Lutte contre le piratage sur Internet : après les mesures nationales, vers une harmonisation européenne ?

Bien que la réponse graduée – dont la France fut pionnière – inspire d’autres pays, son effet reste cantonné aux internautes. Pour la compléter, d’autres mesures de lutte contre le piratage et d’autorégulation sont mises en œuvres.
Il reste à harmoniser au niveau européen.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

En matière de lutte contre le téléchargement illicite, la France est précurseur dans la mise en place d’un système de réponse graduée. Même si l’idée de couper l’accès à l’Internet semble rétrospectivement inappropriée, l’envoi de messages de sensibilisation aux internautes, suivi d’une menace d’amende, semble avoir une influence bénéfique sur le comportement des internautes.

Affaire Google : cinq ans d’instruction, c’est trop !

En fait. Le 15 avril, soit plus de cinq ans après le début de l’instruction du dossier Google, la Commission européenne a enfin pris une décision : d’une part, elle l’accuse d’abus de position dominante avec son moteur de recherche et, d’autre part, engage une enquête sur son système d’exploitation Android.

En clair. A l’heure du Net, c’est une éternité. C’est le 23 février 2010 – il y a plus
de cinq ans – que Google faisait savoir pour la première fois que la Commission européenne examinait les plaintes de trois sociétés à son encontre. Il s’agissait de Foundem, site web britannique comparateur de prix, Ejustice, moteur de recherches juridiques français, et Ciao, site américain également de comparatifs de prix – ce dernier étant depuis 2008 propriété du groupe Microsoft, lequel opère le moteur de recherche alternatif Bing. Et c’est en novembre 2010 que l’enquête formelle est lancée : Google est alors soupçonné d’abus de position dominante sur le marché de la recherche en ligne (1). Il est reproché à la firme de Mountain View d’utiliser son algorithme de recherche pour rétrograder les sites web des plaignants dans les résultats du moteur et de favoriser ses propres services. Google, qui a ainsi le pouvoir d’évincer ses concurrents, a en effet lancé des sites verticaux dans le voyage, le shopping, la cartographie, la finance, ou encore le local.
Après avoir cofondé en 2008 l’organisation Icomp pour contester la suprématie du moteur Google, Microsoft a aussi rejoint fin 2010 une autre coalition anti-Google, FairSearch, constituée (2) par les sites web de voyage en ligne Expedia (Expedia.com, Hotwire, TripAdvisor), Farelogix, Kayak (SideStep) et Sabre (Travelocity). En septembre 2012, Oracle et Nokia ont rejoint FairSearch qui porte alors plainte contre Google pour, cette fois, concurrence déloyale avec son écosystème Android. Le système d’exploitation est proposé gratuitement aux opérateurs mobiles, ce qui constitue aux yeux des plaignants une pratique illégale de « prédation tarifaire » – avec en plus détournement de trafic.
Côté moteur de recherche, de nouvelles plaintes sont déposées en mai 2014 par 400 entreprises françaises et allemandes, lesquelles sont regroupées dans l’organisation Open Internet Project (OPI) créée à l’initiative de Lagardère (éditeur du comparateur
de prix LeGuide.com), CCM Benchmark ou encore Axel Springer. L’OIP demande le
« dégroupage » de Google (séparer son moteur de ses services), idée que reprendra
le Parlement européen en novembre 2014 dans une résolution non contraignante. Google, qui a moins de dix semaines maintenant pour répondre aux griefs de la Commission européenne, risque une amende pouvant dépasser 6 milliards d’euros. @

Radio France : le mal vient aussi du retard numérique

En fait. Le 16 avril fut le 29e et dernier jour de la grève historique de Radio France. Son PDG contesté Mathieu Gallet a présenté le 8 avril aux salariés son plan stratégique pour la Maison ronde. Le numérique peine à être au cœur de
ses ambitions, malgré les critiques de la Cour des comptes le 1er avril.

En clair. « Radio France n’a pas achevé sa mue numérique. Si une forte impulsion a été donnée dans ce domaine en 2011, de lourds investissements et l’intégration du numérique dans la définition des métiers restent à réaliser ». C’est en ces termes que
la Cour des comptes a notamment présenté le 1er avril dernier son rapport (1) très critique sur le « retard inquiétant » de la radio publique dans son développement digital. Le plan stratégique de Mathieu Gallet, qui préfigure le prochain contrat d’objectifs et de moyens sur cinq ans (COM 2015-2019), censé être signé par l’Etat, doit rectifier le tir. Entre 2011 et 2013, seulement 17,4 millions d’euros avaient été consacrés par la Maison ronde au numérique. L’ancien directeur des nouveaux médias et du Mouv’ à Radio France, Joël Ronez, avait expliqué à EM@ en octobre 2013 qu’environ 6,5 millions d’euros par an était consacrés à la direction des nouveaux médias, laquelle
fut créée en juillet 2011. Cela lui a permis de mettre à niveau les services en ligne de Radio France, de lancer les plateformes musicales novatrices RF8 et NouvOson, et
de se préparer à la radio filmée (2). Mais ce fut insuffisant. Des lacunes numériques
de la radio publiques demeurent.

Deux ans après son recentrage sur les médias et les contenus, la stratégie de Vivendi reste floue

Devenir « un groupe mondial, champion français des médias et des contenus ».
Tel est le leitmotiv de Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi. Après avoir cédé en 2014 ses actifs télécoms, le groupe désendetté dispose d’une trésorerie de 15 milliards d’euros. Après Dailymotion, quelles autres acquisitions ?

(Depuis la parution de cet article dans EM@ le lundi 20 avril, des rumeurs circulent sur l’intérêt supposé de Vivendi pour EuropaCorp en France et Mediaset en Italie)

L’idée d’un grand service public audiovisuel fait son chemin, pas seulement limité au numérique

En évoquant un peu trop vite fin 2013 l’idée d’ « un grand service public audiovisuel », le chef de l’Etat François Hollande était-il visionnaire ? Bien
que son propos ait été recadré sur le numérique, la question d’une fusion
entre France Télévisions et Radio France pour faire une BBC ou une RTBF
à la française reste posée – notamment par la Cour des comptes.

Par Charles de Laubier

François Hollande« D’autres mutations sont possibles. Par exemple, nous pourrions imaginer que France Télévisions et Radio France puissent rassembler leurs contenus dans un grand service public audiovisuel. Mais, là, je m’aventure peut-être et je préfère ne pas trancher (…) ». Oui, vous avez bien lu : un grand service public de l’audiovisuel !
Le président de la République, François Hollande (photo), avait lancé cette petite réflexion il y a seize mois maintenant, en prononçant son discours à l’occasion du cinquantenaire de la Maison de la Radio – le 17 décembre 2013.
Cette déclaration en faveur d’une fusion de France Télévisions et de Radio France, que l’on peut encore écouter en vidéo et que l’AFP avait aussitôt relayée dans une dépêche titrée « Hollande vante les mérites d‘“un grand service public” audiovisuel », n’avait pas manqué d’interloquer son auditoire et de troubler les dirigeants des groupes audiovisuels publics de l’époque.