Musique : le digital est désormais au cœur du Midem

En fait. Du 6 au 9 juin, s’est tenu le 51e Midem – Marché international du disque
et de l’édition musicale – organisé au Palais des Festivals à Cannes par Reed Midem, dont Alexandre Deniot (ex-Universal Music) est directeur depuis janvier 2017. Ce rendez-vous B2B est devenu « digital centric ».

En clair. Le numérique est devenu au fil des ans la première préoccupation de la filière musicale mondiale. Alors que le Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem) fête ses 50 ans cette année, les quelque 4.400 visiteurs professionnels de cette année – à qui ce grand rendez-vous international B2B est réservé – doivent désormais composer avec les différents écosystèmes digitaux. Selon la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), les ventes mondiales de musique ont enregistré une croissance record en 2016 pour atteindre 15,7 milliards de dollars
de chiffre d’affaires (+ 5,9 % sur un an).
C’est le dynamisme de la musique numérique en streaming (+ 60,4 %), et notamment des 112 millions d’abonnés payants dans le monde à une plateforme de streaming musical, qui est à l’origine de cette performance historique. Au total, et pour la première fois, la musique digitale pèse la moitié des ventes mondiales (soit 7,8 milliards de dollars en 2016, droits voisins compris) – dont la musique en streaming pesant 59 %
de cette moitié dématérialisée (1) (voir tableau p. 11). Ce n’est pas un hasard si le nouveau directeur du Midem est, depuis janvier dernier, un ancien directeur du développement en charge du digital chez Universal Music où il a passé quinze ans. Alexandre Deniot, c’est son nom, fut auparavant responsable de la division digitale
de la première major de la musique, tout en assurant le management de sa filiale spécialisée Universal Music On Line qui commercialise CD, DVD/Blu-ray, clips vidéo ainsi que les titres musicaux sur les plateformes en lignes et les applications mobiles.
Mais il est encore loin le temps où l’on verra un ex-dirigeant d’une plateforme numérique telle que Spotify, Apple Music, Deezer, YouTube ou encore Tidal devenir directeur de Midem… Ce grand rendez-vous est plus que jamais l’occasion pour les historiques de la filière musicale de dénoncer le value gap (transfert de valeur) qui, selon eux, handicape leur activité. L’IFPI estime que Spotify a reversé aux maisons
de disques 20 dollars par utilisateur en 2015, alors que YouTube a reversé moins
de 1 dollar pour chaque utilisateur de musique. Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) et ses homologues allemand (BVMI) et italien (FIMI) ont
appelé le 7 juin les politiques à « corriger » ce transfert de valeur (2). @

Les services OTT pèsent 10 % du monde digital

En fait. Le 6 juin, l’Idate – think tank européen spécialisé dans l’économie numérique, créé il y a 40 ans – a publié la 17e édition de son DigiWorld Yearbook sur l’état du monde digital. Les services Internet franchiront cette année les 10 % du marché mondial du numérique. Pour l’Europe, c’est déjà fait.

En clair. Lorsque François Schoeller (1934-2010) a créé en 1977 l’Idate (1), il était très loin de soupçonner que l’embryonnaire Internet de l’époque allait chambouler des pans entiers de l’économie et de la société. Quatre décennies après, l’Idate publie la nouvelle édition de son DigiWorld Yearbook qui montre la très forte dynamique des services Internet. Leur croissance mondiale en 2016 a été de 17,8 % sur un an (à 390 milliards d’euros), alors que les services télécoms peinent à croître de 1,5 % (à 1.204 milliards) et les services audiovisuels de 2,9 % (à 468 milliards). « Les revenus des services Internet comptent désormais pour près d’un cinquième du total du bloc [services et contenus télécoms, audiovisuels et Internet, ndlr], et contribuent aux deux tiers de sa croissance », souligne Didier Pouillot, directeur Télécoms à l’Idate. Internet tire d’autant plus la croissance du marché mondial de l’économie numérique que les services dits OTT (2) s’apprêtent à franchir pour la première fois cette année la barre symbolique des 10 % de l’ensemble des revenus numériques au niveau mondial – contre 9,2 %
en 2016. Ce seuil des 10 % vient d’être dépassé en Europe où ces services OTT ont généré 107.4 milliards d’euros en 2016 (voir tableaux p. 11). « Avec un éventail très disparate de services, le secteur Internet arrive toutefois progressivement à maturité. (…) Les internautes sont en effet friands de services offrant à la fois un confort accru et un gain financier par rapport à des services offline équivalents. C’est ce qui explique les développements très rapides de segments tels que le cloud computing (Salesforce), l’économie collaborative (autour d’Uber et Airbnb ou encore de Didi Chuxing en Chine) ou des contenus sur abonnement (avec notamment Netflix ou Spotify) », explique Vincent Bonneau, analyste Internet à l’Idate.
Internet absorbe en outre une part significative des revenus de la publicité, au detriment de la télévision (+ 0,8 % en 2016). «Les recettes publicitaires TV devraient continuer de pâtir de la croissance des usages en OTT, dont bénéficient en priorité les services de SVOD (+ 48,5 % en 2016) et plus modestement les services financés par la publicité (+37,8 %) », constate Florence Le Borgne, également analyste à l’Idate. D’ici 2025, les services Internet pourraient dépasser pour la première fois en valeur le marché des services télécoms (3). @

Le français Ubisoft, devenu premier éditeur mondial de jeux vidéo, continue de tenir tête à Vivendi

Voilà un « champion français », très en vue au salon E3 de Los Angeles, qui gagnerait à être cité en exemple. Le numéro 3 mondial des jeux vidéo, entreprise familiale fondée par les frères Guillemot il y a 30 ans, cultive son indépendance – face à Vivendi en embuscade. Le digital pèse maintenant plus de 50 % de ses revenus.

Le podium mondial des éditeurs de jeux vidéo compte deux américains, Activision Blizzard et Electronic Arts, tandis que le français Ubisoft les talonne sur la troisième marche. Mais si l’on prend les ventes physiques et digitales de jeux vidéo sur le premier trimestre de cette année 2017 pour consoles et ordinateur, Ubisoft revendique pour la première fois la plus haute marche de ce podium (1). C’est en tout cas la success story d’un « champion français » que le groupe Vivendi du Breton Vincent Bolloré tente depuis 2015 de faire sienne – en vain jusque-là (2). Car les cinq frères, Bretons eux-aussi, veulent garder à tout prix leur indépendance et repoussent les avances de cet actionnaire gênant qui est monté agressivement au capital pour détenir aujourd’hui plus de 25 % d’Ubisoft. Lorsque Vivendi atteindra le seuil de 30 %, l’heure de l’OPA hostile aura sonnée conformément aux règles boursières françaises – a priori dès cette année
selon certaines sources. Or, dans un entretien au quotidien canadien La Presse daté du 3 juin, le directeur général des opérations de Vivendi et PDG de Gameloft, Stéphane Roussel, a pour la première fois émis l’idée qu’aller plus loin dans le jeu vidéo pourrait se faire « soit avec Ubisoft, mais ça peut aussi être avec quelqu’un d’autre ». La résistance de Christian, Claude, Gérard, Michel et Yves Guillemot (photo), ce dernier étant le PDG du groupe et ses quatre frères directeurs généraux délégués, pourrait donc avoir raison des velléités d’abordage de Vincent Bolloré.

Bilan numérique et audiovisuel du quinquennat Hollande : limites de l’action publique

Ni la révolution numérique nécessaire à l’économie, ni la révolution audiovisuelle promise par François Hollande n’ont eu lieu. Ces occasions manquées montrent les limites de l’action publique française dans le numérique et l’audiovisuel, dans un contexte marqué par l’impératif sécuritaire.

Par Rémy Fekete, associé Jones Day

Seizième sur vingt-huit : tel est le décevant classement numérique de la France dans l’Union européenne selon l’indice DESI (Digital Economy and Society Index) de la Commission européenne pour 2017. Encore plus décevant est le déclin relatif de la France, qui figurait deux places plus haut en 2014 et 2015 de ce même indice. « La France est en dessous de la moyenne de l’UE pour l’intégration des technologies numériques par les entreprises, la connectivité et l’utilisation d’Internet par les particuliers », est-il constaté (1).

Comment Netflix a volé la vedette au 70e Festival de Cannes et s’est offert une pub mondiale gratuite

Pour ses vingt ans, Netflix s’est offert une tribune internationale à l’occasion
du Festival de Cannes en bousculant le monde du 7e Art et sa chronologie des médias. Le numéro un mondial de la SVOD, fort de plus de 100 millions d’abonnés, investit plus que jamais – y compris en Europe.

Le numéro un mondial de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) a réussi son coup : faire parler de
lui partout dans le monde – avant et pendant le 70e Festival de Cannes,
et sans financer une quelconque campagne de publicité. Netflix a simplement poussé jusque dans ses retranchements le monde du cinéma, notamment français, arc-bouté sur sa sacro-sainte chronologie des médias, laquelle régit la sortie des nouveaux films à partir de la salle obscure toujours prioritaire.