La Société des droits voisins de la presse (DVP) peine à négocier avec les plateformes numériques

Créée il y a près de deux ans et épaulée par la Sacem et le CFC, la Société des droits voisins de la presse (DVP) – présidée par Jean-Marie Cavada – négocie difficilement avec une dizaine de plateformes numériques, dont Google, Meta, Microsoft, Twitter, LinkedIn ou Onclusive (ex-Kantar Media).

(Cet article a été publié dans EM@ n°304 du 24 juillet. Le 2 août, après d’autres médias, l’AFP a saisi la justice contre Twitter, rebaptisé X, pour refus de négocier)

Depuis sa création fin octobre 2021, il y a près de deux ans, la société de gestion collective des droits voisins de la presse DVP (dont la dénomination est Société des droits voisins de la presse) reste assez discrète sur l’état d’avancement de ses négociations avec une dizaine de grandes plateformes numériques. Il s’agit de tenter de trouver des accords de rémunération de la presse lorsque des articles en ligne sont exploités par ces plateformes. A ce jour, la Société DVP représente – au titre des droits voisins de la presse – 238 éditeurs et 46 agences de presse, soit plus de 624 publications de presse.

4 ans après la loi du 24 juillet 2019…
La Société DVP, présidée par Jean-Marie Cavada (photo), a en fait confié les négociations à deux organismes reconnus : la Sacem (1) pour les plateforme numériques dites B2C (orientées consommateurs) telles que Google, Meta, Microsoft, LinkedIn ou encore Twitter ; le CFC (2) pour les plateformes numériques dites B2B (orientées vers les entreprises et professionnels) telles que les prestataires de veille média comme Onclusive (ex-Kantar Media), Cision (ex- L’Argus de la presse) ou encore des crawlers (spécialistes scannant le Web pour leurs clients). La Sacem assure en outre la gestion de la société DVP, dont la directrice générale gérante est Caroline Bonin, la directrice juridique de la Sacem. Les négociations pour obtenir « une juste rémunération », et d’en obtenir le paiement, ont commencé à partir du printemps 2022, mais rien n’a filtré jusqu’à maintenant – les négociations avant tout accord d’autorisation étant soumises à une stricte règle de confidentialité.
« Une dizaine de négociations sont ainsi en cours, à des stades variés, notamment en raison de discussions juridiques complexes sur l’éligibilité au droit voisin de la presse de certaines publications, que les redevables du droit voisin contestent pour diminuer le montant de la rémunération à acquitter et que DVP défend, en application de la loi et dans l’esprit de la gestion collective », a signalé le 31 mai dernier la Société DVP à ses éditeurs membres (parmi lesquels Edition Multimédi@). Certaines négociations ont fait l’objet de plusieurs projets de contrats et offres financières, mais aucune n’a abouti à ce stade malgré des réunions hebdomadaires avec les plus importants acteurs du Net.

Pérennité et qualité des réseaux très haut débit en fibre optique : le texte de loi attend son heure

Le projet de loi « Chaize », visant à « assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique », est depuis début mai entre les mains de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Point d’étape. Par Marta Lahuerta Escolano, avocate of counsel, Jones Day Le 2 mai 2023, le Sénat a approuvé à l’unanimité, avec des modifications, lors de sa première lecture, la proposition de loi « Assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique », déposée par le sénateur Patrick Chaize le 19 juillet 2022. Cette proposition de loi attend d’être examinée à l’Assemblée nationale (1) où elle est entre les mains de la commission des affaires économiques. La fibre optique est devenue l’infrastructure privilégiée pour répondre à la demande croissante de connectivité à haut débit. Nombreux problèmes de raccordement Grâce à sa capacité à transmettre des données à des vitesses plus élevées et à gérer un trafic plus important que les technologies traditionnelles, la fibre optique offre des avantages significatifs. En 2022, le déploiement des réseaux FTTH (Fiber-To-The-Home) en France a progressé à un rythme soutenu, avec 4,8 millions de nouveaux locaux raccordés à la fibre (2). Le Plan France Très haut débit (3) a joué un rôle essentiel dans cette accélération, en favorisant le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire. L’objectif de ce plan est de garantir à chaque citoyen un bon débit pour tous (> 8 Mbits/s) d’ici 2020, le très haut débit (> 30 Mbits/s) d’ici 2022, et d’atteindre une généralisation de la fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH) d’ici 2025 (4). La réalisation de ces objectifs nécessite une collaboration et une mobilisation collective de tous les acteurs de l’industrie de la fibre optique, comprenant les donneurs d’ordres, les opérateurs d’infrastructure, les opérateurs commerciaux, les bureaux d’études et de contrôle, les installateurs (monteurs câbleurs, tireurs de fibre, raccordeurs, etc.), ainsi que les organismes de formation. Cependant, malgré les efforts déployés pour raccorder des millions de nouveaux locaux à la fibre, des défis subsistent. Certains secteurs géographiques demeurent insuffisamment couverts et la qualité des réseaux existants peut varier considérablement (5). L’Observatoire annuel de la satisfaction client, réalisé fin 2022 et publié par l’Autorité de régulation des commu-nications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) le 18 avril 2023, met en évidence que – parmi les principales raisons d’insatisfaction des clients – la qualité de service, notamment sur les réseaux fixes, arrive en tête. Elle est suivie des problèmes liés aux contrats et à la facturation, puis des difficultés rencontrées lors de la souscription et du raccordement (6). En France, le mode de raccordement dit « Stoc », pour « sous-traitance aux opérateurs commerciaux », a été mis en place pour accélérer le déploiement de la fibre optique. Il consiste en la sous-traitance par l’opérateur d’infrastructure au profit de l’opérateur commercial, du déploiement des derniers mètres de son réseau jusqu’à l’abonné (7). Cependant, rapporte le Sénat : depuis 2018 et en raison de l’accélération du déploiement de la fibre optique, des retours du terrain ont signalé de nombreux problèmes liés aux raccordements des utilisateurs finaux à la fibre optique. Ces problèmes incluent des débranchements injustifiés, des câbles emmêlés, et d’autres dysfonctionnements. L’exposé des motifs de la proposition de loi attribue ces problèmes à la pratique de la sous-traitance en cascade pour le rac-cordement final. Face à cette problématique, la filière télécoms a pris des mesures pour améliorer la qualité des raccordements. En 2020, une feuille de route a été adoptée, ce qui a conduit à l’élaboration d’un nouveau modèle de contrat de soustraitance appelé « contrat Stoc V2 ». De plus, les opérateurs se sont engagés à renforcer la qualité des interventions et à améliorer les contrôles, avec la mise en place du « contrat Stoc V3 » (8). Néanmoins, malgré ces efforts, le Sénat estime que les initiatives volontaires entreprises par les opérateurs n’ont pas permis d’atteindre les objectifs fixés. C’est dans ce contexte que la proposition de loi a été introduite, visant à garantir la qualité et la durabilité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en France. Les objectifs de la proposition de loi L’exposé des motifs de la proposition de loi établit clairement le ton et les fondements de la démarche législative : « La France est en pointe en Europe pour les déploiements, et les abonnés plébiscitent cette technologie en s’abonnant de façon massive. Mais cette réussite de transforme progressivement en échec essentiellement du fait du mode de raccordement des abonnés. Les derniers mètres, qui sont les premiers mètres vus de l’abonné, ruinent l’image du Plan France Très haut débit et sapent la résilience de ce réseau essentiel » (9). Etablir un cadre à la mise en oeuvre du raccordement final et clarifier la répartition des responsabilités, renforcer les contrôles sur la qualité du raccordement à la fibre optique et protéger les abonnés, sont les trois principaux objectifs de cette proposition de loi qui comporte cinq articles. Les mesures législatives envisagées Répartition des responsabilités L’article 1er de la proposition de loi stipule que toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final – en l’occurrence l’opérateur d’infrastructure – est responsable à l’égard de l’utilisateur final de la bonne réalisation du raccordement à un réseau de communications électroniques à très haut débit. Cette responsabilité s’applique indépendamment des modalités spécifiques de réalisation du raccordement. Effectivement, l’article 1er de la proposition de loi souligne la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure dans le choix du mode de réalisation des raccordements à la fibre optique sur son réseau. Il insiste également sur le rôle essentiel de l’opérateur d’infrastructure en tant que garant de la qualité des travaux réalisés. Conformément à l’article 3 de la proposition de loi, cette fois, l’opérateur d’infrastructure accorde la priorité à l’opérateur commercial pour réaliser le raccordement permettant de desservir l’utilisateur final. Cependant, cette délégation est soumise au strict respect des règles de l’art par l’opérateur commercial. En revanche, l’opérateur d’infrastructure continue d’effectuer : les raccordements longs ou complexes (qui seront définis par décret) dans les zones fibrées et les communes dans lesquelles le décommissionnement du réseau cuivre est engagé ; les raccordements effectués en cas de changement de fournisseur d’accès Internet par un abonné (article 3). En sa qualité de responsable de la bonne réalisation du raccordement final, l’opérateur d’infrastructure est tenu de mettre en place un guichet unique permettant aux utilisateurs finaux de signaler les problèmes de raccordement. L’opérateur d’infrastructure dispose d’un délai maximum de dix jours à partir de la réception de la notification via le guichet unique pour résoudre les difficultés signalées (article 1er). Qualité des raccordements Le raccordement devra se conformer à des exigences de qualité minimales qui seront déterminées par un décret, après consultation de l’Arcep. Les contrats et cahier des charges liant les opérateurs d’infrastructure, opérateurs commerciaux et sous-traitants devront les respecter et l’Arcep pourra imposer des sanctions en cas de manquement à ces exigences (article 4). Afin d’assurer le respect des exigences de qualité, les contrats de sous-traitance devront se conformer à un modèle de contrat établi par l’opérateur d’infrastructure. Ce modèle de contrat devra être soumis à l’Arcep et sera opposable aux usagers. En outre, tout intervenant chargé de réaliser un raccordement devra obtenir une labellisation conformément à un référentiel national. De plus, il devra remettre à l’utilisateur final un certificat de conformité, attestant que les travaux réalisés respectent le cahier des charges qui lui est imposé. Cela garantit que les travaux sont effectués selon les normes requises et fournit à l’utilisateur final une preuve tangible de la conformité des travaux réalisés (article 1er). En cas de défaut de qualité du raccordement, l’abonné aura le droit de demander réparation de son préjudice. Utilisation des deniers publics Dans les réseaux d’initiative publique (RIP) dans lesquels les collectivités territoriales déploient les réseaux via des contrats passés dans le cadre de la commande publique, la remise du certificat de conformité mentionné précédemment est une condition préalable au paiement de l’opérateur qui a réalisé le raccordement (article 2). Dans les RIP, sur demande de l’acheteur ou de l’autorité concédante, le cocontractant devra lui transmettre le calendrier hebdomadaire de réalisation des raccordements d’abonnés finaux dans un délai qui ne peut excéder quarante-huit heures. Droit des consommateurs L’article 5 de la proposition de loi renforce les droits des consommateurs en cas d’interruption prolongée du service d’accès à Internet, en établissant des pénalités à l’encontre du fournisseur d’accès à Internet (FAI). Selon cet article, en cas d’interruption du service d’accès à Internet pendant plus de vingt jours consécutifs, le consommateur aura le droit de résilier son contrat de service d’accès à Internet sans frais, à moins que le fournisseur ne démontre que l’interruption est directement imputable au consommateur. En cas d’interruption du service d’accès à Internet pendant plus de cinq jours consécutifs, le fournisseur est tenu de suspendre automatiquement toute demande de paiement adressée au consommateur. Cette suspension perdurera jusqu’à ce que le service d’accès à Internet soit rétabli de manière continue pendant au moins sept jours ou jusqu’à ce que le consom-mateur décide de résilier le service (article 5). A l’Assemblée nationale d’examiner le texte La proposition de loi doit maintenant être examinée par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, où elle a été transmise depuis début mai dernier. Les divers acteurs impliqués devront évaluer les modalités de mise en oeuvre des mesures prévues dans la proposition de loi et travailler en collaboration pour atteindre les objectifs fixés dans le Plan France Très haut débit. @

L’anonymat sur les réseaux sociaux n’existe pas, seule est pratiquée la pseudonymisation

A part pour certains geeks utilisant Tor, l’anonymat sur Internet n’existe quasiment pas – contrairement à une idée répandue. L’identification d’un internaute utilisant un pseudonyme se fait par son adresse IP et peut être ordonnée par un juge sur « réquisition judiciaire ». « L’anonymat sur les réseaux sociaux n’est plus une protection face à la justice », a lancé le procureur de la République de Créteil, Stéphane Hardouin, le 6 juillet dernier sur son compte professionnel LinkedIn, en montrant son communiqué expédié le même jour (1). Il annonce qu’un jeune homme âgé de 19 ans, ayant relayé de façon anonyme sur Twitter – après la mort de Nahel tué à bout portant par un policier le 27 juin 2023 à Nanterre et ayant suscité une forte émotion – un appel à attaquer le centre commercial « Créteil Soleil » et le tribunal judiciaire de Créteil, a été identifié avec l’aide de Twitter. Twitter, Snapchat, Instagram, TikTok, … Présumé innocent, il encourt en cas de culpabilité jusqu’à cinq ans de prison d’emprisonnement et 45.000 euros d’amendes. Son anonymat a été levé par Twitter sur réquisition judiciaire adressée le 1er juillet au réseau social à l’oiseau bleu. Accusé de « provocation publique et directe non suivie d’effet à commettre un crime ou un délit et complicité de dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui », le garçon majeur – domicilié dans le Val-de-Marne – a été interpellé le 6 juillet et placé en garde à vue au commissariat de Créteil. Après son tweet, il se trouve que le centre commercial « Créteil Soleil » était pris d’assaut le 30 juin (21 individus interpelés), puis dans la nuit du 2 au 3 juillet des barricades faites de poubelles était incendiées et des mortiers était tirés aux abords du tribunal judiciaire de Créteil. Son message a été repéré par Pharos, la « plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements » de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), au sein de la Police judiciaire. Pour la réquisition judiciaire adressée à Twitter, le procureur de Créteil, Stéphane Hardouin, fait référence dans son communiqué à la circulaire du garde des sceaux datée du 30 juin et signée par Eric Dupond-Moretti (photo), qui appelle notamment à « une réponse pénale ferme ». Le ministre de la Justice pointe notamment l’anonymat sur les réseaux sociaux qui peut être levé par un juge : « Il apparaît que de nombreuses exactions sont commises après avoir été coordonnées via les systèmes de diffusion de messages sur certains réseaux sociaux dits OTT pour “opérateurs de contournement” (Snapchat notamment). Il doit être rappelé que depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2021-650 du 25 mai 2021, les OTT sont considérés comme des opérateurs de communication électronique (…), au sens de l’article L.32 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Dès lors, ils sont tenus de répondre aux réquisitions judiciaires, car relevant des mêmes obligations que les opérateurs téléphoniques. Ils peuvent ainsi être requis au visa de l’urgence pour assurer une réponse rapide sur les éléments de nature à permettre d’identifier les auteurs de ces messages ». Dans la circulaire « Traitement judiciaire des violences urbaines » de quatre pages (2), émise par la Direction des affaires criminelles et des grâces à l’attention des procureurs et des présidents des tribunaux, le garde des sceaux leur demande de « veiller à retenir la qualification pénale adaptée aux faits perpétrés dans ce contexte et à procéder à une évaluation rapide et globale de la situation de manière à pouvoir apporter une réponse pénale ferme, systématique et rapide aux faits le justifiant ». Et d’ajouter : « Pour les mis en cause majeurs, la voie du défèrement aux fins de comparution immédiate ou à délai différé, ou le cas échéant, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, sera privilégiée pour répondre aux faits les plus graves ». Eric Dupond- Moretti a rappelé en outre que « les infractions commises par les mineurs engagent, en principe, la responsabilité civile de leurs parents ». Que cela soit dans la vraie vie ou sur les réseaux sociaux, nul n’est censé échapper aux sanctions pénales si la justice juge coupable l’individu ou l’internaute interpellé. Pseudonymisation et démocratie vont de pair Dans son rapport annuel 2022 – publié le 27 septembre – sur « les réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique » (3), le Conseil d’Etat a estimé que « les réseaux sociaux engendrent une désinhibition, souvent aggravée par l’anonymat, qui ouvre la voie à de nombreux actes malveillants ». Faut-il pour autant interdire l’utilisation de pseudonymes sur les réseaux sociaux ? Les sages du Palais-Royal se sont dits très réservés sur la suppression de l’anonymat qui n’est autre que de la pseudonymisation : « La possibilité de s’exprimer sous un autre nom que le sien, qui a toujours été admise dans la vie réelle, est, comme l’a d’ailleurs rappelé par exemple la Cnil (4), “une condition essentielle du fonctionnement des sociétés démocratiques” qui permet “l’exercice de plusieurs libertés fondamentales essentielles, en particulier la liberté d’information et le droit à la vie privée”. Elle peut faciliter la prise de parole de personnes qui craignent la discrimination ou souhaitent contester les positions acquises ». L’anonymat du Net est toute relative Le Conseil d’Etat estime en outre que « la suppression de l’anonymat, qui n’a été adoptée par aucune démocratie occidentale et n’est pas envisagée au sein de l’Union européenne, ne paraît pas constituer une solution raisonnable conforme à notre cadre juridique le plus fondamental ». Et contrairement aux détracteurs d’Internet et des réseaux sociaux, l’anonymat sur Internet n’existe pas en général. « Cette forme d’anonymat n’est que relative. Il est en effet relativement facile, en cas de nécessité, d’identifier une personne compte tenu des nombreuses traces numériques qu’elle laisse (adresse IP, données de géolocalisation, etc.). La LCEN [loi de 2004 pour la confiance dans l’écono-mie numérique, ndlr] prévoit l’obligation de fournir à la justice les adresses IP authentifiantes des auteurs de message haineux et plusieurs dispositifs normatifs, dont la directive dite “Police-Justice”, obligent les opérateurs à conserver de telles données : en pra-tique, les opérateurs répondent généralement sans difficulté aux réquisitions judiciaires pour communiquer l’adresse IP. Les obstacles rencontrés existent mais apparaissent finalement assez limités : la possibilité de s’exprimer sur Internet sans laisser aucune trace paraît donc à ce jour réservée aux “geeks” les plus aguerris [utilisant notamment le navigateur Tor garantissant l’anonymat de ses utilisateurs, ndlr] ». La pseudonymisation, comme le définit d’ailleurs l’article 4 paragraphe 5 du règlement général européen sur la protection des données (RGPD), est un traitement de données personnelles réalisé de manière à ce que l’on ne puisse plus attribuer les données à une personne physique identifiée sans information supplémentaire. « En pratique, rappellent les sages du Palais-Royal, la pseudonymisation consiste à remplacer les données directement identifiantes (nom, prénoms, etc.) d’un jeu de données par des données indirectement identifiantes (alias, numéro séquentiel, etc.). La pseudonymisation permet ainsi de traiter les données d’individus sans pouvoir identifier ceux-ci de façon directe. Contrairement à l’anonymisation, la pseudonymisation est une opération réversible : il est possible de retrouver l’identité d’une personne si l’on dispose d’informations supplémentaires ». Sans remettre en cause l’anonymat de l’expression, le Conseil d’Etat propose notamment la généralisation du recours aux solutions d’identité numérique et aux tiers de confiance. Et ce, notamment pour mieux protéger les mineurs, vérifier la majorité numérique – laquelle vient d’être fixée en France à 15 ans (5) – et de garantir la fiabilité des échanges sur les réseaux sociaux. La Cnil, présidée par Marie-Laure Denis (photo ci-contre), veut préserver l’anonymat. Y compris lorsque les sites pornographiques vérifient l’âge de leurs utilisateurs, sous le contrôle de l’Arcom. Pour cela, la Cnil préconise depuis juin 2021 le mécanisme de « double anonymat » (6) préféré à la carte d’identité. Ce mécanisme empêche, d’une part, le tiers de confiance d’identifier le site ou l’application de contenus pornographiques à l’origine d’une demande de vérification et, d’autre part, l’éditeur du site ou de l’application en question d’avoir accès aux données susceptibles d’identifier l’utilisateur (7). Quant au contrôle parental, il sera activé par défaut en France sur tous les terminaux à partir du 13 juillet 2024, selon le décret « Renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet » du 11 juillet paru 13 juillet (8). « Couper les réseaux sociaux » (Macron) « Quand les choses s’emballent pour un moment, [on peut] se dire : on se met peut-être en situation de les réguler ou de les couper », a lancé Emmanuel Macron de l’Elysée, le 4 juillet dernier, devant un parterre de 300 maires de communes touchées par les émeutes déclenchées par le meurtre du jeune Nahel. Face au tollé provoqué par ce propos digne d’un régime autoritaire à la Corée du Nord, à l’Iran ou à la Chine, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a dû rétropédaler en ne parlant plus que de « suspensions de fonctionnalités » comme la géolocalisation. Si couper les réseaux sociaux est faisable techniquement, avec l’aide des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), la décision de le faire risque d’être illégale au regard des libertés fondamentales qui fondent une démocratie. @

Charles de Laubier

Après les communs numériques et les télécoms, la CSNP va réfléchir aux « réseaux du XXIe siècle »

La Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), instance parlementaire en cheville avec Bercy, rendra en septembre, d’une part, des préconisations sur « les communs numériques », et, d’autre part, des conclusions sur « les télécoms ». Prochaines réflexions : « les réseaux du XXIe siècle ». Lors des 17es Assises du Très haut débit, organisées le 6 juillet à Paris, Mireille Clapot (photo), députée et présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), a fait état des travaux en cours de finalisation : des préconisations « vont être rendues prochainement » sur les communs numériques, dans le cadre d’une étude pilotée par Jeanne Bretécher, personnalité qualifiée auprès de la CSNP ; des conclusions « seront remises en septembre » sur les télécoms par le député Xavier Batut dans le cadre d’un avis de la CSNP. Services d’intérêt économique général Selon les informations de Edition Multimédi@, les préconisations sur les communs numériques, qui devaient être dévoilées en juillet, ont été décalées à septembre – « le temps de les valider avec toutes les parties prenantes », nous indique Jeanne Bretécher. Et Mireille Clapot envisage déjà la suite : « Lorsque ces travaux seront finis, je suggère que nous réfléchissions à l’étape d’après : les réseaux du XXIe siècle ». Sur les communs numériques, la CSNP adressera ses recommandations aux pouvoirs publics à la lumière de la toute première conférence qu’elle a organisée le 31 mai sur ce thème mal connu du grand public. Définition : « Les communs numériques sont des outils numériques produits par leurs communautés selon des règles qu’elles se fixent elles-mêmes. Les communs numériques s’appuient sur l’intelligence collective, la transparence, le partage des connaissances, pour se développer en opposition aux stratégies d’enfermement et de captation des données mises en place par les géants de la tech et certains Etats ». Au-delà des communs numériques les plus célèbres tels que Wikipedia, Linux, OpenStreetMap, Github, l’open-source (logiciel libre), les wikis ou encore les General Public License (GPL), les communs numériques se développent grâce à la collaboration internationale. Des initiatives publiques existent aussi comme l’Open Source Software Strategy (Commission européenne), GovStack (Allemagne, Lettonie et l’UIT), Digital Public Goods (Nations Unies), ou Société Numérique (France (1)). « Les communs numériques sont de formidables moteurs d’innovation, de transparence et de souveraineté. (…) Ils permettent de décentraliser les systèmes, lutter contre les cyberattaques et renforcer l’accès des citoyens aux données publiques », a souligné Mireille Clapot. Les communs numériques d’aujourd’hui sont nés avec les pionniers du Web, le World Wide Web créé en 1989 étant un commun historique de liens hypertextes donnant accès gratuitement à une mine d’informations. La gratuité sur Internet s’est d’ailleurs vite confrontée à ce que certains appellent « la tragédie des communs », à savoir que cette gratuité promise par le numérique s’arrête là où la marchandisation, le droit d’auteur (2) ou encore les développements propriétaires commencent. Le CNSP s’inspire des quatre propositions-clés formulées par un rapport européen initié par l’Ambassadeur pour le numérique, Henri Verdier, et rendu en juin 2022 à l’occasion de l’Assemblée numérique organisée lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Ce rapport intitulé « Vers une infrastructure numérique souveraine des biens communs » (3) et élaboré par dix-neuf Etats européens, dont la France (4), préconise : la création d’un guichet unique européen pour orienter les communautés vers les financements et aides publiques adéquats ; le lancement d’un appel à projet pour déployer rapidement une aide financière aux communs les plus stratégiques ; la création d’une fondation européenne pour les communs numériques, avec une gouvernance partagée entre les États, la Commission européenne et les communautés des communs numériques ; la mise en place du principe « communs numériques par défaut » dans le développement des outils numériques des administrations publiques. « Cependant, sans changement culturel sur la compréhension de la valeur ajoutée des communs, leur durabilité est menacée par un manque d’utilisation et de contribution », ont alerté les auteurs du rapport qui font référence à la Déclaration européenne sur les droits et principes numériques (5). La CSNP pourrait aller plus loin en préconisant, nous indique Jeanne Bretécher, d’inscrire les communs (notamment numériques) dans le concept européen de « services d’intérêt économique général » (SIEG) en vue de bénéficier d’aides publiques. Commun numérique et réseau commun ? Concernant cette fois l’avis sur les télécoms attendu aussi en septembre, le CSNP indique à Edition Multimédi@ qu’il n’évoquera pas les communs numériques. Ce que certains pourront regretter. Les conclusions du député Xavier Batut porteront sur le rôle de l’Arcep – dont l’ancien président Sébastien Soriano prônait les communs numériques dans les télécoms (6) –, la mutualisation, la péréquation ou encore l’Ifer (7). Nous y reviendrons. @

Charles de Laubier

Le gouvernement se prépare à réguler NFT et tokens

En fait. Le 18 juillet, l’Inspection générale des finances (IGF) – service interministériel de Bercy – a publié son rapport sur les cryptoactifs à vocation commerciale, dont les NFT utilisés dans l’art, les collections, les jeux vidéo ou encore les métavers. Elle conseille au gouvernement d’« adapter le cadre juridique ». En clair. « Si les pouvoirs publics souhaitent encourager le développement des jetons à vocation commerciale dans l’économie française, plusieurs problématiques doivent être traitées afin d’apporter davantage de sécurité juridique aux acteurs et de maîtriser les risques afférents », conseille l’Inspection générale des finances (IGF). Service interministériel rattaché à Bercy, l’IGF prépare les esprits à une régulation juridique et fiscale en France des jetons numériques (token, NFT, cryptoactifs). « Tout d’abord, la nature des droits associés aux jetons (qui font souvent office de bons donnant droit à un sous-jacent, comme l’accès à un service) doit être clairement établie et rendue publique lors de leur émission, dans un souci de protection des consommateurs », estiment les auteurs du rapport, lequel, avec ses annexes, ne fait pas moins de 336 pages (1). Alors que le règlement européen sur les marchés de cryptoactifs, dit MiCA (2), est entré en vigueur le 29 juin dernier et applicable entre le 30 juin 2024 et le 30 décembre 2024, tous les jetons ne sont pas concernés. Si les « security token » (jetons équivalents à des titres financiers) doivent faire l’objet d’un prospectus, et les cryptoactif « autres » (que les jetons se référant à un ou des actifs et les jetons de monnaie électronique), comme les jetons utilitaires, d’un libre blanc, certains jetons ne sont pas concernés par le MiCA. C’est le cas des utility tokens présentant certaines caractéristiques, des NFT, ainsi que des jetons qui ne sont pas admis à la négociation sur une place de marché centralisée et dont le volume d’émission est inférieur à 1 million d’euros par an. « La mission considère qu’un document contractuel explicitant les droits associés doit accompagner l’émission de ces jetons », préconise l’IGF. Ce document contractuel devra définir les droits et obligations incorporés comme sous-jacent dont bénéficie le porteur du jeton. Le rapport propose en outre de créer un statut spécifique pour les plateformes d’échange pair-à-pair comme OpenSea ou Rarible. D’un point de vue fiscal cette fois, le rapport relève que les jetons à vocation commerciale ne sont pas adaptés au régime conçu pour les actifs numériques par la loi Pacte (3). « Ils devraient être soumis au régime fiscal de leur sous-jacent, c’est-à-dire, la plupart du temps, le régime des biens meubles », suggère-t-il. Rapport à lire à tête reposée. @