs bases de données constituées le plus souvent sous le format XML (2).
• Pour la veille entièrement en ligne, il y a des acteurs tels que le norvégien Meltwater spécialisé dans la veille sociale (sur les réseaux sociaux), l’intelligence média (veille de la presse en ligne) et l’e-réputation (3), ou le britannique Access Intelligence (Isentia, Pulsar, ResponseSource, Vuelio), le new-yorkais Emplifi (ex- Astute-Socialbakers), ou encore l’indien Press Monitor. Ils fournissent des liens et des analyses pointant vers les articles de presse, notamment pour que les entreprises clientes puissent connaître les retombées médiatiques de leurs communiqués de presse.
• Pour la veille par les agrégateurs de flux RSS que sont ces formats de syndication simplifié (4), les éditeurs d’applications de visualisation de ces flux sont le français Netvibes (racheté par Dassault Systèmes en 2012), le suédois Feeder, le bulgare Inoreader et les américains Flipboard et Feedly. Ils proposent de consulter les flux à partir d’une application, d’un logiciel ou d’un module intégré à une messagerie, qui permettent de n’importe quel terminal connecté d’afficher et de consulter les flux d’actualité.

L’intelligence artificielle à la rescousse
• Pour la veille dite stratégique
, lorsqu’il s’agit de veille marketing et concurrentielle, les principaux fournisseurs de services sont les français Digimind (racheté en juillet 2012 par Onclusive/ex-Kantar Media), KB Crawl, Launchmetrics et Sindup (Netprestation).
Ils collectent toutes les informations tous azimut (presse en ligne, réseaux sociaux, bases de données, …). Ils « crawlent » le Web pour proposer à des directions d’entreprises (marketing, stratégie, R&D, …) du « market intelligence » basés sur l’intelligence artificielle (IA).
• Pour la veille « sociale », sur les réseaux sociaux, les prestataires de « social listening » s’appellent Linkluence (une société française intégrée au groupe Meltwater depuis 2021), Meltwater en tant que tel, et le luxembourgeois Talkwalker. Les réseaux sociaux sont leur principal terrain de jeu, mais ils s’intéressent de plus en plus à la presse en ligne.

592 éditeurs concernés en France
• Pour la veille issue des data brokers
, ces courtiers de données exploitant le Big Data, dont les sources sont à la fois privées et publiques. Le norvégien Opoint et l’israélien Webz.io prospèrent dans ce domaine. Leur clientèle se trouve aussi bien dans les entreprises que chez des prestataires de veille.
• Pour la veille de référencement naturel, ou SEO (Search Engine Optimization), les trois principaux acteurs sont le français Botify, l’américain Semrush et l’allemand Sistrix. Leur spécialité : proposer en général en mode SaaS la recherche de mots-clés et de données d’analyse (classement, volume, coût, …).
Tous ces prestataires présents en France sont tenus de fournir au CFC le nombre d’articles de presse, de programmes audiovisuels et d’émissions radiophoniques, ainsi que des liens diffusées ou stockés pour la veille web). Et ce : par publication, par chaîne, par radio et par client. « Ces déclarations permettent d’établir la facturation. Pour la veille média traditionnelle, elle est également fonction de la redevance par article définie par l’éditeur pour chacune de ses publications sur la grille tarifaire du CFC. Pour les autres types de veille, il s’agit d’une somme forfaitaire, par client et par prestation dans le cas de la veille web », indique le CFC sans dévoiler les grilles tarifaires.
Ils sont 592 éditeurs en France à bénéficier des versements de redevances destinées à rémunérer les titres de presse concernés en fonction de l’identification de leur(s) publication(s) sur un total atteignant aujourd’hui 2.793 titres de presse et programmes audiovisuels. Rien que pour la répartition des droits pour les copies numériques professionnelle, le CFC indique que « 63 % des titres concernés par cette répartition sont des publications françaises » et « ces dernières représentent 98 % du montant total des redevances réparties ». Les sommes sont reversées aux éditeurs et aux auteurs en deux temps chaque année : en avril pour les redevances perçues au cours du second semestre de l’année précédente, et en décembre pour celles collectées au cours du premier semestre de l’année en cours. Ainsi, au premier semestre 2022 par exemple pour lequel plus de 8 millions d’euros ont été distribués par le CFC au titre des copies numériques, 15 éditeurs ont reçu chacun plus de 100.000 euros, 115 éditeurs ont reçu entre 10.000 et 100.000 euros et 342 plus de 1.000 euros. Mais il reste beaucoup à faire pour que tous les contenus de presse utilisés dans la veille soient monétisés au profit des éditeurs. Par exemple, les robots de crawling qui aspirent les contenus se bousculent au portillon des sites web sans forcément payer leur écot.

Du crawling à la rediffusion de podcasts
Aussi, le CFC a commencé à déployer un « outil de régulation des robots de crawling » (ORRC), dont la seconde version a été déployées en 2022 sur une quinzaine de sites de presse en ligne (dont Le Monde, Le Figaro ou encore Challenges). Ce qui permet à 17 « crawlers » en France de respecter le droit d’auteur dans le cadre d’une licence. La veille s’étend en outre aux podcasts qui rencontrent un large succès sur les plateformes Spotify, Deezer, Apple Podcast, Google Podcast, Acast ou encore Auscha. Le CFC propose désormais aux éditeurs de presse un nouveau mandat pour englober les rediffusions de podcasts. @ Charles de Laubier