La presse adopte les aperçus News Showcase de Google, mais se détourne des pages AMP

Pendant que la filiale d’Alphabet propose le service Google News Showcase aux éditeurs de presse en ligne pour mettre en avant des aperçus de leurs contenus dans les résultats de recherches, le format AMP de Google pour accélérer les pages web est, lui, de plus en plus délaissé par les médias.

« AMP de Google : du dopage au sevrage ? ». Tel est le titre d’une nouvelle note d’éclairage publiée par Bercy, plus précisément par son Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN). Cette entité, qui intervient dans la régulation des plateformes numériques, est placée sous l’autorité conjointe des ministères du Numérique (1) et de la Culture – ce dernier ministère étant lui-même armé de la DGMIC (2). Ce n’est pas un hasard si Bercy a publié le 17 octobre son éclairage sur le format AMP (Accelerated Mobile Pages) qui perd progressivement de son intérêt pour les éditeurs de presse depuis son lancement par Google en 2015.

Le GNS attire ; le format AMP déçoit
Cette note du PEReN sur ce format contesté de navigation est ainsi parue deux jours avant le lancement en France du dispositif « Google News Showcase » (GNS) qui permet aux éditeurs de la presse « d’avoir plus d’options pour diffuser l’actualité et rediriger leurs lecteurs vers les articles complets sur leurs sites Internet ». C’est ainsi plus de 65 éditeurs représentant plus de 130 publications qui ont signé avec Google pour avoir « une visibilité supplémentaire » (Le Figaro), « une audience plus large » (Le Parisien), « une vitrine d’exposition de nos articles payants » (La Dépêche du Midi), « un partenariat qui prend en compte la forte valeur des contenus » (L’Equipe) ou encore « un canal supplémentaire » (L’Express). La plupart des éditeurs bénéficiaires représentent des titres dits d’information politique et générale qui sont membres de l’Apig (3). Son directeur général, Pierre Pétillault, indique à Edition Multimédi@ qu’« il n’y a pas que des membres de l’Alliance » puisque l’on retrouve aussi La Tribune, Le Courrier International ou encore L’Obs.
Et à la question de savoir si GNS remplace l’autre dispositif de mise en avant de contenus éditoriaux AMP et son AMP Stories, il nous a répondu : « Il n’y a pas de lien avec AMP, qui concerne l’affichage de contenus en intégralité uniquement sur mobile, alors que [GNS] propose de courts extraits sur tous les supports ». Leur point commun est d’avoir été rapidement adoptés par les médias : AMP a perdu de son attrait ; GNS tiendra-t-il ses promesses ? Annoncé le 19 octobre par Sébastien Missoffe (photo), directeur général de Google France, le «News Showcase » a été rendu opérationnel le lendemain sur Google Actualités (tout support sous Android, iOS et le Web) ainsi que sur Google Discover (sur mobile Android et iOS). Depuis, les utilisateurs peuvent voir apparaître de petites fenêtres dans les résultats de leurs recherches qui mettent en avant des contenus de journaux nationaux, régionaux ou locaux. Les éditeurs de presse gardent la main sur ces aperçus et sont rémunérés par Google en fonction du nombre d’article mis ainsi à disposition (prévu contractuellement).
Objectif de la presse : élargir son audience et attirer in fine les lecteurs vers un abonnement payant. « Dans le cadre de nos accords de licence avec les éditeurs concernés par Google News Showcase, nous rémunérons les éditeurs de presse participants pour qu’ils donnent aux lecteurs l’accès à une quantité limitée de leur contenu payant. Les lecteurs ont ainsi un aperçu des articles auxquels ils n’auraient normalement pas eu accès, ce qui leur permet d’en savoir plus sur le journal concerné et éventuellement de s’y abonner », a expliqué Sébastien Missoffe (4). Pour autant, le GNS reste bien dissocié de la rémunération des droits voisins de la presse, dont la collecte est assurée par ailleurs par la Société des droits voisin de la presse (DVP), organisme de gestion collective créé fin octobre 2021. En effet, l’Autorité de la concurrence avait remis en cause en juillet 2021 le premier accord-cadre entre Google et l’Apig (5). Car le programme de licence GNS de Google, dans sa version initiale, forçait quelque peu la main des éditeurs à y adhérer s’ils voulaient être rémunérés au titre des droits voisins. Depuis son lancement en octobre 2020, Google News Showcase a séduit 1.800 publications dans le monde (6).

AMP, plus que 10 % à 15 % de l’audience
De son côté, le format mobile AMP – contesté dès le début (par W3C, Twitter, Brave, DuckDuckGo, …) – semble condamné à terme d’après l’éclairage du PEReN (7). La décision prise par le géant du Net en avril 2021, de ne plus avantager les pages AMP dans le carrousel « A la Une » de la recherche du moteur Google (8), pousse de plus en plus de médias à abandonner ce format – à l’instar de francetvinfo.fr (France Télévisions et Radio France). De plus, malgré son ouverture fin novembre 2019, la gouvernance d’AMP reste contestée car trop sous l’emprise de Google. Pour l’heure, en France, l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM, ex-OJD), nous indique que Médiamétrie estime la part de ce format dans l’audience globale entre 10 % et 15 % selon le titre et la période. @

Charles de Laubier

Grâce au digital, la musique monétise plus sa sync

En fait. Le 26 octobre, Samsung a lancé avec TikTok un nouveau format musical baptisé StemDrop, qui permet aux utilisateurs du réseau social de s’approprier de courts extraits de 60 secondes pour leurs créations. Cet accord s’inscrit dans le sillage de la croissance de la « synchronisation numérique ».

En clair. Annoncé le 19 octobre, le nouveau format international StemDrop est opérationnel depuis le 26 octobre pour tous les utilisateurs disposant d’un compte TikTok dans huit pays européens, dont la France (1), ainsi qu’aux Etats-Unis. Ce sont des centaines de millions de tiktokeurs qui pourront « s’approprier » des extraits musicaux originaux de 60 secondes disponibles sur le réseau social du chinois ByteDance.
Cette initiative sans précédent, dont l’ambition est de « révolutionner la collaboration musicale, démocratiser la production de musique et offrir à tous les créateurs une plateforme inédite pour exposer leur talent au monde entier », se fait sous la houlette de la première major mondiale Universal Music et de la société de production britannique Syco Entertainment (fondée par Simon Cowell). « StemDrop offre aux créateurs de musique [artistes en herbe, émergents ou confirmés, ndlr] une occasion incroyable de collaborer avec les meilleurs auteur-compositeur du monde, à commencer par Max Martin, lauréat de cinq Grammy Awards », expliquent Samsung et TikTok (2). Les tiktokeurs auront accès aux « stems » (3), comprenez les éléments composant la chanson : batterie, basse, chant, etc. Le mixeur musical StemDrop permet alors à chaque créateur de produire sa propre version du morceau. Pour l’analyste Mark Mulligan, cet accord international préfigure ce vers quoi l’industrie musicale doit aller pour plus monétiser ses extraits musicaux sur les réseaux sociaux comme TikTok, Snap ou Intagram. Car cela relève du droit de « synchronisation numérique », en référence à la synchronisation traditionnelle – ou « sync » – qui désigne la licence pour utiliser un morceau de musique dans un film, une émission de télévision, une publicité, un jeu vidéo, un site web ou encore une bande-annonce. En 2021, d’après l’IFPI, les revenus de la sync dans le monde ont bondi de 22 % à 549 millions de dollars.
Avec la montée en puissance des médias sociaux musicaux dont TikTok et des plateformes vidéo comme YouTube (sans parler de la SVOD), Mark Mulligan estime que « l’industrie de la musique a besoin d’un nouveau format (…), qui ouvrira idéalement la voie à la monétisation métavers également ». Selon lui, un format de musique de 15 à 30 secondes pourrait être une solution (4), « mais ce serait probablement trop statique ». De nouveaux droits musicaux restent à inventer. @

Entre taxation et splinternet, le Web est en péril

En fait. Le 21 octobre, l’Ofcom, régulateur britannique des télécoms et de l’audiovisuel consulte jusqu’au 13 janvier 2023 en vue de définir dans un an de « nouvelles lignes directrices sur la neutralité du Net ». L’Europe, elle, songe à taxer les GAFAN. Par ailleurs, le « splinternet » menace aussi le Web ouvert.

En clair. Deux tendances menacent l’Internet ouvert, ce « réseau des réseaux » sur lequel fonctionne le Web depuis trente ans : d’un côté, la remise en cause du principe de neutralité du Net qui garantit la non-discrimination des contenus accessibles par les internautes ; de l’autre, le phénomène de la « splinternet » qui tend à accentuer la fragmentation de l’Internet sous les coups de butoirs de certains Etats à la souveraineté numérique exacerbée.
Sur le terrain de la neutralité de l’Internet, la dernière menace en date est venue de la Grande-Bretagne où son régulateur des télécoms et de l’audiovisuel – l’Ofcom – prévoit de publier d’ici un an de nouvelles directives sur la « Net Neutrality ». Il l’a fait savoir le 21 octobre en lançant jusqu’au 13 janvier 2023 une consultation publique sur ce sujet sensible. « Depuis que les règles actuelles ont été mises en place en 2016, il y a eu (…) une forte demande de capacité, l’émergence de plusieurs grands fournisseurs de contenu comme Netflix et Amazon Prime, et l’évolution de la technologie, dont la 5G », a expliqué Selina Chadha, directrice de la concurrence et des consommateurs à l’Ofcom, pour justifier cette révision à venir (1). De son côté, la Commission européenne s’apprête à lancer d’ici la fin du premier trimestre 2023 une vaste consultation publique sur notamment la question de savoir si elle doit accéder à la demande des opérateurs télécoms de taxer les GAFAN utilisant leur bande passante (2).
Sous le marteau, il y a aussi l’enclume : l’Internet est en outre menacé par ce que l’on appelle le « splinternet » (contraction de splintering et de Internet), néologisme qui désigne sa balkanisation, autrement dit sa fragmentation entre différentes parties du monde (Chine, Russie, Inde, Iran, Afghanistan, …). Le phénomène ne date pas d’hier mais il s’accélère. Le splinternet, qui va à l’opposé de l’internetting à l’origine du « réseau des réseaux », préoccupe plus l’Union européenne que les Etats-Unis.
Le Parlement européenne s’est penché sur ce risque « systémique » à travers un rapport que son service de recherche EPRS a commandité et publié le 11 juillet dernier. Dans ce document de 80 pages (3), la Commission européenne est appelée à « lutter contre la fragmentation d’Internet » par ses propositions législatives. En creux, l’abandon de la neutralité du Net serait un pas de plus vers le splinternet. @

Après le rejet de trois amendements taxant à 1,5 % le streaming musical pour financer le CNM, place à la mission « Bargeton »

L’UPFI la prône ; le Snep n’en veut pas ; des députés ont tenté de l’introduire en vain par trois amendements rejetés le 6 octobre dernier : la taxe de 1,5 % sur le streaming musical en faveur du Centre national de la musique (CNM) va refaire parler d’elle lors des auditions de la mission confiée au sénateur Julien Bargeton.

Une taxe sur le streaming musical de 1,5% sur la valeur ajoutée générée par les plateformes de musique en ligne. Telle était la proposition faite par des députés situés au centre et à gauche de l’échiquier politique, dans le cadre du projet de loi de finances 2023. Mais avant même l’ouverture des débats en séance publique le 10 octobre à l’Assemblée nationale (et jusqu’au 4 novembre), la commission des finances réunie le 6 octobre, a rejeté les trois amendements – un du centre et deux de gauche, déposés respectivement les 29 et 30 septembre. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak (« RAM »), n’a-t-elle pas assuré que le budget du Centre national de la musique (CNM) pour en 2023 est « suffisamment solide » ? Le CNM sera doté l’année prochaine de plus de 50 millions d’euros, grâce à la taxe sur les spectacles de variétés qui, d’après le projet de loi de finances 2023 déposé fin septembre, rapportera l’an prochain 25,7 millions d’euros (contre 35 millions en 2019, soit avant la pandémie).

Julien Bargeton missionné par décret d’Elisabeth Borne publié le 25 octobre
S’y ajouteront un financement garanti par l’Etat à hauteur de 26 millions d’euros et une contribution des sociétés de gestion collective (1) de quelque 1,5 million d’euros. Pour autant, la question de son financement se posera pour 2024 et les années suivantes. Or la pérennité du budget de cet établissement public à caractère industriel et commercial – placé sous la tutelle du ministre de la Culture – n’est pas assuré. D’où le débat qui divise la filière musicale sur le financement dans la durée du CNM, aux missions multiples depuis sa création le 1er janvier 2020 – et présidé depuis par Jean-Philippe Thiellay. A défaut d’avoir obtenu gain de cause avec ses trois amendements, l’opposition compte maintenant sur le sénateur de la majorité présidentielle Julien Bargeton (photo) qui vient d’être missionné – par décret publié le 25 octobre et signé par la Première ministre Elisabeth Borne – pour trouver d’ici le printemps 2023 un financement pérenne au CNM. L’une des vocations de ce CNM est de soutenir la filière dans sa diversité, un peu comme le fait le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pour la production cinématographique, audiovisuelle ou multimédia. Mais Continuer la lecture

Devenue en cinq ans la plus grande bourse mondiale de cryptomonnaies, Binance mise sur la France

Binance, numéro un mondial des plateformes d’échange de cryptomonnaies, s’est fait pirater début octobre. Le Sino-Canadien Changpeng Zhao, son PDG cofondateur devenu milliardaire, aurait sans doute rêvé meilleur événement pour les cinq ans de sa licorne. Qu’à cela ne tienne, il accélère et compte sur Paris.

Quand la plus grande plateforme mondiale d’échange de cryptomonnaies se fait pirater, en plus du krach des bitcoin, ether, ripple et autres dogecoin de cet été, cela n’augure rien de bon dans l’esprit du public pour l’avenir des monnaies numériques. Surtout qu’elles sont censées être sécurisées et certifiées par leur blockchain, ces réseaux décentralisés, cryptés et capables d’authentifier la détention et les échanges d’actifs numériques. Ainsi, Binance – le numéro un mondial de cette finance décentralisée (DeFi (1)) – s’est fait « hacker » dans la nuit du 6 au 7 octobre 2022. Le pirate a pu s’emparer de l’équivalent de 100 millions voire 110 millions de dollars sur le demimilliard de dollars que celui-ci comptait détourner en BNB (2), la cryptomonnaie de Binance. Celle-ci fonctionne sur la blockchain Binance Smart Chain (BSC) depuis septembre 2020, après avoir été lancée comme token sur Ethereum il y a cinq ans, au moment du démarrage de la plateforme d’échange de cryptomonnaies. Plus de peur que de mal pour cette licorne sans frontières – la start-up Binance n’est pas (encore) cotée mais elle est valorisée 300 milliards de dollars (3) – qui a réalisé l’an dernier plus de 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires (4).

Piratage de Binance : deux « exploits » inquiétants
La cyberattaque a été rapidement circonscrite par la « suspension temporaire » de la blockchain BSC et la faille identifiée sur « un pont à chaînes multiples » (5). La majorité des fonds ont été « gelés », mais l’hackeur s’est évaporé dans le cyberespace avec au moins 100 millions de dollars dérobés. « Le problème est maintenant maîtrisé. Nous nous excusons pour les désagréments et nous vous fournirons en conséquence d’autres mises à jour », a twitté le PDG de Binance, Changpeng Zhao (photo), le 7 octobre au petit matin (6). Cette déconvenue pour Binance laissera des traces, au-delà de la forte chute du cours du BNB qui fut au pire moment de – 7,5 % par rapport au niveau le plus haut du 6 octobre (7). Surtout que ce n’est pas la première fois que Binance se fait pirater : un précédent « exploit » (8) s’est produit en mai 2019, avec un vol de 7.000 bitcoins d’un montant à l’époque de 40 millions de dollars (9). De tels incidents font désordre pour la plus grande bourse de cryptomonnaies au monde en volume. Forte actuellement de ses 90 millions d’utilisateurs, la fintech des cryptos nourrit des ambitions planétaires sans précédent et son patron lance un véritable défi à tout la finance internationale.

Un total de 1 milliard d’investissements en 2022
Se surnommant « CZ », ce Sino-Canadien (né et ayant grandi en Chine avant d’avoir la nationalité canadienne) a cofondé Binance il y a cinq ans à Singapour avec Yi He (photo ci-contre) – aujourd’hui directrice marketing (CMO) et depuis début août en charge aussi de l’incubateur Binance Labs gérant 7,5 milliards de dollars d’actifs (10). Malgré les embûches, la crypto-exchange continue d’aller de l’avant pour conforter sa place de leader, loin devant son rival Coinbase (11), qui est, lui, coté à la Bourse de New-York, au Nasdaq. La licorne de CZ est devenue le fleuron du « capitalisme Web3 » et affiche déjà des pics d’activité impressionnants : jusqu’à 100 milliards de dollars échangés en 24 heures, soit jusqu’à 7.700 milliards dollars négociés sur une année ! De quoi donner le tournis, même aux plus aguerris du trading. Depuis 2018, CZ est milliardaire et aujourd’hui – à 45 ans depuis le 10 septembre – sa fortune atteint (au 14-10-22) 17,4 milliards de dollars (12).
Dans un entretien à l’agence Bloomberg (13), publié le 7 octobre, CZ affirme que Binance pourrait dépenser sur l’ensemble de l’année 2022 plus de 1milliard de dollars dans des acquisitions et des investissements. Le numéro un mondial de l’exchange de tokens veut faire des emplettes pour accroître ses activités dans la DeFi, les NFT, le métavers, les jeux vidéo ou encore le e-commerce. Or, depuis janvier, seulement 325 millions de dollars ont été dépensés dans quelque 67 projets. Si le milliard était atteint, cela représenterait sept fois les dépenses de l’année 2021. Et encore, cela ne prend pas en compte deux investissements très en vue : le plus important est le projet de participer à la prochaine acquisition de Twitter par Elon Musk, opération dans laquelle Binance prévoit d’injecter 500 milliards de dollars ; le second, déjà envisagé en février dernier mais reporté, consiste à investir 200 millions de dollars dans Forbes Media, l’éditeur américain du plus que centenaire magazine économique. Et ce, via une Spac (14) – sorte de « coquille vide » boursière permettant de lever des fonds en Bourse et baptisée Magnum Opus Acquisition.
La participation minoritaire dans Twitter pourrait se concrétiser dès que le patron de Tesla et de SpaceX aura jeté son dévolu sur la firme à l’oiseau bleu. Concernant Forbes Media et son projet d’introduction en Bourse accompagné par Binance, lequel apportait aussi son expertise dans les cryptomonnaie, la blockchain et le Web3 dans des contenus éditoriaux du célèbre titre (lu par 150 millions de personnes dans le monde), ce n’est que partie remise comme l’avait confirmé Forbes Media le 1er juin (15). Avec CoinMarketCap, le site web d’information de référence sur les cryptomonnaies et 543e site web le plus visité au monde avec 120 millions de visiteurs par mois (16), Binance a fait en avril 2020 sa première acquisition de taille. A qui le tour ? « Binance Labs gère actuellement des actifs pour un total de 7,5 milliards de dollars, ce qui en fait la plus grande société de capital de risque en cryptoactifs de l’industrie », déclare l’incubateur qui finance plus de 180 projets liés au Web décentralisé (blockchain) et à la crytographie. Autant de start-up dont certaines pourraient tomber dans son escarcelle. CZ se focalise notamment sur l’Europe et plus particulièrement sur la France où il a déclaré lors du Paris Blockchain Week Summit (PBWS) le 13 avril 2022 : « We love France » ! Il y a annoncé vouloir investir 100 millions d’euros en France justement, dans le cadre de son projet « Objectif Lune » (Moon Objective) lancé en novembre 2021, avec la bénédiction de Cédric O, alors secrétaire d’Etat chargé du Numérique, et le partenariat de l’incubateur de startup Station F créé par Xavier Niel (il y a cinq ans comme Binance). Et ce, au moment de la création de Binance France SAS domiciliée à Montrouge et présidée par David Prinçay. A l’instar de Binance US, l’entité distincte aux Etats-Unis (BAM Trading Services Inc., enregistrée dans le Delaware), la société française n’a pas de lien juridique avec Binance Asia Services (BAS) à Singapour. BAS a d’ailleurs dû fermer sa plateforme en février dans ce pays pour pivoter en hub de blockchain.
CZ avait indiqué au printemps qu’il avait choisi la France – à la crypto-régulation plus accueillante – comme « rampe de lancement pour l’Europe » et en faire de l’Hexagone « le coeur de la communauté crypto européenne ». CZ s’est ainsi « engag[é]à construire et soutenir un écosystème fort autour de la blockchain, du Web3 et des métavers » (17). Le mois suivant, le 4 mai dernier, Binance obtenait en France son statut de prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), véritable sésame délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF). De là à faire de Paris la domiciliation de son futur siège social (européen ou mondial) voire la place financière de sa cotation en Bourse envisagée, il n’y aurait qu’un pas.

Paris, tête de pont pour l’Europe voire le monde
La fintech du Web3 a franchi une étape supplémentaire durant la Binance Blockchain Week (BBW) qui s’est tenue à Paris mi-septembre dernier, où Changpeng Zhao a rencontré Jean-Noël Barrot, le nouveau ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications (18). « Nous avons aujourd’hui 150 personnes à Paris et nous prévoyons d’en embaucher environ 200 autres d’ici la fin de l’année », a indiqué le Sino-Canadien, plus francophile que jamais. Selon nos informations, un directeur général de Binance France pourrait être recruté d’ici la fin de l’année. Durant ce même BBW dans la capitale française, Binance s’est constitué un conseil mondial d’experts (Global Advisory Board), présidé par Max Baucus, ancien sénateur américain et ambassadeur en Chine. Le haut fonctionnaire français Bruno Bézard, ancien directeur du Trésor à Bercy, en est un des membres. Après le crypto-krach du marché des cryptos, surnommé « l’hiver crypto », Binance – adoubé par la France – veut montrer pattes blanches aux régulateurs financiers du monde entier. @

Charles de Laubier