Réforme audiovisuelle : plutôt qu’un toilettage des textes actuels, une remise à plat s’impose

Comment faire peau neuve de la réglementation audiovisuelle française, alors que les textes législatifs et réglementaires se sont accumulés depuis plus de
30 ans au point d’être devenus illisibles et obsolètes ? S’inspirer du « service universel » des télécoms pourrait aider à revenir à l’essentiel.

Par Winston Maxwell et Alya Bloum, avocats, Hogan Lovells

User-Generated Video (UGV) : la directive SMA ne doit pas tuer ni la liberté d’expression ni la créativité

La nouvelle directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) vient
d’être promulguée au JOUE du 28 novembre. Mais, afin d’épargner la liberté d’expression et la créativité, la Commission européenne consulte encore en
vue de publier « le plus rapidement possible » des « lignes directrices ».

Le 14 novembre, les présidents respectifs du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne ont signé la nouvelle directive concernant « la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché ». Cette directive dite SMA (services de médias audiovisuels), qui fut définitivement adoptée le 6 novembre,
a été publiée le 28 novembre au Journal Officiel de l’Union européenne (JOUE). Ce texte communautaire – en français ici (1) – doit maintenant être obligatoirement transposé par les Etats membres « au plus tard le 19 septembre 2020 ».

Technicolor perd ses couleurs et échoue à mener à bien son plan stratégique « Drive 2020 »

Le groupe français Technicolor (ex-Thomson Multimedia), spécialiste des technologies de l’image et du son pour le cinéma, la télévision, les médias numériques et la maison connectée, a échoué dans son plan stratégique « Drive 2020 » lancé il y a plus de trois ans par son directeur général, Frédéric Rose.

Thomson (1893–1966), Thomson-Brandt (1966-1968), Thomson-CSF (1968-1983), Thomson (1983-1995), Thomson Multimedia (1995–2010) et aujourd’hui Technicolor (2010- 2019 ?). En 135 ans d’existence, c’est tout un pan entier de l’histoire des technologies de l’image et du son à la française (1) qui vacille malgré l’implication – jusqu’à la nationalisation (1982-1997) – de l’Etat français, encore aujourd’hui actionnaire via Bpifrance Participations et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à hauteur de 7,96 % du capital.

Radio en DAB+ : les grandes radios privées RTL, Europe 1, NRJ et RMC virent leur cuti sur la RNT

Après avoir tiré à boulets rouges sur la radio numérique terrestre (RNT) qu’ils estimaient trop coûteuse et non rentable, les grands groupes de radios privées (Lagardère/Europe 1, M6/RTL, Altice-NextRadioTV/RMC et NRJ) se portent candidats aux DAB+ national. Il était temps.

Pourquoi un tel revirement en faveur de la radio numérique terrestre (RNT) de la part de Lagardère Active (maison mère d’Europe 1), RTL (maintenant aux mains de M6), NextRadioTV (aujourd’hui propriété du groupe Altice) et NRJ Group (toujours détenu par la famille Baudecroux) ? Alors que ces grands groupes privés de radios avaient jusqu’alors voué aux gémonies cette innovation radiophonique, via notamment leur feu Le Bureau de la Radio qui les représentait.

Les vieux médias tentent aussi de séduire les jeunes

En fait. Le 23 novembre, les six groupes de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte, TV5 Monde et l’INA) ont lancé « Culture Primes », une coédition de vidéos pour les jeunes. Un nouveau média supplémentaire en direction des « Millennials », très convoités.

En clair. L’année 2018 aura été l’année des « Millennials », ces 15-35 ans des générations dites Y et Z tombés dans l’Internet et les mobiles lorsqu’ils étaient petits. Même les services publics de l’audiovisuel s’y mettent pour les attirer avec des vidéos courtes (une à quatre minutes) qu’ils affectionnent tout particulièrement et
« consomment » sans compter sur leurs réseaux sociaux favoris. « Culture Prime » leur promet entre douze et vingt-cinq vidéos chaque semaine, sur YouTube, Facebook et bientôt Snapchat. Et ce, gratuitement, mais les diffusions sont financées par la publicité vidéo. « Culture Prime, c’est un média social culturel 100 % vidéo » qui entend aller chercher son jeune public parmi les 80 millions d’abonnés sur Facebook et 35 millions sur Twitter que totalisent les six entreprises publiques.
Leur objectif : « Favoriser l’accès à la culture et à la connaissance au plus grand nombre ». Pour l’instant, Culture Prime compte quelque 8.000 abonnés sur Facebook. Culture Prime s’inspire d’ailleurs de « Brut », l’un des pionniers des médias vidéo
« 100 % réseaux sociaux » qui avait été lancé en septembre 2016 par Together Studio, la société du producteur télé Renaud Le Van Kim (ex-producteur du « Grand Journal » de Canal+), lequel a confié la vente de ses espaces publicités à… France Télévisions (1). Au-delà de la France où il compte près de 2 millions d’abonnés sur Facebook et près de 200.000 abonnés sur YouTube, Brut s’est « exporté » en ligne aux Etats-Unis, en Inde, au Royaume-Uni et même en Chine. Vivendi s’était bien aussi lancé à conquête des jeunes en lançant, du MipTV 2016, Studio+, « la première appli de séries courtes et premium » (2), mais le groupe de Bolloré veut y mettre un terme. En septembre 2017, la société de production audiovisuelle Elephant (Emmanuel Chain)
a lancé « Monkey » pour diffuser aussi des vidéos courtes auprès de la même jeune génération. Ce média vidéo est aujourd’hui suivi par un peu plus de 80.000 abonnés sur Facebook mais seulement 3.800 abonnés sur YouTube et 439 sur Snapchat. Il y a aussi Blackpills. Les nouveaux médias orientés Millennials ont aussi poussé comme des champignons au cours de l’année 2018. Ce fut en janvier au tour de Loopsider d’être lancé : 614.000 abonnés sur Facebook ou encore 18.100 followers sur Twitter. Disney a lancé l’été dernier « Oh My Disney », une application gratuite de vidéos courtes pour jeunes adultes. @