Numérique soutenable : l’Arcep collecte les données

En fait. Le 6 mars, trois ministres ont reçu de l’Arcep et de l’Agence de la transition écologique (Ademe) leur étude prospective sur l’empreinte environnementale du numérique en France à l’horizon 2030 et 2050 (1). Une façon aussi de justifier la collecte des données environnementales auprès de tout l’écosystème.

En clair. Pendant que le gouvernement appelle à « un effort collective » pour réduire l’empreinte carbone du numérique, voire à « un changement radical » (dixit le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot), l’Arcep, elle, généralise la collecte des données environnementales auprès de tous les acteurs du numérique. Non seulement les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet – au premier rang desquels Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR – doivent montrer pattes blanches depuis un an pour tendre vers « un numérique soutenable », mais aussi – depuis cette année – les fabricants de terminaux (smartphones, ordinateurs, télés connectés, …), d’équipements (box, répéteur wifi, décodeur, prise CPL, …) et les centres de données (data center, cloud, hébergeur, …).
Ces derniers ont jusqu’au 31 mars prochain pour transmettre à l’Arcep leurs données environnementales : émissions de gaz à effet de serre, terres rares et métaux précieux utilisés, nombre de terminaux neufs et reconditionnés vendus, consommation électrique et énergétique, volumes d’eau consommés, etc. Les opérateurs télécoms, eux, ont commencé avec une première édition 2022 (2) avec trois catégories de données fournies à l’Arcep (émissions de gaz à effet de serre, énergie consommée, sort des téléphones mobiles). La deuxième édition, toujours limitée à Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR (données 2021), paraîtra au printemps prochain.
La troisième édition – prévue, elle, à la fin de cette année 2023 – portera sur les « telcos » (données 2022) mais aussi sur les autres acteurs de l’écosystème numérique. Cette quantité d’indicateurs à fournir au désormais « régulateur environnemental du numérique » est un vrai casse-tête annuel pour tous les professionnels, d’autant qu’ils ont l’obligation de fournir aux agents assermentés de l’Arcep ces informations et documents dès lors qu’ils concernent de près ou de loin « l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui-ci ». Et ce, sans pouvoir opposer le secret des affaires ni la confidentialité à l’Arcep (3), laquelle est dotée de ces nouveaux super-pouvoirs d’enquête depuis la loi « Chaize » du 23 décembre 2021 (4). Une décision dite « de collecte », prise par le régulateur le 22 novembre dernier (5), a précisé les données attendues. @

L’adtech Criteo, toujours 3e éditeur de logiciels français, va réaliser la moitié de son activité sans cookies

Société française de ciblage publicitaire sur Internet, fondée en 2005 (à Paris) et cotée depuis dix ans au Nasdaq (à New-York), Criteo accélère dans le « retail media » (publicité « personnalisée » au plus près des consommateurs), mettant fin aux cookies. L’adtech parisienne pourrait être la cible d’un acquéreur.

(Privacy International, ayant porté plainte en 2018 contre l’adtech, indique que la Cnil a auditionné le 16 mars Criteo qui risque une amende de 60 millions d’euros)

Le « retail media » est la nouvelle planche de salut de Criteo, le spécialiste français de la publicité ciblée et boostée à l’intelligence artificielle. En exploitant les quantités de données transactionnelles et commerciales (1) des internautes, que les marques et annonceurs veulent attirer avec des promotions et fidéliser, Criteo s’affranchit de plus en plus des cookies (2). Et ce, depuis que Google et Apple ont décidé de bannir ces mouchards pour préserver la vie privée de leurs utilisateurs (3). Il s’agit pour l’adtech parisienne devenue internationale de passer du seul re-ciblage publicitaire (retargeting) – nécessitant le dépôt controversé de cookies dans le navigateur du visiteur de sites web ou d’applications mobiles – à des solutions non-reciblées autour de sa plateforme Commerce Media. « Au cours de l’exercice 2022, nos solutions non-retargeting représentaient déjà près de 37 % de l’ensemble de nos activités (…), dont 47 % au quatrième trimestre de 2022. Nous investissons dans la croissance de ces solutions non reciblées et nous nous attendons à ce qu’elles représentent près de 50 % de l’ensemble de nos activités en 2023, y compris l’intégration d’Iponweb », indique la société cotée à la Bourse de New-York depuis 2013, dans son rapport financier 2022 publié le 24 février dernier. Iponweb est une adtech russo-britannique rivale rachetée en août 2022 pour 250 millions de dollars à son fondateur russe Boris Mouzykantskii, devenu architecte en chef de Criteo. Dernière acquisition en date que l’adtech française a annoncée le 7 mars : l’australien Brandcrush, lui aussi spécialiste du retail media.

Le « retail media » sans cookies fait recette
Sorte de marketing-direct en ligne, le retail media consiste à faire de la publicité en ligne personnalisée – voire de l’ultra-personnalisation – au plus près de l’acte d’achat des consommateurs sur les sites ou applis de e-commerce ou en magasins connectés, chez le détaillant ou à proximité. Ce nouveau canal publicitaire en pleine croissance permet aux marques, commerçants et sites web (de e-commerce et de média) de stimuler les ventes de produits, de services ou d’applications auprès du client ciblé – appelé « shopper » – en fonction de ses intérêts, de ses goûts et de ses emplettes. Les plateformes de e-commerce, les boutiques en lignes et les hypermarchés (comme E.Leclerc, Auchan, Boulanger ou Fnac Darty, clients de Criteo en France) deviennent ainsi des « médias commerciaux », qui, grâce à des adtech comme l’icône de la French Tech, peuvent monétiser leur inventaire publicitaire et augmenter leurs revenus.

Transformation de Criteo, avant vente ?
Le groupe Criteo, dirigé depuis trois ans et demi par la Nouvelle-zélandaise Megan Clarken (photo de Une) basée à Paris (4), surfe ainsi sur ce marché prometteur du retail media au sens large, qui devrait atteindre un potentiel mondial de 290 milliards de dollars en dépenses publicitaires d’ici 2025 (5). Rien qu’en France, sur 2022, les recettes publicitaires du retail media ont atteint 887 millions d’euros (6). Avec un bond annuel de 30 %, le milliard devrait être dépassé cette année sur ce segment dynamique du marché français de la publicité en ligne. Criteo, qui revendique plus de 22.000 clients (marques, détaillants, …) dans le monde, dont 37 % venant d’agences (publicitaires, marketing, …), poursuit sa transformation engagée en 2018 (7).
Considéré encore l’an dernier comme le troisième éditeur de logiciels français (8) – derrière Dassault Systèmes et Ubisoft –, la Big Tech française a publié le 8 février ses résultats pour l’exercice 2022 : 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires, en baisse de 11 % sur un an, pour un bénéfice net de 11 millions de dollars, en chute de 92 %. Entre la transformation de son modèle économique et le contexte économique international, Criteo traverse une passe difficile. Non seulement les solutions marketing classiques (notamment basées sur le retargeting et les cookies) ont vu leurs revenus baisser l’an dernier de -12 % à 1,7 milliard de dollars, mais aussi les solutions de retail marketing ont aussi reculé de -18 % à 202,3 millions de dollars. « Les revenus du retail media ont diminué de 21 % (…), en raison de l’incidence de la migration continue des clients vers la plateforme de la société [Commerce Media, ndlr] », explique la direction de Criteo dans son rapport d’activité.
En revanche, « la contribution du retail media [au résultat d’exploitation] a augmenté de 19 %, en raison de la vigueur soutenue du retail media onsite [à savoir les recettes publicitaires générées sur le propre site de e-commerce du commerçant détaillant, par opposition à l’”Internet ouvert” ou offsite, ndlr], de l’intégration de nouveaux clients et des effets de réseau croissants de la plateforme ». Criteo a l’ambition de tripler son activité retail media d’ici 2025. Quant au chiffre d’affaires de l’adtech Iponweb nouvellement intégrée, il n’a été consolidé que sur les trois derniers mois de l’année 2022 pour un montant de 52,1 millions de dollars (avant d’être entièrement consolidée sur 2023). Criteo employait au 31 décembre 2022 un effectif de 3.716 employés (41 % de femmes), dont 1.053 en France. Si le nombre de ces salariés a augmenté ces dernières années, une vague de licenciements ont eu lieu mi-février, selon des informations diffusées sur des réseaux sociaux et relayées par Thelayoff et Digiday. Certaines sources anonymes évoquent la suppression de jusqu’à 8 % des effectifs du groupe – ce qui reviendrait à près de 300 postes en moins – et même la fermeture du bureau dans le centre de Londres. « Nous ne sommes pas habilités à commenter cette actualité », a répondu une porte-parole à Edition Multimédi@. Criteo ne serait pas la première Big Tech à supprimer des emplois, d’autres l’ayant déjà fait depuis le début de l’année (Amazon, Meta/Facebook, Alphabet/Google, Twitter, Snap, Yahoo, …). L’ex-licorne française cofondée par Jean-Baptiste Rudelle, qui en fut le PDG (9) jusqu’au à sa passation de pouvoirs à Megan Clarken en février 2020, ne réduit-elle pas sa masse salariale afin de mieux se vendre ?
Ce n’est pas exclu, d’autant que l’agence Reuters a révélé le 7 février la mission confiée par Criteo à la banque Evercore pour trouver un repreneur (10), information non démentie. Ce n’est pas la première fois que l’adtech française est à vendre, l’agence Bloomberg en avait fait état en 2021. Sa capitalisation boursière est passée ces derniers temps sous la barre de 2 milliards de dollars, à 1,7 milliard (au 10 mars) – loin des 2,6 milliards de fin 2016. Au-delà de fonds d’investissement susceptibles d’être intéressés, des noms de repreneurs potentiels circulent tels que le canadien Shopify, les californiens Adobe et The Trade Desk, ou encore le français Publicis, lequel a déjà fait les acquisitions du texan Epsilon en 2019 et de l’australien CitrusAd en 2021, spécialisés dans le retail media. Criteo a d’ailleurs vu Carrefour le quitter l’an dernier pour rejoindre Publicis pour créer en 2023 « une joint-venture détenue à 51 % par Carrefour ». Mais Publicis n’est pas le plus grand rival de Criteo.

Un ex-Microsoft au conseil d’administration
Les GAFAM lui mènent la vie dure, ce qui a amené l’adtech française à obtenir en juin 2022 des engagements de Meta/Facebook devant l’Autorité de la concurrence, clôturant ainsi une procédure antitrust unique au monde (11). Sont aussi ses rivaux : The Trade Desk, Viant Technology, Magnite, PubMatic, voire Adobe, Oracle ou encore Salesforce. Lors de sa prochaine assemblée annuelle des actionnaires, prévue en juin, Criteo fera entrer dans son conseil d’administration (12) le Néerlandais Rik van der Kooi qui a passé 22 ans chez Microsoft, notamment pour en faire un géant mondial de la publicité en ligne. Il s’agit de faire de « Commerce Media » une plateforme mondiale. @

Charles de Laubier

 

La chronologie des médias est l’art du très difficile compromis sur fond de négociations perpétuelles

Proposés par le CNC, les deux avenants à l’actuelle chronologie des médias devraient être bientôt signés par les professionnels du cinéma, de la télévision et des plateformes vidéo. Le recours à des expérimentations fait avancer les négociations qui continueront au-delà de l’accord.

Par Anne-Marie Pecoraro, avocate associée, et Rodolphe Boissau, consultant, UGGC Avocats

Février 2023 marque un renouveau dans le droit de l’audiovisuel. Alors que le nouveau règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est entré en vigueur le 1er février dernier (1), c’est au tour de la chronologie des médias d’être visée par deux avant-projets d’avenants du CNC (2), pour lesquels une signature par les parties prenantes était espérée en février. Olivier Schrameck, ancien président du CSA (3) et conseiller d’Etat, s’est en outre vu confier début février une « mission de consultation juridique » par la SACD sur les fondements de la chronologie des médias.

Expérimentations et diminution des délais
Chef d’orchestre évitant la cacophonie d’une œuvre qui serait disponible sur tout support, la chronologie des médias vient rythmer le cycle d’exploitation d’une œuvre, clef de voûte d’une architecture particulière. Du grec kinema, le cinéma signifie le « mouvement » et du mouvement il y en a eu ces derniers temps dans le paysage audiovisuel français, avec l’arrivée de nouveaux acteurs et, donc, de nouvelles problématiques auxquelles la chronologie des médias tente de s’adapter au mieux afin de résister à l’épreuve du temps.
En effet, les plateformes de SVOD, Disney+ en fer de lance, se trouvent actuellement confrontées à un délai d’attente de 15 voire 17 mois afin de pouvoir exploiter une œuvre, et ce pour une durée de 7 à 5 mois seulement, puisqu’elles se voient contraintes de retirer l’œuvre de leur offre à l’ouverture de la fenêtre en exclusivité de la télévision en clair, ne pouvant dès lors plus exploiter l’œuvre pendant 14 mois. Pour répondre à ces difficultés, le CNC a choisi d’emprunter la voie de l’expérimentation, voie à laquelle l’audiovisuel fait la part belle. L’expérimentation constitue un outil de négociation, qui permet l’adoption plus facile d’une disposition dont les parties savent qu’elle est temporaire et réversible. Ainsi, les deux nouveaux avant-projets d’avenants réaménageant la chronologie des médias, proposés par le CNC fin janvier dernier, sont composés exclusivement d’expérimentations (4). En effet, comme l’a révélé Contexte (5), le CNC a dû revoir sa copie à la suite des contestations de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) et de Canal+. Et ce, après une première rédaction des deux avant-projets sur la base de propositions du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sévad), des chaînes gratuites et des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) payants (SVOD, VOD par abonnement). C’est à l’œuvre que l’on reconnaît l’artisan (6) : si les plateformes de TVOD (vidéo à la demande payante à l’acte) et SVOD gagnent un peu de terrain, celui-ci reste occupé par les salles et chaînes payantes de cinéma (7). Le premier projet émis par le CNC prévoit la création d’une fenêtre dite « premium » de téléchargement définitif (exploitation en TVOD) à l’expiration d’un délai dérogatoire de 3 mois après la date de sortie en salles, moyennant un prix plus élevé pour le consommateur. Le second projet émis par le CNC prévoit des expérimentations dans le cadre d’un accord de co-exploitation entre les plateformes de SVOD et les chaînes gratuites de télévision. L’expérimentation-phare consiste à prolonger de 2 mois la fenêtre d’exploitation en SVOD d’une œuvre produite en interne par des éditeurs de SMAd par abonnement (plateforme SVOD), avec un budget de plus de 25 millions d’euros et non préfinancée par un service de télévision en clair. Ceci répond aux critiques de plateformes comme Disney, à l’encontre de leur fenêtre trop courte. En contrepartie, les chaînes gratuites bénéficieront d’une fenêtre étanche de deux mois après la première diffusion de l’œuvre sur leur canal (8).
Ces expérimentations s’ajoutent à la longue liste des exceptions aux délais de principe, essence même de la chronologie des médias et marqueur topique de son origine négociée. Enfin, ces expérimentations sont prévues pour une durée de deux années qui suivent la date de signature des avenants, à la suite de quoi les parties prenantes devront décider de leur reconduction ou de leur modification.

Chronologie des médias, une histoire sans fin
Terreau d’expérimentations nouvelles, la chronologie des médias est le fruit de négociations perpétuelles. La règlementation est tenue de rattraper et de s’adapter à l’évolution des modes de consommation des œuvres, chaque nouveau mode bouleversant l’économie existante. Certes, le cinéma n’a pas dit son dernier mot, avec plus de 10 millions d’entrées pour le second volet d’« Avatar, la voie de l’eau ». Mais l’exigence pressante des consommateurs d’accéder rapidement à l’œuvre, catalysée par l’arrivée des plateformes et le piratage, appellent périodiquement des refontes de la chronologie des médias. Les plateformes – Netflix et Disney+ en tête – ont su rappeler qu’elles étaient en capacité de passer outre la chronologie par la voie du e-cinéma, qui consiste à sortir un film uniquement sur les plateformes, et non en salles (9), Disney se prévalant de représenter un quart des recettes des salles françaises par an.

« Chronologie chronophage » pour le CNC
Aussi, la diminution de moitié des délais d’attente pour l’exploitation d’une œuvre sur une plateforme SVOD est une des modifications notoires apportées par l’arrêté du 4 février 2022 portant extension de l’accord interprofessionnel pour le réaménagement de la chronologie des médias conclu le 24 janvier de la même année (10). Schématiquement, la version entrée en vigueur l’année dernière prévoit que les exploitants de salles de cinéma disposent d’un délai de 4 mois à compter de la date de sortie nationale pour exploiter l’œuvre cinématographique. Ensuite et sauf exception, cette exploitation s’organise actuellement, à compter de la date de sortie en salles de cinéma, à l’expiration des délais suivants (11) : 4 mois pour une exploitation sous forme de vidéogramme destiné à la vente ou à la location (DVD et Blu-ray) et TVOD ; 8 mois pour une exploitation sur les chaînes payantes de cinéma (type Canal+) ; 17 mois (Disney+) pour une exploitation sur les SMAd » ou 15 mois si un accord a été conclu (Netflix) ; 22 mois pour une exploitation sur les chaînes de télévision en clair, gratuites (type TF1, M6) et les chaînes payantes autres que de cinéma ; 30 mois pour une exploitation en SVOD avec accord d’obligation investissement ; 36 mois pour une exploitation en SVOD sans accord d’obligation investissement ainsi que pour un SMAd gratuit (type YouTube).
Du latin chronologia d’après le grec ancien kronos et logia, la chronologie est composée du temps et de la parole. Or depuis 2009, l’élaboration de la chronologie des médias sous l’égide du CNC est véritablement un temps de parole avec une place de choix faite à la négociation interprofessionnelle. Celle-ci va aboutir à un accord professionnel, rendu obligatoire par la procédure de l’arrêté d’extension, devenue courante en matière audiovisuelle. Ce renvoi substantiel aux accords professionnels est conforme aux dispositions de la directive européenne « Exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle » du 11 décembre 2007 et aux accords dits « de l’Elysée » (12) du 23 novembre 2007.
Ainsi, dans le processus d’élaboration de la chronologie des médias, les parties prenantes ne participent pas à course contre la montre, à la poursuite de la période d’exploitation la plus proche de la date de sortie en salles de l’œuvre, mais bien à une course de relais, dans laquelle les différents professionnels vont transiger sous les yeux de l’arbitre CNC. Comme le relève l’avis présenté le 17 novembre 2022 par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2023, la chronologie des médias – bien que « chronophage » pour le CNC – souligne « l’interdépendance des différentes parties » (13). Cette interdépendance va permettre de remplir les objectifs de la chronologie des médias qui sont de deux ordres. D’une part, il faut préserver la primauté de la salle de cinéma, considérée comme un lieu d’exposition essentiel d’un point de vue esthétique, social et économique. D’autre part, il faut stimuler le financement et le rayonnement de l’œuvre en additionnant les revenus.
Le critère pris en compte pour cette deuxième finalité est le mode de réception des œuvres par le public, complété par la notion de large public. L’on voit ici poindre les acteurs majoritaires, le cinéma d’abord, les chaînes de télévision et les plateformes ensuite. Leur interdépendance va donc mener à une forme d’auto-régulation par la négociation interprofessionnelle, dont l’accord en résultant sera étendu par arrêté (14). Ce nouveau mode de régulation fait florès dans le domaine audiovisuel, comme en témoignent les mécanismes d’extension d’accords collectifs sur la transparence des relations auteurs-producteurs ou encore sur la reddition des comptes, mais également dans le code de la propriété intellectuelle puisqu’on le retrouve par exemple dans le domaine de l’édition.
Afin d’encourager les négociations, le code du cinéma et de l’image animée ainsi que l’accord sur la chronologie des médias prévoient une clause de revoyure. Cela signifie que l’accord est conclu et peut être étendu pour une durée maximale de 36 mois (15). Par ailleurs, au bout de 12 mois suivant l’entrée en vigueur de l’accord, les parties conviennent de se rapprocher, sous la houlette du CNC, afin de dresser un premier bilan de son application. Enfin, au plus tard 12 mois avant l’échéance du présent accord, les parties conviennent de se rapprocher dans les mêmes conditions, pour convenir de sa reconduction ou de son adaptation aux évolutions du secteur (16).

Délais plus favorables aux « vertueux »
Les acteurs à la table des négociations – entreprise du secteur du cinéma, éditeur de services de médias audiovisuels à la demande, éditeur de services de télévision – vont donc être à la recherche d’un compromis entre leurs différents intérêts en présence. Deux garde-fous dans ces négociations en garantissent la pérennité.
D’abord, les principes de neutralité technologique (17) et de récompense des engagements vertueux de certains diffuseurs, lesquels se voient attribuer des délais plus favorables, accordés en fonction des obligations d’investissement dans la production audiovisuelle française. Ensuite, la présence du CNC qui veille à l’équilibre des négociations et tient la barre face au courroux de certains acteurs (18), alors que résonnent au loin les sirènes du day-and-date – sortie simultanée en salles et en VOD. @

 

Smartphones subventionnés par Bouygues, Orange et SFR : « concurrence déloyale » envers Free ?

Free Mobile a été le quatrième et dernier opérateur mobile à s’être lancé, en 2012, sur le marché français. Depuis il n’a cessé d’attaquer ses trois rivaux sur leurs pratiques de subvention de smartphones avec des forfaits de 12 ou 24 mois. Bouygues Telecom est le dernier à en faire les frais.

« Nous avons fait appel devant la Cour d’appel de Paris le soir même de la décision, le jeudi soir 9 février », indique à Edition Multimédi@ le groupe Bouygues Telecom, qui a été condamné ce jour-là par le tribunal de commerce de Paris à payer 308 millions d’euros de dommages et intérêts à Free Mobile pour « concurrence déloyale ». Edition Multimédi@ s’est procuré le jugement (1). En cause : la subvention de smartphones – offerts à prix réduit – dans le cadre d’un forfait avec l’engagement du client pour une durée de 24 mois.

Subvention ou crédit à la consommation ?
« Le tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement qui s’inscrit dans une série de contentieux lancés par Free Mobile à l’encontre de ses concurrents [non seulement Bouygues Telecom mais aussi Orange et SFR, ndlr], et de leurs offres groupant smartphones et forfaits mobiles, dites “avec subvention” », rappelle Bouygues Telecom qui « conteste ce jugement avec la plus grande vigueur et considère que ses offres groupées sont légales ». La filiale télécoms du groupe Bouygues conteste le fait qu’il doive verser à Free Mobile 308 millions d’euros de dommages et intérêts et que « l’exécution provisoire [soit] de droit » – c’est-à-dire que Bouygues Telecom doit immédiatement payer la somme à Free Mobile sans attendre le verdict en appel.
Bouygues Telecom estime d’ailleurs que ce jugement à exécution provisoire est « inexact s’agissant d’une procédure introduite avant le 1er janvier 2020 ». Sur ce point juridique, un décret daté du 11 décembre 2019 prévoit que l’exécution provisoire d’un jugement est de droit : le créancier peut recourir à l’exécution immédiate de la décision rendue. Cette nouvelle règle est énoncée à l’article 514 du code de procédure civile, mais il est précisé qu’elle ne s’applique que pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Or, dans cette affaire, c’est en octobre 2019 que Free Mobile a assigné Bouygues Telecom devant le tribunal de commerce de Paris. La filiale télécoms du groupe Iliad, présidé par Xavier Niel (photo) et premier actionnaire, a attaqué Bouygues Telecom sur le fondement de la « concurrence déloyale » en affirmant que « certaines de ses offres de téléphonie mobile associant un forfait téléphonique et l’acquisition d’un téléphone mobile constitueraient des opérations de crédit à la consommation et des pratiques trompeuses ». Free Mobile, qui est entré sur le marché français il y a onze ans en se démarquant de ses concurrents avec des offres sans engagement mais avec crédit à la consommation possible pour financer le smartphone, estime avoir subi un préjudice que le quatrième opérateur mobile a d’abord évalué à 612 millions d’euros. Bouygues Telecom précise dans son dernier rapport d’activité – le document d’enregistrement universel portant sur 2021 et publié fin mars 2022 – avait contesté la recevabilité ainsi que le bien-fondé de l’action de Free Mobile en formant « une demande reconven- tionnelle en dommages-intérêts à l’encontre de Free Mobile sur le fondement, d’une part, de l’abus de droit et, d’autre part, du dénigrement de ses offres, pour un montant de 1.576.000 euros ». Dans des conclusions déposées le 5 février 2021, Free Mobile avait actualisé ses demandes de dommages et intérêt, et porté celles-ci à 722 millions d’euros. Le jugement du 9 février n’a pas entièrement suivi la demande de Free Mobile sur ce point, puisque la condamnation de Bouygues Telecom porte sur moins de la moitié de la somme exigée.
Le tribunal a jugé que « les offres de Bouygues Telecom avaient pour objectif de lui conférer un avantage concurrentiel dans des conditions de concurrence déloyale ». Cette affaire concerne d’anciennes offres de Bouygues Telecom qui se dit sûr de son bon droit, à tel point qu’« aucun montant n’a été provisionné dans les derniers comptes arrêtés par Bouygues Telecom » (2). Ces offres groupées – smartphone à prix cassé en échange d’un engagement sur 24 mois – ont été commercialisées entre 2014 et 2021. La filiale télécoms de Bouygues a justifié devant le tribunal le prix plus élevé de ses forfaits de 24 mois intégrant un smartphone par l’accès à des services supplémentaires comme le kiosque presse ou la télévision.

« Bouygues Telecom a commis une faute »
Mais les juges ne l’ont pas entendu de cette oreille, estimant que « la décomposition du prix réellement payé sur 24 mois n’est pas portée à la connaissance des consommateurs qui ne sont pas mis en capacité, comme ils devraient l’être, de pouvoir apprécier ce qui leur est facturé au titre de l’abonnement ». Résultat : le tribunal a considéré que cette subvention de smartphone relevait plutôt d’une facilité de paiement qui peut être assimilée à la fourniture d’un crédit au sens de l’article L.311-1 du code de la consommation. Celui-ci considère comme une « opération de crédit (…) un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit, relevant du champ d’application du présent titre, sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire (…) ». Le jugement du 9 février en conclut que « Bouygues Telecom a commis une faute (…) en méconnaissant la législation applicable aux opérations de crédit ». C’est aussi le manque de transparence vis- à-vis du consommateur qui est épinglée.

« Opération de crédit » (Cassation, 2018)
Il y a près de cinq ans déjà, dans un arrêt daté du 7 mars 2018, la Cour de cassation a retenu le caractère « opération de crédit » d’un forfait « Carré » de SFR associé à un « prix Eco » où le consommateur pouvait, lors de la souscription de l’abonnement, opter pour l’acquisition à un prix « attractif », associée à un engagement d’abonnement « un peu plus cher chaque mois » jusqu’à son terme de 12 ou 24 mois.
Free Mobile, tout juste rentré sur le marché français de la téléphonie mobile, avait attaqué SFR dès 2012. « La Cour d’appel s’est prononcé par un motif radicalement inopérant et impropre à exclure la qualification de crédit à la consommation et a violé les articles 1382 du code civil et L 311-1, L 311-4, L 311-5, L 311-9, L 311-10, et L 311-11 du code de la consommation, interprétés à la lumière de la directive [européenne] 2008/48/CE du 23 avril 2008 », a notamment tranché la Cour de cassation (3). L’association UFC-Que Choisir avait pris acte de cet arrêt de la Cour de cassation qui allait dans le sens de la transparence pour les consommateurs. « Parlant de crédit déguisé, nous avons systématiquement demandé la transpa-rence sur ce type de contrat, notamment pour que soient distinguées, dans le forfait, la partie relevant du paiement du terminal (qu’il fasse ou non apparaître un taux d’intérêt, d’ailleurs), et celle correspondant à la prestation de services (appels, SMS, Internet). Au-delà de la transparence informative, cela aurait en outre une vertu majeure : que le paiement du terminal cesse une fois la période d’engagement passée ! », avait commenté en mars 2018 le président UFC-Que Choisir, Alain Bazot (4).
Car l’abonné mobile pouvait se retrouver sans le savoir à payer un surcoût pour son smartphone qui pouvait lui revenir jusqu’à 50 % plus cher. Après le procès de Free Mobile contre SFR en 2012 (tranché par la Cour de cassation en 2018), la filiale mobile du groupe de Xavier Niel a plus récemment – le 14 novembre 2022 – déposé une plainte contre la filiale télécoms du groupe de Patrick Drahi devant le tribunal de commerce de Paris pour contester, là encore, la subvention utilisée dans les offres mobiles de SFR vendues depuis 2017. Free Mobile affirme encore une fois que ces subventions constituaient une forme de crédit à la consommation et, à ce titre, SFR a mis en œuvre des pratiques déloyales non conformes à la réglementation du crédit à la consommation.
Dans son dernier état financier au 30 septembre 2022, le groupe Altice – maison mère de SFR – explique qu’« en raison du début du processus, la direction a déterminé qu’il est difficile d’estimer de façon fiable la probabilité de l’issue de cette affaire à ce moment- là et, par conséquent, aucune disposition n’a été reconnue en date du 30 septembre 2022 » (5).
Mais avant de relancer les hostilités avec Altice, Free Mobile avait attaqué en référé Orange en juin 2018 devant le tribunal de commerce de Paris – soit trois mois après l’arrêt de la Cour de cassation qui lui était favorable – visant, sur ce front aussi, à faire interdire certaines de ses offres de téléphonie mobile proposant des terminaux mobiles à prix attractifs accompagnés de formule d’abonnement au motif qu’elles seraient constitutives d’offres de crédit à la consommation. Dans son document d’enregistrement universel portant sur 2021 et publié en mai dernier, Orange précise ceci mais son dire s’il provisionne une somme au cas où : « L’instruction du dossier est en cours d’examen par les juges du fond. Le 16 octobre 2020, Iliad a pour la première fois évalué son préjudice à 790 millions d’euros ». Le groupe Iliad estime que « du pouvoir d’achat a été redonné en France suite au lancement de Free Mobile » mais que sa filiale mobile a été victime d’une « concurrence déloyale » par les pratiques de subvention de terminaux par Bouygues Telecom, Orange et SFR. Ces « comportements fautifs » lui aurait fait perdre 3 % de part de marché (6).

Free Mobile pratique le crédit depuis 2012
Depuis son lancement commercial le 10 janvier 2012, avec une offre « tout illimité » à 19,99 euros par mois (7) – sans engagement et hors combiné mobile (en espérant alors réitérer le succès du triple play à 29,90 euros lancé en 2002), Free Mobile n’a jamais subventionné les smartphones de ses clients. L’achat du smartphone est séparé du forfait. Le quatrième opérateur mobile propose en revanche d’acquérir le terminal à crédit sur 24 mois ou, depuis juillet 2021, en leasing via une offre dite « Flex » (8) sans taux de crédit. Mais pour être propriétaire du smartphone à l’échéance des 24 mois, l’abonné a le choix entre une « option d’achat », la « location » ou la résiliation. @

Charles de Laubier

Copié par les géants du Net, le réseau social audio Clubhouse persévère au bout de trois ans

En mars, cela fera trois ans que la société californienne Alpha Exploration Co a lancé le réseau social audio Clubhouse. Après avoir fait parler de lui, surtout en 2021, cette agora vocale est retombée dans l’oubli. Copiée par Facebook, Twitter, LinkedIn ou Spotify, l’appli tente de rebondir.

La pandémie de coronavirus et les confinements avaient fait de Clubhouse l’application vocale du moment, au point d’atteindre en juin 2021 un pic de 17 mil- lions d’utilisateurs actifs par mois. Deux mois plus tôt, Twitter faisait une offre de 4 milliards de dollars pour l’acquérir. C’est du moins sa valorisation à l’époque après une levée de fonds qui avait porté à 110 millions sa collecte auprès d’investisseurs, dont la société de capital-risque Andreessen Horowitz (1). Mais les discussions entre la licorne Alpha Exploration Co et l’oiseau bleu n’aboutirent pas.

Entre marteau (Big Tech) et enclume (Cnil)
Depuis, d’après la société d’analyse SensorTower, les installations de l’appli (sur Android ou iOS) ont chuté de plus de 80 % depuis son heure de gloire. Disruptif à ses débuts, Clubhouse a très vite été copié par Twitter avec « Spaces », Facebook avec « Live Audio Rooms », LinkedIn avec « Live Audio Events » ou encore Spotify avec « Live » (ex-Greenroom). Snapchat avait subi les conséquences de ce copiage, tout comme BeReal aujourd’hui. Clubhouse sera-t-il racheté par un géant du Net avant d’être fermé, à l’image de Periscope après son rachat en mars 2015 par Twitter ?
Alpha Exploration Co a dû aussi se battre en Europe. Les gendarmes des données personnelles et de la vie privée avaient mis sous surveillance Clubhouse. Cela a abouti en Italie à une amende de 2 millions d’euros infligée en décembre 2022 par la « Cnil » italienne, la GPDP, qui lui a reproché de « nombreuses violations : manque de transparence sur l’utilisation des données des utilisateurs et de leurs “amis” ; possibilité pour les utilisateurs de stocker et de partager des enregistrements audio sans le consentement des personnes enregistrées ; profilage et partage des informations sur les comptes sans qu’une base juridique correcte ne soit trouvée ; temps indéfini de conservation des enregistrements effectués par le réseau social pour lutter contre d’éventuels abus » (2). En France, la Cnil avait ouvert de son côté une enquête dès mars 2021 après avoir été saisie d’une plainte à l’encontre de Clubhouse qui était aussi la cible d’une pétition (3). « Les investigations sont désormais clôturées après plusieurs échanges avec la société [Alpha Exploration Co], indique la Cnil à Edition Multimédi@. Nous restons évidemment vigilants sur les traitements de données à caractère personnel qu’elle met en œuvre, en particulier en cas de nouvelles plaintes ». Pour tenter de se démarquer des Big Tech « copieuses », Clubhouse a fait de son mieux pour offrir une meilleure expérience audio en direct, en ajoutant des fonctionnalités comme le sous-titrage en temps réel et la diffusion audio de haute qualité. Il y a un an, a été ajoutée une messagerie instantanée – des chats – pour ceux qui veulent participer aux discussions mais sans prendre la parole. Cet « in-room chat » (écrits et/ou émoji en direct) permet à ceux qui ne se sentent pas à l’aise à l’oral de participer quand même – « parce que même sur Internet, le trac existe » (4). Clubhouse a aussi lancé Wave pour entamer des échanges plus rapidement autours de « petits moments intimes ou spéciaux » (5). Mais c’est surtout le lancement de Houses qui marque un tournant pour Clubhouse : chacun peut créer son propre « clubhouse » privé. Cette fonctionnalité fut annoncée par le cofondateur Paul Davison (photo de gauche) dans un tweet le 4 août 2022 : « Grande nouvelle 🙂 @clubhouse se divise… en plusieurs clubs. C’est une énorme évolution de l’application sur laquelle @rohanseth [Rohan Seth, l’autre cofondateur (photo de droite), ndlr], l’équipe et moi travaillons depuis des mois » (6).
Autrement dit, chaque utilisateur peut devenir l’administrateur où il instaure ses propres règles. Pour attirer les participants dans sa « maison », le « clubhouseur » dispose d’icônes pour indiquer les sujets (« topics ») abordés. La variété des thèmes a été étoffée depuis le 6 février dernier (7). C’est un change- ment stratégique d’Alpha Exploration Co, alors que – jusqu’au lancement de Houses – Clubhouse était un espace ouvert mais sur invitations seulement en fonction d’intérêts communs. Le réseau social devenu à la fois audio et textuel permet de créer des espaces privés avec des connaissances personnelles.

Des licenciements et des recrutements
Clubhouse se veut moins élitiste et plus démocratisé. Après être sorti d’abord sous iOS uniquement, l’appli a été rendue disponible seulement en mai 2021 sous Android (pourtant le système d’exploitation le plus répandu au monde), puis depuis janvier 2022 en version web (8). Ce changement de stratégie a amené la licorne à licencier du personnel, selon Bloomberg en juin dernier (9), dont la journaliste Nina Gregory qui était responsable de l’information et éditeurs média. Mais depuis, Alpha Exploration Co cherche toujours à recruter (10) mais des profils ingénieurs logiciel, « data scientist » et designers. @

Charles de Laubier