Chronologie des médias toujours contestée : Disney continue de faire pression sur la France

Après la réunion du 4 octobre organisée par le CNC sur la chronologie des médias, Disney a finalement décidé de sortir son nouveau film « Black Panther » dans les salles de cinéma en France. Comme Netflix, la major américaine veut une réforme des fenêtres de diffusion dès 2023.

(Depuis sa sortie dans les salles de cinéma en France le 9 novembre, le deuxième « Black Panther » de Disney domine toujours le box-office, comme aux Etats-Unis)

« Les pouvoirs publics [français] ont clairement reconnu la nécessité de moderniser la chronologie des médias et un calendrier précis a été arrêté pour en discuter, The Walt Disney Company a donc décidé de confirmer la sortie au cinéma de “Black Panther : Wakanda Forever”, le nouveau film de Marvel Studios, le 9 novembre prochain », a lancé le 17 octobre sur Twitter Hélène Etzi (photo), la présidente de Disney France. Et ce, au moment où les signataires de la chronologie des médias – dont la dernière mouture est datée du 24 janvier 2022 – ont commencé à se retrouver autour de la table des négociations et de ses bras de fer.

Disney appelle à une « co-exploitation »
« Comme nous l’avons déjà déclaré, la chronologie des médias actuelle n’est pas adaptée aux comportements et attentes des spectateurs ; elle est contre-productive et expose tous les producteurs et artistes à un risque accru de piratage », a-t-elle poursuivi, en déclarant vouloir « continuer de manière constructive aux réflexions et débats lors des prochaines réunions avec tous les acteurs de la filière, organisées sous l’égide du CNC (1), afin de définir dès février 2023 un nouveau cadre que nous souhaitons équitable, flexible et incitatif à la sortie des films en salles de cinéma » (2). Ce que la major presque centenaire du cinéma reproche à cette chronologie des médias à la française, c’est le fait que cette dernière lui impose de retirer un film de Disney+ en France au bout de cinq mois d’exploitation, laquelle intervient en tant que plateforme de SVOD du 17e au 22e mois après la sortie du film en salle de cinéma. Ce retrait intervient pour laisser la place aux chaînes de télévision en clair, dont la fenêtre s’ouvre du 22e au 36e mois après la sortie du film en salle de cinéma.
Pour la Walt Disney Company, cette interruption est inacceptable et demande au contraire qu’elle puisse continuer à exploiter le film en ligne simultanément avec les chaînes gratuites selon un mode de « co-exploitation ». Ce sujet a été au cœur des discussions de la réunion du 4 octobre organisée par le CNC dans le cadre de la renégociation de la chronologie des médias qui doit aboutir d’ici janvier 2023. Disney reproche donc à l’actuelle chronologie des médias de lui imposer le retrait d’un film de sa plateforme au profit des seules chaînes gratuites. C’est la raison pour laquelle la firme de Burbank – où se trouve son siège social, à dix minutes en voiture d’Hollywood – a fait savoir début juin qu’elle ne sortira finalement pas dans les salles de cinéma françaises son long métrage d’animation de Noël 2022, « Avalonia, l’étrange voyage », mais en exclusivité sur Disney+. Une situation unique au monde pour cette grosse production. Ce fut la douche froide pour les salles obscures françaises pour lesquelles un tel blockbuster hollywoodien, en plus déjà programmé par Disney (pour une sortie en France sur les écrans le 30 novembre 2022, maintenant annulée), représente un manque à gagner considérable de fin d’année. « Cette décision est la conséquence de la nouvelle chronologie des médias que The Walt Disney Company juge inéquitable, très contraignante et inadaptée aux attentes du public et à l’évolution des modes de consommation des films », avait justifié la firme américaine. Elle trouve « frustrante » la situation alors qu’elle estime soutenir le cinéma français avec ses sorties en salles, et investir de plus en plus dans la création originale française. La maison mère de Disney avait prévenu avant l’été qu’elle décidera « film par film (…) dans chaque pays ».
Cette déprogrammation d’« Avalonia » avait mis en colère la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) qui a accusé Disney de « porter atteinte gravement à l’économie des salles de cinéma [« instrumentalisées »] et du secteur tout entier » (3). Le film « Black Panther : Wakanda Forever » allait-il subir le même sort ? Depuis le 17 octobre, les exploitants de salles adeptes des Disney et des Marvel sont rassurés pour celui-ci. La FNCF n’a rien dit. La major américaine dispose en tout cas d’un fort moyen de pression dans les négociations en cours. Fin juin, devant l’Association des journalistes médias (AJM), Netflix avait aussi tiré à boulets rouges sur la chronologie française que la filiale française avait pourtant signée en janvier (4).

La ministre contre « un bloc de marbre figé »
La SACD (5), qui n’avait pas signé l’accord de janvier 2022 sur la chronologie des médias (6) en raison de sa durée de trois ans (jusqu’en février 2025) jugée trop longue au regard de l’évolution des usages numériques (7), a fustigé le 11 octobre les « effets paradoxaux et contre-productifs » de ces fenêtres de diffusion « premium » et « non-premium ». Pour la Scam (8), qui fait au contraire partie des signataires, il faut « déroger » plus souvent à la chronologie des médias. Quant à la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, elle a fait savoir le 18 octobre que cette chronologie « ne peut pas être un bloc de marbre figé »… @

Charles de Laubier

Entre marques et noms de domaine, le risque de conflit existe mais il peut être évité en amont

Le dépôt de marques et l’enregistrement de noms de domaines peuvent tourner à l’affrontement judiciaire ou extra-judiciaire depuis que l’Internet existe, notamment en cas de contrefaçon, de cybersquattage ou encore de typosquattage. L’antériorité n’est pas le seul critère à considérer. Etat des lieux.

Par Vanessa Bouchara*, avocate associée, cabinet Bouchara Avocats.

Un nom de domaine – cette adresse textuelle attribuée à une adresse IP – peut constituer une antériorité opposable à une marque puisque le code de la propriété intellectuelle prévoit qu’un nom de domaine, dont la portée n’est pas seulement locale, constitue une antériorité opposable à une marque s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public (1). Pour autant, la marque peut être enregistrée alors même qu’il existe un nom de domaine antérieur et qu’elle ne sera susceptible d’être annulée que si le titulaire du nom de domaine antérieur oppose ses droits.

Internet : premier arrivé, premier servi
Mais les noms de domaine et les marques font-ils bonménage ou se regardent-ils en chiens de faïence ? Rappelons qu’une marque est un signe déposé auprès d’un office de marque qui peut être l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi), l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (Euipo) ou l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi). Une marque doit être distinctive, ce qui signifie qu’elle doit permettre de distinguer les produits ou services proposés par une entreprise de ceux de ses concurrents, pour être protégeable. Elle permettra ainsi au consommateur d’identifier les produits ou services de la marque comme provenant justement d’elle. De nombreux signes peuvent être déposés et constituer une marque : une dénomination, des signes figuratifs (logo, dessin), des signes tridimensionnels, des couleurs, des sons, etc.
Quant au nom de domaine, il comprend un terme auquel est ajouté l’extension du nom de domaine qui peut être générique (.com, .org, .net, …) ou territoriale (.fr, .uk, .com, .cn, …). . Le nom de domaine, qui est associé – par un annuaire d’Internet (2) – à une adresse IP, permet aux internautes d’accéder à un site web spécifique. Le nom de domaine aura été enregistré auprès d’un bureau d’enregistrement accrédité (« registrar » en anglais), en fonction des règles applicables et de l’extension du nom de domaine concernée (3). Sous réserve d’être exploité, un nom de domaine peut constituer un signe distinctif, tout comme le sont les dénominations sociales. En tant que tel, il constitue alors un actif immatériel important pour son titulaire et dispose d’une valeur juridique dont il est important de comprendre la portée. Les noms de domaine sont en principe soumis à la règle du « premier arrivé, premier servi », sous réserve que le nom de domaine ne porte pas atteinte à des droits antérieurs de tiers. Il n’existera donc pas plusieurs noms identiques. Certaines extensions de domaine ont des règles d’attribution strictes. Par exemple, le .fr ne pourra être attribué qu’à une entité ou personne résidant dans l’Union européenne et ayant une existence légale en France.
Alors quid des risques entre l’enregistrement d’un nom de domaine et le dépôt d’une marque ? Tout d’abord, un nom de domaine ne doit pas porter atteinte à un droit antérieur de tiers et notamment à une marque antérieure, qu’il s’agisse notamment de « cybersquattage » (appelé aussi cybersquatting, à savoir l’enregistrement d’un signe distinctif comme une dénomination sociale ou une marque par un tiers souhaitant en tirer un profit) ou de « typosquattage » (appelé aussi typosquatting, à savoir l’enregistrement par un tiers d’un nom de domaine similaire à une marque, une enseigne, un nom patronymique ou encore un autre nom de domaine pour créer la confusion). Lorsqu’un nom de domaine porte atteinte à une marque antérieure, il peut être possible pour le titulaire de la marque d’engager des actions spécifiques de type UDRP (4) pour les litiges portant sur l’enregistrement et l’utilisation de noms de domaine de premier niveau (.com, .biz, .info, .mobi, .net, .org…) ou SYRELI (5) pour obtenir le transfert ou la suppression de noms de domaine (uniquement pour .fr). Ces actions extrajudiciaires ne sont toutefois pas disponibles pour toutes les extensions de noms de domaine. Quelles sont donc les règles applicables aux conflits entre ces deux droits, marques et noms de domaine ? Deux hypothèses se présentent en cas de litige selon l’antériorité de l’une ou de l’autre.

En cas de litige, deux hypothèses
• La première hypothèse est celle d’un nom de domaine antérieur à une marque. La jurisprudence a posé la règle selon laquelle un nom de domaine peut constituer un droit antérieur opposable à une marque dès lors qu’il est effectivement exploité et qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public susceptible d’affecter la fonction essentielle de la marque (6). En tout état de cause, si le nom de domaine est composé de signes descriptifs de son exploitation, il ne pourra pas être opposé à une marque elle-même descriptive, y compris si cette marque est bien postérieure à l’enregistrement et à l’exploitation du nom de domaine antérieur (7). Le code de la propriété intellectuelle (CPI) a par la suite intégré en 2019 le nom de domaine dans la liste des droits antérieurs opposables consacrée au nouvel article L711-3, dans le cadre de l’ordonnance « marques de produit et de services » (8).
Les exigences posées par la jurisprudence et l’article L711-3 du CPI pour qu’un nom de domaine constitue un droit opposable à une marque sont ainsi les suivantes : le nom de domaine doit être effectivement exploité ; le nom de domaine doit être exploité pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été déposée ; la portée du nom de domaine ne doit pas être seulement locale.

Action judiciaire ou extra-judiciaire
Ce n’est que lorsque ces trois conditions seront remplies que le titulaire d’un nom de domaine pourra alors opposer ses droits à une marque postérieure, qu’elle soit enregistrée ou en cours d’enregistrement.
En tout état de cause, il est vivement recommandé de procéder à une recherche d’antériorité préalablement à l’enregistrement d’une marque afin de s’assurer de la disponibilité du signe concerné, et notamment de l’absence de noms de domaine à risque.
• La seconde hypothèse est celle d’une marque antérieure à un nom de domaine. Les règles applicables aux conflits entre une marque antérieure et un nom de domaine connaissent de légères différences en fonction du type d’actions engagé. En effet, plusieurs types d’actions sont envisageables. Il y a notamment l’action judiciaire en contrefaçon devant les tribunaux. Il est établi depuis de nombreuses années que la reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constitue une contrefaçon de marque (9).
Toutefois, en vertu du principe de spécialité, l’atteinte à la marque (en l’occurrence l’acte de contrefaçon) ne sera constituée que si le nom de domaine postérieur est exploité, ou est susceptible d’être exploité, pour une activité identique ou similaire à celle couverte par la marque antérieure ainsi que sur le territoire concerné. Si cette condition est remplie, le titulaire de la marque pourra opposer ses droits sur le nom de domaine postérieur dans le cadre d’une action en contrefaçon devant les tribunaux. Cette action aura pour objectif d’obtenir la cessation de l’atteinte, mais également le transfert du nom de domaine au titulaire de la marque, ou encore la condamnation de la société titulaire et/ou exploitant le nom de domaine à des dommages et intérêts. Il y a aussi le mode alternatif de règlement des litiges relatifs aux noms de domaine. Selon l’extension des noms de domaine, il pourrait être possible d’engager une action extrajudiciaire simplifiée, le plus souvent une action UDRP ou SYRELI, afin d’obtenir le transfert ou l’annulation d’un nom de domaine enregistré portant atteinte à une marque antérieure. Ces actions simplifiées sont plus rapides et moins coûteuses qu’une action judiciaire. Le recours à de telles actions n’empêche pas les parties de saisir les tribunaux si besoin, notamment en appel de ces décisions si elles ne sont pas satisfaisantes. Pour avoir gain de cause dans le cadre de telles procédures, il est généralement nécessaire : de justifier de ses droits antérieurs ; de démontrer l’identité ou quasi identité entre la marque et le nom de domaine ; de convaincre que le titulaire du nom de domaine n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes à enregistrer et à exploiter le nom de domaine ; de prouver que le nom de domaine a été enregistré et est exploité de mauvaise foi par son titulaire. Un titulaire de nom de domaine pourra démontrer qu’il dispose de droits ou d’intérêts légitimes sur un nom de domaine, notamment s’il exploite le nom de domaine en relation avec une offre bona fide de biens ou de services (10) ou pour un usage non commercial sans intention de détourner les internautes ou de ternir la marque antérieure en cause (11).
L’enregistrement et l’exploitation de mauvaise foi d’un nom de domaine pourront par ailleurs être constitués lorsque son titulaire tente intentionnellement d’attirer, pour un gain financier, les internautes vers son propre site Internet ou le site d’un tiers, en créant un risque de confusion avec la marque antérieure en cause (12). En tout état de cause, il est recommandé d’enregistrer également un nom de domaine à titre de marque afin de renforcer la protection associée et les moyens d’actions à disposition du titulaire du nom de domaine en cas d’atteinte à ses droits par des tiers, mais également de réaliser une recherche d’antériorité préalablement à l’enregistrement du nom de domaine afin de s’assurer de la disponibilité du signe concerné.

Avant tout, prudence et précaution
En conclusion, les conflits entre marques et noms de domaine sont nombreux, dans un sens comme dans l’autre. La prudence est de mise avant de déposer un nom de domaine et de créer un site Internet : il est indispensable de s’assurer que ce nom de domaine, pour l’activité projetée, n’est pas susceptible de porter atteinte aux droits de tiers, plus particulièrement à des droits de marque. De la même manière, le dépôt d’une marque doit être précédé d’une recherche d’antériorités qui permettra d’établir si la marque est disponible et peut être librement déposée et exploitée. En s’entourant de précautions avant le lancement de son activité, on évite ainsi de la mettre en péril si des droits antérieurs lui étaient opposés ultérieurement. @

* Vanessa Bouchara, avocate et spécialiste en droit
de la propriété intellectuelle, a fondé le
cabinet Bouchara Avocats (www.cabinetbouchara.com).

Le marché mondial des métavers pourrait avoir à terme un impact économique bien réel

L’équipementier télécoms Ericsson a publié en octobre une étude voulant démontrer que « la 5G ouvre la voie au métavers ». Une étude d’Analysis Group, financée par Meta et parue en mai dernier, chiffre à 3.000 milliards de dollars l’apport des métavers au PIB Mondial d’ici 2031. Nouvel Eldorado ?

Les métavers font couler beaucoup d’encre, mais ils tardent à faire la preuve de leurs réelles perspectives économiques. Contribuerontils à hauteur de 3.000 milliards de dollars au produit intérieur brut (PIB) mondial d’ici le début de la prochaine décennie, comme le calcule Analysis Group dans son étude publiée au printemps dernier et financée par le groupe Meta (ex-Facebook) ? L’agence financière Bloomberg, elle, table sur un marché mondial du métavers de 800 milliards de dollars d’ici 2025. Entre les équipements (casques de réalité virtuelle en tête) et les dépenses dans ces mondes virtuels (dont la publicité), les perspectives sont dignes d’un « Eldorado 3.0 ».

La 5G, un catalyseur de métavers
De son côté, le suédois Ericsson a publié en octobre une étude intitulée « 5G : The Next Wave », présentée comme « la plus grande étude sur la 5G menée à ce jour auprès des consommateurs » (49.100 personnes interrogées dans 37 pays, représentatives de 430 millions d’utilisateurs de la 5G). Il en ressort que « l’adoption de la 5G ouvre la voie au métavers » et que « la transition des services immersifs vers des expériences métavers est en cours », les abonnés à la 5G faisant déjà leurs premiers pas dans ces mondes virtuels.
L’équipementier télécoms suédois, qui fournit bon nombre d’opérateurs de réseaux en infrastructure mobile (3G, 4G, 5G, …), constate que les utilisateurs de la 5G consacrent aujourd’hui en moyenne une heure de plus par semaine que les utilisateurs de la 4G à des activités liées aux métavers. Ils y pratiquent le jeu en ligne, la socialisation, le shopping, la participation à des concerts ou à des événements virtuels, ainsi que l’utilisation d’applications de réalité augmentée. « Les utilisateurs de la 5G pensent que d’ici 2025, 2 heures supplémentaires de contenu vidéo seront consommées chaque semaine sur les appareils mobiles, dont 1,5 heure sur les lunettes de réalité mixte plutôt que sur les smartphones », souligne le ConsumerLab d’Ericsson, dirigé par Jasmeet Sethi (photo de gauche), qui a réalisé ce sondage planétaire. Quant aux utilisateurs de la 4G, ils prévoient d’accroître leur « engagement », autrement dit les interactions, avec le métavers une fois qu’ils se seront abonnés à la 5G : 41 % indiquent qu’ils commenceront à utiliser ou à accroître leur utilisation de la réalité augmentée. « Globalement, six utilisateurs de smartphones sur dix pensent que la 5G est essentielle à la réalisation du métavers. La vitesse plus élevée, la fiabilité et le faible temps de latence de la 5G permettent aux utilisateurs de faire l’expérience de la XR [eXtended Reality] et d’autres activités », relève l’étude d’Ericsson. En France notamment, « 30 % des utilisateurs français déclarent qu’ils commenceront ou augmenteront l’utilisation d’applications de réalité augmentée dans le monde réel après avoir souscrit à la 5G ».
Autres enseignements de l’enquête mondiale : les utilisateurs de la 5G passent en moyenne 1 heure de plus par semaine dans les métavers que les utilisateurs de la 4G. Ces mondes virtuels existent dans les jeux en ligne et mobiles comme ceux de Roblox, Fortnite ou des jeux de réalité augmentée comme ceux de Niantic, mais aussi sur les plateformes de réalité virtuelle sociale ou les plateformes qui permettent aux utilisateurs de créer des expériences, de se socialiser, de vendre et d’acheter, de se divertir dans des environnements en 3D tels que Zepeto ou Ifland des groupes sud-coréens respectivement Naver et SK Telecom. « Les technologies telles que la VR [Virtual Reality], la AR [Augmented Reality], l’AI [Artificial Intelligence], la 5G, la blockchain, les NFT et bien d’autres sont toutes situées dans le monde des métavers et représentent une convergence et une mise à l’échelle de ces différents produits, services et visions en un seul ou plusieurs mondes en ligne interopérables », explique le ConsumerLab (1).

Les entreprises vont se « métaverser »
Les consommateurs s’attendent à ce que la 5G continue de pousser l’utilisation améliorée des vidéos au-delà du smartphone, à savoir sur les casques de réalité virtuelle et sur les lunettes connectées : en 2025, au moins 2 heures de contenu vidéo seront consommées chaque semaine sur les appareils mobiles, dont 1,5 heure sur les lunettes AR/VR (voir graphique page suivante). De son côté, le cabinet d’étude américain Gartner est lui aussi confiant en l’avenir du métavers : d’ici 2026, un quart des gens dans le monde passeront au moins 1 heure dans le métavers pour le travail, le shopping, l’éducation, l’interaction sociale et/ou le divertissement. La moitié des utilisateurs de la 5G qui utilisent déjà des services de réalité virtuelle (VR), constate Gartner, pensent que les applications de réalité augmentée (AR) passeront des smartphones aux casques XR d’ici deux ans, alors qu’un tiers seulement des utilisateurs de la 4G le pensent. « Les fournisseurs créent déjà des moyens pour les utilisateurs de reproduire leur vie dans le monde numérique. Qu’il s’agisse d’assister à des classes virtuelles, d’acheter des terrains numériques ou de construire des maisons virtuelles, ces activités se déroulent actuellement dans des environnements distincts. Ils finiront par se dérouler dans un environnement unique – le métavers – avec de multiples destinations », prévoit Marty Resnick (photo de droite), vice-président chez Gartner. Selon lui, comme aucun fournisseur unique possédera le métavers, il faut s’attendre à ce qu’il ait une économie virtuelle activée par les monnaies numériques (les cryptos) et les jetons non-fongibles (NFT). Cela sera aussi valable dans le monde des entreprises, qui pourront se réorganiser avec des espaces de travail immersifs dans des bureaux virtuels, d’autant que les deux années de confinements ou de restrictions sanitaires ont popularisé les visioconférences, les webinars ou encore les téléconsultations.

Lever les doutes persistants
Les entreprises n’auront pas besoin de créer leur propre infrastructure pour le faire parce que le métavers fournira le cadre. « D’ici 2026, 30 % des organisations dans le monde auront des produits et des services prêts pour le métavers », projette Marty Resnick (2). De quoi conforter Mark Zuckerberg, PDG cofondateur de Facebook – géant du Net devenu il y a un an Meta pour mieux embrasser la cause du métavers. Dans son étude d’une cinquantaine de pages (3) commanditée par Meta justement, le cabinet d’études américain Analysis Group évalue l’impact positif du métavers dans son ensemble à 2,8 % du PIB d’ici 2031. La région du monde qui en profitera le plus sera l’Asie-Pacifique (2,3 % du PIB), suivie des Etats-Unis (2,3 %), de l’Europe (1,7 %) et du Moyen-Orient/Afrique du Nord/Turquie (6,2 %). D’autres études tentent aussi de chiffer le futur du métavers : Grand View Research (4) prévoit près de 679 milliards de dollars en 2030 ; McKinsey (5) table sur 5.000 milliards de dollars en 2030 ; Fortune Business Insights (6) avance plus de 500 milliards de dollars en 2029.
Mais les freins aux déploiements des métavers existent, tels que leur impact carbone sur l’environnement (7). Quant aux Etats, ils ne veulent pas y perdre leur « souveraineté culturelle et technologique ». C’est du moins la volonté du gouvernement français qui a publié le 24 octobre un rapport « exploratoire » sur les métavers avec dix propositions (8), dont l’une est la création d’« un institut de recherche et coordination, sur le modèle de l’Ircam » (9).
Il y a aussi et surtout l’attentisme de la plupart des 4,5 milliards d’utilisateurs de réseaux sociaux dans le monde, notamment ceux de la jeune génération « TikTok », qui… attendent de voir. Résultat : les métavers d’aujourd’hui semblent déserts, au grand dam de « Zuck » et de son directeur du métavers, Vishal Shah (photo), lequel a envoyé le 20 septembre à ses propres équipes un memo – révélé le 7 octobre par The Verge – leur disant : « Tout le monde dans cette entreprise [Meta] devrait se donner pour mission de tomber amoureux d’Horizon Worlds [le métaversmaison, ndlr]. Vous ne pouvez pas le faire sans l’utiliser. Allez-y ! » (10). Y-a plus qu’à. @

Charles de Laubier

La presse adopte les aperçus News Showcase de Google, mais se détourne des pages AMP

Pendant que la filiale d’Alphabet propose le service Google News Showcase aux éditeurs de presse en ligne pour mettre en avant des aperçus de leurs contenus dans les résultats de recherches, le format AMP de Google pour accélérer les pages web est, lui, de plus en plus délaissé par les médias.

« AMP de Google : du dopage au sevrage ? ». Tel est le titre d’une nouvelle note d’éclairage publiée par Bercy, plus précisément par son Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN). Cette entité, qui intervient dans la régulation des plateformes numériques, est placée sous l’autorité conjointe des ministères du Numérique (1) et de la Culture – ce dernier ministère étant lui-même armé de la DGMIC (2). Ce n’est pas un hasard si Bercy a publié le 17 octobre son éclairage sur le format AMP (Accelerated Mobile Pages) qui perd progressivement de son intérêt pour les éditeurs de presse depuis son lancement par Google en 2015.

Le GNS attire ; le format AMP déçoit
Cette note du PEReN sur ce format contesté de navigation est ainsi parue deux jours avant le lancement en France du dispositif « Google News Showcase » (GNS) qui permet aux éditeurs de la presse « d’avoir plus d’options pour diffuser l’actualité et rediriger leurs lecteurs vers les articles complets sur leurs sites Internet ». C’est ainsi plus de 65 éditeurs représentant plus de 130 publications qui ont signé avec Google pour avoir « une visibilité supplémentaire » (Le Figaro), « une audience plus large » (Le Parisien), « une vitrine d’exposition de nos articles payants » (La Dépêche du Midi), « un partenariat qui prend en compte la forte valeur des contenus » (L’Equipe) ou encore « un canal supplémentaire » (L’Express). La plupart des éditeurs bénéficiaires représentent des titres dits d’information politique et générale qui sont membres de l’Apig (3). Son directeur général, Pierre Pétillault, indique à Edition Multimédi@ qu’« il n’y a pas que des membres de l’Alliance » puisque l’on retrouve aussi La Tribune, Le Courrier International ou encore L’Obs.
Et à la question de savoir si GNS remplace l’autre dispositif de mise en avant de contenus éditoriaux AMP et son AMP Stories, il nous a répondu : « Il n’y a pas de lien avec AMP, qui concerne l’affichage de contenus en intégralité uniquement sur mobile, alors que [GNS] propose de courts extraits sur tous les supports ». Leur point commun est d’avoir été rapidement adoptés par les médias : AMP a perdu de son attrait ; GNS tiendra-t-il ses promesses ? Annoncé le 19 octobre par Sébastien Missoffe (photo), directeur général de Google France, le «News Showcase » a été rendu opérationnel le lendemain sur Google Actualités (tout support sous Android, iOS et le Web) ainsi que sur Google Discover (sur mobile Android et iOS). Depuis, les utilisateurs peuvent voir apparaître de petites fenêtres dans les résultats de leurs recherches qui mettent en avant des contenus de journaux nationaux, régionaux ou locaux. Les éditeurs de presse gardent la main sur ces aperçus et sont rémunérés par Google en fonction du nombre d’article mis ainsi à disposition (prévu contractuellement).
Objectif de la presse : élargir son audience et attirer in fine les lecteurs vers un abonnement payant. « Dans le cadre de nos accords de licence avec les éditeurs concernés par Google News Showcase, nous rémunérons les éditeurs de presse participants pour qu’ils donnent aux lecteurs l’accès à une quantité limitée de leur contenu payant. Les lecteurs ont ainsi un aperçu des articles auxquels ils n’auraient normalement pas eu accès, ce qui leur permet d’en savoir plus sur le journal concerné et éventuellement de s’y abonner », a expliqué Sébastien Missoffe (4). Pour autant, le GNS reste bien dissocié de la rémunération des droits voisins de la presse, dont la collecte est assurée par ailleurs par la Société des droits voisin de la presse (DVP), organisme de gestion collective créé fin octobre 2021. En effet, l’Autorité de la concurrence avait remis en cause en juillet 2021 le premier accord-cadre entre Google et l’Apig (5). Car le programme de licence GNS de Google, dans sa version initiale, forçait quelque peu la main des éditeurs à y adhérer s’ils voulaient être rémunérés au titre des droits voisins. Depuis son lancement en octobre 2020, Google News Showcase a séduit 1.800 publications dans le monde (6).

AMP, plus que 10 % à 15 % de l’audience
De son côté, le format mobile AMP – contesté dès le début (par W3C, Twitter, Brave, DuckDuckGo, …) – semble condamné à terme d’après l’éclairage du PEReN (7). La décision prise par le géant du Net en avril 2021, de ne plus avantager les pages AMP dans le carrousel « A la Une » de la recherche du moteur Google (8), pousse de plus en plus de médias à abandonner ce format – à l’instar de francetvinfo.fr (France Télévisions et Radio France). De plus, malgré son ouverture fin novembre 2019, la gouvernance d’AMP reste contestée car trop sous l’emprise de Google. Pour l’heure, en France, l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM, ex-OJD), nous indique que Médiamétrie estime la part de ce format dans l’audience globale entre 10 % et 15 % selon le titre et la période. @

Charles de Laubier

Grâce au digital, la musique monétise plus sa sync

En fait. Le 26 octobre, Samsung a lancé avec TikTok un nouveau format musical baptisé StemDrop, qui permet aux utilisateurs du réseau social de s’approprier de courts extraits de 60 secondes pour leurs créations. Cet accord s’inscrit dans le sillage de la croissance de la « synchronisation numérique ».

En clair. Annoncé le 19 octobre, le nouveau format international StemDrop est opérationnel depuis le 26 octobre pour tous les utilisateurs disposant d’un compte TikTok dans huit pays européens, dont la France (1), ainsi qu’aux Etats-Unis. Ce sont des centaines de millions de tiktokeurs qui pourront « s’approprier » des extraits musicaux originaux de 60 secondes disponibles sur le réseau social du chinois ByteDance.
Cette initiative sans précédent, dont l’ambition est de « révolutionner la collaboration musicale, démocratiser la production de musique et offrir à tous les créateurs une plateforme inédite pour exposer leur talent au monde entier », se fait sous la houlette de la première major mondiale Universal Music et de la société de production britannique Syco Entertainment (fondée par Simon Cowell). « StemDrop offre aux créateurs de musique [artistes en herbe, émergents ou confirmés, ndlr] une occasion incroyable de collaborer avec les meilleurs auteur-compositeur du monde, à commencer par Max Martin, lauréat de cinq Grammy Awards », expliquent Samsung et TikTok (2). Les tiktokeurs auront accès aux « stems » (3), comprenez les éléments composant la chanson : batterie, basse, chant, etc. Le mixeur musical StemDrop permet alors à chaque créateur de produire sa propre version du morceau. Pour l’analyste Mark Mulligan, cet accord international préfigure ce vers quoi l’industrie musicale doit aller pour plus monétiser ses extraits musicaux sur les réseaux sociaux comme TikTok, Snap ou Intagram. Car cela relève du droit de « synchronisation numérique », en référence à la synchronisation traditionnelle – ou « sync » – qui désigne la licence pour utiliser un morceau de musique dans un film, une émission de télévision, une publicité, un jeu vidéo, un site web ou encore une bande-annonce. En 2021, d’après l’IFPI, les revenus de la sync dans le monde ont bondi de 22 % à 549 millions de dollars.
Avec la montée en puissance des médias sociaux musicaux dont TikTok et des plateformes vidéo comme YouTube (sans parler de la SVOD), Mark Mulligan estime que « l’industrie de la musique a besoin d’un nouveau format (…), qui ouvrira idéalement la voie à la monétisation métavers également ». Selon lui, un format de musique de 15 à 30 secondes pourrait être une solution (4), « mais ce serait probablement trop statique ». De nouveaux droits musicaux restent à inventer. @